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Ce livre est le deuxième tome de Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du xxie siècle, paru en 1999, aux éditions Droguet & Ardant. La continuité est évidente. Le Credo (t. I) présentait la foi professée. Les Sacrements (t. II), présentent la foi vécue.

Le présent ouvrage prend son point de départ dans le rôle du rite dans la vie humaine. Le rite rythme la vie quotidienne. Il inscrit dans le flux indifférencié du temps des repères indispensables à une vie quelque peu réfléchie et constitue à ce titre une recherche de sens. Dans les religions, le rite est le lieu privilégié d’expression du sacré et il est fondamentalement symbolique. La conversion chrétienne du rite et du sacré a donné dans l’Église les sacrements. L’institution sacramentelle, ce que l’on appelle souvent l’économie, c’est-à-dire la disposition générale qui nous fait entrer dans le don du salut par les sacrements, respecte donc ce que nous sommes en tant qu’hommes et nous rejoint à travers le rite et la fête. Le rite y devient mémorial et le mythe y devient récit.

D’emblée, l’auteur précise que le chrétien ne peut comprendre les sacrements et la ritualité qui les accompagne qu’à la lumière du Christ. Tous les sacrements, chacun à leur manière, sont des actes qui font mémoire de l’événement de Jésus. Le Christ est le premier à vérifier dans l’histoire la parfaite réalité du sacrement. Dans tous les sacrements, une action divine s’effectue sous des signes visibles, à l’image du Christ qui était Dieu dans une chair humaine et visible. Les sept sacrements constituent un organisme structuré récapitulant la totalité de ce qu’a vécu et fait Jésus.

Le baptême est le premier sacrement, la porte d’entrée vers tous les autres sacrements. Il est la carte d’identité du chrétien. Le rite du baptême est l’eau. L’eau est « germinative » et source de toute vie. Par elle tout naît et tout renaît. Tout dans le baptême évoque la vie à l’image de l’eau qui est le symbole : que l’on parle de lui en termes de renaissance ou de résurrection, nous sommes devant un sacrement qui nous donne le message de la transcendance de la vie humaine. Ce sacrement est notre entrée dans la vie même de Dieu un en trois personnes : le Père fait de nous des fils, le Fils fait de nous ses frères, et l’Esprit vient faire chez nous sa demeure. Le baptême fait entrer le chrétien dans la famille ecclésiale.

La confirmation est par excellence le sacrement du don de l’Esprit. C’est à ce don que renvoient ses deux rites principaux, l’imposition des mains et l’onction d’huile. La confirmation, affirme l’auteur, est l’achèvement normal du baptême. Elle en est la perfection. Elle apporte un don plénier du Saint-Esprit. Par ce sacrement, les fidèles sont plus parfaitement liés à l’Église, ils sont dotés d’une force spéciale de l’Esprit Saint, et sont ainsi plus strictement tenus, en tant que vrais témoins du Christ, de répandre et de défendre la foi par la parole et par l’action.

L’eucharistie constitue le sommet de l’institution chrétienne des sacrements. L’auteur consacre deux longs chapitres à ce sacrement qui récapitule tout. Si le Christ récapitule en sa personne toute l’histoire du salut, on pourrait dire que l’eucharistie est une récapitulation de cette récapitulation. L’eucharistie a été instituée au cours d’un repas. L’auteur insiste d’abord sur cette réalité tout humaine. Le repas réunit, souligne les événements importants, est l’occasion de célébrer et de partager. Dans la tradition juive, le repas pascal fait mémoire de la sortie d’Égypte, un événement fondateur du peuple d’Israël. Il n’est pas étonnant que le rite majeur de la foi chrétienne catholique soit un repas qui emprunte à toute la symbolique des repas humains. L’eucharistie est un repas religieux où la communauté fraternelle ne fait qu’un avec la communion avec Dieu. Un repas à la fois présidé par le Christ qui nous invite et où lui-même se donne symboliquement à nous en nourriture pour exprimer le don de lui-même. Un repas aussi « sacrificiel » où se vit un échange amoureux et gratuit entre lui et nous, car c’est un repas où il nous donne sa vie pour nous donner la vie et où chaque chrétien doit arriver avec joie dans le désir de se donner au Christ et aux autres.

Conséquemment, l’eucharistie est donc un mémorial sacramentel et sacrificiel. Ce mémorial, cependant, ne signifie pas simplement la mémoire subjective qu’un peuple entretient d’un événement fondateur ; il signifie l’acte par lequel celui dont on fait mémoire se rend présent à ceux qui célèbrent sa mémoire. De plus, l’Église enseigne que la messe est un vrai « sacrifice ». La célébration eucharistique n’est pas une répétition ni un renouvellement du sacrifice de la croix. Le Christ est mort une seule fois. L’auteur souligne que les termes adéquats à employer pour dire le lien de la messe à la croix sont « représenter », au sens fort de « rendre présent », ou « actualiser ». Ce qui a été accompli une fois pour toutes, est rendu présent. La messe est donc le sacrement du sacrifice. En ce sens, on peut dire que l’Église fait l’eucharistie et que l’eucharistie fait l’Église. La messe est le mémorial d’un événement qui n’est pas encore achevé. Elle célèbre déjà notre communion au Christ qui est à venir.

Après avoir démontré la désaffection générale du sacrement de réconciliation, l’auteur explique comment, dans la vie de tous les jours, la conduite de la repentance constitue un véritable « travail » comparable à un travail d’enfantement. Elle demande du temps pour s’accomplir et comprend trois actes humains fondamentaux : le retournement, l’aveu par la parole, le changement concret de conduite. Avec l’idée biblique du péché, un élément nouveau entre en jeu : c’est la prise de conscience que, par ma faute, j’ai offensé plus que moi-même et plus que les autres. J’ai offensé Dieu. Le sacrement de réconciliation suit exactement la conduite de la réconciliation humaine. Il est demandé au pénitent de se convertir de son péché : c’est la contrition ; d’avoir le courage de l’avouer : c’est la confession ; de le réparer autant qu’il est en lui : c’est la sanctification. De son côté, l’Église offre le pardon par sa parole et son sacrement. Elle conclut en donnant l’absolution ou la réconciliation.

L’onction des malades est le parent pauvre des sacrements. Le Concile de Trente lui-même, qui a tant le souci de fonder dans le Christ tous les sacrements, reconnaît qu’il n’a été qu’insinué par lui, quand il a envoyé les Douze en mission et qui faisaient des onctions d’huile à beaucoup de malades et les guérissaient. Le texte de référence demeure toujours le chapitre 5 de l’épître de Jacques.

L’exercice de l’autorité a toujours fait problème, tant dans la société civile que dans l’Église. L’auteur distingue alors trois grands pouvoirs dans l’institution ecclésiale : le pouvoir d’enseigner ou l’autorité doctrinale ; le pouvoir de sanctifier ou l’autorité dans l’administration des sacrements ; le pouvoir de gouverner enfin, c’est-à-dire le pouvoir d’exercer une juridiction sur les personnes. De plus, dans le peuple de Dieu rassemblé par l’appel évangélique, on peut reconnaître trois grands principes et trois dimensions articulées entre elles, qui concourent au gouvernement du tout : la dimension communautaire, la dimension collégiale et la dimension personnelle. Tous ces éléments permettent de comprendre à la fois la solidarité des chrétiens entre eux et la spécialisation des fonctions dans l’Église.

L’auteur s’étend longuement sur les ministères dans la structure de l’Église. Il passe en revue les rôles de chacun : pape, évêques, prêtres, diacres et fidèles. Il fait l’historique de chacun des ministères et les établit chronologiquement dans l’évolution de l’Église primitive. Le sacerdoce universel du chrétien existe en raison de son baptême et sa participation à l’eucharistie. Le sacerdoce ministériel est une charge qui a pour objet de permettre à la communauté chrétienne d’exercer ce sacerdoce universel comme un don reçu de Dieu. L’évêque et le prêtre ne sont pas des médiateurs au sens de l’ancien sacerdoce ; ils sont des ministres de l’unique Médiateur, Jésus, le Christ. Ils rendent visible et effective son unique médiation. Leur tâche principale est l’annonce de l’Évangile, la sanctification par les sacrements du peuple chrétien et l’autorité de gouvernement. L’auteur soulève dans ce chapitre quelques questions disciplinaires au sujet du ministère presbytéral : célibat des prêtres, ordination d’hommes mariés, accession des femmes au sacerdoce.

Le dernier sacrement de l’Église est le mariage, sacrement très original par rapport aux autres, puisqu’en l’occurrence une situation humaine fondamentale, le rapport entre l’homme et la femme, est assumée au niveau d’un don de Dieu et marquée du signe de la relation entre le Christ et son Église.

L’Église n’a pas inventé le mariage. C’est une institution aussi vieille que l’humanité. La relation homme-femme s’est institutionnalisée au cours de l’histoire pour la raison très simple que le passage de la sexualité animale à l’amour humain engendre une alliance entre les personnes, alliance généralement sanctionnée par un serment et qui obéit à certaines lois. En ce sens, le mariage n’est donc pas propre au christianisme. Les documents émanant des premiers temps de l’Église montrent que les chrétiens se mariaient comme tout le monde, c’est-à-dire selon le droit romain. Humainement parlant, le mariage est une alliance : dans le dessein divin il s’inscrit dans le cadre de l’alliance du salut que Dieu a voulu contracter avec l’humanité. Dans le sacrement, l’union des époux qui deviennent une seule chair a quelque chose à voir avec l’amour du Christ qui s’est fait chair pour s’unir à l’humanité dont il veut faire son Église. La sacramentalité du mariage est donc originale, car elle se rapporte à une réalité humaine qui existe déjà et qui elle-même est déjà référée à Dieu au titre de la Création. La sacramentalité du mariage chrétien veut dire que la célébration qui l’institue d’abord et la vie qui en procède ont simultanément signification divine et efficacité de grâce. Pas étonnant que l’apôtre Paul parle du mariage comme étant un grand sacrement.

En retournant vers le Père, le Christ nous a laissé deux viatiques pour vivre de lui jusqu’à la fin des temps : le viatique de l’Évangile attesté dans les Écritures saintes et récapitulé dans le Credo et le viatique des sept sacrements, instruments du don de sa vie, don du Père et accomplis dans la puissance de l’Esprit Saint. Ils sont par excellence l’expression de la tendresse de Dieu.