Corps de l’article

Cet ouvrage collectif consacré à l’écrivain Albert Camus (1913-1960) reprend les actes du colloque international organisé par la Bibliothèque publique d’information au Centre Pompidou, les 29 et 30 novembre 2002, au foyer-petite salle du Musée Beaubourg, à Paris. Une quinzaine d’interventions d’enseignants, écrivains, journalistes, philosophes, ont tenté de comprendre et de décrire la place du mensonge (et par conséquent de la vérité) dans l’oeuvre de Camus. Malheureusement, l’instigatrice de cet événement, Jacqueline Lévi-Valensi (1932-2004), née Rosenblum, qui était professeur émérite à l’Université de Picardie Jules Verne, n’a pas pu voir le résultat final.

Beaucoup de ces contributions nous font découvrir des aspects méconnus des écrits de Camus, en axant spécifiquement leurs corpus sur des oeuvres non romanesques : essais, articles, chroniques, correspondance du grand écrivain. En ce sens, j’estime que ce livre très dense instruira même les connaisseurs de Camus. En outre, certains textes se distinguent par leur originalité. Ainsi, Catherine Dana étudie une oeuvre relativement peu commentée, le roman posthume (et inachevé) Le premier homme, paru 44 ans après le décès de Camus, qui déclarait vouloir en faire « un roman direct » (p. 87). Pour sa part, le philosophe François Noudelmann, soutient que Camus rejette « l’uniformité de la communauté et il pense la politique plutôt en termes de coopérative, d’association, et non de nation » (p. 205). Noudelmann poursuit en affirmant que : « Pour Camus, le discours de l’histoire est mensonger, idéologique, ce qui signifie dans son vocabulaire idéologique qu’il relève de la propagande et du masque de la vérité » (ibid.). En revanche, quelques textes sont ratés et leur lecture reste pénible, comme ce long soliloque de Dolorès Lyotart : « Le démenti de l’art » (p. 173).

Le dernier texte de cet ouvrage inégal est une transcription d’un débat. En conclusion, le philosophe Alain Finkielkraut reprend un argument déjà amorcé dans les textes de Samantha Novello (p. 129) et de Denis Salas (p. 160), à savoir que Camus aurait au fond été confronté à deux formes opposées de nihilisme : celui du « tout est permis », contre celui du « tout est possible » (p. 236). Une bibliographie se trouve en fin de volume, mais il y manque un index des noms. On comprendra que le livre Albert Camus et le mensonge ne s’adresse pas aux étudiants, mais plutôt aux universitaires ou aux philosophes spécialistes de l’analyse littéraire.