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Pour quelle raison les propriétaires de grands hôtels montréalais du milieu du xixe siècle ont-ils cru judicieux ou nécessaire d’investir dans la publication de guides touristiques alors que nombre d’auteurs et d’éditeurs avaient déjà commencé à occuper ce marché au cours des décennies précédentes? À part une occasion de faire connaître leur établissement, quels avantages croyaient-ils pouvoir en tirer? Se sont-ils contentés de copier la formule des guides déjà existants? Ce phénomène fut-il isolé ou largement adopté? Enfin, comment a-t-il évolué dans une société obnubilée par la consommation et les loisirs, qui raffinait de plus en plus ses stratégies publicitaires?

L’étude préliminaire d’un corpus de 25 guides d’hôtels montréalais que Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) possède en format papier ou microforme a permis d’apporter des éléments de réponse à ces questions[1]. En plus de mettre en lumière la richesse de ce corpus méconnu[2], l’auteure de cet article espère susciter un intérêt pour des recherches subséquentes sur le sujet. En effet, ces guides d’hôtels constituent une source inestimable d’information à la fois sur l’histoire des hôtels montréalais du xixe siècle et sur l’histoire de Montréal, sur les itinéraires touristiques empruntés à l’époque, sur l’évolution du langage et des stratégies de publicité dans l’imprimé ainsi que sur les produits et services de luxe, que ces guides annoncent abondamment : grands hôtels du Canada et des États-Unis, compagnies ferroviaires et maritimes, magasins de toutes sortes, etc.

Contexte d’éclosion des grands hôtels montréalais

Le développement du tourisme en Amérique au xixe siècle découle en grande partie d’un contexte socioéconomique particulier. La société industrielle engendre un fort besoin en moyens de transport efficaces adaptés aux finalités du commerce. Les capitaux sont concentrés entre les mains d’une classe sociale de privilégiés ayant les moyens de voyager pour leur plaisir sur un territoire sans cesse élargi. La nouvelle sensibilité romantique de l’époque joue aussi un rôle dans ce développement, les oisifs recherchant désormais le dépaysement et les émotions fortes.

Grâce à l’invention, au début du xixe siècle, du bateau à vapeur, beaucoup plus rapide et fiable que le bateau à voile, cette nouvelle classe de gens fortunés peut explorer le nord-est du continent, riche en cours d’eau. Dès 1825, des guides touristiques proposent des circuits touristiques qui incluent Montréal et Québec. Le Bas-Saint-Laurent, Charlevoix, le Saguenay et l’Outaouais jusqu’aux chutes Niagara deviennent à la mode. L’édification de lignes de chemin de fer, à partir du deuxième tiers du xixe siècle, contribue encore davantage à l’intensification du développement touristique du Québec, en amenant les voyageurs à découvrir des régions éloignées des grandes voies fluviales, notamment les Cantons-de-l’Est, les Laurentides et le Lac-Saint-Jean[3].

Au Canada, jusqu’au premier quart du xixe siècle, les rares voyageurs devaient en général se contenter d’auberges inconfortables dans lesquelles ils s’entassaient sans véritable intimité. Peu à peu, l’offre hôtelière se bonifie afin d’accueillir un nombre croissant de touristes et d’hommes d’affaires à la recherche de standards de confort toujours plus élevés. Le concept de grand hôtel, doté d’une façade à l’architecture remarquable, d’un hall somptueux, de logements privés, de vastes espaces de rencontre tels que des salles de bal et de banquet serait né aux États-Unis dans les années 1820. Le Tremont House, ouvert à Boston en 1829 et comportant 170 chambres, est devenu la figure emblématique de cette nouvelle formule[4].

Au Québec, les premiers hôtels prestigieux voient logiquement le jour à Montréal[5]. Deuxième ville portuaire d’Amérique du Nord au xixe siècle, carrefour de multiples réseaux ferroviaires, centre incontesté du commerce et de la finance au Canada, Montréal doit absorber un flot constant de voyageurs d’affaires et d’agrément. Symbole de la réussite du capitalisme industriel, la ville est admirée non seulement pour la majesté prospère de son architecture, dont le Golden Square Mile est la manifestation la plus frappante[6], mais également pour les miracles d’ingénierie qu’elle abrite. Le pont Victoria, les canaux et le système d’aqueduc sont minutieusement décrits dans certains guides.

Les exigences des voyageurs s’accroissant toujours, on verra les hôtels montréalais annoncer d’innombrables rénovations et agrandissements au fil des ans (ill. 1). Le nombre de chambres augmente sans cesse, passant pour certains de 100 à 500 au début du xxe siècle. Alors que l’existence de salles de bain sur chaque étage paraît le comble du luxe vers 1870, on vante bientôt le nombre de chambres avec salle de bain privée dont on dispose, la présence d’eau chaude, d’électricité, de téléphones et d’ascenseurs, ainsi que d’un système fiable d’alarme-incendie, les hôtels étant régulièrement la proie des flammes au xixe siècle (ill. 2). De telles entreprises exigeant d’énormes investissements qui ne peuvent être rapidement absorbés, seul un succès prolongé peut en garantir la survie.

(ill. 1)

Publicité pour l’hôtel Donegana, 1852. BAnQ, Centre d’archives de Montréal, collection Édouard-Zotique Massicotte, albums de rues (MAS 3-189-a). Num.

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(ill. 2)

Publicité pour l’hôtel Queen’s, vers 1915? Centre d’archives de Montréal, collection Édouard-Zotique Massicotte, albums de rues (MAS 8-210-a). Num.

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Car non seulement les grands hôtels doivent investir constamment dans leurs installations pour satisfaire leur clientèle, mais il leur faut aussi impérativement conserver la faveur d’un public toujours plus sensible à la nouveauté. Ils doivent demeurer à la mode[7]. Cela est d’autant plus difficile que le centre d’activité commercial et mondain des grandes villes a tendance à se déplacer durant cette période de développement urbain fulgurant. En quelques décennies, le centre d’attraction de Montréal passe de la ville basse, l’actuel Vieux-Montréal, à la ville haute, entre les rues Dorchester – aujourd’hui René-Lévesque – et Sherbrooke. Les propriétaires de l’hôtel Windsor, inauguré en 1878, avaient d’ailleurs senti le vent tourner et fait construire leur établissement devant le carré Dorchester, alors excentré[8].

Des guides d’hôtels, du Donegana au Windsor

Le corpus de BAnQ étudié dans cet article comporte 25 guides touristiques d’hôtels montréalais commandités par 10 établissements : Donegana, St. Lawrence Hall, Montreal House, Ottawa, St. James, Albion, Queen’s, Windsor, Balmoral et Grand Union. Ils sont édités entre 1857 et 1917, la première date correspondant à l’année de publication du premier de ces guides présent dans la collection et la dernière, à l’année précédant la fin de la Première Guerre mondiale. Cette période voit en effet l’achèvement des grands développements de chemins de fer au Québec et le début du tourisme automobile, qui aura une grande influence sur l’industrie hôtelière[9]. Une partie des touristes se tournera vers les cabines et, bientôt, vers les motels en bordure des routes, les hôtels près des gares perdant leur position stratégique. La montée du tourisme de masse aura pour conséquence de noyer les quelques immenses hôtels de luxe encore en vie dans une offre d’hébergement adaptée aux besoins de clientèles diversifiées. Les nouvelles brochures publicitaires prendront peu à peu le relais des guides touristiques d’hôtels.

Après un bref historique des hôtels représentés dans le corpus, nous nous intéresserons aux propriétaires et clients de ces établissements ainsi qu’aux objectifs de telles publications. Une étude plus fine des premiers guides touristiques d’hôtels montréalais permettra de mieux comprendre les motivations des propriétaires d’hôtels qui ont créé ce produit, de même que les emprunts faits aux autres guides. Enfin, on abordera l’évolution des stratégies publicitaires utilisées dans ces ouvrages.

L’hôtel Donegana, ouvert en 1846 ou en 1847, constitue l’un des premiers établissements de type grand hôtel à Montréal. Le journal La Minerve le décrit ainsi en 1847 :

Ce magnifique établissement qui est un des ornements de notre belle cité de Montréal, et qui fait honneur à l’esprit d’entreprise de M. Donegana et à ceux de ses amis qui l’ont encouragé, est maintenant complété. […] L’Hôtel Donegana est la plus grande bâtisse de toute l’Amérique Britannique, et peut aller de pair avec la plûpart des établissements en ce genre de l’Union Américaine et du continent européen[10].

Il dispose de « 100 chambres à coucher de double grandeur et 100 autres plus petites[11] », sans compter les salons et salles à manger, les salles de danse, de lecture, etc. Dans le guide de l’hôtel de 1857, on spécifie que l’établissement peut accueillir 250 clients et qu’il constitue « the oldest first-class Hotel in Montreal[12] ». Dépassé par la concurrence, il fermera ses portes avant 1880.

Le St. Lawrence Hall bénéficiera d’une durée de vie plus longue et publiera un nombre considérable de guides touristiques faisant la promotion de son établissement (ill. 3). Né en 1851, il prétend dès 1857 être « the oldest and most fashionable hotel in Montreal[13] » et, surtout, le plus vaste avec ses 225 appartements. Le prince de Galles y séjourne en 1860 lors de l’ouverture officielle du pont Victoria. En 1885, le nombre d’appartements a grimpé à 250 et la présence d’un ascenseur élégant et de la lumière électrique dans les espaces communs en fait « the most attractive lighted Hotel in the Dominion[14] ». Après avoir encore augmenté le nombre de chambres en 1890, passant à plus de 300, le St. Lawrence Hall commence à s’essouffler. En 1898, il ne peut plus accueillir que 400 clients et seulement 200 en 1915.

(ill. 3)

St. Lawrence Hall, Montreal, Montréal, St. Lawrence Hall, 1890. BAnQ, collections patrimoniales (148186 CON).

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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Il a pourtant survécu à la mort de nombreux concurrents. On perd rapidement la trace du Montreal House, qui semble plus modeste même s’il a fait paraître au moins deux guides, un en 1857 et un autre en 1874. Le nouvel hôtel Ottawa, situé rue Saint-Jacques, est construit au milieu des années 1840 et ferme ses portes vers 1882. Les propriétaires y ajoutent un étage vers 1868 pour permettre l’accueil simultané de 350 clients, justifiant ainsi la publication d’un guide en 1871. En décembre 1868 ouvre l’hôtel St. James, qui fait paraître un guide l’année suivante afin de faire connaître son « first class Hotel one of the largest in the city[15] ». L’hôtel est victime d’un incendie en 1873. Quant à l’hôtel Albion, si ses propriétaires publient un guide en 1869, c’est pour porter à l’attention du public que l’ancien hôtel Albion, un établissement sans prétention existant depuis une quinzaine d’années, s’est revampé pour devenir à son tour un first class Hotel avec tous les avantages de ce type d’établissement, mais avec des tarifs qui demeurent modérés[16]. En 1876, l’hôtel Albion peut accueillir 500 clients. L’édifice est démoli en 1912.

Le plus prestigieux des établissements de luxe du xixe siècle sera sans conteste le somptueux hôtel Windsor, de style Second Empire, inauguré en 1878[17]. La « Star of Canada » subira de nombreuses transformations avant de disparaître en 1981, après un siècle d’activité. En 1913, le Windsor peut accueillir plus de 1000 clients et dispose de 400 chambres avec salle de bain, de même que d’immenses salles publiques au décor fastueux. On n’hésite pas à affirmer : « To visitors to Canada from a distance it may be permissible to state that the Windsor Hotel is incomparably the best in the Dominion, and is ranked by its patrons with the finest hotels of New York[18]. » On remarque d’ailleurs que les nombreux guides du Windsor possèdent une facture beaucoup plus luxueuse que ceux de ses prédécesseurs et de ses concurrents de l’heure.

Les grands hôtels édifiés ensuite ne bénéficieront pas de la même longévité. L’hôtel Balmoral, construit en 1885-1886, publie vers 1890 un guide vantant la modernité de son établissement de 300 chambres. Le Queen’s, ouvert en 1893 et surnommé selon ses propriétaires le « Bijou Hotel of Montreal », est un établissement entièrement à l’épreuve du feu, une première à une époque qui a vécu une longue suite d’incendies d’hôtels. Situé près du carré Dominion, à proximité du Windsor, il connaîtra des améliorations successives qui amèneront son nombre de chambres à 500 vers 1917.

Quant au Grand Union, on en sait peu de choses, à part le fait qu’il est en activité au début du xxe siècle et que son propriétaire, Frank J. Murray, mise sur un guide d’hôtel à la publicité accrocheuse pour se démarquer de ses concurrents. Il engage à cet effet un « publiciste » de 20 ans d’expérience, Frederick George, pour le rédiger. Alors que la mode du gigantisme des hôtels décline et que la proportion de touristes aux revenus plus modestes augmente sans cesse, Murray met toutes les chances de son côté pour mousser son établissement de 300 places :

To those who desire privacy, home, comfort, convenient situation, combined with every luxury and convenience known in modern hotel life, and reasonable rates, THE GRAND UNION is the hotel par excellence in Montreal. MAKE UP YOUR MIND AND REGISTER AT THE GRAND UNION[19].

Ces derniers hôtels ne pourront cependant pas survivre à long terme à une compétition féroce et aux changements sociaux de l’entre-deux-guerres.

Propriétaires et clients

Les capitaux de l’Amérique du Nord du xixe siècle étant concentrés dans un nombre restreint de mains, seul un groupe sélect de personnes, principalement des hommes d’affaires de la communauté anglophone, peut financer des projets comme les grands hôtels montréalais. Puisque la tradition des grands hôtels s’est d’abord établie aux États-Unis, on n’est pas surpris de constater que des membres de l’industrie hôtelière américaine décident de tenter leur chance à Montréal, convaincus que leur expertise attirera les clients dans leurs hôtels montréalais. Ainsi peut-on lire dans le guide de l’hôtel Ottawa de 1871 : « Mr. Burnett trusts that his long experience in first-class hotels in New York City and the United States, will give confidence to his friends and the travelling public that they will receive every comfort and attention at the Ottawa[20]. »

Les mêmes noms sont associés à des hôtels différents au fil du temps, ce qui montre à la fois la forte compétitivité du milieu et les alliances qui doivent nécessairement se former entre propriétaires d’hôtels s’ils veulent être en mesure d’absorber les coûts faramineux des améliorations constantes qu’ils doivent apporter à leurs établissements.

Par exemple, ce même D. C. Burnett, propriétaire avec un M. Mather de l’hôtel Ottawa en 1871, possédait deux ans plus tôt l’hôtel St. James de Montréal et précédemment le Woodruff House de Watertown (New York). Le St. Lawrence Hall est la propriété successive d’Henry Hogan et d’un certain Penn en 1857, de F. Geriken en 1874, d’Henry Hogan à nouveau entre 1885 et 1902, puis d’A. J. Higgins en 1915. Un certain M. Decker possède en 1869 l’hôtel Albion, mais dès 1876 il est allié à messieurs Stearns et Murray. Ce dernier pourrait d’ailleurs être de la même famille que Frank J. Murray, propriétaire de l’hôtel Grand Union vers 1905. En 1874, ces mêmes Decker, Stearns et Murray sont détenteurs du Montreal House, un établissement qui appartenait auparavant à J. Warren Coleman, membre d’une célèbre famille d’hôteliers américains[21].

Ces groupes d’hôteliers possèdent des établissements dans plusieurs parties du Canada et des États-Unis, ce qui leur permet d’amortir leurs investissements et favorise la diffusion de publicité sur leurs hôtels et la fidélisation d’une certaine clientèle, rassurée par un nom connu. Par exemple, à la fin du xixe siècle, le propriétaire du Balmoral Castle Hotel de Montréal, E. H. Dunham, fait partie de la firme J. E. Dunham & Son, qui possède aussi des hôtels à Kinston et à Sturgeon Lake (Ontario), annoncés bien sûr dans le guide du Balmoral (ill. 4). Plusieurs propriétaires et gérants d’hôtels québécois précisent dans leur publicité qu’ils ont auparavant tenu d’autres hôtels, souvent aux États-Unis, ce qui certifie au touriste américain qu’il évitera le dépaysement et bénéficiera du service et de l’environnement auquel il s’attend.

(ill. 4)

Publicité pour l’hôtel Balmoral dans The Beauty Spots of Canada – Descriptive of that Delightful Trip Down the River St. Lawrence and Up the World-famed Saguenay, Montréal, Desbarats & Co., 1895, p. 139. BAnQ, collections patrimoniales (917.13043 B384 1895). Num.

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Le Montreal House de 1857 formule ainsi cet argument à ses lecteurs :

Its proprietor, Mr. Coleman, is well known to the travelling public, both American and Canadian, having been connected with the Troy House at Troy, N. Y. He uses his best endeavors to make his guests feel at home during their sojourn, and he certainly succeeds[22].

Les clientèles cibles des guides d’hôtels de Montréal sont clairement les voyageurs anglo-saxons, souvent nommément les Américains[23]. Tous les ouvrages de notre corpus sont d’ailleurs unilingues anglais. Si certains guides semblent s’adresser aux touristes en général, ou aux voyageurs séjournant à Montréal pour affaires ou pour le plaisir, on peut lire dans plusieurs de ces publications qu’elles ont été produites spécifiquement pour les clients de l’hôtel.

Pourquoi ces guides?

On l’a vu, les grands hôtels doivent refléter leur réussite par leur luxe, leur gigantisme, la modernité de leurs installations et leur emplacement stratégique au coeur de la ville. Les premiers guides d’hôtels retracés dans les collections de BAnQ laissent déjà voir cette préoccupation.

Ces ouvrages se distinguent peu de ceux publiés pour la vente directe par des éditeurs-imprimeurs ou des auteurs en quête de profit immédiat. Une grande partie de leur contenu est commun à tous : publicités, informations utiles comme les horaires des trains et des bateaux, les tarifs des calèches, les adresses des églises de toutes confessions et les heures des messes, une liste des principaux sites d’attraction de la ville, des itinéraires et excursions proposés, etc. Tout comme les autres guides, les ouvrages préparés pour les hôtels peuvent se limiter à une aire géographique restreinte, notamment Montréal ou Québec, ou couvrir un vaste territoire suivant les voies maritimes ou ferrées, du Lac-Saint-Jean à l’Ontario, en passant parfois par le nord des États-Unis. Les guides d’hôtels montréalais, même lorsqu’ils intègrent un large territoire, font naturellement la part belle à la métropole.

Aux informations utiles, les hôtels ajoutent bien sûr une section de texte faisant valoir la supériorité de leur établissement, qui est présenté comme le meilleur de Montréal ou l’un des meilleurs, un membre du fameux club sélect des first class Hotels de Montréal, du Canada ou même d’Amérique du Nord. Ces quelques pages de publicité, souvent déguisées en texte informatif, accompagnées de gravures, puis, plus tard, de photos de l’hôtel, sont le plus souvent placées en début d’ouvrage, mais sont parfois insérées au coeur des informations touristiques sur Montréal, comme si elles en faisaient partie.

Certains hôtels, tel le St. Lawrence Hall, misent sur une réputation bien établie :

FOR the past 30 years THIS HOTEL, familiarly known as the "ST. LAWRENCE", has been a household word to all Travelers on the Continent of North America, and has been patronized by all the ROYAL and NOBLE Personages who have visited the City of Montreal[24].

D’autres, par exemple l’hôtel Balmoral, souhaitent se démarquer grâce à leur nouveauté et à leur modernité :

There are several first-class Hotels but the Balmoral on Notre Dame Street is the newest and is said to have the most modern appointments and best attendance […] it possesses all the modern conveniences, and many of the defects found in other houses have been carefully avoided in its construction[25].

Alors que les titres des premiers guides d’hôtels ne diffèrent pas de ceux des autres guides, les noms des hôtels commanditaires sont bientôt intégrés au titre pour être visibles dès la couverture, sur laquelle on ajoute une gravure de l’établissement. Bien que les préfaciers de ces publications affirment que le premier objectif de leur ouvrage est de faciliter la découverte d’un lieu inconnu aux touristes et de leur fournir des informations à jour et exactes, il faut bien admettre que c’est d’abord leur hôtel qu’ils souhaitent mettre en valeur. D’autres guides plus impartiaux existent déjà pour orienter les voyageurs étrangers.

Le fait que ces propriétaires puissent se permettre de faire paraître leur guide « personnel » manifeste l’importance de leur établissement par rapport aux autres. Une publicité pour leur hôtel se noierait dans la masse des annonces présentes dans les guides touristiques « indépendants », alors qu’un guide à leur effigie, même s’il contient les mêmes informations touristiques que les autres, manifeste leur prédominance sur le marché hôtelier. Et il faut croire que cette opération publicitaire s’est avérée fructueuse, car elle a perduré durant plusieurs décennies et a été adoptée par la plupart des grands hôtels québécois.

Puisqu’un seul guide d’hôtel du corpus comporte un prix de vente, celui du Donegana de 1857, on peut supposer que ces ouvrages sont habituellement gratuits (ill. 5). La préface du guide de l’hôtel Ottawa de 1871 offre quelques indications à ce sujet, ainsi que sur le mode de diffusion de ces ouvrages et sur leur objectif annoncé :

The Proprietors of the Ottawa Hotel take pleasure in presenting to the Tourist their « Guide Book » this season, in an improved dress and enlarged form […] they have spared neither labour or [sic] expense to make this a thoroughly reliable book, and it is presented by their Agent, « gratis », to the Traveller, thereby affording as good, if not better, information than is found in a « Route Guide » for which the Tourist is charged fifty cents or one dollar. No other Guide now before the public is either sufficiently recent or sufficiently comprehensive to be safely followed by the Tourist from Niagara Falls to the far-famed Saguenay River. It is not without confidence, therefore, that we commit this Hand-Book as a reliable and much needed one, to the Travelling Public[26].

(ill. 5)

The Stranger’s Guide Through the City of Montreal, Montréal, Salter & Ross, 1857. BAnQ, collections patrimoniales (127865 CON). Num.

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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Le guide en question pourrait notamment avoir été distribué dans les gares à l’arrivée des trains. D’autres, par exemple les luxueux ouvrages du Windsor du début du xxe siècle, sont plutôt laissés dans les chambres pour consultation par les clients, comme l’atteste une mention sur la page de titre du guide de 1915 : « Guests are reminded that this book is the property of the Windsor Hotel and must not under any pretext be removed from this room[27]. »

En plus de distinguer un hôtel de la masse de ceux qui ne sont pas assez prospères pour pouvoir se payer un tel produit, et de lui permettre de vanter ses caractéristiques supérieures, ces guides servaient probablement aussi à faire connaître les attraits du Québec à des touristes de plus en plus sollicités par ailleurs. Ainsi, avec le développement rapide du sud et de l’ouest américain, les destinations de voyage se diversifient : à partir du dernier quart du xixe siècle, de majestueux hôtels ouvrent leurs portes en Floride et en Californie et, par l’entremise de campagnes publicitaires, proposent aux touristes américains de vivre un dépaysement total dans leur propre pays[28]. Ce n’est probablement pas un hasard si le guide du Balmoral publié vers 1890 clame : « There is probably no country in the world that can vie with the Dominion of Canada in the attractions that it offers to the tourist and traveller[29]. »

L’Ouest canadien, avec l’ouverture à la fin du xixe siècle du chemin de fer transcanadien et des hôtels de luxe que le Canadien Pacifique fait ériger tout au long du parcours, devient aussi un concurrent inquiétant. Le même guide du Balmoral souligne que l’Ouest canadien comporte plus d’intérêt pour le colon que pour le touriste, qui préférera remonter le majestueux cours du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saguenay. Il faut dire que le texte de ce guide semble avoir été fourni par la Richelieu & Ontario Navigation Company…

On peut supposer que les propriétaires d’hôtels montréalais, dont les guides comportent des publicités de plusieurs hôtels canadiens et américains hors métropole – certains appartenant au même consortium qu’eux –, ainsi que des compagnies de transport desservant Montréal, négociaient des ententes avec ceux-ci afin que leurs guides soient distribués à l’extérieur du Québec, dans le but de convaincre les touristes indécis de la supériorité de leur coin de pays et, bien sûr, de faire valoir leur établissement pour le cas où ceux-ci décideraient d’entreprendre le voyage.

Origine des guides d’hôtels montréalais

Il est difficile de retracer l’origine de la publication des guides touristiques d’hôtels. Les deux premiers guides dont dispose BAnQ datent de 1857 et ont été faits pour les hôtels Donegana et Montreal House, respectivement sous les titres The Stranger’s Guide Through the City of Montreal et Traveller’s Guide to Montreal and Its Vicinity. Les deux propriétaires semblent se donner la paternité de l’idée d’un tel ouvrage destiné à guider les touristes étrangers débarquant dans la métropole :

Multitude of American tourists have felt the want of such a work; and from long experience the proprietors of the Donegana Hotel are satisfied that a true guide to all that is interesting, curious, and worthy of note in the city, will be acceptable.

This work is simply the result of a determination to assist the stranger, and the desire to point out much that he would lose, had he not a criterion to guide him[30].

et

For the accommodation of his guests, he [le propriétaire] has prepared a brief synopsis of the more important places of interest in the city, – Places of Worship, Railroad offices, and distances, which will be found in the following pages.

J. WARREN COLEMAN, Proprietor.[31]

Disent-ils vrai?

The Stranger’s Guide Through the City of Montreal, « prepared for the Donegana Hotel », si on en croit la couverture, a également paru la même année dans une version identique mais sans mention du Donegana en couverture et en première page[32]. Les deux versions sortent des presses du même éditeur-imprimeur, Salter & Ross. Dans la version sans commanditaire, les hôtels Donegana et Ottawa de Montréal ont réservé tous les deux une publicité. Deux ans plus tard, en 1859, le même guide est « préparé », cette fois, pour l’hôtel Ottawa[33]. Peut-être en existe-t-il des éditions plus anciennes non retracées.

On peut supposer que l’hôtel Donegana, tout comme l’hôtel Ottawa, se sont associés à Salter & Ross pour faire paraître une version remaniée, mettant leur hôtel à l’honneur, d’un guide d’abord publié de manière indépendante dans un but de vente directe aux touristes. Il est d’ailleurs important de noter que le guide de 1857 du Donegana est le seul de notre corpus à comporter un prix, soit 12,5 cents, le même prix de vente annoncé pour le Stranger’s Guide sans commanditaire. L’imprimeur a-t-il oublié de retirer cette mention au moment de mettre sous presse? Ou bien le Donegana n’est-il ici considéré que comme un annonceur privilégié par l’éditeur?

Pour sa part, le Traveller’s Guide to Montreal and Its Vicinity de J. Warren Coleman – guide qui a été imprimé par John Lovell – spécifie : « compiled and published by Coleman’s Montreal House, for presentation to the Guests » (ill. 6). Le propriétaire y précise qu’il a dressé lui-même la liste des sites d’intérêt. Pourtant, un guide touristique portant le même titre a déjà paru l’année précédente à Montréal, imprimé par J. C. Becket. Il a été impossible de consulter ce document, tous les exemplaires appartenant à des bibliothèques américaines et ses pages n’étant pas numérisées. Aucune mention du Montreal House n’apparaît cependant dans les notices catalographiques de ce document. Une autre édition de 1857 de ce même titre existe également, et elle paraît avoir précédé celle détenue par BAnQ[34]. Le nom du Montreal House n’est pas présent sur la couverture, mais la gravure et tous les textes publicitaires de l’hôtel se trouvent en début d’ouvrage, à part une ou deux mentions ajoutées dans la version de BAnQ.

(ill. 6)

Traveller’s Guide to Montreal and Its Vicinity, Montréal, Coleman’s Montreal House [John Lovell], 1857. BAnQ, collections patrimoniales (194861 CON).

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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Un des objectifs poursuivis par J. Warren Coleman en publiant le guide semble être de mettre en garde les voyageurs contre les pratiques mensongères d’autres hôtels montréalais. Il écrit notamment :

As many Travellers visit Montreal for the first time, who know nothing generally of the Hotels or Hotel accommodations, and who are often misled by false representations made by runners or other parties employed by some of the other Hotels to gain patronage. I take this opportunity to state that no such means are used to sustain my house[35].

Puis au bas de la même page : « Caution: Ticket Agents and Guides at Niagara Falls are paid by a Hotel in Montreal for their influence, in recommending parties to that House[36]. »

Sa stratégie publicitaire paraît également plus imaginative que celle de ses concurrents à la même époque. Il insère en début d’ouvrage une gravure dépliable de son établissement avec la mention : « The above House is unsurpassed in situation, size and internal arrangement by any Hotel in Montreal – Kept in American style, by J. Warren Coleman, late of NEW YORK ». Il ajoute également des extraits d’articles de journaux vantant son hôtel, ce qui confère un vernis d’objectivité aux louanges qu’on trouve dans le guide.

En 1857 également, le St. Lawrence Hall de Montréal publie un guide aussi intitulé Traveller’s Guide for Montreal and Its Vicinity[37] et comportant un texte pratiquement identique à celui du Montreal House, jusqu’aux caractères typographiques, mais sans les mises en garde à propos de concurrents faisant des déclarations mensongères. La seule mention d’édition de ce guide est : « printed for the publishers ». A-t-on encore affaire ici à la vente d’un contenu déjà existant à des hôtels concurrents? S’agit-il d’un plagiat pur et simple? Tout ce qu’on peut dire, c’est que l’année 1857 semble correspondre au début d’une opération offensive des grands hôtels de Montréal.

La pratique du plagiat n’est pas exceptionnelle puisque le droit d’auteur ne fait alors l’objet d’aucune législation. De nombreux guides touristiques, qu’ils aient été conçus pour des hôtels ou par des éditeurs en quête de leurs propres profits, se sont copiés l’un l’autre dans des proportions inégales. Ces ouvrages, particulièrement ceux publiés pour les hôtels, sont de toute manière anonymes dans la très vaste majorité des cas. Le contenu des guides des hôtels Albion et St. James de 1869, par exemple, est pratiquement le même, mot pour mot, sauf dans la section sur Montréal, que l’hôtel Albion a voulue plus étoffée.

The St. Lawrence Hall Guide from Niagara Falls to the Saguenay et The Montreal House Guide from Niagara Falls to the Saguenay de 1874 sont encore plus proches. En fait, ils sont identiques et très certainement issus des mêmes matrices d’impression, bien que le nom de l’imprimeur ne soit pas indiqué dans les deux cas. Les deux guides contiennent de plus les mêmes publicités, placées dans le même ordre. Les seules dissemblances entre les deux publications sont les titres de couvertures au nom d’hôtels différents et le texte publicitaire des hôtels.

Puisque les établissements cités précédemment semblent tous avoir des propriétaires différents, à moins d’une alliance improbable entre eux, on doit supposer que certains éditeurs-imprimeurs proposaient des guides touristiques « clé en main » aux clients intéressés[38].

Un produit publicitaire

Le voeu de 1857 du propriétaire de l’hôtel Donegana de fournir aux touristes « a true guide », c’est-à-dire un guide au contenu véridique – peut-être sous-entendait-il impartial –, semble avoir été de moins en moins respecté. Dans un contexte de présentation d’un objet publicitaire, ce souhait ne pouvait de toute manière pas être réalisé. Le parti pris de refuser systématiquement ses pages aux publicités d’autres hôtels de Montréal rend déjà compte de ce fait. Dans tout le corpus de Montréal, on relève deux exceptions seulement, notables car elles proviennent toutes deux justement des guides publiés par l’hôtel Donegana, qui annonce en 1857 l’hôtel Ottawa de Montréal et en 1865 l’Exchange Hotel.

Les guides étant, on peut le supposer, financés en bonne part par les publicités qui y sont insérées, ces dernières ont tendance au fil du temps à se multiplier et à adopter des formes diverses, parfois insidieuses. Les produits de luxe, les compagnies de transport et les établissements hôteliers hors Montréal, qui constituent les principaux annonceurs, quittent bientôt les pages clairement réservées aux publicités pour coloniser le contenu touristique des guides d’hôtels.

Ainsi, les cartes dépliables des guides du St. Lawrence Hall se couvrent peu à peu de publicités qui en envahissent le verso et empiètent sur la carte elle-même. On en profite pour y spécifier que le « St. Lawrence Hall is the most centrally located hotel in the city » et qu’il est « situated on the Broadway of Montreal[39] ». Le guide de 1898 de l’hôtel Queen’s comporte une carte de Montréal indiquant quelques sites d’intérêt touristique, mais surtout l’emplacement des boutiques de certains annonceurs (ill. 7). À l’inverse, d’autres textes publicitaires – notamment ceux des magasins de produits de luxe – mentionnent le Queen’s ou le Windsor lorsqu’ils sont insérés dans les guides de ces établissements.

(ill. 7)

City of Montreal, carte pliée dans Queen’s Hotel, Montreal, Montréal, Queen’s Hotel? [Desbarats & Co.], 1898? BAnQ, collections patrimoniales (148185 CON).

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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Plus troublante est l’intégration de publicités déguisées dans le corps même du texte énonçant les attraits touristiques des régions couvertes – un texte annoncé par certains guides comme « true » ou « reliable ». Ainsi, dans l’édition du guide de l’hôtel Windsor de 1889, pour la ville de Québec, le seul établissement hôtelier à placer une publicité est le Saint-Louis. La section d’information touristique consacrée à Québec ne nomme que cet hôtel et mentionne qu’il s’agit du meilleur hôtel de la ville. L’année suivante, l’hôtel Florence devient également annonceur et le texte du guide est modifié pour présenter les deux hôtels comme les meilleurs de Québec.

Dans le guide de l’hôtel Windsor de 1900, les hôtels Oxford, Brunswick (Boston) et United States (Saratoga) font chacun l’objet d’un long éloge sous forme de texte intégré à l’information touristique du guide, et il est impossible de deviner que ces quelques pages qu’on croit destinées à conseiller objectivement le touriste constituent en fait des publicités, à moins de consulter la liste des annonceurs en début d’ouvrage (ill. 8). Comme ces hôtels ne bénéficient pas d’annonces reconnaissables dans les pages réservées à cet usage, la tromperie est parfaite.

(ill. 8)

The Windsor Hotel Guide to the City of Montreal – With a Shopping Index and Directory, Montréal, International Railway Publishing Co. Ltd., 1900?, p. 122-123. BAnQ, collections patrimoniales (172977 CON). Num.

Photo : Michel Legendre © Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

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Cette stratégie est utilisée dans plusieurs guides d’hôtels. Elle semble également avoir servi à mousser les circuits touristiques de compagnies de chemin de fer et de bateaux, notamment l’Intercolonial Railway et la Richelieu and Ontario Navigation Company, dont les circuits sont abondamment suggérés aux voyageurs et longuement commentés dans différents guides. Il est fort possible que ces portions des guides aient été fournies par les compagnies elles-mêmes, car leur texte se répète d’un ouvrage à l’autre.

La visibilité accordée au produit publicitaire à l’intérieur des guides augmente au fil des ans. Dans une société résolument tournée vers la consommation, la publicité s’insinue partout et on peut croire que les clients des guides de grands hôtels, en vacances dans la ville commerciale par excellence du Canada, souhaitaient qu’on leur fasse connaître les produits de luxe qu’ils pourraient acheter en toute confiance. C’est probablement la raison pour laquelle l’hôtel Windsor prend la peine d’ajouter à la fin du titre de son guide de 1900 « with a Shopping Index and Directory ». Bien que cet index ait été présent dans des éditions antérieures, il est désormais construit par lieu et par type de biens et services fournis alors qu’auparavant on se contentait d’un simple ordre alphabétique. Les guides mentionnent aussi à leurs lecteurs que leurs annonceurs sont les plus reconnus dans leur catégorie.

Le contenu touristique (circuits, attraits, infrastructures, etc.) – habituellement présenté par les auteurs comme fiable et sans parti pris et reçu par les lecteurs comme tel – est donc peu à peu évacué et remplacé par des textes payés par des acteurs de l’industrie touristique, mais déguisés en sources informatives.

Par ailleurs, on est de plus en plus dans l’image, l’instantané. Les guides illustrés deviennent populaires. À titre d’exemple, l’hôtel Balmoral publie après 1897 un ouvrage intitulé Illustrated and Descriptive Work of Many Popular Canadian Summer Resorts and Historic Points, qui tient plus de l’album illustré que du guide touristique. Toutes les pages de droite consistent en photos pleine page de Montréal et des environs accompagnées d’une courte légende informative, tandis que les pages de gauche sont occupées par des publicités. En page de titre, on précise : « The management take [sic] pleasure in presenting this booklet, in a brief and concise form, not wishing to weary the reader, our effort being to describe the different points of interest by illustrations. »

***

Le nombre de guides touristiques d’hôtels montréalais publiés et leur persistance sur plusieurs décennies nous invitent à penser que les établissements y ayant eu recours étaient persuadés de leur efficacité publicitaire. Chaque grande amélioration de l’hôtel semble avoir appelé la publication d’un guide. En plus de faire connaître la supériorité des établissements à titre de first class Hotels, ces ouvrages avaient aussi pour objectif d’attirer les touristes anglo-saxons dans une région, le nord-est du continent américain, de plus en plus concurrencée par l’ouverture de nouveaux territoires attrayants.

Largement payés par des publicités diverses, imprimés à un coût possiblement réduit par des éditeurs vendant des contenus touristiques similaires à plusieurs clients-hôtels, contenus peut-être plagiés d’autres guides ou carrément fournis par les compagnies de transport, les guides touristiques d’hôtels ne représentaient probablement pas un investissement faramineux pour ces propriétaires d’établissements luxueux.

La formule, ingénieuse, a fini par faire son temps, tout comme la mode du gigantisme des hôtels. L’industrie hôtelière s’adaptera bientôt à un xxe siècle en pleine mutation.