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Introduction

Une production végétale de qualité sous-entend des produits finis de haute gamme et l’utilisation de technologies qui préservent au mieux l'environnement. Toute approche réaliste visant à réduire l'apport de pesticides et de fertilisants chimiques et à protéger les cultures et la qualité des sols mérite d'être exploitée. L’association symbiotique entre des champignons du sol et les racines de la majorité des plantes terrestres entraîne un échange bidirectionnel de composés carbonés de la plante vers le symbiote fongique et de composés minéraux du champignon vers la plante. L'efficacité des fertilisants s’en voit améliorée, la croissance végétale stimulée, l’usage de pesticides atténué, et la résistance aux stress biotiques et abiotiques améliorée (Smith et Read 1997).

Les champignons mycorhiziens de type arbusculaire (MA), regroupés dans le phylum Glomeromycota, sont des champignons filamenteux coenocytiques qui colonisent à la fois le sol et les racines en établissant un pont entre la rhizosphère et la plante. Les hyphes extraracinaires augmentent le volume de sol (eau et minéraux) accessible à la plante alors que les hyphes intraracinaires se propagent dans les espaces intercellulaires, se gonflent en vésicules selon leur génotype et forment des arbuscules intracellulaires créant une importante zone interface entre les cellules des deux partenaires, sites privilégiés d’échanges nutritifs.

Le complexe « plante-mycorhize-environnement » constitue la norme dans la nature. Lors d’une exploitation intensive des sols cultivés via une fertilisation abondante et des traitements pesticides, production et protection végétales deviennent tributaires d’intrants chimiques et davantage susceptibles aux stress. Le potentiel des MA comme agent de lutte biologique a été répertorié chez des dizaines d’espèces cultivées en association avec plusieurs Gloméromycètes pour des affections d’origine principalement fongique et bactérienne. Cinq mécanismes d’action émergent de ces investigations, au niveau de la plante, du parasite et de la microflore du sol.

Mécanismes d'action

Les premières investigations relatives au potentiel des MA comme agent de lutte biologique datent des années 1960 alors qu’on réalisait à peine l’impact bénéfique de ces organismes sur la croissance et la survie des plantes. Depuis, de nombreuses investigations permettent d’attribuer à ces organismes un rôle d’agent de lutte biologique (Singh et al. 2000; St-Arnaud et al. 1995; Whipps 2004; Xavier et Boyetchko 2002), qui s’interconnecte intimement à celui mieux connu de promoteur de croissance. Le grand nombre de plantes qui bénéficient du soutien des mycorhizes et la variabilité d’action des espèces et souches fongiques font que, lors de synthèses des travaux en lutte biologique effectués à ce jour, on doit sagement relativiser l’ensemble des résultats. Plusieurs des mécanismes d’action répertoriés jusqu’à maintenant agissent de manière indirecte sur les affections parasitaires. Ils concernent l’amélioration de la nutrition de la plante, la transformation de la morphologie végétale, la modification de la microflore et de la composition des sols. D’autres actions plus directes impliquent la stimulation de mécanismes de défense par la plante et la compétition entre mycorhizes et parasites pour l’espace, les sites d’infection et les éléments nutritifs. Dans tous les cas, les conditions de culture susceptibles d’influencer le développement des plantes, des parasites et des champignons mycorhiziens peuvent interférer sur le potentiel prophylactique des mycorhizes, qu’il s’agisse de facteurs abiotiques tels que la sécheresse, la température ou le taux de fertilisation du sol, ou de facteurs biotiques tels que les espèces végétales, mycorhiziennes et parasitaires en présence, l’état mycorhizien des plantes, la virulence des parasites et la diversité de la microflore compagne.

Croissance et nutrition

Connaissant le fonctionnement général des mycorhizes, l’augmentation de la croissance et de la santé générale des plantes colonisées se traduit par une vigueur accrue qui leur permet de mieux tolérer les stress environnementaux dont ceux causés par diverses maladies (Azcon-Aguilar et Barea 1996). Cette réduction de la susceptibilité aux infections n’est généralement efficace que lorsqu’une symbiose fonctionnelle s’établit préalablement à l’attaque du parasite car, dans la majorité des cas, ces derniers, une fois en contact avec leur hôte, envahissent nettement plus rapidement les tissus végétaux que les champignons mycorhiziens. Dans le cadre d’une analyse détaillée des résultats expérimentaux publiés disponibles, Pinochet et al. (1996) ont mis en évidence qu’effectivement il existe un facteur de cause à effet entre la nutrition améliorée des plantes mycorhizées et leur résistance aux attaques de parasites, mais que ce facteur ne compte que pour une partie seulement de la protection. Ainsi, dans le cas de la fusariose de la tomate, une nutrition optimale en phosphore n’atténue pas les symptômes de la maladie (Caron et al. 1986), ce qui indique clairement que d’autres mécanismes de protection viennent se greffer à la nutrition comme facteur de protection. De plus, les bénéfices de la mycorhization sur la protection contre les parasites apparaissent souvent une fois seulement que le parasite a envahi l’hôte, ce qui indique qu’une diversité de mécanismes sont impliqués dans la protection.

Morphologie racinaire

Chez certaines plantes, la colonisation mycorhizienne entraîne une ramification accrue du système racinaire, un raccourcissement des racines adventives, une augmentation des racines fines ou une transformation de l’architecture racinaire liée aux proportions respectives des catégories de racines. C’est le cas pour les espèces ligneuses : peuplier (Hooker et al. 1992), platane (Tisserant et al. 1991), prunier (Berta et al. 1995) et érable (Chapdelaine et al. 1998), ainsi que pour des plantes herbacées telles que le poireau (Berta et al. 1993), la tomate (Gamalero et al. 2004) et le fraisier (Norman et al. 1996). Dans ce dernier cas, la mycorhization s’accompagne d’une protection accrue contre la pourriture racinaire causée par Phytophthora fragariae Hickman alors qu’on pourrait croire qu’une abondance de ramifications puisse fournir à un tel parasite davantage d’opportunité pour infecter les tissus racinaires. La ramification intense des racines induite par la mycorhization s’accompagne d’une intensification des exsudats racinaires qui serait responsable de modifications de la microflore et d’interactions directes avec les parasites (Norman et Hooker 2000).

Mécanismes de défense

La colonisation mycorhizienne prédispose les plantes à réagir rapidement aux attaques de parasites (Dugassa et al. 1996; Singh et al. 2000). Cette protection indirecte se traduit au niveau cellulaire par des réactions anatomiques, métaboliques et physiologiques, ainsi que par l’induction ou la suppression de divers mécanismes de défense liés aux phytoalexines, phénols, peroxydases, chitinases, ß-glucanases, lignification, déposition de callose et diverses autres protéines liées à la pathogenèse. Les plantes colonisées produisent davantage d’éthylène, méthylent plus efficacement l’ADN et synthétisent davantage d’arginine dans leurs racines (Baltruschat et Schönbeck 1972; Harrier et Watson 2004), signes d’une hausse d’activités métaboliques.

On note chez certains couples « plante-mycorhize » une augmentation du taux de lignification des parois cellulaires de l’endoderme et des tissus vasculaires, et un dépôt de callose, ce qui peut expliquer la restriction des propagules mycorhiziennes au seul cortex racinaire. Cette lignification accrue constitue une barrière de protection pour la racine contre la pénétration de parasites et s’accompagne d’une accumulation de composés phénoliques vraisemblablement suivie d’une activité chitinolytique qui altère les parois, notamment de certains parasites fongiques (Benhamou et al. 1994; Sylvia et Chellemi 2001).

En ce qui a trait aux phytoalexines et aux gènes codant des processus de défense, leur induction varie selon les complexes plante-mycorhize-parasite (Harrison et Dixon 1993; Wyss et al. 1991); leur activité augmente généralement en début de colonisation pour disparaître une fois la symbiose établie. Le même scénario a été observé pour les enzymes phénylalanine ammonia-lyase (PAL) et chalcone synthase respectivement associées aux voies phénylpropanoïdes et à la synthèse de flavonoïdes et isoflavonoïdes (Lambais et Mehdy 1993; Volpin et al. 1994). Les phytoalexines peuvent être induites à la fois localement chez des cellules colonisées par les arbuscules mais aussi dans les tissus racinaires non colonisés.

L’activité des peroxydases et l’accumulation de phénols mises en place lors d’une infection parasitaire se retrouvent généralement inhibées au fur à mesure de l’établissement de la colonisation mycorhizienne, mais ne sont jamais détectées au niveau des cellules corticales habitées d’arbuscules (Spanu et Bonfante-Fasolo 1988), alors qu’elles peuvent être localement stimulées chez l’épiderme de la plante (Gianinazzi et Gianinazzi-Pearson 1992).

Les enzymes hydrolytiques chitinase et ß-glucanase jouent un rôle de protection, étant impliquées dans la dégradation des parois cellulaires. À ce titre, elles sont reconnues pour leur activité antifongique (Dumas-Gaudot et al. 1996). Une hausse de l’activité des chitinases et ß-glucanases a été observée chez les racines de légumineuses avant même tout contact racinaire avec Glomus intraradices Schenck & Smith (Volpin et al. 1994) et au début de la colonisation, pour diminuer et pratiquement disparaître une fois la mycorhization établie et fonctionnelle (Lambais et Mehdy 1993; Spanu et al. 1989). Cette activité est d’ailleurs principalement liée aux jeunes arbuscules dont la longévité n’atteint que 3-4 jours (Blee et Anderson 1996). La dégradation continuelle des arbuscules intraracinaires entraîne une augmentation d’activité chitinolytique dans les couches profondes des cellules corticales ce qui peut directement affecter l’intégrité cellulaire des parasites (Benhamou et al. 1994; Dehne et al. 1978). La présence d’isoformes de chitinase nouvellement synthétisées et différentes de celles synthétisées par les parasites ont été détectées dans des racines de tabac et de tomates mycorhizées et parasitées (Cordier et al. 1996; Dumas-Gaudot et al. 1992), un mécanisme de défense spécifique aux parasites induit par les parois cellulaires de l’hôte (Pozo et al. 1998). En résumé, une colonisation mycorhizienne bien établie entraîne des changements considérables des mécanismes de défense de la plante pour contrer l’action de certains parasites (Guenoune et al. 2001; Wyss et al. 1991).

Interactions mycorhize-parasite

Lors d’infections parasitaires diverses, on note que dans 50 % des cas les MA réduisent la croissance de parasites, alors que dans 32 % des cas elles suppriment leur action néfaste et dans seulement 16 % des cas le développement des mycorhizes est négativement affecté par le parasite (Borowicz 2001; Pinochet et al. 1996). L’interprétation de ces statistiques doit toutefois se faire prudemment. L’échantillonnage disponible à ce jour ne couvre que quelques dizaines de plantes cultivées en milieu agricole associées à une douzaine de souches mycorhiziennes testées sur un nombre encore limité de parasites affectant principalement les racines.

Il est reconnu que le pouvoir protecteur des mycorhizes dépend de la nature du parasite (bactérie, champignon, virus) et diminue d’efficacité proportionnellement à l’augmentation de la virulence du parasite et à la concentration des propagules de ce dernier, tout en demeurant tributaire des conditions environnementales et de la nature des intervenants en présence. De plus, une réduction de l’incidence d’une maladie peut dépendre d’une résistance accrue de la plante et la baisse d’activité mycorhizienne peut impliquer une compétition directe des antagonistes pour les éléments nutritifs (Muchovej et al. 1991; Smith et Gianinazzi-Pearson 1988; Traquair 1995) et la disponibilité des sites d’infection.

Les champignons MA, tout comme la plupart des parasites végétaux, et particulièrement les agents pathogènes fongiques, obtiennent leurs ressources nutritives carbonées directement de l’hôte végétal. Leur cohabitation avec la plante entraîne une compétition directe entre symbiote et parasite pour ces ressources énergétiques. Dans plusieurs cas, la croissance des deux organismes s’en trouve atténuée par une baisse du taux de sporulation du parasite ou par une réduction du taux de colonisation mycorhizienne des racines sans toutefois que les symptômes ou la sévérité de la maladie ne soient affectés. Dans cet ordre d’idée, Larsen et Bodker (2001) ont utilisé comme mesure de référence les taux respectifs d’acides gras neutres dans le parasite et le champignon mycorhizien au cours du développement de la pourriture racinaire de plants de pois causée par Aphanomyces euteiches Dreschler. Leurs résultats indiquent une perte énergétique réciproque chez les deux microorganismes ce qui suggère une compétition directe pour les sources carbonées.

Un modèle de prédiction de protection des plantes par les MA proposé par Smith et Gianinazzi-Pearson (1988) présente l’hypothèse qu’un parasite strictement obligatoire serait davantage affecté par les mycorhizes que des parasites capables d’un certain degré de saprophytisme (ex. rouille vs Fusarium). Le tout est basé sur plusieurs exemples montrant que les MA agissent sur la physiologie de la plante et rivalisent avec le parasite pour les ressources carbonées d’origine végétale et pour la disponibilité des sites d’infection. En fait, les quelques études effectuées sur l’interaction rouille-mycorhize montrent effectivement une augmentation de la biomasse végétale et une augmentation de l’incidence de la maladie (Meyer et Dehne 1986).

Dans une racine fortement colonisée par des souches mycorhiziennes à potentiel mycorhizien élevé, les hyphes colonisant les racines saturent davantage les sites d’infection disponibles, limitant ainsi la pénétration de la racine par les hyphes d’un parasite. Ceci ralentit ou retarde le développement du parasite et diminue d’autant l’incidence de la maladie. Une action systémique peut aussi être observée alors que l’incidence de la maladie est augmentée dans les zones racinaires non mycorhizées, la plante conservant intactes les zones colonisées. Dans le cas de virus, l’incidence de la maladie a plutôt tendance à augmenter chez les plantes mycorhizées (St-Arnaud et al. 1995). Par le biais de techniques d’immunofluorescence, il a été démontré que les virus se concentrent de préférence dans les cellules colonisées par les arbuscules, sites d’activité métabolique élevée. Le virus y bénéficie des échanges intensifs de minéraux, de protéines et d’acides nucléiques entre la plante et ses symbiotes mycorhiziens.

Les observations de St-Arnaud et al. (1995) et de Filion et al. (1999), obtenues in situ dans un système de culture monoxénique à deux compartiments, révèlent que le mycélium mycorhizien de G. intraradices stimule la germination prématurée des conidies de Fusarium oxysporum f sp. chrysanthemi Littrell Armstr. & Armstr. en absence de racines, sans détection d’antibiose. Extrapolées en milieu naturel, ces observations supposent un contrôle à distance d’infections parasitaires par le biais des hyphes extraracinaires.

Microflore du sol

L’activité microbienne des sols contribue considérablement à sa fertilité par le biais de synergies entre microorganismes, de compétitions et de parasitismes. Les hyphes extraracinaires des mycorhizes à arbuscules peuvent constituer à eux seuls jusqu’à 80 % de la masse microbienne avec près de 150 cm d’hyphes cm-3 de sol (Kabir et al. 1997). Une manipulation appropriée de cette microflore ou l’introduction d’organismes antagonistes aux parasites peut prévenir sinon contrôler la sévérité d’une infection (Linderman 1992). Bien que souvent négligée comme élément du complexe plante-mycorhize-parasite, cette microflore influence l’environnement physico-chimique de la rhizosphère et contrôle diverses interactions microbiotiques du sol. Des nombreuses composantes microbiennes de la rhizosphère, certaines fonctionnent en synergie avec les plantes mycorhizées, favorisant croissance et protection alors que d’autres peuvent interférer négativement (Barea et al. 2002; Gryndler et al. 2000).

Ainsi, la mycorhization affecte directement la quantité et la qualité des exsudats racinaires, ce qui entraîne une réorganisation de la microflore de la rhizosphère le tout tributaire des espèces fongiques et végétales en symbiose, de la maturation des plantes, de leur degré de mycorhization et des conditions environnantes (Bansal et al. 2000; Marschner et al. 2004; Meyer et Linderman 1986). L’activité mycorhizienne se traduit généralement par une augmentation de la diversité et de l’abondance des microorganismes du sol, notamment parmi les antagonistes de parasites (Linderman 2000; Secilia et Bagyaraj 1987; Thomas et al. 1994). Ces modifications de la microflore varient selon les paramètres éco-physiologiques et les souches mycorhiziennes testées, et peut affecter l’ensemble de la microflore ou encore l’une ou l’autre de ses composantes (Andrade et al. 1997). Ainsi, Meyer et Linderman (1986) ont mesuré dans la rhizosphère du maïs et du trèfle mycorhizés une augmentation de bactéries anaérobiques, une diminution des Pseudomonas, des actinomycètes et des Streptomyces, mais aucun changement chez des bactéries Gram négatif. Gryndler et al. (1995) ont observé en culture hydroponique une augmentation significative du nombre d’arbuscules lors de l’addition de bactéries capables de solubiliser des composés à base de phosphate ou de chitine.

La synergie entre les bactéries solubilisatrices de phosphate et les champignons MA se traduit par une stimulation de la germination des spores, de la colonisation racinaire mycorhizienne et l’augmentation des populations bactériennes totales (Azcon-Aguilar et Barea 1995). Ces interactions représentent autant de possibilités de ralentir ou d’inhiber l’attaque de parasites.

Il a également été mis en évidence que les mycorhizes peuvent stimuler l’exsudation d’antibiotiques par les racines et les bactéries du sol (Barea et al. 2002). Contrairement aux pesticides qui possèdent généralement un large spectre d’action envers la microflore, les multiples implications des mycorhizes dans la rhizosphère peuvent modeler la microflore microbienne de façon à remédier au déséquilibre causé par la prolifération excessive d’un parasite.

Certaines bactéries du sol secrètent des métabolites capables d’altérer la perméabilité des parois des cellules racinaires, d’en augmenter l’exsudation, de stimuler le développement des symbiotes mycorhiziens et la colonisation des racines (Jeffries et al. 2003). D’autre part, il a été démontré qu’un mycorhize fonctionnel peut entraîner des variations importantes de la composition des exsudats racinaires. Les exsudats racinaires de tomates mycorhizées indiquent une hausse significative des taux d’acides aspartiques et glutamique et une diminution des taux d’arginine, de gycine et de thréonine (Harrier et Watson 2004). Il en résulte une légère baisse du pH du sol probablement suffisante pour retarder la sporulation ou ralentir le métabolisme de plusieurs parasites (Norman et Hooker 2000).

Certaines composantes de cette microflore interagissent avec les MA à la manière d’agents de lutte biologique. C’est le cas du Gliocladium virens Mill. et du Bacillus subtilis (Ehrenberg) Cohn qui, lorsqu’appliqués à une plante colonisée parasitée, stimulent à la fois la colonisation racinaire et réduisent l’incidence de la maladie (Bochow et Abou-Shaar 1990; Paulitz et Linderman 1991). En ce sens, plusieurs inoculants mycorhiziens commerciaux sont maintenant offerts en combinaison avec un agent de lutte biologique reconnu afin d’exploiter au mieux les pouvoirs conjoints de stimulateurs de croissance et d’agent de lutte biologique.

Statut général et perspectives

La plupart des investigations présentées ci-dessus ont été menées en milieu contrôlé (chambres de croissance, serres ou parcelles choisies), combinant généralement un seul organisme parasite et une seule souche de champignon mycorhizien, les deux généralement reconnus respectivement pour leur potentiel pathogène et mycorhizien élevé. Le contexte de telles études ne reproduit aucunement les conditions de culture qui prévalent en champ ou en milieu naturel. L’extrapolation de telles données demeure hasardeuse compte tenu de la variabilité des résultats et de la différence de conditions qui sévissent en milieu naturel comparativement aux conditions d’expérimentations. Selon les souches mycorhiziennes et les cultivars de plantes étudiées, les résultats peuvent varier d’une protection à une aggravation de la maladie. De plus, les habiletés prophylactiques d’une souche donnée demeurent tributaires des conditions nutritives du sol, le taux de P disponible étant le facteur le plus influent connu à ce jour. L’expérimentation in situ sur le potentiel bioprotecteur des mycorhizes est donc ardemment requise afin de passer le plus rapidement et le plus efficacement possible à un usage plus fréquent et éventuellement une protection plus « douce » des cultures, qui soit de plus efficace sur une longue période.

Bien que restreint, le nombre de maladies et de plantes étudiées à ce jour permet de dire que les MA constituent une méthode de prévention prometteuse, facile d’utilisation et respectueuse de l’environnement. À ces atouts s’ajoute leur potentiel très bien répertorié d’organismes bénéfiques à la croissance, dont l’usage permet de réduire substantiellement l’apport externe d’intrants chimiques, de fertilisants et de pesticides.

L’usage des mycorhizes en agriculture doit être considéré comme une stratégie proactive à la lutte biologique. Connaissant l’impact conjugué des mycorhizes sur le rendement des cultures et comme agent de lutte biologique, leur introduction systématique dans les régies de production visent l’obtention de bénéfices relatifs à la fois à la production et à la protection des végétaux. La restauration du complexe plante-mycorhize dans les sols, soit par inoculation directe ou par transplantation de plantes pré-mycorhizées, permettrait de rétablir et surtout de conserver à long terme cet équilibre et ce potentiel pour la production et la protection des cultures. De plus, l’usage des mycorhizes s’accommode tout à fait des stratégies proactives déjà pratiquées pour certaines productions, tels que la rotation des cultures et le labour minimal. Une fois rétabli, le potentiel mycorhizien d’un sol peut perdurer durant de nombreuses années sans apport excessif ou onéreux de fertilisants et de pesticides, ce qui entraîne à moyen terme une économie non négligeable du coût de production, une meilleure conservation des terres, de la qualité des cultures et une réduction de l’usage de pesticides.