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Introduction

La présente recherche a pour objectif la révision et l’adaptation de l’Échelle Québécoise de Comportements Adaptatifs — Version Scolaire (ÉQCA-VS) au contexte culturel marocain[1], afin de répondre spécifiquement aux besoins d’une population scolaire âgée de 6 à 13 ans qui présente une déficience intellectuelle ou susceptible d’en présenter une.

Cette recherche comporte deux étapes dont la première consiste à réviser, par des experts dans le domaine du handicap, les 348 items de l’ÉQCA-VS selon trois critères : la pertinence, la clarté et l’utilité de chaque item. La deuxième étape, quant à elle, a pour but de tester sur le terrain cette échelle révisée précédemment par un groupe d’enseignants et de parents d’enfants scolarisés en situation de handicap.

Contexte

Durant les trente dernières années, la situation des personnes en situation de handicap n’a pas constitué une préoccupation majeure pour les décideurs marocains. Il faut cependant reconnaître que cette problématique a commencé à interpeller la société et à s’imposer de plus en plus comme une dimension incontournable. Cette attention particulière a été couronnée en 1994 par la création du Haut Commissariat chargé des Personnes Handicapées qui, par la suite, a donné une impulsion aux mouvements associatifs oeuvrant dans le domaine du handicap.

Afin d’améliorer l’intégration scolaire et pour permettre aux professionnels d’optimiser un meilleur accompagnement, une évaluation de ces enfants dans les différents domaines de la vie quotidienne est nécessaire. Cette évaluation permet d’obtenir les informations nécessaires à l’amélioration du développement et de la qualité de vie de ces enfants (Tourette, 2006) et elle aide également à réaliser un profil pour chaque enfant et peut donc constituer un support adéquat afin d’élaborer un Projet Individuel d’Apprentissage (PIA).

Un des problèmes majeurs dans les écoles marocaines est de poser un diagnostic de retard mental permettant un encadrement pédagogique spécifique pour les 32,4 % d’enfants scolarisés, soit environ 230 640 élèves (Enquête Nationale sur le handicap, 2005). Ce constat d’absence de diagnostic est considéré par l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale comme le principal point faible actuel dans le processus d’intégration scolaire.

Intégration scolaire au Maroc

L’intégration des enfants avec retard mental au sein des écoles ordinaires semble peu à peu devenir l’objectif à poursuivre au Maroc. Cette intégration est définie par différents auteurs comme le placement partiel d’un élève ayant des difficultés dans une classe ordinaire pour une partie de la journée. Cette modalité est liée au système d’éducation spécialisée et à la classe spéciale (Salend, 2001). Le but de l’intégration est l’établissement d’un contact entre un élève ayant des difficultés et un élève ordinaire dans un contexte scolaire le plus proche de la norme (Doré, Wagner et Brunet, 1996). Cela peut se traduire par la participation à des activités scolaires ou pédagogiques.

Selon El Ouazzani (2000), l’intégration scolaire des enfants handicapés dans les écoles ordinaires de l’éducation nationale n’a débuté au Maroc qu’à partir des années 90. Avant cette date, une partie de ces enfants était placée dans des centres pour personnes handicapées relevant d’associations non gouvernementales (ONG). Au sein d’une école publique de quartier, une classe spéciale est réservée à ces enfants dont l’objectif est de les intégrer partiellement ou totalement dans une classe ordinaire. Depuis, on assiste à une multiplication de Classes d’Intégrations Scolaires (CLIS) dans tout le royaume : ce nombre est passé de 13 classes en 1996 à 432 classes en 2007 et le nombre d’élèves intégrés est passé de 611 élèves en 2001 à 2 907 en 2009 (Ministère de l’Éducation Nationale, 2007).

Au-delà des statistiques sur les pourcentages d’intégration, la réalité de ce qui se passe dans les classes des écoles publiques marocaines doit être la préoccupation centrale et le véritable enjeu n’est pas de se demander s’il faut pratiquer l’intégration, mais plutôt comment il faut le faire? Si beaucoup d’enseignants de nos écoles sont ouverts à l’intégration scolaire, ils avouent avoir un manque de connaissances, de savoir et de savoir-faire face aux élèves présentant un retard mental. Une intégration scolaire de qualité nécessite des changements importants dans l’organisation scolaire des services offerts à ces élèves.

Retard mental et comportement adaptatif

Le terme retard mental (RM) a été retenu pour la traduction du terme anglophone  Mental retardation traduit officiellement dans les grands systèmes de classification tels que Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR, American Psychiatric Association [APA], 2000) et la classification internationale des maladies (CIM-10, Organisation Mondiale de la Santé [OMS], 2002). Cette traduction, qui avait été retenue pour la 10e édition du manuel de l’Association Américaine du Retard Mental (AAMR, 2002), propose sa dernière définition de ce concept qui reflète trois éléments fondamentaux qui ont traversé le temps et les frontières et qui sont employés dans l’établissement d’un diagnostic et d’une classification des individus : (a) d’importantes limitations dans le fonctionnement intellectuel, (b) des restrictions comportementales dans l’adaptation aux exigences de l’environnement, et (c) l’identification / le diagnostic avant l’âge de 18 ans (Luckasson et al., 2002).

Cette définition novatrice introduit la notion de besoins de soutien de la personne et prend en compte l’interaction entre ses capacités et l’environnement dans lequel elle vit. Cet ajout reflète les idéologies d’auteurs et de défenseurs des droits des personnes handicapées tels que Wolfensberger (cité par Belhumeur, 1998).

La prise en compte des déficits d’ordre adaptatif comme critère pour déterminer le diagnostic du retard mental visait à mieux considérer les caractéristiques sociales de l’incapacité, à réduire le recours aux tests de QI et à diminuer le nombre de personnes faussement identifiées comme ayant un RM (AAMR, 2002).

En effet, l’évaluation du comportement adaptatif peut contribuer à chacune des trois fonctions : le diagnostic, la classification et la planification du soutien. Ces comportements adaptatifs sont définis comme étant des activités quotidiennes assurant une adaptation personnelle et sociale suffisante. Ces activités réfèrent généralement aux comportements observables par lesquels seront mesurées les habiletés adaptatives. Ces dernières se manifestent dans des sphères ou des domaines du fonctionnement adaptatif et présentent de multiples facettes allant des compétences communicatives aux relations interpersonnelles, en passant par l’autonomie dans les actes de la vie courante.

La définition du retard mental a beaucoup changé au cours du temps en fonction des modèles théoriques de référence. Les critères de classification et les outils d’évaluation ont également évolué selon la pression de la demande sociale (Huteau et Lautrey, 1999; Grégoire, 2004). Si plusieurs chercheurs ont conçu des instruments qui mesurent les comportements adaptatifs chez les personnes de niveau scolaire ayant un retard mental (Lambert, 1981; Sparrow, Balla et Achetti, 1984), ces instruments ne sont valides que dans leur milieu culturel et ne sont pas nécessairement appropriés pour le dépistage du retard mental pour la population scolaire marocaine. Pour qu’une échelle soit valide, elle doit tenir compte de la diversité culturelle et linguistique des sujets et des différences dans leurs modes de communication et leurs comportements (AAMR, 2002; Anastasi, 1988).

Selon (Tourette, 2006), ce ne sont pas les outils d’évaluation qui manquent, mais c’est le choix parmi tous ces instruments disponibles qui doit être réfléchi par rapport aux objectifs de l’évaluation et au profil de l’enfant.

Choix et structure de l’échelle québécoise de comportements adaptatifs — version scolaire (ÉQCA-VS)

L’échelle québécoise de comportements adaptatifs — version scolaire (Morin, 1993) a été élaborée suite à l’identification du besoin d’un instrument correspondant aux réalités du milieu scolaire primaire. Son contenu est adapté au milieu scolaire tant au niveau des comportements adaptatifs que des comportements inadéquats. Cette version vise à mesurer le niveau de fonctionnement adaptatif d’un élève dans le but d’établir ou d’écarter un diagnostic de retard mental.

Afin d’avoir une évaluation plus juste, deux questionnaires de l’ÉQCA-VS doivent être cotés par des parents et des enseignants : le cahier du parent qui comprend un total de 301 items, dont 214 centrés sur les habiletés adaptatives et le cahier de l’enseignant qui comporte 173 items dont 86 sont centrés sur les habiletés adaptatives. Ces deux questionnaires parent et enseignant ont 41 items communs et évaluent neuf des dix domaines proposés par l’AAMR. Les 87 items qui évaluent les comportements inadéquats servent à mettre en évidence les éventuelles difficultés qui pourraient être retrouvées lors d’une intégration scolaire.

Quatre raisons nous ont conduits à privilégier l’évaluation du comportement adaptatif.

Le comportement adaptatif est plus facile à évaluer chez les personnes présentant un retard mental, et ce, notamment en raison de la coopération active qui est demandée à la personne soumise aux « tests d’intelligence » (Kraijer, 1993). En effet, les élèves accueillis au centre Al Ichraq et à l’école Ibn Rochd de Meknes (Maroc) ont des déficits dans la production verbale, éprouvent souvent des difficultés à maintenir leur attention sur le long terme et peuvent avoir certains problèmes pour traiter et intégrer les informations (Lussier et Flessas, 2001).

Deuxièmement, les établissements spécialisés sont principalement des lieux de vie où les comportements des personnes, qu’ils soient problématiques ou non, ont un impact sur l’harmonie du groupe. Les professionnels de l’éducation tentent ainsi de réduire les comportements inadéquats pour amener ces personnes à développer des aptitudes scolaires.

Troisièmement, l’évaluation du comportement adaptatif est rapide, peut être effectuée par toute personne (enseignant, parent, psychologue, etc.) fréquentant la personne depuis un certain temps (généralement plus de six mois) et, par conséquent, peut tout à fait être intégrée dans la pratique quotidienne des professionnels de l’éducation.

Enfin, la mesure du comportement adaptatif apporte des informations complémentaires aux tests d’intelligence, permet l’élaboration d’un projet pédagogique individualisé et peut amener à poser un diagnostic.

Méthodologie

Le dispositif de recherche se compose de deux étapes visant deux objectifs, à savoir la révision du questionnaire de l’ÉQCA-VS par vingt-cinq experts marocains et un essai de validation sociale du questionnaire révisé par des enseignants et des parents d’enfants à besoins spécifiques.

Les participants sont venus de différentes villes de la région de Meknès. La mobilisation d’un tel groupe de travail a nécessité des aménagements au niveau du temps et des salles de réunion, l’impression des documents, les communications téléphoniques, les déplacements, les logements, etc. Un dossier complet comportant une présentation du projet ainsi que le questionnaire de l’ÉQCA-VS a été remis en main propre à chaque administration concernée ainsi qu’à chaque participant à la recherche.

L’étape 1 consiste en un recueil des données qualitatives du groupe d’experts. Ceux-ci ont donné leur avis sur chaque item de l’ÉQCA-VS selon les trois critères de pertinence, d’utilité et de clarté, des suggestions et commentaires ont été ajoutés aux trois critères pour améliorer la qualité de cette révision. Ensuite, un comité restreint, constitué d’un psychologue, d’un professeur bilingue (arabe — français), d’un parent, d’un éducateur, d’un inspecteur et d’un directeur d’établissement, a été chargé de retranscrire et d’intégrer tous les commentaires fournis.

L’étape 2 vise à répondre au deuxième objectif de notre recherche, à savoir la validation sociale du questionnaire adapté auprès des parents et des enseignants d’enfants scolarisés au centre Al Ichraq et à l’école Ibn Rochd. Ces deux établissements, avec qui nous avons eu l’occasion de travailler en tant que responsables de l’intégration scolaire au niveau de la région de Meknes, étaient les premiers et probablement les mieux préparés à prendre la responsabilité de donner une éducation, à proposer des situations d’apprentissage et à essayer de respecter les capacités et les besoins de chaque enfant.

Un exemplaire de l’échelle révisée[2], composé d’un cahier d’enseignant et d’un cahier de parent, a été remis à chaque participant. Cet outil permet d’évaluer les comportements adaptatifs de la personne (la façon dont cette personne fait face aux exigences de la vie courante, sa capacité à atteindre les normes d’autonomie personnelle que l’on peut attendre en égard à son groupe d’âge particulier, son contexte socioculturel et son environnement ainsi que ses comportements inadéquats).

Ces deux cahiers ont été complétés pour vingt élèves présentant un retard mental et fréquentant les deux établissements. Les évaluateurs sont des parents et des enseignants d’élèves qui remplissaient les conditions d’âge. Pour faciliter la tâche des parents qui ne savent ni lire ni écrire, une organisation spéciale a été établie qui consistait à réunir autour d’une même table, un enseignant, un parent et un psychologue et à noter ce que le parent disait.

Analyse des résultats

Révision de l’ÉQCA — VS par le groupe d’experts

À partir de la structure de l’ÉQCA-VS, les vingt-cinq experts procèdent à une évaluation quantitative et qualitative de la pertinence, de la clarté et de l’utilité de chaque item.

Pour chaque item, l’expert doit noter la pertinence, la clarté ou l’utilité sur une échelle ordinale de 1 à 4. Pour l’analyse des résultats, cette échelle ordinale est transformée en données quantitatives permettant le calcul de la médiane des évaluations pour chaque item. L’item est révisé par chaque critère lorsqu’il obtient une médiane de moins de 2,5.

L’analyse des résultats de l’adaptation de l’ÉQCA — VS sera présentée en deux temps : tout d’abord, une analyse quantitative de l’ensemble des items révisés par les critères de pertinence, d’utilité et de clarté ; ensuite nous nous centrerons sur l’analyse qualitative réservée à l’espace commentaires et suggestions du groupe d’experts.

Dans un premier temps, nous allons aborder les résultats qui ont permis la révision de l’outil, et ce, au travers des critères de pertinence suivants : utilité et clarté. D’une manière générale, le Tableau 1 ci-dessous nous indique le nombre d’items qui ont été revus, et ce, selon les critères relatifs à la pertinence et/ou à la clarté et/ou à l’utilité.

La Figure 1 ci-dessous montre la répartition de notre échantillon selon les différentes fonctions qu’occupent actuellement les vingt-cinq experts. Nous constatons que presque 45 % de notre population sont des éducateurs, professeurs et formateurs.

Figure 1

Répartition du groupe d’experts selon la fonction

Répartition du groupe d’experts selon la fonction

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Tableau 1

Nombre d’items révisés par critère et par section

Nombre d’items révisés par critère et par section

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Comme en témoigne ce tableau, seuls 33 items au total sur les 348 items que compte l’ÉQCA-VS ont été jugés faibles selon les trois critères de révision, soit à peu près 9,5 %. Deux raisons peuvent justifier le peu d’items révisés par ce groupe d’experts. En premier lieu, les résultats montrent que la médiane globale pour les vingt-cinq experts dépasse la valeur du critère d’élimination qui est de 2,5. En deuxième lieu, il y a eu un phénomène de compensation. En effet, même s’il existe une variation des évaluations des experts pour un même item, cela ne suffit pas à l’éliminer, car lors du calcul de la médiane globale pour les vingt-cinq experts, l’évaluation élevée d’un expert compense l’évaluation faible d’un autre.

Cette analyse plus approfondie de ces résultats selon les domaines et les catégories de fonctions représentées au sein du groupe d’experts sera détaillée dans le Tableau 2.

Pertinence de chaque item

Les experts ont à évaluer la pertinence de l’item selon une échelle ordinale en quatre points : pertinence très élevée (4), pertinence élevée (3), pertinence faible (2) et pertinence très faible (1).

Les items sont révisés par ce critère de pertinence lorsqu’ils obtiennent une médiane de moins de 2,5. Cette dimension réfère au fait que ce qui est décrit dans le questionnaire correspond à ce qui peut être fait par une personne dans le contexte culturel marocain. Quinze items au total sur les 348 ont été jugés peu pertinents, soit 4,31 %. Trois de ces items font partie de la section des comportements inadéquats et les douze autres font partie de la section des comportements adaptatifs, répartis sur deux domaines : violence (2), comportements sexuels inadéquats (1). Les douze autres items des comportements adaptatifs sont répartis sur cinq domaines : domaine de la communication (1), soins personnels (3), habiletés domestiques (4), communautaire (1), santé et sécurité (3).

On retrouve les mêmes raisons évoquées auparavant. Ces résultats montrent donc que peu d’items sont éliminés par ce critère de pertinence. On peut citer au moins trois raisons : (a) les médianes de chacun des experts pour ce critère sont toutes plus élevées que le critère d’élimination qui est, rappelons-le, d’avoir une médiane inférieure à 2,5 ; (b) la médiane globale pour les vingt-cinq experts est de 3,64 ; (c) même s’il existe une variation des évaluations des experts pour un même item sur ce critère de pertinence, cela ne suffit pas à éliminer un item puisque, lors du calcul de la médiane pour les vingt-cinq experts, l’évaluation élevée d’un expert compense l’évaluation faible d’un autre.

Voici une analyse plus approfondie de ces résultats selon les domaines et les catégories de fonctions représentées au sein du groupe d’experts. Ce tableau montre que les évaluations quant à la pertinence selon les répondants se ressemblent davantage qu’elles ne diffèrent.

Dans l’objectif de faciliter la lecture de ces résultats, nous avons procédé à une analyse par domaine.

Pour le domaine des habitudes et comportements inacceptables, l’item 46 (Fait usage de drogue) et l’item 47 (Abuse d’alcool) sont révisés. Les professionnels de l’éducation estiment qu’il est prématuré de parler du danger de l’alcool et de la drogue pour des enfants. Ils justifient cela par le fait que, dans leurs établissements, la consommation de la drogue et de l’alcool ne pose pas problème et proposent de changer ces items avec d’autres plus adaptés à l’âge des enfants et au contexte marocain. Les parents et les psychologues ont un avis différent et estiment que ces deux items sont pertinents. Les parents évoquent ce choix par peur et précaution. Quant aux psychologues, ils justifient leur choix par le fait que la drogue et l’alcool sont considérés comme un danger pour la santé de ces enfants et que, dans leur pratique professionnelle, ils sont confrontés à des situations où des personnes en situation de handicap consommaient du tabac et/ou de la drogue.

Pour le domaine des comportements sexuels inadéquats, seul l’item 83 (Se masturbe devant les autres) a été jugé peu pertinent. On retrouve la même tendance entre le groupe d’enseignants et d’inspecteurs d’une part et le groupe de psychologues et de parents d’autre part. Le premier groupe considère que le terme « masturbation » est considéré comme tabou et ne peut être utilisé pour des raisons culturelles et religieuses. Ces familles préfèrent traiter ce genre de sujet entre des personnes de même sexe et en dehors de l’école. Le groupe des psychologues trouve que cet item peut être considéré comme un point d’entrée pour aborder à l’école le sujet de l’éducation sexuelle.

Pour le domaine de la communication, les réponses données à l’item 13 (Emploie correctement les verbes auxiliaires avoir et être) par les différents groupes qui composent l’équipe d’experts montrent sa faible pertinence. Les professeurs de langues arabe et française justifient cela par le fait qu’il n’y ait pas d’équivalents des verbes être et avoir en langue arabe, ce qui peut porter à confusion lors des évaluations. Par conséquent, cet item doit figurer dans le questionnaire final sous une autre forme.

Pour le domaine des soins personnels, les items 29 (Mange seul avec une fourchette, même s’il en renverse un peu), 39 (Choisit des vêtements dont les couleurs et les styles s’harmonisent) et 44 (Retire la peau de son gland lorsqu’il se lave (avec rappel) / S’occupe de son hygiène intime (avec rappel) sont considérés comme faibles au niveau de la pertinence. Pour l’item 29, seuls les inspecteurs-cadres de l’orientation étaient d’accord pour le garder.  Cette catégorie d’experts considère qu’un « enfant qui mange seul avec la fourchette, même s’il en reverse un peu », correspond au standard attendu d’un élève au contexte marocain qui, normalement, mange avec ses doigts. Ce point de vue peut s’expliquer par l’influence du métier sur la manière d’éduquer un enfant. Par contre, les psychologues, les médecins, les enseignants et les parents sont tous d’accord sur sa faible pertinence et proposent de le changer avec l’item mange seul avec les doigts, même s’il en renverse un peu.

Pour l’item 39 (Choisit des vêtements dont les couleurs et les styles s’harmonisent), concernant le choix des vêtements, presque tous les membres du groupe d’experts étaient d’accord pour sa pertinence. Cela est dû probablement à plusieurs causes ; on peut citer la situation socioprofessionnelle, le degré d’instruction des experts et le type d’éducation donnée aux enfants et en particulier pour les enfants en situation de handicap. Concernant le dernier item (44 - Retire la peau de son gland lorsqu’il se lave (avec rappel)/ S’occupe de son hygiène intime (avec rappel), les avis des experts sont presque les mêmes concernant sa faible pertinence ; la majorité justifie ce choix par le fait que dans la religion musulmane, les garçons sont circoncis et les mamans s’occupent de l’hygiène de leur(s) fille(s) jusqu’à l’âge de la puberté. L’un des éléments que nous pouvons mettre en valeur est celui lié au degré de compréhension de la religion. En effet la population marocaine est en majorité musulmane et les experts n’ont probablement pas été confrontés à d’autres situations.

Pour le domaine des habiletés domestiques qui caractérisent la vie de tous les jours, seuls les quatre items suivants sont à réviser : (56) Utilise une pelle pour enlever de la neige ; (57) Des rôties (incluant griller des rôties et étendre le beurre ou la confiture ; (73) Fait un lavage à la machine à laver  et (75) Utilise les différents cycles et températures de la machine à laver selon le type de vêtement. Seuls les psychologues avec une moyenne de 2,75 ont jugé positive la pertinence de l’item 56. Même si la neige n’est pas fréquente dans toutes les régions du Maroc, les montagnes de la région de Meknès connaissent des chutes de neige qui peuvent parfois isoler des villages pendant plusieurs jours. La présence de deux experts de cette région montagneuse peut expliquer ce vote. Les autres groupes proposent d’élargir l’utilisation de la pelle à d’autres tâches comme le ramassage d’ordures ménagères ou le dégagement du sable. Par contre, tous les experts étaient d’accord sur la pertinence de l’item 57. Il s’est avéré qu’après discussion, presque tous les experts ont confondu le mot « rôties » qui veut dire préparer un pain grillé et le mot « rôtir » qui veut dire préparer un poulet. La plupart des propositions montre bien cette confusion : Prépare un méchoui ou Fait un kebab. Pour ce qui est de l’item 75, seuls les enseignants ont jugé sa pertinence faible. En effet, l’utilisation des différents cycles et températures de la machine à laver selon le type de vêtement n’est pas une opération aisée. Elle demande la maîtrise de plusieurs compétences, un savoir et un savoir-faire que l’enfant n’a probablement pas acquis. Mais pour les autres experts, il est nécessaire de garder cet item qui peut nous renseigner sur l’autonomie de l’enfant lorsqu’il doit faire face à des habiletés domestiques. L’hypothèse avancée est la suivante : « Donner l’occasion à l’enfant de réaliser les tâches domestiques va l’aider à acquérir son autonomie ».

Pour le domaine du communautaire, l’item 124 (Utilise les machines distributrices) nous renseigne sur la capacité de communication chez l’enfant. Les résultats montrent qu’il existe deux catégories : les parents et les psychologues estiment que l’item est pertinent, car l’utilisation des machines distributrices est importante et peut être un indicateur de la capacité de l’enfant à maitriser ce type de tâche. Les inspecteurs et les enseignants estiment que cet item n’est pas adapté au contexte marocain, car il est rare de trouver des machines distributrices dans les lieux de vie et qu’entre 6 et 13 ans, ces enfants n’ont pas l’habitude de gérer de l’argent.

Enfin pour le domaine de la santé et sécurité, l’item 183 (Indique les situations dans lesquelles le 911 doit être utilisé), l’item 190 (Indique l’utilité du condom, de la pilule ou d’autres moyens contraceptifs) et l’item 191 (Indique l’utilité du condom afin de prévenir les infections transmises sexuellement telle que le sida), les psychologues sont d’accord sur la pertinence de ces items. L’ignorance de quelques moyens de protection peut nuire à la santé de l’enfant et il est important qu’il soit au courant de tout ce qui concerne sa sécurité ainsi que sa santé. Les parents sont eux aussi d’accord sur la pertinence des items 183 et 190, mais pas pour l’item 191. Ce dernier aborde un sujet qui est tabou dans la société marocaine, à savoir celui de la sexualité et plus précisément le sida. C’est pour cette raison probablement que les parents jugent la non-pertinence de cet item. Nous remarquons que tous les inspecteurs et les enseignants estiment que les trois items (183, 190, 191), posés de cette manière, ne sont pas acceptés et proposent d’associer au débat les responsables de la « chose religieuse » qui peuvent proposer un cours d’initiation sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles.

Tableau 2

Répartition des items révisés par domaines et par catégories en fonction du critère de pertinence

Répartition des items révisés par domaines et par catégories en fonction du critère de pertinence

Note : I : enseignants et éducateurs. II : psychologues et médecins. III : cadres et inspecteurs. IV : parents et autres.

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Utilité de chaque item

Cette dimension réfère au fait que l’item doit être utile dans le contexte de programmes offerts aux personnes avec retard mental, dans le but d’élaborer un projet éducatif individualisé (PEI). Ce Projet, construit au quotidien avec les différents professionnels, est constitué d’une liste d’objectifs qui ont été retenus pour chaque enfant. Il représente pour lui les apprentissages qu’il fera ou les services qu’il recevra au cours de l’année et représente pour l’enseignant le programme annuel d’enseignement pour cet enfant. D’où le fait que la détermination des priorités éducatives est une tâche essentielle de l’enseignant. C’est en fonction des objectifs retenus que l’on peut juger de l’efficacité d’une démarche éducative. En effet, comment pourrait-on évaluer l’action éducative si on ne connaît pas ce qu’on veut enseigner?

Ce critère d’utilité, qui fait référence à la mise en place d’un projet pédagogique individualisé, n’élimine que douze items seulement, soit 3,44 % du nombre total des items de l’ÉQCA — VS.

Le peu d’items éliminés par ce critère d’utilité peut s’expliquer d’une part par la grande variabilité dans les évaluations entre les experts pour un même item qui amène une moyenne élevée  et d’autre part, par une absence de connaissance des spécificités du PEI par rapport à un programme scolaire. Or le projet éducatif a une signification plus large puisqu’en plus du développement cognitif, il recouvre des savoir-faire comportementaux dans des domaines d’autonomie personnelle, professionnelle et sociale. Cependant il serait possible d’améliorer ce critère si les niveaux d’utilité pouvaient être définis, ce qui diminuerait peut-être les variations entre les experts sur ce critère, ce que nous serons amenés à faire dans une phase ultérieure.

Clarté de chaque item

De la même manière, les vingt-cinq experts ont à évaluer les items selon les quatre niveaux de clarté : 1) très ambigu, 2) ambigu, 3) clair, 4) très clair.

En considérant que les items seront complétés par des parents et des enseignants, il est demandé d’indiquer la clarté des items. Différents critères permettent de juger de la clarté d’un item : l’item permet une compréhension uniforme pour tous, de lecture facile (niveau sixième année primaire) et explicite bien le comportement.

Six items seulement ont été évalués déficitaires par les vingt-cinq experts au niveau de la clarté, soit 1,72 %. Tous les items jugés déficitaires au niveau de la clarté par au moins un expert ont été révisés. La reformulation de ces items peut se synthétiser en quatre catégories de changements qui ont trait aux notions de vocabulaire. Le Tableau 3 donne un exemple de modifications des items en fonction des catégories de changements préconisés.

Tableau 3

Les catégories de changements pour le critère de clarté

Les catégories de changements pour le critère de clarté

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Commentaires et suggestions des experts

En plus des trois critères de révision et dans l’objectif d’améliorer notre analyse qualitative, un espace de suggestions et commentaires a été réservé pour chaque expert afin de récolter les informations les plus nuancées possibles. Ces commentaires et suggestions apportés par les différents experts, riches, intéressants, portent souvent sur la reformulation des items. Cinquante-quatre items au total, soit 15,5 % ont été commentés. Les commentaires ou suggestions apportés par les experts sont regroupés de la manière suivante :

— En ce qui concerne les répétitions, les experts proposent d’éliminer certains items comme : l’item 60 (Agace les autres), l’item 79 (Dérange les activités des autres) et l’item 67 (Défait le travail ou le jeu des autres).

— Un deuxième type de commentaire insiste sur la reformulation de certains items, comme l’item 7 : Exprime des menaces à l’endroit de quelqu’un, Exprime des menaces envers quelqu’un.

— Un troisième type de commentaire incite à l’élimination de l’item pour des raisons souvent spécifiques à son contenu (raisons sociales, culturelles, religieuses, etc.). Les experts proposent le changement de l’item 83 (Se masturbe devant les autres) sans trouver d’équivalent.

Essai de validation sociale du questionnaire

Ce point traite du deuxième objectif que nous nous sommes fixés et qui consistait à tester et expérimenter l’outil précédemment révisé. Ce travail, faisant appel à la participation active des parents et des enseignants, nous a permis de récolter et d’explorer leur avis sur l’outil adapté, d’une part au niveau de sa présentation matérielle (le support) et d’autre part, au niveau de son utilisation, et ce, afin de procéder à des réajustements éventuels et d’identifier les contraintes liées à sa mise en place. Il s’agit d’une phase de « pré-test » après une actualisation, la finalité étant d’améliorer la qualité de cette échelle afin qu’elle puisse s’intégrer autant que possible dans la pratique professionnelle des utilisateurs marocains.

Nous venons de relater notre travail ainsi que nos impressions concernant la révision de l’ÉQCA-VS par le groupe d’experts. Cependant, si cela correspond à notre vision des choses, qu’en est-il sur le terrain? Comment les enseignants et les parents ont-ils perçu cet outil? Était-il adapté à la population et au contexte scolaire marocain? Pour tenter de répondre à toutes ces questions, différents critères ont été rassemblés afin de valider socialement cet outil et de vérifier s’il a atteint un degré de satisfaction suffisant de la part des enseignants et des parents. Pour ce faire, l’outil revu et corrigé doit répondre aux critères de pertinence, de clarté et d’utilité. Pour cela il a été demandé à chaque participant de donner son avis concernant différents aspects de l’outil finalisé lors de la première étape, en allant sur une échelle de Likert de très satisfaisant à pas satisfaisant. Les personnes auxquelles nous avons demandé d’effectuer cette tâche étant des enseignants et des parents, ils sont donc les plus proches des enfants et les plus susceptibles d’utiliser cette échelle.

Les pourcentages des trois critères de validation sociale (pertinence, clarté, utilité) ont été calculés globalement. De même, les commentaires et suggestions ont également été catégorisés et commentés. Un consensus a été mis en place, malgré la divergence entre parents et enseignants, sur un certain nombre d’avis qui ont été pris en considération pour améliorer l’outil d’évaluation.

D’une manière générale, l’outil adapté au contexte scolaire marocain semble avoir eu un impact positif dans les deux établissements, comme en témoignent les résultats. En effet à la question : « Les items sont-ils adaptés au contexte scolaire marocain? », 70 % des parents et 60 % des enseignants disent être satisfaits ou expriment des niveaux de satisfaction. Quant à la question : « Cet outil d’évaluation répond-il à une certaine demande immédiate de la part du public? De la part des familles des personnes en situation de handicap? Des enseignants? », 80 % des parents et 70 % des enseignants se disent satisfaits. La question : « Les données de cet outil sont-elles compréhensibles et accessibles aux enseignants et parents? », quant à elle, démontre que la satisfaction n’est que de 65 % pour les parents et de 70 % pour les enseignants.

Pertinence de l’outil

Le critère de pertinence réfère au contenu des informations rassemblant la fiabilité du message et son objectivité. Le questionnaire est destiné aux parents, aux enseignants et aux professionnels, d’où la nécessité d’adapter les informations au niveau de ces partenaires : il s’agit de la pertinence écologique.

La Figure 2 montre que 14 parents et 6 enseignants ont jugés que les items sont adaptés à la population scolaire marocaine. Plusieurs personnes expliquent qu’elles n’ont jamais eu l’occasion d’être associées à l’évaluation de leur enfant et que cet outil leur offre des pistes et une aide concrète et pratique.

Quatre enseignants et six parents n’ont pas exprimé leur satisfaction concernant la pertinence de l’outil. En effet, pendant la séance de passation de cette échelle, beaucoup d’items restent encore loin de leurs attentes. Ils proposent d’apporter des améliorations au niveau de ces items.

Voici quelques exemples d’items auxquels parents et enseignants souhaitent apporter des améliorations : l’item 73 dans le cahier du parent Fait un lavage à la machine à laver et l’item 17 : dans le cahier du parent et de l’enseignant Écrit de courtes notes. Le fait que l’item 73 soit jugé faible pour ce critère de pertinence est dû au fait que le pouvoir d’achat de la majorité des parents ne leur permet pas d’avoir une machine à laver à domicile, et si elle est présente, seuls les parents ont accès à cette manipulation. L’item 17 démontre que la majorité des participants estime que cet item doit être révisé, car il ne répond pas aux attentes des parents et des enseignants. Un enseignant propose de former une équipe de travail pour recenser dans les manuels scolaires toutes les compétences qu’un enfant de l’école primaire doit maîtriser.

Dans l’ensemble, les remarques sont assez positives avec des jugements de valeur tels que : c’est « nouveau », « excellent », « important ». Une maman déclare : « Je viens de découvrir mon fils en découvrant cet outil d’évaluation » ; une autre ajoute : « Je viens de m’assurer que mon fils a un retard mental ».

Figure 2

Satisfaction globale en pourcentage sur le critère de pertinence

Satisfaction globale en pourcentage sur le critère de pertinence

Note. Très sat : très satisfait. Sat : satisfait. Peu sat : peu satisfait. Pas sat : pas satisfait.

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Utilité de l’outil

Le critère d’utilité s’attache à la perspective utilitaire et sociale du questionnaire, c’est-à-dire est-ce que cet outil répond bien à une demande des parents et des enseignants? En outre, répond-il à une certaine demande de la part du public scolaire marocain? L’intérêt est unanime pour un questionnaire qui permet l’évaluation des enfants et qui permettra, à travers un projet pédagogique individualisé, une meilleure prise en charge.

Comme nous le montre la Figure 3, pour le critère de l’utilité de l’outil, la satisfaction est presque totale pour 16 parents et 7 enseignants. Cela montre l’attente des familles et des enseignants d’avoir une échelle qui puisse répondre à leurs besoins dans le domaine du handicap, de l’intégration scolaire et aussi dans l’amélioration de la qualité de vie des enfants en situation de handicap.

Pour la première fois, les parents et les enseignants découvrent à travers cet outil d’évaluation quelques caractéristiques d’apprentissage des élèves avec retard mental, à savoir : (a) le nombre d’habiletés que la personne peut acquérir est limité, (b) certaines habiletés sont trop complexes pour être acquises, (c) une habileté prend du temps à se développer, (d) une faible mémoire à court terme entraîne l’oubli fréquent, (e) les capacités de généralisation ou de transfert des apprentissages sont faibles.

Figure 3

Satisfaction globale en pourcentage sur le critère d’utilité

Satisfaction globale en pourcentage sur le critère d’utilité

Note. Très sat : très satisfait. Sat : satisfait. Peu sat : peu satisfait. Pas sat : pas satisfait.

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La participation des parents à l’évaluation de leur(s) enfant(s) a soulevé une vive discussion entre les différents participants sur le degré de collaboration famille-école. Les parents considèrent qu’ils sont les premiers concernés par l’éducation de leur enfant et doivent participer à l’élaboration du projet éducatif pour les raisons suivantes : la famille connaît mieux que personne certains aspects de l’élève et constitue le seul groupe de personnes présentes tout au long du parcours scolaire de l’élève.

Pour les quatre parents et les trois enseignants qui ne sont pas satisfaits, ils estiment qu’une scolarisation difficile de leur enfant n’est pas une priorité principale, ils attendaient un soutien matériel des administrations de tutelle.

Clarté de l’outil

Le critère de clarté s’attache au contenu du questionnaire dans sa forme afin d’assurer une présentation et une signification claire au travers d’éléments tels que la structure du questionnaire, son vocabulaire, etc.

De manière générale, au niveau de la clarté de l’outil, les résultats présentés dans la Figure 4 sont assez mitigés ; seulement 13 parents et 7 enseignants sont satisfaits, que ce soit au niveau de la facilité de lecture, de la compréhension des items, du vocabulaire utilisé ou encore des consignes pour remplir le questionnaire. Les raisons évoquées sont les suivantes : (a) le niveau scolaire des enseignants et des parents qui souvent ne dépasse pas le niveau du secondaire. Cela a été mis en évidence pendant les séances de passation des questionnaires, pour coter un questionnaire, il a fallu quatre heures trente pour les parents et deux heures trente pour les enseignants ; (b) la difficulté de comprendre la signification d’un grand nombre d’items malgré la révision faite par les experts peut biaiser une évaluation. Une autre révision ou une traduction en langue arabe pourrait améliorer cette échelle ; (c) afin d’éviter les interprétations parfois personnelles des uns et des autres, les séances de passation doivent se faire en même temps en présence d’un parent de l’enfant, de l’éducateur et d’un psychologue s’il y en a un ; (d) une maman signale que « des expressions québécoises dans certains items ne sont pas toujours aisées à comprendre ». Ce point a été approfondi au sein de l’équipe des experts sans arriver à un consensus. Nous leur avons proposé de repérer ces expressions et de nous les communiquer par courrier électronique ; (e) au sujet de la facilité de lecture de l’outil, quatre éducatrices et six parents étaient moyennement satisfaits de la lecture des consignes pour coter le questionnaire. Ils demandent de donner des explications plus détaillées afin de permettre une compréhension mutuelle et une évaluation juste.

Figure 4

Satisfaction globale en pourcentage sur le critère de clarté

Satisfaction globale en pourcentage sur le critère de clarté

Note. Très sat : très satisfait. Sat : satisfait. Peu sat : peu satisfait. Pas sat : pas satisfait

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Synthèse et discussion

Le questionnaire adapté au contexte scolaire, version expérimentale, est un instrument de mesure des habiletés adaptatives qui tient compte du contexte culturel marocain, puisqu’il a été adapté dans l’environnement de l’enfant par des professionnels du domaine et a reçu une validation sociale auprès des parents et des enseignants.

Nous avons tenté, autant que possible, de rendre compte des commentaires de l’ensemble des participants interrogés. Nous pensons que les résultats sont, dans l’ensemble, cohérents et représentatifs de la réalité. Néanmoins, nous sommes conscients que notre travail présente des limites au niveau de la révision et de la validation sociale de cet outil d’évaluation.

Étant donné que notre recherche s’est réalisée auprès de différents professionnels de la région de Meknès Tafilalet (Maroc), les résultats que nous avons proposés sont valables pour ce public. Nous observerions probablement des différences avec un échantillon d’une autre région. De même, les résultats pour l’enseignement public pourraient être différents de ceux de l’enseignement privé ou géré par des institutions non gouvernementales. Il pourrait d’ailleurs être intéressant d’interroger ces autres publics pour améliorer les caractéristiques de transférabilité de cette échelle.

Le questionnaire adapté a obtenu une satisfaction acceptable aux trois critères de qualité pour satisfaire les besoins des enseignants et des parents. Il est souhaitable que cette première expérience ait des suites afin d’accéder à une connaissance beaucoup plus complète et précise des impacts de cet outil sur les enseignants des classes d’intégration et sur les élèves en difficulté dont ils ont la responsabilité. Afin de lui attribuer une portée réelle et effective au niveau des pratiques des professionnels du monde de l’éducation et des parents au Maroc, un travail préalable d’information, de sensibilisation et de formation doit être fait.

Les résultats montrent que cet outil d’évaluation peut aider les parents et les enseignants à mieux vivre l’expérience d’intégration. Ils permettent ainsi de constater que plus les enseignants se sentent outillés, plus ils se perçoivent comme des intervenants efficaces et plus ils deviennent sûrs d’eux-mêmes. Ils abandonnent leurs préjugés et modifient leur perception envers les élèves qui ont un retard mental.

Conclusion

En guise de conclusion, l’adaptation est une étape très importante avant d’entamer une validation scientifique qui ne pourra se réaliser dans le cadre de ce travail de DEA (Diplôme d’Études Approfondies) en psychologie. En effet l’utilisation d’une épreuve ou d’un test requiert la connaissance de ses fondements théoriques et ses qualités métrologiques. Il faut savoir s’il mesure bien ce qu’il prétend mesurer (validité), s’il mesure toujours de la même façon (fidélité), s’il permet de différencier les individus (sensibilité) et s’il dispose d’un étalonnage suffisant et représentatif.

Cette validation scientifique fera l’objet d’un grand projet de recherche qui permettra d’établir des normes pour l’Échelle québécoise de comportements adaptatifs — version scolaire en Arabe. D’ici là, nous poursuivrons dans d’autres régions du Maroc le travail de validation sociale entrepris avec les enseignants et les parents de la région de Meknès.