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Dans le monde, une multitude de langues officielles existent, mais dans le domaine de la recherche, une langue domine : l’anglais. Cette anglicisation de la recherche s’accompagne bien souvent d’une standardisation des méthodes, voire des contenus de la recherche. Cette uniformisation a pour effet pervers non seulement de diminuer la richesse de la recherche, en imposant un modèle dominant, mais aussi de dévaloriser, voire en venir à ignorer les efforts des chercheurs entrepris dans d’autres langues que l’anglais.

Cette prédominance linguistique peut en partie être expliquée par la difficulté du plurilinguisme et le manque de liens directs entre les différentes communautés (linguistiques) de chercheurs. Malgré le foisonnement et la richesse des recherches francophones, italophones, hispanophones, germanophones, etc., bien souvent la rencontre entre ces mondes non anglophones se fait en anglais. De ce manque de liens linguistiques directs entre les communautés nationales de recherche naît le paradoxe de l’autoentretien de l’attraction anglophone. En d’autres termes, le chercheur non anglophone se voit souvent amené à fournir lui-même les outils de sa domination linguistique.

Pour déjouer ce mécanisme, afin de bâtir un lien entre les communautés de chercheurs francophones et germanophones et de faire un premier pas vers une recherche plus diversifiée, l’objectif de ce numéro spécial est de donner un aperçu de la recherche germanophone - première langue maternelle en Europe - sur les thèmes de l’entrepreneuriat et de la PME. Mais l’allemand n’est pas seulement une des principales langues en Europe, l’espace germanophone connaît également une longue tradition dans les domaines de l’entrepreneuriat et de la PME (Schumpeter n’en est que l’exemple le plus cité).

Ce numéro spécial comporte deux parties : la première vise essentiellement à décrire l’état de la recherche en entrepreneuriat et en PME dans les pays germanophones. Les auteurs y exposent, entre autres, l’historique de la discipline et y décrivent les sujets les plus en vogue de ces dernières années. La seconde partie regroupe des articles qui ouvrent davantage de perspectives et proposent des voies prometteuses pour la recherche en entrepreneuriat et PME.

Ce numéro spécial a plusieurs visées : créer un lien entre des chercheurs non anglophones, ouvrir de nouvelles perspectives et favoriser les échanges. Il comporte les contributions, dont les résumés se situent ci-dessous, de plus d’une dizaine de chercheurs issus de divers pays.

Josef Mugler et Matthias Fink critiquent dans leur contribution la recherche germanophone en entrepreneuriat. Ils développent six constats sur les faiblesses de la recherche germanophone en entrepreneuriat et détectent les mécanismes néfastes qui permettent l’autoentretien de ces faiblesses. Finalement, ils proposent des pistes pour l’amélioration de cette recherche.

L’objectif de l’article « Développements récents de la recherche germanophone en entrepreneuriat et PME : une analyse des articles parus de 1997 à 2006 » de Thierry Voléry et de Katherine Gundolf est de faire un état des lieux de la recherche germanophone de ces 10 dernières années. À partir d’une étude des principales revues scientifiques germanophones en entrepreneuriat et PME, les auteurs tentent de répondre, entre autres, aux questions : Qui écrit ? Sur quels thèmes ? Quelles sont les méthodes utilisées ? Quel est le pourcentage des citations germanophones ?

Drefmar Grichnik et Rainer Harms nous présentent dans leur article intitulé « L’avenir de la recherche en entrepreneuriat en Allemagne : stratégies et principaux points thématiques » les résultats d’une enquête menée auprès des principaux acteurs académiques de la recherche en entrepreneuriat dans les pays germanophones. Ainsi, ils relèvent les thématiques actuellement importantes, ainsi que celles sur lesquelles les chercheurs parient à l’avenir.

À partir d’une analyse de textes issus des principaux journaux allemands, Leona Achtenhagen et Friederike Welter découvrent dans « Le discours entrepreneurial dans les journaux allemands: “Esprit entrepreneurial, montre-toi” » ce que représente l’« esprit entrepreneurial » en Allemagne. En examinant l’évolution du discours entre 1997-2003, elles nous proposent leurs interprétations au regard du contexte germanique et présentent leurs préconisations.

Dans « L’approche néo-institutionnelle et ses implications dans le management des relations avec les stakeholders en phase start-up », Dietmar Roessl, Matthias Fink et Sascha Kraus nous offrent une analyse de la relation entre le créateur d’entreprise et les parties prenantes (stakeholders). Dans ce contexte particulier de création, l’incertitude est forte et souvent les mécanismes de coordination traditionnels (marché et hiérarchie) ne suffisent pas à expliquer l’engagement des stakeholders dans un tel projet. Dans cet article, les auteurs nous exposent leur approche pour résoudre cette problématique d’incertitude.

Dans leur article sur la diffusion d’idées commerciales, Alexander Nicolai et Jantje Halberstadt nous proposent un programme de recherche à la frontière entre deux disciplines : l’entrepreneuriat et la recherche sur la diffusion. Ils nous expliquent comment les stratégies d’imitation ont pu gagner du terrain ces dernières décennies et pourquoi la recherche traditionnelle en entrepreneuriat néglige largement ce phénomène.

Les rédacteurs invités,

Katherine Gundolf

Sascha Kraus