Corps de l’article

1. Présentation de l’étude

1.1 Les objectifs et les justifications de l’étude

La présente étude poursuit un objectif modeste. L’intention est de tenter de cerner quelques tendances observables de l’évolution du métier de traducteur dans le domaine de l’audiovisuel et du multimédia. En effet, nous assistons à un façonnage incontournable de l’activité du traducteur, dicté par l’essor des nouvelles technologies au sein de la société de l’information. La société de l’information : une expression qui se présente le plus souvent sous les traits d’un paradigme relevant à la fois de l’économique et du technologique, ces deux composantes s’unissant dans une perspective largement déterministe (Miege 2000).

Avec l’émergence de la société de l’information, c’est à la fois la mission et le métier du traducteur, c’est-à-dire les deux dimensions de sa prestation, qui évoluent.

Définie à partir « des besoins et attentes des acteurs et populations que l’entreprise entend ou doit satisfaire », la mission réside dans la façon dont la prestation est articulée aux systèmes d’usage des clients (Koenig 1996 : 134). L’essor de la communication par Internet, la multiplication des canaux de diffusion de la télévision grâce au câble et au satellite, et bientôt le numérique hertzien, le développement du multimédia et de l’informatique, le contexte de globalisation des marchés, l’ensemble de ces facteurs entraîne une extension des marchés de la traduction et une diversification de la mission des traducteurs. Sous le terme de « localisation », de nouvelles activités de traduction ont connu une progression considérable, avec notamment la « naturalisation » des logiciels et des sites Internet mais aussi le doublage et le sous-titrage des programmes audiovisuels.

La mission et le métier de traducteur s’influencent réciproquement. L’acquisition de nouvelles compétences permet au traducteur de se valoriser dans les domaines de l’audiovisuel et du multimédia tandis que la diversification de sa mission redéfinit les contours du métier et les compétences qui lui sont associées.

C’est à cette redéfinition qu’est consacrée cette étude.

1.2 Les éléments constitutifs du métier de traducteur

Le métier, quant à lui, peut être défini comme « la capacité à gérer un système de ressources afin d’offrir une prestation déterminée » (Koenig 1996 : 134). Il s’agit tout autant des savoir-faire requis, y compris la maîtrise de nouvelles technologies, que de la capacité à organiser, à gérer les savoir-faire (Montmorillon 1986 : 105).

À cet égard, certains auteurs ont proposé de faire une distinction entre les compétences et les ressources : l’évaluation des compétences d’une organisation consistant à déterminer comment les ressources, dont elle dispose, sont déployées (Johnson, Scholes et Fréry 2000 : 178). La notion de compétence revêt donc deux dimensions : une dimension de construction, qui consiste à déterminer quelles sont les sources de compétences dans une activité, et une dimension d’organisation, qui renvoie aux modalités organisationnelles de déploiement des ressources.

Parmi les sources qui permettent de construire des compétences dans un métier, deux d’entre-elles nous apparaissent essentielles et complémentaires : l’efficience et l’efficacité (Johnson, Scholes et Fréry 2000 : 182). L’efficience réside dans « le niveau de ressources nécessaire à l’obtention d’une valeur donnée » de prestation (Johnson, Scholes et Fréry 2000 : 191). Il s’agit de réduire les coûts de la prestation tout en maintenant sa valeur. « Le traducteur […] se voit soumis à des objectifs de productivité nettement affirmés » (Souillot 2000 : 98). Avec l’efficacité, c’est la démarche inverse mais complémentaire qui s’impose aux traducteurs. L’efficacité peut se définir comme « le niveau de valeur qui peut être obtenu à partir d’un niveau de ressources donné » (Johnson, Scholes et Fréry 2000 : 196). Il s’agit, en d’autres termes, d’ajouter de la valeur à une prestation, sans en accroître le coût.

La dimension organisationnelle revêt, quant à elle, une importance tout à fait particulière. La maîtrise d’un système d’offre ne saurait se résumer à la possession de ressources en propre dans une organisation, mais elle doit se comprendre comme la mobilisation de ressources. En d’autres termes, le système d’offre peut comprendre d’autres acteurs et il est nécessaire de sortir d’une conception patrimoniale des ressources (Koenig 1996 : 144). Pour analyser l’évolution d’un métier, il faut donc analyser la répartition des tâches et des rôles ainsi que les modalités organisationnelles de régulation des rapports entre les acteurs participant au système d’offre (Bréchet 1996 : 51). Il s’agit donc d’intégrer dans l’analyse du métier les modalités d’externalisation d’une partie des ressources. Figure de plus en plus répandue dans la gestion des activités des firmes, l’externalisation n’est pas un mode de gestion totalement nouveau (Fréry 1995). Néanmoins, il apparaît pertinent de s’interroger, d’une part, sur l’impact du développement des nouvelles technologies d’une part, sur le recours de plus en plus répandu à l’externalisation des ressources et, d’autre part, sur les modalités de sa gestion.

Dans les notions que nous venons d’exposer, nous retrouvons trois éléments, les aptitudes et le savoir-faire, la maîtrise d’outils techniques et l’adaptation aux différents modes d’organisation, mis en avant par Gambier, à propos de l’évolution du métier de traducteur dans le secteur audiovisuel et, par extension, dans le secteur multimédia. Dans ces secteurs, le métier de traducteur se transforme tant en termes de savoir-faire que de comportements. Il requiert des aptitudes générales : une aptitude à traduire, une aptitude à la recherche documentaire et terminologique, et enfin une aptitude à travailler vite sous la pression du temps. Il implique également des capacités d’adaptation plus spécifiques, liées à l’évolution véloce dans les secteurs de l’audiovisuel et du multimédia. Il s’agit de capacités d’adaptation aux changements qui affectent les supports techniques. Il s’agit aussi de la flexibilité en termes de comportements, dictée par les nouveaux modes d’organisation de l’activité. Cela entraîne notamment des exigences en termes de compétences relationnelles pour travailler avec d’autres spécialistes (Gambier 2000).

Le métier de traducteur évolue vers une complexité croissante et l’exigence de compétences multiples. La présente étude vise à analyser cette évolution. Dans cette perspective, nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux interdépendances entre les trois pôles de ressources que sont les aptitudes à traduire, la maîtrise d’outils et les modes d’organisation, qui permettent de structurer l’analyse de cette évolution.

1.3 Les modalités de l’étude présentée

Pour analyser l’évolution du métier de traducteur, nous avons mobilisé une méthodologie qualitative avec l’étude de dix cas d’entreprises mettant en oeuvre une activité de traduction. Le recours à cette méthodologie se justifie de la façon suivante.

L’étude de cas multiples permet la confrontation des polarités d’un même phénomène (Eisenhardt 1989). Elle permet d’éviter que les résultats exposés ne soient marqués par une singularité qui en limiterait le potentiel de généralisation. L’étude de cas multiples est donc plus robuste et apporte des preuves plus « irrésistibles » (Yin 1989).

Nous avons choisi de rendre compte des résultats de cette étude à partir de trois cas choisis sur la dizaine de cas étudiés. Le choix de ces cas répond à cet impératif de confrontation des polarités. Il s’agit donc de présenter l’activité de traduction par le biais d’une diversité de pratiques, dans des entreprises bien différentes : dans une nouvelle chaîne de télévision privée et diffusée par satellite, le cas TF6 ; dans une entreprise spécialisée dans l’infomédiation, le cas Presse + ; et enfin dans un cabinet de traduction trouvant un nouveau souffle grâce aux nouveaux supports techniques, le cas Textra.

L’analyse de ces trois cas montre comment les nouvelles technologies de l’information et de la communication modèlent le métier de traducteur dans des contextes différents. Elle permet d’exposer les modalités d’interdépendance entre les aptitudes à traduire, la maîtrise d’outils techniques et les modes d’organisation mis en oeuvre. Nous espérons ainsi contribuer au travail de réflexion mené dans le cadre du présent séminaire.

2. Présentation des cas étudiés

2.1 Le cas de TF6

TF6 est une nouvelle chaîne de télévision à vocation généraliste née le 22 septembre 2000. C’est une entreprise conjointe, fruit du partenariat entre deux chaînes généralistes françaises, TF1 et M6. Cette chaîne est diffusée sur le bouquet de programmes par satellite. TF6 accorde une large place à la fiction et propose des soirées thématiques.

Dans le cadre de notre étude, nous avons travaillé essentiellement avec le service des acquisitions et de la programmation de la chaîne. Sous la responsabilité de Vincent Broussart, ce service est composé d’une dizaine de personnes assistées de nombreux stagiaires. Tout au long de l’année, l’un des stagiaires s’occupe de l’activité de traduction[1].

La traduction-adaptation des programmes : une activité sous-traitée

Pour la traduction-adaptation des programmes, deux cas de figure peuvent se produire.

Si les documents, retenus dans les catalogues des distributeurs, ont déjà fait l’objet d’une diffusion sur TF1 ou M6, ils existent déjà en version doublée ou sous-titrée. Les différents résumés en français destinés à la presse sont également disponibles. Le service des acquisitions et de la programmation se charge alors d’obtenir ces éléments auprès des attachés de presse, du service communication de TF6[2].

Si les documents n’ont pas fait l’objet de diffusion préalable par les partenaires de la chaîne, TF1 et M6, leur doublage ou leur sous-titrage sont délégués à des sociétés extérieures comme Dubbing Brothers, Médiadub[3]… Ces entreprises de traduction-adaptation transmettent éventuellement, de façon non systématique, un échantillon du programme doublé par différents acteurs afin que le responsable du service acquisition-programmation de TF6 puisse choisir la voix qui correspond le mieux à l’identité de chacun des personnages. Seul le responsable du service juge de la qualité du travail effectué par les sous-traitants. De temps à autre, il fait appel au traducteur stagiaire pour avoir une évaluation du travail. Mais cette procédure de contrôle n’est pas systématique. Le choix de la sous-traitance pour le doublage ou le sous-titrage répond à une logique d’efficience économique : réduire les coûts.

Une activité de traduction qui se limite à la présentation des programmes

L’activité de traduction du service d’acquisition des programmes de TF6 se limite alors aux résumés des programmes qui sont destinés à la presse. Le travail de la maquettiste consiste à mettre en pages chaque semaine le bulletin de programmes (du samedi au vendredi suivant, trois semaines à l’avance) destiné à être diffusé à la presse télévision et sur le site Internet de la chaîne. Chaque bulletin comporte les synopsis des séries, films et téléfilms programmés. Il convient de noter que les résumés ne concernent qu’une partie des programmes diffusés. En général, la présentation des programmes diffusés par satellite n’occupe qu’un faible espace dans la presse spécialisée ou non. En conséquence, ce sont les programmes diffusés dans les première et deuxième parties de la soirée qui peuvent être éventuellement mises en valeur par un résumé d’une dizaine de lignes dans le bulletin hebdomadaire. Par mimétisme, la présentation des programmes sur le site Internet de TF6 suit la même logique, ce qui dénote une volonté d’économie de la part de la chaîne.

Pour offrir la présentation des programmes en français, TF6 recourt à plusieurs modalités. Si les programmes ont déjà fait l’objet d’une diffusion sur TF1 ou M6, leur présentation succincte sous forme de résumé est déjà disponible.

Dans le cas où il n’y a jamais eu de diffusion préalable chez les partenaires, deux cas de figure se produisent alors. Tout d’abord, le résumé peut être fourni dans sa langue d’origine, l’anglais[4], par les distributeurs, à l’attachée de presse du service communication qui le transmet, à son tour, à la maquettiste du service acquisition-programmation pour réaliser le bulletin de programmes en français. Mais un second cas de figure peut se produire lorsqu’aucun résumé du programme n’est fourni. C’est alors à un traducteur stagiaire qu’est dévolue la tâche de fournir les résumés de programme en français.

Le traducteur stagiaire chargé de la présentation des programmes

Le traducteur stagiaire travaille directement en collaboration avec la maquettiste.

Les stagiaires qui se succèdent pour la tâche de traduction chez TF6, sont recrutés auprès des universités. Les exigences pour ce poste de stagiaire sont une maîtrise parfaite de l’anglais (niveau BAC+2 minimum dans une formation en langue étrangère), une excellente rédaction française, un esprit de synthèse, une passion pour le cinéma, une connaissance des séries télé et une bonne maîtrise des outils informatiques. Les tests de sélection consistent à traduire et à rédiger le résumé d’un épisode d’une série, et à répondre à des questions de compréhension et de culture professionnelle. Le stagiaire bénéficie d’une rémunération mensuelle d’environ 300 euros et ses frais de transport sont pris en charge pour moitié.

Le travail du traducteur stagiaire s’organise selon plusieurs heuristiques possibles :

Il rassemble les résumés des programmes en version originale, lorsqu’ils ont été fournis par le distributeur. Il s’enquiert ensuite d’une éventuelle diffusion déjà réalisée auprès de TF1 et de M6. En cas d’absence de diffusion préalable, il procède d’abord à une recherche sur Internet sur des sites spécialisés comme Movie Database ou Episode Guides pour y trouver les résumés des programmes traduits en français. Si ceux-ci ne sont disponibles qu’en anglais, il procède à leur traduction. En dernier recours, le document est visionné par le stagiaire si aucun résumé n’est disponible sur Internet. Cette dernière démarche implique un investissement plus conséquent pour la réalisation du résumé en français.

Notons, toutefois, que le traducteur stagiaire peut aussi visionner le programme même s’il dispose déjà d’un résumé préalable en anglais ou en français. Selon son éthique professionnelle, le stagiaire peut ainsi procéder à une vérification du contenu du résumé afin de s’assurer de la qualité de l’éventuelle traduction.

En fin de parcours, sa traduction sera relue et éventuellement corrigée par l’attachée de presse. Le texte traduit sera inséré dans le bulletin et mis en page par la maquettiste où il subira des coupes en fonction des impératifs dictés par le travail de cette dernière.

De fait, le traducteur stagiaire endosse la responsabilité rédactionnelle ; il faut qu’il sache travailler en autonomie avec rapidité et bon sens, c’est-à-dire qu’il doit être capable de collecter tous les éléments qui vont lui permettre de traduire et de rédiger un résumé fidèle au contenu de la série ou du film. Compte tenu de la multiplicité des heuristiques susceptibles d’intervenir dans sa tâche, le traducteur stagiaire dispose d’une latitude dans la réalisation de son travail, latitude elle-même liée à sa maîtrise d’éléments informels (culture télévisuelle ou cinématographique, connaissance des potentialités d’Internet…). Son travail échappe donc en grande partie au contrôle de l’entreprise pour laquelle, d’ailleurs, la traduction de la présentation des programmes n’est pas une priorité et n’a pas à mobiliser de moyens conséquents.

Le traducteur stagiaire est donc un acteur, doté d’une véritable capacité de faire des propositions. Il n’est pas un simple exécutant d’une tâche parfaitement paramétrée selon des critères formels. Toutefois, compte tenu du fait que les éléments de choix dont il dispose ne sont pas parfaitement définis au préalable, il simplifie sa tâche pour fournir une performance satisfaisante pour l’entreprise.

Le profil de traducteur évolue. Ce ne sont plus des compétences en matière de traduction, au sens strict, qui sont requises mais une efficience grâce à des méthodes de recherche documentaire sur Internet. Ce gain d’efficience permet au traducteur stagiaire de développer d’autres compétences au sein de l’organisation, avec la perspective d’une plus grande polyvalence lui permettant d’y élargir son rôle.

2.2 Le cas de Presse +

Créée en 1988 et dirigée actuellement par Thierry Delahaye et Patrick Cantelli, Presse + est une entreprise française dont l’activité consiste en l’infomédiation, c’est-à-dire la collecte et la gestion de l’information à destination des entreprises. L’infomédiation est un nouveau métier lié au développement de la société de l’information. La multiplication des médias, l’accroissement de la diversité des sources d’information et l’augmentation du volume d’information sont autant de facteurs qui rendent toujours plus complexe l’accès à une information complète pour les acteurs économiques. Des compétences particulières sont devenues nécessaires pour gérer cette complexité. L’infomédiation est justement cette nouvelle activité spécialisée qui consiste à rechercher et à collecter l’information sur le plan international dans tous les médias, à concevoir des panoramas de presse et/ou des synthèses de ces panoramas et à les diffuser auprès d’une clientèle.

Presse + collecte l’information dans les agences de presse, dans la presse écrite et audiovisuelle ainsi que sur Internet. Cette entreprise effectue ensuite l’analyse de ce matériel collecté avant de l’organiser et de le proposer à ses clients sous forme de panoramas ou de coupures de presse, d’alertes en flux permanent, de veille Internet, de bases de données documentaires et de résumés. Ce matériel est livré aux PDG des entreprises clientes et à leurs proches collaborateurs, avec éventuellement un re-traitement par le département de la communication.

L’activité de Presse + implique bien évidemment un travail conséquent de traduction. Deux types de traducteurs y interviennent : les lecteurs-rédacteurs-traducteurs et les traducteurs indépendants.

Des lecteurs-rédacteurs-traducteurs polyvalents

Presse + comporte une équipe de quinze lecteurs-rédacteurs-traducteurs, chargés de collecter pour les clients des informations en provenance d’une vingtaine de pays étrangers francophones[5] ou non. Ils traduisent des articles sélectionnés ou rédigent des synthèses en français ou en anglais (pour les articles dans d’autres langues). Les articles sélectionnés sont en général consacrés à l’entreprise cliente, à ses concurrents, à son secteur d’activité, ou encore à son environnement économique et social.

Sur le plan des aptitudes, les lecteurs-rédacteurs-traducteurs doivent être capables de lire, trier et organiser les recherches pour pouvoir traduire les articles et rédiger les synthèses afin de produire les revues de presse. Leur tâche est très éloignée de la traduction littéraire (avec un champ plus factuel) et de la traduction technique (avec une sensibilité rédactionnelle bien plus élevée). Les lecteurs-rédacteurs-traducteurs doivent être irréprochables tant sur le plan de la fiabilité de la traduction que sur le plan rédactionnel. Ils doivent maîtriser l’écriture journalistique.

Ils doivent pratiquer plusieurs langues en plus de l’anglais. Bien qu’ils se spécialisent dans quelques domaines d’activité pour y développer des aptitudes de compréhension et de restitution spécifiques, ils entretiennent des compétences transversales par une certaine polyvalence. Les traducteurs doivent être en mesure d’intervenir dans des domaines aussi variés que l’automobile, le nucléaire, la finance… Ils doivent posséder une bonne culture générale et un esprit d’ouverture. Ce n’est donc pas un hasard si les filières Langues Étrangères Appliquées ou l’École Supérieure d’Interprète et de Traducteur sont les sources de recrutement de Presse +. En effet, ces filières, au-delà de la maîtrise des langues étrangères, garantissent une ouverture à d’autres domaines de compétences (économie, audiovisuel, informatique…) et offrent un profil de diplômé plus éclectique. C’est par l’apprentissage en interne que Presse + modèle ce profil hétérogène vers le niveau de professionnalisation recherché.

La maîtrise d’outils et de ressources informatiques d’aide à la traduction, tels que des dictionnaires spécialisés, des bases de données multilingues sur Internet[6] et des progiciels de traduction automatique doit permettre aux lecteurs-rédacteurs-traducteurs de travailler rapidement (3 ou 4 synthèses ou encore 500 mots traduits à l’heure). Lorsque ces différents outils ne permettent pas de traduire des vocables techniques spécifiques à certains domaines d’activité, les lecteurs-rédacteurs-traducteurs doivent savoir rechercher sur Internet, soit sur des sites consacrés au domaine concerné, soit sur le site de l’entreprise cliente, les éléments nécessaires à l’interprétation et à la concordance linguistique idoine[7]. La maîtrise d’outils informatiques permet donc à la fois de réduire les coûts attachés à la traduction proprement dite, ce que nous pouvons qualifier de recherche d’efficience, et d’ajouter de la valeur au travail, en trouvant la meilleure traduction attendue, ce que nous pouvons désigner par la recherche d’efficacité. Au-delà de la recherche conjointe d’efficience et d’efficacité, ces deux formes de gains sont liées. La productivité induite par le recours à ces outils informatiques permet en retour la flexibilité que requiert le suivi du rythme de l’actualité, déterminante de la satisfaction de la demande du client. La disponibilité de ces outils de traduction leur permet également de se consacrer à la construction de leurs propres outils de traduction, tels que des glossaires conçus pour répondre au positionnement de l’entreprise. En d’autres termes, les gains d’efficience débouchent sur de nouvelles ressources génératrices d’efficience.

Sur le plan de l’organisation, le travail en équipe et la polyvalence entretenue chez les opérateurs, que sont finalement les lecteurs-rédacteurs-traducteurs, instaurent une confrontation des productions, des compétences et des outils ad hoc. Il se produit ainsi un transfert de savoir-faire à l’ensemble de l’entreprise et un processus d’amélioration constante de la qualité de la production. Cette qualité est, in fine, garantie par le dispositif de contrôle mis en oeuvre. Mais ce dispositif de contrôle génère un fructueux feedback, source de perfectionnement pour que Presse + développe le travail en réseaux. Elle mobilise par le biais du télétravail une équipe de vingt traducteurs indépendants.

Le télétravail comme mode de gestion des ressources externes

Le télétravail permet à l’entreprise d’accroître et de diversifier ses ressources et ses compétences. En effet, le recours à des traducteurs indépendants permet de réaliser des traductions à partir de 11 langues différentes. Ces traducteurs indépendants ont été recrutés par voie d’annonce et la sélection s’est faite à partir de tests de traduction et de profil. Tous ces échanges en amont ont été réalisés par courriel. L’entreprise ne souhaite pas d’autre forme de contact pour ce réseau particulier de ressources.

Tous les matins entre 5 et 9 heures, les traducteurs indépendants reçoivent en fichiers attachés, par courrier électronique, des articles de presse à traduire et à résumer. L’utilisation du courrier électronique permet à Presse + d’externaliser, c’est-à-dire de confier à des prestataires externes une part de son activité.

Comme pour les membres de l’organisation, le travail des traducteurs indépendants est évalué par trois relecteurs-correcteurs. Toutefois, le mode d’organisation de la relation avec ces contractuels externes a été aménagé de façon particulière. Quel que soit le niveau de l’activité, l’entreprise fournit du travail tous les jours aux traducteurs indépendants. De plus, la responsable du service entretient un contact régulier avec eux. Elle met en oeuvre une politique de communication qui a pour objectif de créer chez les traducteurs indépendants le sentiment d’appartenance à Presse + et de façonner leur travail en adéquation avec son positionnement. Ces liens que tisse l’entreprise avec ce groupe de traducteurs indépendants ont pour objectif aussi de créer des ressources opérationnelles et fiables pour l’entreprise. Elle investit dans une forme nouvelle de gestion.

Le management des acteurs que sont les traducteurs indépendants est tout à fait subtil et dénote une acception non patrimoniale du système d’offre de l’entreprise. Il vise à instaurer une politique de quasi-intégration. Les ressources sont externes, elles ne relèvent pas de moyens propres à la firme, mais dans le même temps, elles lui sont attachées et sont modelées dans une relation si étroite qu’elles concourent de façon spécifique à la performance particulière de Presse +. Une telle formule offre à la fois la flexibilité, c’est-à-dire l’adaptabilité, typique de l’externalisation, et les ressources et savoir-faire spécifiques, c’est-à-dire l’adaptation, typique de l’intégration[8].

2.3 Le cas de Textra

Créé en 1988, par Madame Strechinsky et d’autres associés, ayant quitté depuis la société, Textra était un cabinet dont les activités principales sont le secrétariat, la traduction et l’interprétariat. Après des difficultés financières, dues à un manque de compétitivité dans des activités au positionnement trop large et relativement dépassé, qui l’exposaient à une forte concurrence sur des marchés en déclin, Textra s’est repositionné sur l’activité de traduction en développant une spécialité sur le segment de marché des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Textra satisfait donc une demande croissante pour la traduction, essentiellement de l’anglais vers le français, de sites Internet, de pages Web indépendantes, ainsi que de notices d’utilisation, de menus d’aide ou de commandes de logiciels informatiques.

Au-delà des traditionnelles aptitudes à traduire, l’activité du cabinet Textra, pour sa partie dévolue aux nouvelles technologies de l’information, exige la maîtrise de nouveaux outils. De fait, deux modes différents d’organisation sont mis en oeuvre selon les deux segments de marché que sont la traduction traditionnelle et la traduction liée aux nouvelles technologies.

L’équipe restreinte du cabinet Textra, composée uniquement de deux permanentes, la directrice, traductrice de formation, et la secrétaire commerciale, assure l’articulation des ressources humaines spécifiques à chacun des segments d’activité.

Des traductions liées au marché des nouvelles technologies réalisées à l’interne par un traducteur stagiaire

Les traductions concernant le marché des nouvelles technologies sont réalisées à l’interne par un traducteur stagiaire. En faisant appel en permanence à un jeune traducteur stagiaire pour ce type d’activité, Textra parvient à maintenir constamment une adéquation entre les compétences et aptitudes nécessaires et la demande qualitativement évolutive, inhérente aux nouvelles technologies. Le stagiaire apporte à Textra la souplesse cognitive exigée par le travail sur de nouveaux supports techniques informatiques[9] tandis que la responsable lui transmet son expérience et son savoir-faire en matière de traduction. Il se produit un double apprentissage mutuel en termes d’aptitudes qui assure l’efficacité et le maintien de ce mode d’organisation.

La transmission des fichiers ou l’accès au support technique à traduire s’opèrent par Internet. Le travail du traducteur est simplifié car il procède à la transformation du support par écrasement du fichier initial. Placé en situation d’utilisateur, il substitue la traduction directement à la version originale qu’il efface au fur et à mesure que son travail progresse. Il n’a donc plus à se préoccuper d’éléments périphériques comme la mise en page. Le gain de temps permet de réduire les coûts et constitue une source d’efficience. Il permet à l’opérateur traducteur d’épurer son travail et de se libérer pour construire ses propres glossaires, eux-mêmes source d’efficience future. En effet, les caractéristiques de ce type de traduction sont similaires (utilisation dominante de l’anglais, d’un style fluide, de phrases courtes et simples, d’un vocabulaire spécifique et récurrent). Il se produit une certaine normalisation du travail du traducteur, d’autant que la traduction est souvent paramétrée par le client, ce qui laisse peu de latitude au traducteur quatn à l’appréciation et à l’interprétation.

Les traductions traditionnelles confiées à des traducteurs indépendants

Pour les traductions traditionnelles, le cabinet Textra recourt à la sous-traitance classique auprès d’une quinzaine de traducteurs indépendants avec lesquels il entretient une relation contractuelle régulière. Ces traducteurs sont sélectionnés par le cabinet parmi les offres multiples qui lui sont adressées. Ils doivent passer un certain nombre de tests visant à évaluer leurs connaissances, leur niveau et leur rapidité de traduction. Chaque traducteur est plutôt spécialisé dans un ou plusieurs domaines. Les travaux qui lui sont alors confiés correspondent à un profil particulier. La responsable du cabinet procède au contrôle des traductions réalisées afin d’en garantir à ses clients la qualité. L’activité est donc totalement externalisée.

3. Le métier de traducteur : évolution et nouvelles exigences

Les trois cas présentés montrent que le métier de traducteur est un ensemble dynamique de savoir-faire en constante évolution. Le travail de traduction intervient dans différentes activités. Dans la présentation de trois cas, relevant tous du domaine de la communication, nous pouvons constater que le traducteur contribue à différentes missions. Dans le cas de TF6, il s’agit de produire un support d’information avec la traduction des résumés de programmes. Dans le cas de Presse +, la traduction est au service d’une mission d’information globale et de synthèse. Dans le cas de Textra, la traduction concerne les supports des nouvelles technologies du multimédia. La présentation des cas montre combien le traducteur est investi de nouvelles missions dans des secteurs variés de la société de l’information. Cette variété croissante des missions du traducteur doit susciter chez les chercheurs un questionnement permanent sur les modalités d’évolution du métier de la traduction.

Dans les cas présentés, les trois pôles d’évolution du métier de traducteur, que sont les aptitudes à traduire, la maîtrise d’outils techniques et la capacité d’adaptation aux différents modes d’organisation de l’activité, apparaissent comme interdépendants. Il est donc intéressant, d’examiner ces interdépendances. La figure qui suit en offre une représentation graphique.

Les interdépendances entre les trois pôles d’évolution du métier de traducteur

Les interdépendances entre les trois pôles d’évolution du métier de traducteur

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3.1 L’interdépendance entre les aptitudes à traduire et la maîtrise des outils techniques

Une interdépendance (1) s’instaure entre les aptitudes à traduire et la maîtrise des outils techniques. Les aptitudes à traduire, qui impliquent des aptitudes à la recherche documentaire et terminologique, sont en fait indissociables de la maîtrise des nouvelles technologies qui investissent l’activité. Disposer du matériel informatique adéquat est aujourd’hui un impératif pour tous les traducteurs (adresse e-mail, retranscription des textes effectués sur un fichier informatique et respect de la mise en page demandée). La maîtrise de l’outil informatique et des ressources qui lui sont liées devient une condition pour exercer le métier de traducteur, sans parler de la traduction des supports eux-mêmes.

Nous avons vu que, dans les trois cas présentés, les traducteurs ont recours aux ressources d’Internet et à des cédéroms spécialisés[10] pour leurs recherches documentaires ou terminologiques. De même, la maîtrise de l’outil informatique permet la constitution de glossaires, sources d’efficience dans le travail de traduction. Enfin, les logiciels de traduction automatique sont eux aussi des sources d’efficience. La maîtrise des outils techniques disponibles est donc une source d’amélioration, quantitative si ce n’est qualitative, des aptitudes à traduire. En fin de compte, le lien s’instaure à double sens car les aptitudes requises exigent peu à peu la maîtrise de nouveaux outils techniques et l’efficience qu’elle procure devient peu à peu la norme dans le métier.

Cette interaction entre les aptitudes à traduire et la maîtrise des outils techniques entraîne deux processus contradictoires.

D’un côté, l’utilisation de certaines ressources informatiques, telles qu’Internet et les cédéroms, offre à tout traducteur un accès ergonomique à des domaines jusque-là réservés aux spécialistes. La recherche de la terminologie technique est surtout facilitée par l’utilisation d’Internet qui permet l’accès immédiat, au moyen de moteurs de recherche, à des sites spécialisés dans des domaines pointus où la terminologie est placée dans son contexte (par opposition aux dictionnaires et lexiques). L’utilisation de plus en plus répandue de ces ressources permet de transcender les frontières de la spécialisation dans l’activité de traduction et accroît la concurrence entre le traducteur généraliste et les traducteurs spécialistes.

D’un autre côté, le recours à des logiciels de traduction automatique sert un renforcement des frontières de la spécialisation en matière de traduction (cf. encadré suivant).

L’interdépendance entre les aptitudes à traduire et la maîtrise des outils techniques est donc caractérisée par une dynamique contradictoire entre l’atténuation et le renforcement des frontières de la spécialisation de la traduction. Cette dynamique est due au couple d’outils sous tension que sont Internet et la traduction automatique.

3.2. L’interdépendance entre les aptitudes à traduire et les modes d’organisation

Une autre interdépendance (2) s’établit entre les aptitudes à traduire et les modes d’organisation du travail de traduction. Nous avons pu observer que dans deux des trois cas présentés (Presse + et Textra), il se produit un recours combiné à la traduction par des traducteurs indépendants externes et à la traduction par un traducteur permanent au sein de l’organisation. Ces modes d’organisation qui consistent à conjuguer des ressources internes et externes ont un impact sur les comportements professionnels des traducteurs.

En raison du lien entre les modes d’organisation et les aptitudes requises qui en découlent, il y a une évolution de ces aptitudes : la spécialisation chez les traducteurs indépendants et la polyvalence chez les traducteurs permanents.

Autant dans le cas de Presse + que dans celui de Textra, les traducteurs indépendants sont tenus de se spécialiser dans une langue et/ou dans un domaine d’activité. En tant que ressources externes, auxquelles il n’est fait appel que pour des besoins précis et sélectifs, c’est par la spécialisation que les traducteurs indépendants parviennent à imposer leurs compétences.

À l’inverse, les traducteurs, salariés permanents dans des organisations comme TF6, Presse + et Textra[11], doivent se montrer polyvalents et avoir la maîtrise de compétences complémentaires liées aux exigences de l’activité des firmes au sein desquelles ils travaillent. Chez TF6, le stagiaire chargé de traduire les programmes développe une polyvalence pour élargir son rôle dans l’organisation. Chez Presse +, les lecteurs-rédacteurs-traducteurs doivent avoir une aptitude à traduire plusieurs langues ainsi que des informations relevant de divers domaines d’activité, mais surtout une capacité à aller chercher l’information auprès de sources variées. Chez Textra, le traducteur stagiaire doit avoir la souplesse cognitive pour travailler directement sur des supports techniques informatiques évolutifs, sans avoir une formation d’informaticien et donc sans qu’il s’agisse pour lui d’une spécialisation acquise par une longue expérience.

Le fait que la spécialisation s’accroît chez les indépendants et que la polyvalence s’impose chez les permanents induit en retour un recours accru dans le mode d’organisation mixte d’externalisation et d’intégration des compétences des traducteurs. Dans une logique d’efficience, les ressources spécialisées et donc plus étroites sont externalisées, ce qui évite aux organisations étudiées de s’engager dans une spécialisation de leurs compétences internes qui réduirait leur capacité d’adaptation à l’évolution qualitative et quantitative de leur activité, c’est-à-dire toute modification dans la nature et le volume de la demande qu’elles doivent satisfaire. Par contre, le fait que les permanents s’insèrent et progressent dans une logique de polyvalence et donc d’adaptabilité ne réduit pas la capacité d’adaptation de ces organisations qui maintiennent en conséquence un effectif minimum, voire plus important, de traducteurs permanents.

3.3. L’interdépendance entre les modes d’organisation et la maîtrise d’outils techniques

Une dernière interdépendance (3) se produit entre les modes d’organisation du travail à l’oeuvre dans l’activité de traduction et la maîtrise d’outils techniques. Cette interdépendance se caractérise par un renforcement mutuel et réciproque.

D’un côté, les modes d’organisation mobilisent les nouvelles technologies qui s’ancrent donc de plus en plus dans l’activité de traduction. L’organisation du travail des traducteurs indépendants par le télétravail recourt notamment à l’échange de fichiers sur Internet. Quant aux traducteurs permanents, ils font appel à de nombreux outils techniques. Chez TF6, le traducteur stagiaire recherche sur Internet les sites spécialisés dans le cinéma et la télévision pour y puiser des informations sur les programmes diffusés, ce qui lui procure une autonomie et une capacité de faire des propositions. Chez Presse +, les lecteurs-rédacteurs-traducteurs utilisent les outils d’aide à la traduction, traduction automatique mais aussi dictionnaires spécialisés. Ils collectent en outre la terminologie requise par la consultation des sites spécialisés ou même des commanditaires. Chez Textra, le traducteur stagiaire travaille directement sur des supports techniques informatiques, logiciels et sites Internet.

De l’autre côté, les nouvelles technologies renforcent l’efficience et l’efficacité des modes d’organisation à l’oeuvre. L’utilisation d’Internet facilite la communication et le suivi avec les traducteurs indépendants et, comme nous l’avons vu dans l’étude de l’interdépendance (1). La traduction assistée par ordinateur renforce leur spécialisation. À l’inverse, l’utilisation des outils techniques permet aussi aux traducteurs permanents de gagner en polyvalence par l’atténuation des frontières de la spécialisation. Les outils techniques au service de la traduction renforcent la maîtrise d’un système d’offre, d’un système de compétences qui conjugue l’intégration de ressources polyvalentes et l’externalisation de ressources spécialisées. Ils favorisent à la fois l’adaptabilité et l’adaptation des entreprises de traduction à un environnement technico-économique changeant.

4. Implications, limites et perspectives de la recherche

4.1 Les implications de la recherche

Sur le plan des implications, notre étude montre combien le métier de traducteur évolue par les interdépendances qu’entretiennent les aptitudes à traduire, la maîtrise d’outils techniques et les modes d’organisation. Comme l’a souligné Souillot, on ne demande plus au traducteur « de traduire mais de produire une traduction ». Le traducteur doit s’adapter à son nouveau rôle et développer des aptitudes et des savoir-faire techniques « qui prennent le pas sur son excellence linguistique » (Souillot 2000 : 98). Sa capacité à s’intégrer de façon efficace dans les différents modes d’organisation de l’activité, voire à les gérer en tant que responsable, devient déterminante. Le traducteur se retrouve dans un paradigme à la fois économique et technique.

L’une des implications les plus évidentes réside dans l’orientation de la formation des futurs traducteurs vers des apprentissages intégrant la maîtrise des nouvelles technologies et une bonne connaissance des techniques de gestion des ressources.

4.2 Les limites de la recherche

Il ne s’agit ici que d’une analyse qualitative fondée sur la confrontation de quelques cas. Cette étude nous a permis de mettre en évidence différentes tendances de l’évolution du métier de traducteur dans les secteurs de l’audiovisuel et du multimédia. Les propositions que nous avons dégagées demandent néanmoins à être soumises à une logique de réfutation sur de plus grands échantillons. Nous avons visé un objectif de validité interne. Il n’est pas possible, en l’état de cette recherche, de généraliser nos observations.

4.3 Les perspectives de la recherche

Une double perspective est donc ouverte. D’une part, une extension de l’échantillon des entreprises soumises à l’analyse pourrait permettre de quantifier les résultats afin de leur offrir un plus grand potentiel de généralisation. D’autre part, un élargissement en termes de secteurs où s’opère l’activité de traduction permettrait d’évaluer si les évolutions et les interdépendances observées ne sont pas confinées à l’audiovisuel et au multimédia.

D’autres perspectives sur l’étude de l’évolution du métier de traducteur peuvent être proposées. Il serait judicieux d’élargir la recherche aux grandes entreprises. Les gains d’expérience et les effets d’apprentissage collectifs grâce aux outils techniques disponibles pour la traduction devraient y être encore plus nettement affirmés.

Sur le plan des modes d’organisation, il serait également pertinent d’étudier, compte tenu de l’ampleur des investissements nécessaires, la coopération entre les entreprises de traduction, avec la mise en commun d’outils techniques tels que les bases de données terminologiques par domaine d’activité. Il faudrait alors prolonger l’analyse sur le plan stratégique pour évaluer l’impact des outils techniques et de la configuration du marché de la traduction sur l’évolution structurelle de ce secteur qui devient industriel.

Avec l’évolution constante et rapide des nouvelles technologies de l’information et de la communication, parions que notre étude ne constitue qu’un modeste rapport d’étape sur l’interaction des différents processus qui concourent à une véritable mutation du métier de traducteur.