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La traducción periodística, ouvrage collectif, réunit les travaux et les expériences de onze spécialistes et traducteurs espagnols du domaine. Membres du Groupe de recherche en traductologie, les coordinatrices de l’ouvrage, Carmen Cortés Zabornas et María José Hernández Guerrero, accordent à ce genre de traduction le statut de traduction spécialisée. L’ouvrage est composé d’études réparties en quatre parties ou thèmes.

Les auteurs inclus dans la première partie, Genres journalistiques, examinent le genre journalistique comme discours spécifique doté de caractéristiques bien définies. José M. Bustos, de l’Université de Salamanque, estime qu’il est difficile de trouver des éléments discursifs communs ainsi que des aspects expressifs spécifiques qui justifient l’usage de la dénomination de texte journalistique, et il considère donc qu’il convient d’abord d’analyser la notion de genre en tant que réalisation linguistique d’une activité sociale. Selon lui, le genre est une modalité discursive conventionnelle de nature synchronique, mais qui peut perdurer dans le temps. Pour définir un texte en tant que journalistique, il faut se fonder sur le modèle de relation entre l’émetteur et le destinataire, ainsi que sur la nature du contenu du texte. Dans cette optique, et après avoir examiné les propositions de plusieurs auteurs, José M. Bustos opte pour la proposition de José Ma Casasús (1991), selon laquelle il existe plusieurs genres journalistiques : informatif, interprétatif, argumentatif et instrumental. Bustos étudie ainsi le sociolecte journalistique et se demande s’il existe vraiment un mode spécifique d’expression propre aux journalistes. L’auteur souligne aussi quelques aspects des nouvelles de presse, notamment leur structure canonique, et il en effectue une analyse discursive.

Ma José Hernández, de l’Université de Málaga, aborde La traduction des genres journalistiques en s’appuyant aussi sur la division proposée par Casasús (1991). Selon la directrice de la revue TRANS, ces genres se différencient les uns des autres par le style de langue écrite, l’objectif recherché et la disposition psychologique de l’auteur. Du point de vue de la traduction, Ma José Hernández affirme qu’il faut bien connaître les caractéristiques de ces genres afin d’en déterminer la fonction et les ressources discursives. L’auteure propose une analyse descriptive de traductions d’articles des journaux espagnols d’information générale El País et El Mundo, étant donné que ces quotidiens utilisent la traduction comme activité courante ; Hernández entend ainsi montrer la façon de traduire les différents genres journalistiques dans la presse espagnole. Elle classe donc les genres les plus traduits et en évalue la proportion ; elle analyse certains aspects tels que le titre et le sous-titre, la présence de la signature du traducteur, etc.

La deuxième partie du livre intitulée Conditions, normes et usages porte sur la spécificité de la traduction journalistique déterminée par les pratiques professionnelles qui coïncident d’ailleurs avec celles des journalistes. D’abord, l’étude de José Enrique Garcia, de l’Université de Séville, Mot, espace et temps étudie les paramètres extralinguistiques et les caractéristiques propres au langage journalistique, dans un corpus composé de traductions de l’anglais, notamment dans les journaux espagnols El País et Américas. Son but est d’analyser les spécificités de la traduction journalistique à partir des éléments textuels – langue et genre – et de certains facteurs extralinguistiques – temps et espace – qui la conditionnent. L’auteur conclut que, dans le corpus analysé, certaines spécificités de la traduction journalistique anglais-espagnol prévalent : l’urgence de la nouvelle, le désir d’être fidèle au contenu et au style de l’original, la variété et l’actualité du thème, entre autres.

Le deuxième article, Presse et traduction, est signé Ma José Hernández. Il porte sur les caractéristiques de la traduction journalistique, les manuels de style et l’invisibilité du traducteur dans les documents traduits. Son corpus de travail est composé de textes de diverses origines, traduits depuis 1996 et parus dans des journaux espagnols tels que El País, El Mundo, La Vanguardia, ABC et La Razón. Selon l’auteure, la traduction journalistique fait l’objet de pratiques professionnelles spécifiques, appliquées à un genre textuel particulier, le texte de presse. En Espagne, la presse écrite possède ses normes propres rassemblées dans le « manuel de style » de chaque média et parallèles aux normes établies par l’Académie royale espagnole. Ces manuels définissent la personnalité et le style propre d’un journal, comme sa structure, ses titres, l’organisation des nouvelles, etc., déterminent l’usage correct de la langue et signalent les fautes les plus courantes (par rapport à la norme acceptée). L’auteure cherche à déterminer la place de la traduction dans les manuels qui constituent son corpus. Il apparaît que ces manuels n’abordent la traduction que sur le plan lexical ou syntaxique, sans jamais faire référence aux problèmes textuels, pragmatiques ni culturels. Hernández aborde également la visibilité ou l’invisibilité du traducteur lorsqu’elle souligne que la presse espagnole n’informe pas ses lecteurs qu’il s’agit d’une traduction et moins encore qui en est le traducteur.

Vient ensuite le travail du traducteur Pablo García Nouvelles d’agence : caractéristiques, problèmes et défis de leurs traductions, qui se réfère aux aspects spécifiques des nouvelles issues d’agences de presse et les problèmes que suscite la traduction de ces textes vers l’arabe et à partir de cette langue. Sur la base de son expérience, l’auteur affirme que la fidélité au texte de départ est le plus souvent subordonnée à la fidélité aux faits, ce qui permet au traducteur d’intervenir, de façon raisonnable, sur le plan du sens. Dans cet article, l’auteur illustre quelques problèmes relatifs à la traduction des nouvelles d’agences, qui sont des nouvelles urgentes dépourvues de commentaires subjectifs. Parmi les principaux problèmes auxquels doivent faire face les traducteurs de nouvelles d’agences d’espagnol en arabe figurent la mauvaise qualité des originaux (souvent eux-mêmes des traductions), l’urgence de la rédaction, la diversité des textes, la diversité linguistique et sociale du monde arabe, l’absence de mots en arabe classique pour traduire l’argot espagnol, le respect des valeurs idéologiques et culturelles du lecteur d’arrivée, etc.

L’étude d’Ovidi Carbonell et Khadija Madouri de l’Université de Salamanque, Les traces de l’idéologie. Terrorisme et islam dans les moyens de communication, traite des pratiques liées aux différents médias qui publient des traductions ; certains de ceux‑ci ont en effet leurs propres normes de rédaction de textes qui déterminent la présentation au récepteur final, avec une charge idéologique importante qui définit, à son tour, le choix du matériel traduit et la façon de l’adapter au récepteur. À travers l’analyse de quelques textes, les auteurs cherchent à savoir si les traductions occidentales maintiennent les intentions pragmatiques de l’original arabe. Ils considèrent qu’il est important de souligner toutes les impropriétés pragmatiques, stylistiques ou terminologiques présentes dans les traductions du texte arabe original.

Dans le dernier travail de la deuxième partie, La traduction des liens causaux et des mécanismes anaphoriques. Étude de cas d’un texte français-espagnol, Gemma Andujar, de l’Université Pompeu Fabra, analyse les actualisations anaphoriques du marqueur « voilà » à partir d’une optique textuelle et d’un corpus formé d’une centaine d’articles journalistiques français et de leur traduction en espagnol. L’auteure se sert, pour les analyses linguistiques, de la comparaison du texte original et de sa traduction, des instruments d’analyse de la pragmatique integrée d’Anscombre et Ducrot et de la linguistique textuelle d’Adam. L’acte de traduire implique ainsi une interprétation textuelle qui va générer un texte nouveau, adressé à des destinataires différents et inséré dans un contexte culturel, un temps et un espace différents.

La troisième partie, Analyse du transcodage des médias, s’ouvre sur un article de Lydia Taillefer, de l’Université de Málaga, L’édition anglaise d’un journal espagnol : Sur in English. L’auteure examine les besoins et les attentes des récepteurs de la version anglaise hebdomadaire de Sur et plus généralement le traitement de l’information du point de vue formel, linguistique et du contenu. Les deux versions présentent plusieurs différences : notamment la typographie (police, casse, taille des caractères, etc.) et l’espace consacré à l’information est moindre dans la version anglaise. Du point de vue du contenu, certaines sections sont absentes de la version anglaise, du fait que celle-ci accorde plus d’importance aux nouvelles nationales et internationales qu’aux nouvelles locales. Le contenu de chaque journal est ainsi clairement subordonné aux intérêts de ses lecteurs. Du point de vue linguistique, l’anglais est plus clair, plus objectif et plus synthétique. La version anglaise étant un hebdomadaire, les références temporelles des nouvelles ne coïncident pas avec celles de l’original qui est un quotidien. Selon l’auteure, la version anglaise produit chez le lecteur le même effet que l’original, preuve de la qualité du travail et de la crédibilité du journal.

Dans le même ordre d’idées, Carmen Cortes et Isabel Turci (toutes deux de l’Université de Málaga) se penchent sur l’édition espagnole du Monde diplomatique. Pour l’analyse de la version espagnole, les auteurs examinent deux aspects : les divers phénomènes qui caractérisent la traduction linguistique ainsi que les activités de transcodage, c’est-à-dire les moyens dont on se sert pour le traitement de l’information pour la diffusion de celle-ci. Parmi les facteurs qui déterminent les transformations subies par la version espagnole, on trouve la pertinence informative et l’espace. La comparaison des deux journaux porte sur les aspects suivants : les manchettes, le sommaire, la publicité, la section des activités culturelles, les comptes rendus de livres et de revues, ainsi que des aspects linguistiques tels que les paragraphes, les phrases et le signe, et finalement l’étude de cas d’un texte de Pierre Péan. Selon les auteurs, le traducteur se débat entre le respect du texte source et la liberté de l’acte de traduire ; dans le but d’offrir une information véridique et adaptée au lecteur espagnol, le traducteur examine sa position par rapport au texte ainsi que le maniement des codes propres à la culture d’arrivée.

La quatrième partie, Sujet, processus et objet, comporte deux travaux. Le premier, Quelques expériences d’un traducteur de presse, est le témoignage de José Manuel Vidal, traducteur du journal El Mundo. Pour lui, la traduction, en particulier la traduction journalistique, est un art et une passion. Il estime qu’un traducteur de presse doit, en plus de bien connaître les langues à traduire, être bien informé de l’actualité et toujours prêt à apprendre. Pour lui, le traducteur de presse doit recréer un texte où l’on retrouve la voix de l’auteur mais également celle du traducteur. Ce dernier doit faire face aux courts délais prévus pour la traduction, à l’anonymat et à une maigre rémunération, mais malgré tous ces inconvénients, le traducteur de presse doit avant tout aimer sa profession s’il veut réussir dans le domaine.

Le deuxième travail, La traduction dans « Le Monde des livres » et dans « Babelia » de Carmen Cortes de l’Université de Málaga, fait référence à la traduction dans la section littéraire de deux journaux prestigieux, Le Monde et El País. L’auteure souligne notamment que, dans El País, la signature du traducteur n’apparaît généralement pas, pas plus que la langue d’origine de la traduction. L’auteure se réfère aux critiques faites aux traductions.

Cet ouvrage collectif offre un tour d’horizon assez complet des différentes contraintes et conditions de la traduction journalistique. Il en ressort clairement que le principal problème, et c’est là le dénominateur commun des divers milieux de travail en traduction, est l’invisibilité du traducteur. Voilà qui démontre une fois de plus qu’il reste encore un long chemin à parcourir avant que le traducteur n’occupe la place qu’il mérite dans le monde. À lire pour découvrir un univers traductionnel encore peu étudié.