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Ce livre synthétise la pensée de Chouraqui à partir des principales étapes de sa vie. Rencontré à Jérusalem par une petite équipe d’« Homme de Parole », sous la direction d’Alain Michel, l’ancien conseiller de Ben Gourion et maire adjoint de Jérusalem essaie de répondre, dans ce livre-testament, aux grandes questions de l’heure.

L’A. — dont la réputation n’est plus à faire puisqu’il a écrit plus de soixante ouvrages — se présente comme l’homme de l’Alliance. Après une courte introduction qui nous fait pénétrer dans l’univers de son enfance, de ses études et de ses nombreux voyages, il campe vite son sujet : les enseignements qui nous sont révélés dans les saints Écrits lui semblent plus que jamais d’actualité. Les sociétés, dans lesquelles nous vivons, ne nous permettent plus d’ignorer notre prochain. Le contact permanent avec l’Autre ne laisse plus de place au repli sur soi. Le monde moderne nous enjoint l’absolue nécessité de sortir de nos ghettos : l’universalité est la condition de notre survivance.

Pour l’A., toutes les rivalités naissent de la confusion. Ce faisant, il entreprend de faire la genèse des conflits actuels du monde moderne. Fidèle à lui-même, Chouraqui commence par faire l’histoire de son peuple et à montrer la mission prophétique inscrite au coeur de son histoire. Porté par le Dieu-sans-nom, celui qu’on ne peut nommer, il nous invite à entrer dans la mouvance des conflits qui ont tissé l’histoire d’Israël et celle des peuples qui entourent cette petite terre perdue dans le Moyen-Orient. Il s’attarde tout particulièrement à montrer l’origine de la haine alimentée entre Israéliens et Palestiniens et invite, en ces temps messianiques que nous vivons, à la réconciliation entre juifs, arabes et chrétiens.

Faisant siens les mots du psychanalyste Daniel Sibony, à savoir que « l’origine de la haine, c’est la haine de l’origine », Chouraqui incite chrétiens, musulmans et juifs, à se recentrer autour d’une seule réalité : tous les êtres humains sont créés à l’image d’un même Créateur et ils sont issus d’une même histoire. La reconnaissance judéo-chrétienne, clairement exprimée par Jean-Paul II, est exemplaire. Elle est le prélude à un monde nouveau, appelant les nations arabes et la nation juive à se reconnaître comme soeurs, unies dans l’amour d’un même Père. En ce sens, dit l’A., unis au même Dieu, juifs, arabes et chrétiens doivent parler le même langage : celui de l’amour réciproque dans l’Alliance.

Le principal problème : trouver la langue de l’unité. Tous les humains sont prisonniers de leurs langues et de leurs théologies. Il faudra du temps pour redécouvrir le sens des mots, accéder à leur essence. L’A., toute sa vie, a donné l’exemple d’une recherche constante du sens des mots. Il s’est surtout fait connaître mondialement par ses traductions et ses commentaires, en français, des textes fondamentaux des religions monothéistes : la Bible, le Nouveau Testament et le Coran. Travail difficile, car, comme le dit l’adage, « Traduttore, traditore ».

Seule la transcendance, selon l’A., peut nous permettre de concevoir l’unité universelle dans la gloire de sa beauté. Le respect, la compréhension et l’adhésion aux Dix Paroles, données par Dieu à Moïse, tracent la voie de cette réconciliation. Dans un chapitre fort captivant, l’A. entreprend une traduction et une explication hors du commun de ces paroles qui justifieraient, à elles seules, l’achat de ce petit livre exceptionnel (p. 107-133). Les Dix Paroles, comme le fait remarquer l’A., ne sont pas formulées à l’impératif, mais à l’imperfectif. Les cinq premières, comme les cinq doigts de la main droite, main des miséricordes, régissent les rapports de l’homme à l’Être créateur du ciel, de la terre, et du couple géniteur de l’humanité. Les cinq doigts de la main gauche, main des rigueurs, désignent les rapports des hommes entre eux, face à leur Créateur. Les deux Tables de la Tora n’en font qu’une et toutes les lois se déduisent, en synergie, de la proclamation du Saint Nom. Aussi, en violer une, revient à violer toutes les autres Paroles.

L’acceptation des Paroles de l’Alliance, selon l’A., pourrait devenir le lieu de rencontre des grandes traditions monothéistes. Israël, historiquement, est convié à jouer ce rôle d’unification. La vocation d’Israël est par essence la médiation entre les hommes. Étymologiquement, Israël signifie « Celui qui lutte avec Dieu ». Paria des nations, le peuple hébreu s’est, selon lui, trop replié sur lui-même. Il doit retrouver sa vocation première, unique, et universelle : réunir tous les peuples autour de l’Alliance confiée à Moïse dans les Dix Paroles. Et comme l’Alliance est ontologiquement liée à la Création, celle-ci, beria, ne peut subsister que grâce aux pouvoirs de celle-là. Le message d’Israël s’adresse à l’homme tel qu’il est sorti des mains de son Créateur. Israël, dans les desseins de Dieu, et selon la perspective de Chouraqui, doit redevenir le centre du monde pour être au service de l’humanité.

La mission de la tradition juive est de « rapprocher les lointains ». L’A. croit que nous sommes à l’aube d’une humanité nouvelle et que l’acte messianique n’est pas simplement réservé à Jésus. Il serait vain d’attendre le messie, car c’est lui qui nous attend : le retour du messie se fait dans la mesure où chacun d’entre nous oeuvre au rapprochement des hommes.

Une fois de plus, Chouraqui émerveille. Ce livre doit trouver place dans votre bibliothèque, surtout pour le commentaire des Dix Paroles.