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Construisons une suite (Reihe[2]) dont le premier membre est une unité d’une espèce quelconque A et dont chaque autre membre est une somme qui vient au jour lorsqu’on combine un objet identique au membre précédent avec une nouvelle unité de l’espèce A : j’appelle tout membre de cette suite un nombre (Zahl) pour autant que je le pense comme saisi par une représentation qui nous donne la manière dont il est généré. Afin de la distinguer des autres suites qui viennent au jour lorsque, au lieu de prendre des choses de l’espèce A comme unités, on en prend d’une autre espèce j’appelle les membres de la suite précédente des nombres de l’espèce A ou nombres qui ont pour fondement l’unité A. J’appelle la propriété par laquelle chacun de ces membres devient un nombre (et qui la conserve que l’on échange les objets que l’on prend comme unité comme on voudra) un nombre au sens abstrait de ce mot ou un nombre abstrait, et par contraste avec les nombres abstraits, j’appelle ces membres eux-mêmes des nombres concrets ou nombre au sens concret du mot. En allemand, ces nombres (Zahlen), à l’exception du premier ou de l’unité, sont aussi appelés Anzahlen. Finalement, j’appelle la suite au complet la suite des nombres ou, pour la distinguer des autres suites dont les membres sont aussi des nombres, la suite naturelle des nombres ou aussi, suivant en cela certains, la suite des nombres naturels.

C’est ce que dit le premier paragraphe de la Théorie pure des nombres, un texte que Bolzano écrivit dans les années 1830[3]. Notre intention est d’interpréter et d’évaluer la conception du nombre qu’il y présente. La question se pose de savoir si on peut encore aujourd’hui apprendre quelque chose de la théorie bolzanienne ou si on doit se contenter de lui attribuer une valeur historique. Je pense que Bolzano peut en effet — malgré que sa position présente certaines lacunes — nous apprendre quelque chose de concret, et ce, parce qu’il établit des distinctions que nous ne rencontrons nulle part ailleurs en philosophie de l’arithmétique.

2. Desiderata d’une théorie des nombres : comparaison avec Frege.

Une théorie des nombres doit remplir les tâches suivantes : Elle doit

  1. dans la mesure où les lois de l’arithmétique sont tenues pour vraies, élucider les sources de la vérité de ces lois ;

  2. dans la mesure où les lois de l’arithmétique sont a priori, expliquer cette apriorité ;

  3. expliquer l’applicabilité de l’arithmétique ;

  4. expliciter le sens et la dénotation des propositions arithmétiques, de quelque espèce qu’elles soient ;

  5. dans la mesure où les nombres sont eux-même des objets, élucider leur nature en tant qu’objet ;

  6. reconnaître et expliquer les distinctions entre les différentes espèces de nombres (nombres naturels, entiers, rationnels, irrationnels et complexes).

Les tâches (1)-(3) sont de nature essentiellement épistémologique, (4) est sémantique, (5) ontologique et (6) d’une espèce mixte. Dans le domaine de la philosophie des mathématiques, Frege reste et demeure la mesure de tout effort. Frege avait une réponse à chacune des questions (1)-(6), et ses réponses — bien qu’en raison de l’antinomie de Russell elles ne soient pas pleinement acceptables — forment un tout systématique. Je résume rapidement la position de Frege. Elle nous sera utile comme contrepartie à celle de Bolzano qui, comme on le sait, partage plusieurs de ses opinions.

Ad (1) : Les lois de l’arithmétique sont vraies, et même logiquement analytiquement vraies sur la base des lois universelles de la logique et des définitions (ce qu’on a appelé le logicisme de Frege)

Ad (2) : Les vérités de l’arithmétique sont elles-mêmes analytiques (1) et, pour cette raison, a priori. Les propositions qui expriment des assertions sur le nombre d’objets qui tombent sous un concept (comme par exemple La planète Mars a deux lunes ou Le nombre des apôtres de Jésus est douze) sont des propositions empiriques et a posteriori.

Ad (3) : L’arithmétique et l’analyse sont applicables parce que les nombres sont définis dans les deux domaines de telle manière que leur applicabilité résulte de leur définition. Par exemple, le nombre 2 est défini grosso modo comme l’ensemble de tous les ensembles à deux éléments. Lorsqu’un concept est tel que tombent sous lui exactement deux choses, l’extension de ce concept appartient automatiquement au nombre 2. La même chose vaut pour les autres espèces de nombres.

Ad (4) : Frege distingue les propositions d’ordre pratique (comme Mars a deux lunes) des propositions de l’arithmétique pure (comme 2 + 3 = 5). Dans les premières, les expressions numériques fonctionnent comme des concepts de quantification — c’est-à-dire des concepts de deuxième ordre dont les arguments sont des concepts de premier ordre et dont les valeurs sont des valeurs de vérité — qui classent les concepts de premier ordre d’après le nombre d’objets qui leur sont subordonnés. Dans les propositions pures des mathématiques, par contre, les expressions numériques sont des noms propres qui désignent des objets mathématiques (et, pour Frege, voire même logiques). En présentant ce modèle à deux niveaux des énoncés arithmétiques, Frege doit aussi expliquer la relation entre ces deux niveaux, ce qui est accompli par sa théorie des extensions de concepts.

Ad (5) : Les nombres sont, comme on vient de le dire, des extensions de concepts sous lesquels tombent des extensions de concepts (qui sont elles-mêmes des objets).

Ad (6) : Selon Frege, les nombres naturels (ou, comme il les appelle, les Anzahlen) sont fondamentalement différents des indices (c’est-à-dire des nombres rationnels et irrationnels). Tandis que les nombres naturels se rapportent à des concepts et répondent à la question « combien de choses tombent sous ce concept ? », les nombres réels se rapportent à des relations, où l’inversion de la relation correspond à l’opposition positif/négatif. Contrairement à ce qui est le cas dans la plupart des autres théories des nombres, les nombres réels entiers 1, 2, 3, etc. se distinguent, selon Frege, des nombres naturels 1, 2, 3, etc. De cette manière, Frege s’assure que les nombres réels entretiennent un rapport essentiel avec leur application, notamment aux relations de proportions entre quantités mesurables[4]. Frege n’a pas lui-même développé de théorie des nombres complexes mais, en étant un peu charitable, il tout à fait possible d’en reconstruire une qui irait dans son sens[5].

Dans ce qui suit, je me consacrerai exclusivement à la théorie bolzanienne des nombres naturels. Les considérations qui tombent sous le point (6) ne sont donc pas absolument pertinentes, quoi qu’elles eurent été importantes pour les fins d’une exposition plus exhaustive de la théorie bolzanienne des grandeurs. Bolzano lui-même dit (quoique son usage du mot nombre soit vacillant — il parle ailleurs de nombres rationnels),

qu’il est plus approprié de comprendre par le mot nombre ce que l’usage linguistique commun appelle ainsi et ce que les mathématiciens ont coutume de nommer, afin de les distinguer clairement, nombres entiers ou réels[6].

3. Collections

À la théorie bolzanienne des nombres sous-tend une théorie des collections. Comme j’ai tenté de le démontrer ailleurs, cette dernière est plus qu’un simple archaïsme : elle nous livre le matériau qui pourrait servir à une théorie plus complète des espèces de collections les plus variées[7]. Je résume ici ce qui est nécessaire pour les fins de la compréhension de la théorie bolzanienne des nombres.

Les collections sont des objets qui sont complexes. Elles peuvent être individuelles ou collectives, c’est-à-dire des objets qui sont plusieurs individus (et non pas constitués de plusieurs individus). Les collections se divisent d’abord en deux classes : celles, d’une part, dont le type de complexité leur est essentiel et pour qui, donc, le mode de combinaison est pertinent ; celles, d’autre part, dont le type de complexité est sans intérêt. Bolzano appelle ces dernières ensembles (Mengen). J’appelle les premières des structures (le terme n’est pas de Bolzano). Les suites sont une sous-espèce importante de structure. Bolzano définit une suite de la manière suivante :

Lorsqu’une collection donnée de choses [...] A, B, C, D, E, F,…L, M, N,… a pour caractéristique qu’il se trouve pour chaque partie M une seule et unique autre partie N telle que nous pouvons déterminer chaque partie de la collection, soit N à travers sa relation à M ou M à travers sa relation à N et ce d’après la même loi, alors j’appelle cette collection une suite[8].

Bolzano exclut en général que les parties d’une collection puissent être répétées. Ainsi, aucune suite ne peut avoir un membre qui se répète. Ce concept de suite est donc plus étroit que le concept moderne d’après lequel, par exemple, la structure <0, 1, 0, 1, 0, 1,…> est admise comme suite, ce qui, dans ce qui suit, se révélera être un problème.

Parmi les ensembles, il y en a qui sont tels que toutes les parties d’une de ses parties sont aussi parties de cet ensemble. Bolzano les appelle sommes (Summen). Il y a toutefois d’autres ensembles qui sont tels que les parties de leurs parties ne sont pas parties de la collection. Je les appelle des classes (le terme n’est pas de Bolzano). Lorsque tous les éléments d’une classe sont de la même espèce, Bolzano nomme cette collection une pluralité (Vielheit). Lorsque cette espèce est A, cet ensemble est une pluralité de A[9]. Si A est un objet qui tombe sous le concept a (Bolzano dit : qui est subordonné àa), on peut appeler un A une unité concrète de l’espèce A[10]. Une pluralité de A est ainsi une pluralité concrète de A. Si une telle pluralité comprend tous les A, Bolzano l’appelle la totalité des A.

4. Nombres naturels

Prenons un concept a quelconque. Un objet qui tombe sous ce concept, un A donc, est une unité concrète de l’espèce A. Bolzano appelle le concept d’un A (le concept a) une unité abstraite de l’espèce a. Un ensemble dont les seules parties sont deux A distincts s’appelle, selon Bolzano, un deux (concret) de l’espèceA, un ensemble dont les seules parties sont trois A distincts s’appelle selon lui un trois (concret) de l’espèce A, et ainsi de suite. L’attribut (c’est-à-dire la propriété) d’être une collection dont les seules parties sont deux A est le deux abstrait de l’espèce A, etc. La propriété générale d’être une pluralité de A (c’est-à-dire une collection dont les parties sont des A) est la pluralité abstraite de l’espèce A. Lorsqu’on donne l’espèce des choses qui appartiennent à une pluralité, Bolzano appelle cette pluralité une pluralité dénommée (genannte Vielheit), sinon une pluralité non-dénommée. Par exemple, la paire des logiciens Russell et Whitehead est une pluralité dénommée et en fait un deux concret de logiciens. Par contre, une collection qui est donnée simplement comme un deux est un deux non-dénommé. Bolzano remarque en outre que le mot Anzahl est de préférence prédiqué des nombres concrets, mais que le mot nombre (Zahl) peut être prédiqué tant des nombres concrets que des nombres abstraits.[11] Avec ces concepts en main, nous sommes maintenant prêts à donner la définition bolzanienne des nombres naturels.

Les nombres concrets de l’espèce A sont des sommes concrètes de A qui se trouvent à un endroit déterminé dans une suite de nombres de l’espèce A. On remarquera ici que le fait de se trouver dans une suite est nécessaire. Un trois de l’espèce A n’est un nombre (et pas seulement une collection) que lorsqu’il apparaît comme troisième membre d’une suite qui se compose d’un A, d’un deux de l’espèce A et de lui-même (et ainsi de suite, si cette suite se poursuit). La même collection (un trois concret de A) peut se trouver dans plusieurs autres suites, par exemple dans une suite où elle n’apparaît pas en troisième position ou dans une suite qui n’est pas constituée exclusivement de collections de l’espèce A. Même lorsqu’une suite est constituée exclusivement de nombres concrets, voire même de nombres concrets de l’espèce A, elle n’est naturelle que si la quantité de A du n-ième membre est n.

Bolzano définit donc les nombres en tant que tels par des suites. Une collection (par exemple, un trois de A) peut faire partir de différentes suites de nombres naturels. Si on prend par exemple les neuf provinces autrichiennes (ici énumérées par ordre alphabétique d’après leur abréviation : B, K, N, O, S, St, T, V, W). Le trois des provinces occidentales {V, T, S} est le troisième membre des deux suites distinctes <{St}, {O, N}, {V, T, S}> et <{W}, {B, K}, {V, T, S}>.

À mon avis, Bolzano tente avec cette définition de faire d’une pierre… trois coups. D’une part, il veut établir un lien entre la manière naturelle de dénombrer et le concept de nombre. On dénombre des ensembles d’objets de même espèce en ceci que l’on réunit un A, puis un deuxième A, puis un troisième, etc. formant ainsi des ensembles toujours plus grands, et ce en progressant à chaque fois dans une suite : 1, 2, 3…. D’autre part, il cherche à établir un rapport intrinsèque entre la définition du nombre et l’ordre des nombres d’après leur grandeur ou leur puissance (c’est-à-dire leur Anzahl). Finalement, il veut aussi garantir qu’un nombre de A est un ensemble qui contient la bonne quantité de A comme éléments.

Cette tentative trahit toutefois une lacune fondamentale de la conception bolzanienne. Prenons les neuf provinces autrichiennes. Lorsqu’on les dénombre, il y en a neuf. Nous savons que le fait de commencer avec telle ou telle province et que l’ordre dans lequel nous ajoutons celles qui suivent est sans conséquence : C’est toujours le nombre 9 qui ressort. On peut par exemple les dénombrer de la manière suivante : <{W}, {W, N}, {W, N, O}, {W, N, O, B}, {W, N, O, B, St}, { W, N, O, B, St, K}, {W, N, O, B, St, K, S}, {W, N, O, B, St, K, S, T}, {W, N, O, B, St, K, S, T, V}>[12]. Nous disons, écrivons ou, d’une manière quelconque, marquons habituellement les places dans cette suite en disant, écrivant, etc… un chiffre ou une expression numérique comme ‘1’, ‘2’, etc… et en terminant par ‘9’ (‘neuf’). Le nombre de provinces sera signalé de manière univoque par ce chiffre ou cette expression numérique et par le fait que la suite se termine avec ce chiffre. C’est ce à quoi ressemble — bien qu’elle soit ici enrichie par quelques variations inessentielles — la procédure de dénombrement telle qu’on nous l’apprend. Or, Bolzano rend l’application d’une telle procédure impossible en ceci qu’il interdit qu’un A ou qu’une unité de l’espèce A puisse être répétée. Mais, comme nous l’avons expliqué ci-haut, une répétition de cette espèce est précisément ce qui caractérise la procédure de dénombrement. La première unité, la province de Vienne, apparaît comme élément de tous les ensembles subséquents. C’est ainsi que nous comptons. La procédure bolzanienne exige toutefois que chaque nouvel ensemble contienne de nouveaux objets qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans la suite. Si on suit Bolzano, il est donc en principe impossible de dénombrer plus de trois provinces autrichiennes, ce qui rend sa définition absurde.

Le coupable dans cette affaire est la conception ontologique qu’a Bolzano des suites. Une suite est comprise comme une espèce de collection, et Bolzano ne tolère dans une collection aucune redondance, ce qui pour une collection est en soi correct. Il dit :

Même lorsqu’une représentation A est objectuelle, la représentation d’une collection de la forme (A, A) ou (A, A, A) peut être sans objet, notamment lorsque la représentation A n’a qu’un seul objet, la représentation (A, A) est alors sans objet ; et lorsque A n’a que deux objets, la représentation (A, A, A) n’est pas objectuelle[13].

Mais des ensembles (collections) comme {W, N} et {W, N, O}, même s’ils ont des éléments communs, sont néanmoins différents. Des recoupements doivent donc être possibles en ce qui concerne les suites, ce à quoi Bolzano ne consent pas[14]. En principe, le concept bolzanien de suite s’appuie de manière trop étroite sur le concept ontologique de collection. D’un point de vue mathématique, la suite <10, 11, 12, 13, 14, …> est tout aussi acceptable que la suite <20, 21, 22, 23, 24, …>, bien que cette dernière ne présente aucune répétition et que la première ne contienne que cela. La conception moderne de la suite comme fonction dont le domaine de définition sont les nombres naturels ou une section des nombres naturels échappe ici malheureusement à Bolzano.

Si on fait abstraction de ce problème, l’analyse bolzanienne du concept de nombre concret est cependant à mon avis très subtile. Chaque pluralité concrète (finie) peut être comprise comme un nombre concret : en partant d’un de ses éléments et en ajoutant à chaque fois un nouvel élément on retrouvera à chaque fois l’ensemble d’origine. Le Neuf des provinces autrichiennes (qui en est la totalité) peut se faire le dernier membre de 9 ! = 362 880 suites, qui parviennent cependant toutes au même résultat.

5. Les nombres abstraits.

Bolzano peut-il définir les nombres abstraits, comme par exemple le 9 ? D’abord, il est clair que les propriétés abstraites comme être neuf A peuvent être appliquées à plusieurs ensembles. Chaque ensemble de neuf hommes a précisément la propriété d’être un ensemble de neuf personnes. Il y a donc quelque chose qui n’est pas un ensemble mais bien plutôt une propriété commune à certains ensembles et qui doit être considéré comme le nombre abstrait mais dénommé de neuf personnes. On parvient à la chose unique, au nombre abstrait 9 lui-même, en faisant abstraction de l’espèce A. C’est ce qui se produit lorsqu’on remplace le terme sortal A par le concept formel objet ou quelque chose. Chaque Neuf de choses arbitraires doit être considéré comme un nombre concret mais non-dénommé. L’attribut ou la propriété abstraite d’être un ensemble de neuf objets est ainsi ce qui revient de manière identique à tous les neufs. Cette propriété est autre chose que le concept de second ordre de Frege, et ce pour plusieurs raisons. Le concept frégéen peut être rendu par l’expression quantificationnelle il y a exactement neuf objets qui …, dans laquelle la partie non-saturée doit être remplie par un concept de premier ordre. Le nombre frégéen n’est donc pas une propriété d’ensemble, mais un concept de concept. Deuxièmement le nombre nominalisé 9 de Frege est un ensemble (plus précisément un parcours de valeur) dont les éléments sont tous des ensembles de neuf, tandis que le 9 de Bolzano est une propriété, et en tant que telle un objet qui n’a besoin de rien d’autre. La propriété d’être neuf hommes a comme extension des ensembles qui ont tous neuf éléments. Mais, la définition bolzanienne, même si elle ne rejoint pas parfaitement celle de Frege, en est la proche parente[15].

Ce qui manque chez Bolzano est une analyse des relations internes entre les propriétés numériques abstraites. Une telle analyse se laisse toutefois reconstruire sans problème. La propriété d’être un ensemble de neuf objets suit immédiatement la propriété d’être un ensemble de 8 objets en ceci que chaque ensemble de huit objets devient un ensemble de neuf objets lorsqu’on y ajoute un seul objet. La relation qui peut s’exprimer par être un ensemble contenant exactement un objet de plus que exprime la relation du successeur immédiat et peut ainsi être considérée comme le fondement d’une présentation de type péanien des propriétés numériques dans laquelle on ne doit pas commencer par 0 mais par 1. Comme Frege — mais d’une manière moins excentrique — Bolzano réussi à faire le lien entre les nombres abstraits (propriétés) et l’application de tels nombres à des ensembles concrets de choses. Contrairement à l’Idéographie de Frege, il manque toutefois à Bolzano une définition de l’opération de succession pour les relations, de telle sorte qu’il est impossible de formuler l’axiome d’induction à partir de sa théorie. Bolzano ne réussit donc pas — malgré son intérêt pour les paradoxes et idiosyncrasies de l’infini — à définir la notion de nombre infini. Il fallut pour cela attendre Cantor[16].

Traduit de l’anglais par Sandra Lapointe