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PPARγ est un récepteur nucléaire de la famille des peroxysome proliferator-activated receptors dont font également partie PPARα et PPARβ/δ. Il est activé par fixation de ligands naturels comme certains acides gras polyinsaturés et des métabolites des prostaglandines. Il peut également être activé par des composés synthétiques de la famille des thiazolidinediones (TZD), tels que la rosiglitazone, la pioglitazone ou la troglitazone. Après liaison au récepteur, les TZD augmentent la sensibilité des cellules à l’action de l’insuline, en particulier par leur action au niveau des cellules adipeuses. Rosiglitazone et pioglitazone sont d’ailleurs couramment utilisées dans le traitement de la résistance à l’insuline associée au diabète de type II. Depuis la découverte des PPAR en 1990 [1], de nombreuses fonctions leur ont été associées. En effet, outre son rôle de sensibilisateur à l’action de l’insuline, PPARγ s’est aussi révélé être un régulateur de la masse adipeuse, de la prolifération cellulaire [2], ainsi qu’un modulateur des réactions inflammatoires. On sait maintenant que PPARγ est également exprimé dans les tissus impliqués dans la reproduction : gonades (ovaire, testicule), utérus, glande mammaire, prostate, hypophyse, et au niveau du système nerveux central [3-5] (Tableau I, Figure 1). À ce titre, il joue peut-être un rôle dans le lien qui existe entre le métabolisme énergétique et la reproduction chez les mammifères femelles, comme dans le cas du syndrome des ovaires polykystiques (OPK) qui est majoritairement associé à une résistance à l’action de l’insuline.

Tableau I

Rôles de PPARγ dans la fonction reproductrice des tissus autres que les ovaires et le placenta.

Rôles de PPARγ dans la fonction reproductrice des tissus autres que les ovaires et le placenta.

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Figure 1

Tissus exprimant PPARγ dans l’organe reproducteur chez la femme.

Tissus exprimant PPARγ dans l’organe reproducteur chez la femme.

PPARγ est exprimé dans presque tous les compartiments (indiqués en rouge) du tractus génital chez la femme : ovaire, embryon, placenta.

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PPARγ joue un rôle dans la reproduction

Durant ces deux dernières années, plusieurs équipes ont montré l’expression de PPARγ dans l’hypophyse (souris, mouton) [5, 6] et l’hypothalamus (rat) [5]. Une action anti-cancéreuse lui est attribuée dans les cellules hypophysaires de souris [6]). En effet, l’administration de TZD inhibe le développement des adénomes hypophysaires chez la souris mais aussi chez des patients. Dans l’hypothalamus, PPARγ pourrait avoir un rôle dans la régulation thermique chez l’homme, à travers la fixation de la 15d-PGJ2 (15-désoxy-δ12,14-prostaglandine J2) sécrétée dans le liquide céphalorachidien [5]. Cependant, PPARγ ne semble pas jouer un rôle dans la fonction de reproduction à ce niveau. En effet, chez l’ovin, la sécrétion des hormones hypophysaires LH (luteinizing hormone), FSH (follicle stimulating hormone), PRL (prolactine) et GH (luteinizing hormone) ne semble pas être affectée in vitro en réponse aux TZD [4].

En revanche, plusieurs travaux ont montré qu’au niveau de l’ovaire, PPARγ est fortement exprimé dans les cellules de la granulosa des follicules à antrum ainsi que dans le corps jaune [3, 4, 7]. Plusieurs études ont également montré que les TZD sont capables de stimuler la sécrétion de progestérone et d’oestradiol par les cellules de la granulosa chez la brebis et la rate. Des résultats similaires ont été obtenus sur les cellules de la thèque chez la truie [8, 9]. De façon paradoxale, chez des patientes atteintes du syndrome des OPK, les cellules de la granulosa montrent, au contraire, une inhibition de la sécrétion de progestérone et d’oestradiol en présence de troglitazone [7, 10]. Cette action inhibitrice de la troglitazone serait due à une baisse de l’activité des enzymes de la stéroïdogenèse (3-β-hydroxystéroïde-déshydrogénase ou 3-βHSD et aromatase) plutôt qu’à une action directe de PPARγ sur les promoteurs des gènes correspondants.

Chez la vache, après l’ovulation, la concentration de PPARγ dans le corps jaune augmente pour diminuer ensuite au moment de sa régression s’il n’y a pas eu formation d’un embryon [8, 11]. Par ailleurs, chez la souris, l’invalidation conditionnelle du gène codant pour PPARγ au niveau de l’ovaire conduit à une baisse de la fertilité [12]. Cette baisse ne serait pas due à une altération de la folliculogenèse ovarienne, mais à une chute du nombre d’embryons implantés, elle-même résultant probablement d’une diminution de la sécrétion de progestérone par les corps jaunes [12]. Il semble donc que ce récepteur soit indispensable in vivo à la formation et au maintien d’un corps jaune fonctionnel, capable d’assurer une sécrétion de progestérone compatible avec l’implantation embryonnaire. De plus, la comparaison avec d’autres modèles cellulaires suggère que PPARγ pourrait réguler l’expression de gènes requis pour l’ovulation et la maturation de l’ovocyte tels que la cyclo-oxygénase-2, l’activateur du plasminogène, les métalloprotéases matricielles (MMP-9), les enzymes stimulant la lipolyse et la capture des acides gras comme la lipoprotéine lipase, ou encore les gènes nécessaires à l’angiogenèse comme le VEGF (vascular endothelial growth factor).

Effets biologiques des TZD dans le traitement des ovaires polykystiques : une action directe ou indirecte ?

Le nombre de sujets présentant une insulinorésistance a augmenté au cours de ces dernières années, le diabète sucré touchant actuellement 3 % à 5 % de la population dans les pays occidentaux. Or, les femmes atteintes d’insulinorésistance présentent un risque plus élevé de développer des troubles de la fertilité. En particulier, le syndrome des OPK, qui affecte 5 % à 10 % des femmes en âge de procréer [13], est associé à une insulinorésistance dans 60 % des cas. Ce dérèglement ovarien, le plus fréquent chez la femme avant la ménopause, est caractérisé par l’apparition de kystes au niveau des ovaires, une anovulation chronique et des signes cliniques d’hyperandrogénie. L’étiologie de ce syndrome polyfactoriel reste mal connue, mais on sait que différentes anomalies endocriniennes sont susceptibles de l’entretenir comme une sécrétion anormalement élevée de LH sans pic préovulatoire, provoquant une hyperandrogénie, et un enkystement des follicules ovariens ou un dérèglement de la voie de l’insuline qui induirait une hypersensibilisation des cellules de la thèque à l’action de la LH. Notons que des mutations du récepteur de l’insuline associées à une résistance à l’insuline ont été décrites dans certains cas d’OPK.

Récemment, il a été montré que l’administration de molécules sensibilisantes à l’action de l’insuline telles que les TZD, le D-chiro-inositol et la metformine, permettait d’améliorer les problèmes de fertilité chez des patientes diabétiques [14-16]. Plus précisément, la metformine, molécule antidiabétique de la famille des biguanides, provoque une augmentation de la consommation de glucose et une diminution de sa synthèse dans le foie. La metformine entraîne également une diminution de l’activité de l’enzyme P450-17α hydroxylase, faisant chuter les niveaux sériques d’androgènes et diminuer la durée de la phase folliculaire [17]. Les TZD comme la rosiglitazone et la pioglitazone, molécules utilisées pour leurs propriétés hypoglycémiantes, ont les mêmes effets que la metformine. En effet, les TZD induisent une diminution des teneurs sériques en insuline, diminution elle-même corrélée à une baisse significative des teneurs sériques en androgènes et en LH, associées à une augmentation du nombre de cycles ovulatoires et du taux de grossesse. En revanche, aucun changement significatif de « l’index de masse corporelle » n’a été noté [14]. Enfin un dernier type de molécule sensibilisatrice à l’action de l’insuline, le D-chiro-inositol, présente les mêmes effets bénéfiques sur la fertilité [18]. L’ensemble de ces résultats montrent qu’il existe un lien clair, même s’il n’est pas encore précisément décrit, entre fonction ovarienne, d’une part, et métabolisme du glucose et de l’insuline, d’autre part. En revanche, la relation qui pourrait exister au niveau des mécanismes sous-jacents à l’action de ces trois types de molécules est plus difficile à établir.

Depuis la publication des travaux sur l’expression et les effets biologiques de PPARγ dans l’ovaire, il devient possible d’expliquer les effets des TZD dans le traitement des OPK par une action directe sur les cellules de la thèque ou de la granulosa. Toutefois, cette action directe reste encore hypothétique étant donné les résultats obtenus in vitro (parfois contradictoires) mentionnés ci-dessus. En particulier, dans les OPK, les cellules de la granulosa subissent in vivo une différenciation prématurée en cellules lutéales et leur sécrétion de stéroïdes sexuels est plutôt augmentée. On se serait donc attendu à observer un effet systématiquement inhibiteur des TZD sur la stéroïdogenèse des cellules folliculaires in vitro. Il est donc probable que c’est plutôt l’amélioration générale de la sensibilité à l’insuline au niveau périphérique qui permettrait indirectement, et par un mécanisme qui reste à découvrir, une amélioration de ces problèmes d’ovulation. Dans ce schéma, on pourrait penser que les effets spécifiques des TZD pourraient passer par un transfert du flux de triglycérides vers le tissu adipeux, ce qui conduirait à une diminution des concentrations circulantes en triglycérides et en acides gras libres. Or, ces concentrations sont élevées dans le cas des OPK [19]. Ce « retour à la normale » métabolique permettrait une sécrétion normale de GnRH (gonadotrophine releasing hormone), de FSH et de LH au niveau central. En effet, un effet spécifique de l’administration à long terme des agonistes de PPARγ en comparaison avec l’administration de metformine, est un gain de poids associé à une redistribution du tissu adipeux, avec diminution du tissu adipeux abdominal viscéral profond et une augmentation du tissu adipeux sous-cutané [20]. Or, le tissu adipeux est le site de la synthèse d’oestrogènes par aromatisation des précurseurs androgènes plasmatiques et l’accumulation de graisse viscérale est associée à une hyper-androgénie [21]. De plus, l’administration de rosiglitazone ou de pioglitazone provoque une augmentation de la SHBG (steroid homone binding globulin), résultant en une diminution des taux d’androgènes plasmatiques [22]. Ainsi ces deux effets des agonistes de PPARγ sur les niveaux d’androgènes plasmatiques pourraient constituer un des mécanismes indirects impliqués dans l’amélioration de la fonction ovarienne.

Notons enfin que parmi les mutations identifiées dans le gène codant pour PPARγ [23], la substitution Prol->Ala en position 12, responsable d’une perte d’activité du récepteur, est associée à une réduction de l’indice de masse corporelle, une amélioration de la sensibilité à l’insuline et une diminution du risque de diabète de type 2 [24]. Les femmes qui présentent ce polymorphisme ne sont néanmoins pas épargnées par le syndrome des OPK, malgré une insulinorésistance atténuée [25]. Cette observation montre donc que le lien existant entre PPARγ, résistance à l’insuline et kystes ovariens est loin d’être complètement élucidé.

Rôle de PPARγ dans le développement embryonnaire précoce et le développement placentaire

Les premières études d’invalidation chez la souris ont montré l’importance de PPARγ dans l’attachement de l’embryon à l’utérus et dans le développement et le fonctionnement placentaire [26]. Ces résultats sont en accord avec la forte expression de ce récepteur dans le trophectoderme et la masse cellulaire interne du blastocyste [27]. L’inactivation de PPARγ induit plus particulièrement un défaut de vascularisation du placenta, ce qui conduit à la mort de l’embryon en milieu de gestation. Une gestation normale peut toutefois être restaurée par le remplacement des cellules placentaires déficientes par des cellules sauvages [26, 28]. Des anomalies placentaires comparables chez les souris déficientes pour le récepteur RXRα suggèrent que l’hétérodimère PPARγ-RXRα est nécessaire au développement placentaire [29].

Les ligands de PPARγ sont produits au niveau de l’utérus au cours de la gestation. En particulier, le dérivé d’acides gras 15d-PGJ2 est colocalisé avec PPARγ dans les cellules trophoblastiques et les dérivés de l’acide arachidonique (acides hydroxyeicosatétranoïques), autres ligands de PPARγ, qui sont synthétisés par les cellules épithéliales de l’utérus au moment de l’implantation. L’utilisation d’inhibiteurs des 12/15-lipoxygénases, enzymes qui assurent la production de ces métabolites, réduit considérablement le taux d’implantation, et l’administration de rosiglitazone restaure ce taux d’implantation à des niveaux normaux [30]. Par ailleurs, une administration brève de TZD à des rates gestantes au moment de la différenciation trophoblastique permet de diminuer la mortalité embryonnaire de 50 % [31]. Enfin, chez la femme, PPARγ est aussi exprimé dans le tissu placentaire (syncytiotrophoblaste, cytotrophoblaste). Son activation stimule l’expression et la sécrétion d’hormones nécessaires à la grossesse et au développement du foetus telles que l’hCG (gonadotrophine chorionique humaine) et les hormones syncytiotrophoblastiques (hormones lactogènes, hormone de croissance placentaire, leptine) [32]. L’ensemble de ces résultats montre que PPARγ est essentiel pour la maturation d’un placenta fonctionnel.

Conclusions

Plusieurs questions se posent à la lumière de ces travaux récents. La première est de connaître les ligands naturels de PPARγ dans les différents tissus, dont les tissus reproducteurs, dans lesquels ce récepteur est exprimé. Il est ainsi possible que PPARγ joue un rôle intermédiaire clé entre métabolisme lipidique, acides gras à longue chaîne, et fonction ovarienne. Si tel est le cas, se poserait la question de l’impact du type d’acides gras ingérés dans l’alimentation sur la capacité à ovuler et à assurer un développement embryonnaire et foetal harmonieux. La deuxième question est de savoir si les effets bénéfiques des TZD chez les patientes atteintes du syndrome des OPK passent en partie par une action directe au niveau ovarien, comme le suggèrent les récents travaux cités, ou par une action bénéfique sur le métabolisme général de l’insuline, comme on peut le suggérer pour les effets d’autres molécules glucophages comme la metformine. Des travaux complémentaires sont maintenant nécessaires pour approfondir nos connaissances concernant l’impact du métabolisme lipidique sur la fonction ovarienne.