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Depuis plusieurs années, le réseau de la santé et des services sociaux québécois connaît des changements majeurs : fermetures d’établissements, changements de vocations d’hôpitaux et diminutions importantes d’effectifs. L’impact de ces changements organisationnels sur la main-d’oeuvre est considérable. Les réformes gouvernementales provoquent souvent des vagues de rationalisation des effectifs entraînant les gestionnaires à faire plus avec moins alors que les employés professionnels subissent une hausse de leurs responsabilités (Adams et al., 2000). Manifestement, cette multiplication des responsabilités se traduit par une surcharge de travail, laquelle engendre des tensions. Au nombre des conséquences négatives, soulignons que l’adaptation à cette turbulence organisationnelle crée une dose de stress considérable chez les employés du réseau (Ouellette, 1999; Appelbaum et al., 2000). Ce stress occasionne des conséquences organisationnelles très coûteuses, telles une démotivation du personnel, une certaine insécurité et des problèmes de santé divers (Bourbonnais et al., 2001). Ces problèmes vécus par les ressources humaines ne sont pas sans effet pour l’organisation. À leur tour, ils favorisent une augmentation de l’absentéisme et du taux de roulement, accompagnés d’une croissance de l’insatisfaction au travail.

Ces perceptions négatives se traduisent par une réduction d’énergie qui s’accompagne d’une diminution de la loyauté des employés envers l’organisation (Meyer et Allen 1997) et par une augmentation de leur désengagement (Griffin, 1991). À l’évidence, les individus désengagés sont moins enclins à déployer des efforts pour accomplir leur travail (Mowday et al., 1982). À regret, le constat du désengagement des employés dans le réseau de la santé perdure (AIIC, 2000, 2001). Ainsi, il devient primordial pour les gestionnaires de comprendre les origines de l’engagement organisationnel.

L’objectif de cette recherche est d’analyser l’évolution et l’impact des déterminants de l’engagement affectif à deux moments différents dans le temps (1999 et 2002). Plus spécifiquement, cette étude vise l’analyse de l’engagement affectif en relation avec trois systèmes de GRH : les pratiques de gestion favorisant l’habilitation des employés, les mesures pour réduire le plafonnement de la carrière et les politiques de justice organisationnelle. L’étude cherche également à comparer l’influence des déterminants de l’engagement à deux moments distincts (1999 et 2002) afin de comprendre si la puissance du lien unissant ces facteurs est variable d’une part, et pour saisir si ce sont les mêmes déterminants qui sont liés à l’engagement d’autre part. À notre connaissance, aucune étude n’a été réalisée à ce jour pour évaluer la variation des déterminants de l’engagement affectif dans le temps. Certaines études longitudinales ont été réalisées, mais elles se sont concentrées sur une catégorie de déterminants précis telles que la carrière (Sturges et al., 2002), la socialisation (Allen et Meyer, 1990) ou la formation (Bartlett, 2001). De plus, ces études n’ont pas cherché à évaluer le degré de stabilité dans le temps de plusieurs déterminants importants de l’engagement, à savoir : l’habilitation, le plafonnement de carrière et la justice organisationnelle.

Cadre conceptuel et hypothèses

Selon Meyer et Allen (1991), l’engagement organisationnel est un état psychologique qui caractérise la relation entre un employé et son organisation, influençant ainsi sa décision de demeurer ou non au sein de l’entreprise. De plus, trois types d’états psychologiques peuvent caractériser la nature de la relation d’emploi : une orientation affective envers l’organisation (engagement affectif), une obligation morale de maintenir la relation d’emploi (engagement normatif) et un besoin économique de travailler pour cette organisation ou encore un manque d’alternatives (engagement calculé). Ces trois formes d’engagement organisationnel ne sont pas mutuellement exclusives et adoptent une importance relative selon l’évolution de la relation d’emploi (Meyer et Allen, 1997). Néanmoins, la majorité des auteurs affirment que l’engagement affectif est la forme la plus significative pour l’organisation, car elle est plus fortement liée aux indicateurs de performance organisationnelle (Mathieu et Zajac, 1990).

La théorie du contrat psychologique offre un fort potentiel explicatif de l’engagement affectif (Fiorito et al., 1997). Le contrat psychologique est un phénomène subjectif influencé par les limites perceptuelles et émotives de l’individu et par une variété de sources d’information provenant de l’entreprise (Rousseau, 1995; Shore et Tetrick, 1994). Le développement du contrat psychologique permet : (1) de comprendre la dynamique entre les mécanismes individuels (cognitions et affects) et les facteurs organisationnels dans un contexte de changement et (2) les effets ultérieurs de cette dynamique sur le développement de l’engagement affectif.

Le contrat psychologique se structure à partir de deux catégories de facteurs : (1) les facteurs organisationnels, soit le contenu du message provenant de l’organisation ainsi que les indicateurs sociaux et (2) les processus individuels, soit les processus cognitifs. L’interaction entre ces deux catégories de facteurs influence la création du contrat psychologique qui a pour effet de modeler le niveau d’engagement affectif à l’égard de l’organisation (Rousseau, 1995). Selon Morrison et Robinson (1997), les changements organisationnels favorables à l’employé sont perçus comme un investissement et ils traduisent le respect des obligations de la part de l’employeur, alors que l’inverse constitue une violation des termes du contrat psychologique. La perception que l’employé a de ces changements affecte le niveau d’engagement (Fiorito et al., 1997; Shalk et Freese, 1997). Ainsi, si ces changements sont perçus comme un respect des attentes entretenues à l’égard du contrat, elles affectent positivement le niveau d’engagement. À l’inverse, une perception de non-respect l’affecte négativement. Ce constat théorique permet de soutenir l’hypothèse générale de la recherche, à savoir que des modifications des systèmes de GRH engendrent une variation du niveau d’engagement affectif.

Les études sur les déterminants de l’engagement affectif (Meyer et Allen, 1997; Mathieu et Zajac, 1990) ont catalogué ces facteurs sous trois catégories : (1) les caractéristiques personnelles, (2) les caractéristiques organisationnelles et (3) les expériences de travail. Toutefois, l’absence de relation observée entre les caractéristiques personnelles et l’engagement affectif et le peu de contrôle que les gestionnaires possèdent sur ces dimensions amènent les chercheurs à conclure qu’il est préférable de concentrer nos efforts sur les dimensions organisationnelles et les expériences de travail (Meyer et Allen, 1997). Le modèle des déterminants de l’engagement, conceptualisé par Meyer et Allen (1997), précise que les caractéristiques organisationnelles agissent sur la perception qu’ont les employés de leurs expériences de travail, ce qui affecte en retour le développement de l’engagement affectif. Ainsi, ce sont les expériences de travail qui sont liées directement à l’engagement organisationnel.

Selon le schéma 1, trois expériences de travail auraient un rôle important à jouer à l’égard de l’engagement affectif : l’habilitation, la justice organisationnelle et le plafonnement de carrière.

Schéma 1

Déterminants de l’engagement affectif

Déterminants de l’engagement affectif

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Habilitation

La notion d’habilitation provient des théories sur la gestion participative et celles sur l’implication des employés (Spreitzer et al., 1997). Le pouvoir confère aux individus une perception de contrôle de leur emploi par le biais de l’autonomie dans le travail et de la participation dans la prise de décision (Spector, 1986). De plus, Stumpf et Hartman (1984) affirment que les processus décisionnels qui encouragent la participation des employés favorisent, en retour, leur responsabilisation et leur implication. Enfin, d’après Salancik (1977), c’est cette responsabilisation et cette implication qui sont liées au développement de l’engagement organisationnel chez les employés. À titre d’exemple, l’étude de Fiorito et al. (1997) relève une relation positive entre l’autonomie, la responsabilisation des employés et l’engagement organisationnel. Une autre étude réalisée auprès de 161 infirmières suggère qu’un changement dans l’organisation du travail affectant leur perception d’habilitation influence significativement leur niveau d’engagement organisationnel (Bourbonnais et Mondor, 2001). Ces considérations nous amènent à proposer l’hypothèse suivante :

Hypothèse 1 :

La perception d’habilitation des employés est liée positivement au niveau d’engagement affectif.

Justice organisationnelle

La théorie des échanges sociaux souligne que la justice organisationnelle est un mécanisme significatif pour comprendre les échanges organisationnels et les manifestations individuelles conséquentes à ces échanges (Blau, 1964). Les gens accordent de la signification aux relations qui sont équitables, aux procédures justes et au traitement qui leur permet de réaffirmer leurs sentiments d’attachement à l’organisation (Brockner et al., 1992). Ainsi, la notion de justice dans l’organisation connaît différentes formes, que ce soit dans la distribution des résultats (justice distributive), dans les procédures organisationnelles (justice procédurale) ou bien dans le traitement des employés (justice interactionnelle).

Plusieurs recherches empiriques ont permis de mettre en relation la justice organisationnelle et l’engagement. La majorité d’entre elles étudient l’engagement organisationnel dans son ensemble alors que d’autres mesurent la forme affective de l’engagement. La méta-analyse de Cohen-Charash et Spector (2001), suggère que la justice procédurale et la justice interactionnelle sont toutes deux fortement liées à l’engagement affectif. Dans une recherche sur le dépistage de l’utilisation de drogue, Konovsky et Cropanzano (1991) élaborent un construit incluant à la fois la justice procédurale et interactionnelle et ils observent des résultats qui corroborent ceux de Colquitt et al. (2001) à l’effet qu’une perception juste et impartiale des procédures était liée à un niveau élevé d’engagement affectif. À cet égard, un article récent de Simard, Doucet et Bernard (2005) démontre clairement le rôle médiateur de la justice dans la relation entre les pratiques de GRH et l’engagement. L’ensemble de ces considérations nous amène à formuler l’hypothèse suivante :

Hypothèse 2 :

La perception de justice des employés est liée positivement au niveau d’engagement affectif.

Plafonnement de carrière

Le plafonnement de carrière se définit comme étant un sentiment d’échec ou de frustration face à une incapacité de progresser dans sa carrière (Veiga, 1981). Cette frustration peut être le fruit d’une absence de mobilité verticale réelle (plafonnement objectif) ou d’une perception que les chances futures de promotion sont absentes (plafonnement subjectif) (Tremblay, 1991; Tremblay et al., 1995). Dans les deux cas de figure, nous parlerons d’un plafonnement de type structurel, car il résulte de conditions externes à l’individu (Cardinal et Lamoureux, 1992).

Le plafonnement de carrière ne se limite pas à son expression structurelle. En effet, les employés qui ne perçoivent plus de défis dans leur travail et qui sont investis d’un sentiment de routine ressentent de l’ennui et de la lassitude, subissant ainsi un plafonnement de contenu (Cardinal et Lamoureux, 1992).

Les études sur ces formes de plafonnement suggèrent que les individus qui vivent l’une ou l’autre de ces formes adopteraient des attitudes et des comportements contre-productifs (Tremblay et al., 1995 ; Tremblay et Roger, 2004). Ils seraient moins satisfaits au travail et auraient davantage l’intention de quitter leur entreprise. Une étude réalisée par Lemire et al. (1999) auprès de 192 gestionnaires et professionnels du secteur public québécois montre que plus un employé perçoit être bloqué dans sa carrière et plus il se désengage de son organisation. Ces considérations nous amènent à formuler l’hypothèse suivante :

Hypothèse 3 :

Le plafonnement de carrière chez les employés est lié négativement au niveau d’engagement affectif.

Changement dans les pratiques RH et violation du contrat psychologique

Rousseau (1995) mentionne que l’implantation de nouvelles stratégies organisationnelles, comme les coupures budgétaires et le remaniement des politiques de gestion, fait varier les pratiques de GRH, puis affecte l’interprétation que l’individu se fait des termes de son contrat psychologique. Ces changements, initiés par l’employeur, engendrent une perception de violation du contrat psychologique par l’employé (Morrison et Robinson, 1997).

Le modèle théorique de Roe et Shalk (1996) permet d’expliquer le processus dynamique des changements dans le contrat psychologique. Tel que perçu par l’employé, ce contrat fluctue en fonction de la variation temporelle du comportement de l’individu et des changements organisationnels. Roe et Shalk (1996) apportent une nouveauté en introduisant les concepts de seuils de tolérance et d’acceptation. Ainsi, l’individu adapte son contrat dans la mesure où les modifications organisationnelles dépassent son cadre de référence, délimité par un seuil de tolérance et par un seuil d’acceptation. Les modifications qui ne dépassent pas ces seuils sont sans effet pour le contrat psychologique et donc sans impact pour l’engagement organisationnel. Cette notion de seuil suppose qu’en dessous d’un seuil minimal, les modifications à l’égard des systèmes de GRH n’ont pas d’impact sur la variation de l’engagement. Ces considérations nous amènent à proposer l’hypothèse suivante :

Hypothèse 4 :

Des modifications significatives dans les expériences de travail vécues par les employés influencent de façon significative leur niveau d’engagement affectif.

Méthodologie

Afin de vérifier les hypothèses de la recherche, deux approches méthodologiques différentes ont été utilisées, l’une quantitative et l’autre qualitative. Toutefois, l’approche qualitative est venue en support à l’approche quantitative afin de faciliter l’interprétation des données et d’analyser les changements encourus entre la passation des deux questionnaires.

Approche quantitative

Dans un premier temps, les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire distribué sur les lieux de travail à l’ensemble des employés (employés de soutien, professionnels et cadres) d’une régie régionale du réseau de la santé et des services sociaux au Québec, maintenant appelée agence de développement régional. La première cueillette d’information a été réalisée au printemps 1999 et la deuxième au printemps 2002, il s’est donc écoulé près de trois ans entre les deux cueillettes de données. Dans les deux cas, le même questionnaire a été utilisé et la même population a été ciblée. Pour 1999, nous avons obtenu un échantillon de 125 répondants pour un taux de réponse de 50,6 %, alors qu’en 2002, notre échantillon était de 80 répondants pour un taux de réponse de 29,4 %. Dans les deux cas, l’échantillon est représentatif de la population de cette régie régionale au plan des catégories d’employés et des statuts d’emploi. Aux fins de la recherche, nous avons apparié les deux échantillons afin d’avoir le même nombre de représentants par catégorie d’emplois et le même niveau d’ancienneté. Les analyses seront donc réalisées sur deux échantillons comparables de 80 répondants (49 employés de soutien; 14 professionnels et 17 cadres).

Mesure et analyse des variables

Les variables ont été regroupées sous cinq grandes catégories : l’engagement affectif, les mécanismes d’habilitation, la justice organisationnelle, le plafonnement de carrière et la variable de contrôle. Elles ont été mesurées à l’aide d’une échelle de Lickert à sept modalités variant de très en désaccord (1) à très en accord (7).

L’engagement affectif est mesuré à l’aide de quatre énoncés tirés de l’instrument de Meyer et Allen (1991) et sélectionnés sur la base de leur contribution factorielle (ex. : « Je serais très heureux de terminer ma carrière avec cette organisation »). Les analyses de cohérence interne ont permis d’obtenir les alpha de Cronbach suivants : α = 0,85 pour 1999 et 0,86 pour 2002.

L’habilitation a été mesurée à l’aide de 10 énoncés tirés de l’instrument de Spreitzer (1995). L’analyse factorielle a permis de dégager deux facteurs de valeur propre supérieure à 1, l’un étant lié à l’autonomie décisionnelle (ex. : « Je décide moi-même de l’organisation de mes tâches ») et l’autre à la participation (ex. : « Je participe au choix des objectifs de mon travail »). Les alpha de Cronbach pour les deux facteurs se situent entre 0,80 et 0,89 pour les deux échantillons.

La justice organisationnelle a été mesurée à l’aide de 14 énoncés tirés de l’instrument de Folger et Konovsky (1989). L’analyse factorielle a permis d’identifier deux facteurs dont la valeur propre est supérieure à 1, l’un étant lié à la justice procédurale (ex. : « Toutes les promotions et les mutations sont soumises à un processus objectif ») et l’autre à la justice interactionnelle (ex. : « Mon supérieur immédiat est respectueux de mes droits et de ma personne »). Les deux facteurs ont une cohérence interne satisfaisante l’alpha de Cronbach variant entre 0,87 et 0,92 pour les deux échantillons.

Le plafonnement de carrière a été mesuré à l’aide de neuf énoncés tirés de l’instrument de Veiga (1981). L’analyse factorielle a permis d’identifier deux facteurs dont la valeur propre est supérieure à 1, l’un étant lié au plafonnement de contenu (« Je ressens un manque d’intérêt ou de l’ennui dans mon travail ») et l’autre au plafonnement structurel (ex. : « J’occupe une position sans issue »). La cohérence interne des deux facteurs est satisfaisante, l’alpha de Cronbach variant entre 0,78 et 0,92 pour les deux échantillons.

L’ancienneté dans l’organisation a été utilisée comme variable de contrôle étant donné que les recherches antérieures ont montré que c’était la variable sociodémographique la plus fortement liée à l’engagement affectif (Meyer et Smith, 2000; Wang et al., 2002). D’autres variables individuelles telles que l’âge et le genre auraient pu être considérées, mais les études récentes montrent que, d’une part, le genre ne constitue pas une variable discriminante en matière d’engagement organisationnel (Leisha et al., 2006; Al-Ajmi, 2006; Peterson, 2004; Kirchmeyer, 1995) et, d’autre part, l’âge est fortement corrélé avec l’ancienneté, ce qui crée des problèmes de multicolinéarité lorsque ces deux variables sont introduites dans le même modèle d’analyse.

L’analyse de régression multiple avec entrée forcée (Enter) a été mise à contribution afin de comparer les effets respectifs de chaque antécédent en débutant par la variable de contrôle. Afin d’évaluer l’effet distinct de chaque antécédent sur l’engagement affectif, des tests d’utilité ont été réalisés. De plus, dans le but de comparer les résultats entre 1999 et 2002, une analyse de variance a été utilisée (ANOVA). Cette analyse a permis de comparer les moyennes de chaque variable (dépendante et indépendantes) de 1999 et 2002. Cette analyse permet de vérifier si la perception qu’ont les employés de leur niveau d’engagement affectif et de la présence des systèmes de GRH a changé entre 1999 et 2002.

Approche qualitative

En plus de l’approche par questionnaire, des entrevues semi-dirigées ont été réalisées en 2003. L’objectif visait à obtenir une appréciation globale de chaque variable de notre enquête, dans le but d’analyser les changements à l’égard des systèmes de GRH et de leur impact sur le contrat psychologique et l’engagement affectif des employés entre 1999 et 2002. Afin de structurer les entrevues, nous avons élaboré une grille comportant quatre sections qui abordent les perceptions des sujets à l’égard des pratiques d’habilitation, de justice organisationnelle et de gestion de carrière ainsi que les impacts sur l’engagement affectif (ex. : dans quelle mesure, l’organisation favorise-t-elle davantage la participation des employés ? Dans quelle mesure les changements réalisés au cours des dernières années à l’égard des pratiques de participation ont-ils affecté les attitudes et les comportements des employés et principalement leur niveau d’engagement organisationnel de type affectif ?). Au total, 15 personnes représentant les trois catégories d’employés ciblés par l’étude (sept professionnels; cinq employés de soutien et trois cadres) ont été invitées sur une base volontaire à participer aux entrevues. Les entrevues eurent lieu au moment convenu par les participants, pour une période moyenne de 30 minutes. Au début de l’entrevue, nous divulguions le plan afin de présenter le projet de recherche et expliquer les différents thèmes abordés.

Après les entrevues, l’information a été retranscrite sous forme de verbatim. À partir de ces informations, une analyse de contenu a été menée afin d’interpréter qualitativement les hypothèses de recherche et prendre connaissance des changements réalisés dans l’organisation entre 1999 et 2002.

Résultats

On retrouve au tableau 1 les informations sur les moyennes, les écarts types et les corrélations entre les variables à l’étude pour les années 1999 et 2002. Dans l’ensemble, on observe que les variables indépendantes sont toutes liées de façon significative à l’engagement affectif et qu’elles sont également fortement liées entre elles. Toutefois, les tests de « multicolinéarité » montrent que les index de tolérance se situent entre 0,595 et 0,920, ce qui est très satisfaisant. De plus, le VIF (variance inflation factors) se situe entre 1,087 et 2,487, ce qui est hautement satisfaisant étant donné le seuil maximum tolérable de 10.

Le tableau 2 présente les résultats des analyses de régression pour les années 1999 et 2002. Les résultats montrent que l’ancienneté explique 5,4 % de la variance de l’engagement affectif en 1999 (p ≤ 0,05) et 7,2 % en 2002 (p ≤ 0,01). L’ancienneté au sein de cette organisation est associée à un engagement affectif favorable, tant en 1999 (β = 0,258; p ≤ 0,05) quand 2002 (β = 0,291; p ≤ 0,01) (Bloc 1).

Lorsque l’autonomie et la participation sont ajoutées au modèle (Bloc 2), ces facteurs expliquent 17 % de la variance de l’engagement affectif (p ≤ 0,001) en 1999, et 17,3 % (p ≤ 0,001) en 2002, ce qui confirme notre première hypothèse. Toutefois, seul le lien entre la participation et l’engagement affectif s’est avéré significatif pour les deux années considérées, alors que les résultats pour l’autonomie dans le travail ne sont pas significatifs. Le lien entre la participation et l’engagement étant positif, plus les employés ont la perception de participer à la prise de décision et plus leur niveau d’engagement affectif est élevé, autant pour 1999 (β = 0,351; p ≤ 0,01) que pour 2002 (β = 0,488; p ≤ 0,001).

Lorsque l’on introduit le bloc de variables liées à la justice organisationnelle, nous observons une augmentation significative de la variance expliquée à l’égard de l’engagement affectif de 4,3 % pour 1999 (p ≤ 0,05) et de 5,5 % pour 2002 (p ≤ 0,05), ce qui confirme notre deuxième hypothèse. Plus spécifiquement, la justice procédurale est liée positivement à l’engagement affectif tant pour 1999 (β = 0,27; p ≤ 0,05) que pour 2002 (β = 0,23; p ≤ 0,05), alors que le lien entre la justice interactionnelle et l’engagement affectif approche le seuil de signification acceptable pour l’année 2002 seulement (β = 0,23; p ≤ 0,08).

Tableau 1

Matrice des corrélations des variables à l’étude, des moyennes et des écarts types pour 1999 et 2002

Variables

Moyennes

Écarts types

1

2

3

4

5

6

7

8

 

1999

2002

1999

2002

 

 

 

 

 

 

 

 

1. Engagement affectif

3.76

4.02

1.42

1.38

1

.29**

.27**

.49***

.29**

.44***

‑.65***

‑.55***

2. Ancienneté

9.5

11.31

5.28

7.17

.26*

1

.34**

.25

‑.08

.23*

‑.08

‑.10

3. Autonomie

4.89

5.87

1.51

0.86

.31**

‑.04

1

.57***

.07

.43***

‑.31**

‑.17

4. Participation

3.04

4.59

2.02

1.53

.46***

.20

.48***

1

.24*

.64***

‑.59***

‑.51***

5. Justice procédurale

3.28

3.74

1.47

1.10

.44***

.21

.14

.47***

1

.09

‑.32**

‑.32**

6. Justice interactionnelle

4.56

5.00

1.62

1.52

.31**

.01

.38***

.53***

.33**

1

‑.44***

‑.28**

7. Plafonnement de contenu

3.63

3.30

1.65

1.60

‑.57***

‑.23

‑.44***

‑.56***

‑.38***

‑.40***

1

.67***

8. Plafonnement structurel

5.40

4.67

1.59

1.58

‑.47***

‑.25

‑.13

‑.33**

‑.42***

‑.15

.52***

1

Notes : Les valeurs en-dessous de la diagonale sont celles de 1999 et au-dessus, celles de 2002.

* p < 0.05; ** p < 0.01; ***p < 0.001

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Tableau 2

Analyse de régression des antécédents de l’engagement affectif pour 1999 et 2002 (N=80)

 

Ordre d’entrée des variables pour l’analyse de régression

 

1

2

3

4

 

1999

2002

1999

2002

1999

2002

1999

2002

 

β

β

β

β

β

β

β

β

Bloc 1

 

 

 

 

 

 

 

 

Ancienneté

.258*

.291**

.192

.196

.167

.212*

.097

.289**

Bloc 2

 

 

 

 

 

 

 

 

Autonomie

 

 

.146

‑.079

.162

‑.083

.080

‑.040

Participation

 

 

.351**

.488***

.194

.285*

.079

‑.080

Bloc 3

 

 

 

 

 

 

 

 

Justice procédurale

 

 

 

 

.270*

.227*

.166

.112

Justice interactionnelle

 

 

 

 

.052

.227

.033

.191

Bloc 4

 

 

 

 

 

 

 

 

Plafonnement de contenu

 

 

 

 

 

 

‑.303*

‑.368**

Plafonnement structurel

 

 

 

 

 

 

‑.173

‑.297*

R2 ajusté

0.054*

0.072**

0.224***

0.245***

0.267*

0.300*

0.364**

0.510***

Δ R2 ajusté

0.054*

0.072**

0.170***

0.173***

0.043*

0.055*

0.097**

0.210***

* p < 0.05; ** p < 0.01; ***p < 0.001

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Le dernier bloc de variables concerne les indicateurs de plafonnement de carrière. Les résultats du tableau 2 montrent que le plafonnement de carrière influence significativement l’engagement affectif des employés en 1999 (ΔR2 = 0,097; p ≤ 0,01) et en 2002 (ΔR2 = 0,21; p ≤ 0,001), ce qui confirme notre troisième hypothèse. Les résultats montrent également que les deux formes de plafonnement de carrière (contenu et structurel) sont liées négativement à l’engagement affectif en 2002 (β = -0,368, p ≤ 0,01; β = -0,297, p ≤ 0,05), alors que seul le plafonnement de contenu l’est en 1999 (β = -0,303, p ≤ 0,05). Le plafonnement de carrière influence donc négativement l’engagement affectif. L’ensemble du modèle, c’est-à-dire des six variables indépendantes et de la variable de contrôle, permet d’expliquer 36,4 % de la variance totale du phénomène de l’engagement organisationnel de type affectif en 1999 (p ≤ 0,01) et 51 % en 2002 (p ≤ 0,001). Les tests d’utilité suggèrent également que le plafonnement de carrière constitue l’expérience de travail la plus déterminante à l’égard de l’engagement affectif. En effet, lorsque les autres déterminants sont considérés, seul le plafonnement de carrière continue d’exercer une influence significative sur l’engagement organisationnel.

Les résultats illustrés au tableau 3 à l’égard des moyennes sur les différents systèmes de GRH suggèrent que plusieurs modifications favorables ont été apportées entre 1999 et 2002. Les analyses de variance montrent que l’autonomie, la participation, la justice procédurale et le plafonnement structurel ont tous connu une amélioration significative entre 1999 et 2002.

Les résultats de l’analyse de variance montrent également une amélioration de l’engagement affectif entre 1999 et 2002. Toutefois, cette différence n’est pas significative, ce qui infirme l’hypothèse 4. La faible taille de l’échantillon (N = 80) est partiellement responsable de ce résultat.

En ce qui a trait aux résultats des entrevues réalisées auprès des employés, l’analyse du contenu a permis d’observer que, de façon générale, les modifications réalisées par l’organisation sur les systèmes de GRH auraient légèrement amélioré les attitudes et les comportements des employés à son égard. Voici brièvement l’analyse des commentaires sur les changements réalisés à l’égard de l’habilitation, de la justice, de la carrière ainsi que leurs conséquences sur l’engagement organisationnel.

Tableau 3

Résultats de l’analyse de variance des variables entre 1999 et 2002

Variables

Moyenne

1999

Moyenne

2002

F

Sig.

Variable dépendante

 

 

 

 

   Engagement affectif

3,76

4,02

1,325

,252

Variables indépendantes

 

 

 

 

   Autonomie

4,89

5,87

25,529

,000

   Participation

3,04

4,59

29,677

,000

   Justice procédurale

3,28

3,74

4,835

,029

   Justice interactionnelle

4,56

5,00

3,083

,081

   Plafonnement structurel

5,40

4,67

8,481

,004

   Plafonnement de contenu

3,63

3,30

1,663

,199

Note : Un niveau de signification (Sig.) inférieur à ,05 indique que les moyennes de cette variable, pour 1999 et 2002, sont significativement différentes.

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Pratiques d’habilitation

En matière de participation, l’ensemble des employés interviewés affirme que des changements importants ont été apportés entre 1999 à 2002. Ils perçoivent être davantage consultés qu’en 1999, et ils participent beaucoup plus aux activités organisationnelles lors des rencontres d’équipe mensuelles. Des comités ont été mis en place depuis 1999 pour faire participer les employés et ils semblent davantage impliqués dans l’établissement de leurs objectifs de travail. L’un des gestionnaires interrogés a mentionné : « la direction tient compte, dans nos objectifs annuels, de notre capacité à favoriser la participation de nos employés, nous sommes donc responsables d’établir ces mécanismes ».

Du côté de l’autonomie, les points de vue semblent moins convergents entre les catégories de participants. Les cadres et les employés de soutien perçoivent que l’organisation a apporté des changements dans les pratiques favorisant l’autonomie des employés depuis 1999 en donnant plus de pouvoir aux individus pour gérer des situations imprévues, alors que certains professionnels pensent le contraire. L’un des professionnels nous a indiqué : « il y a une fragmentation inégale entre les secteurs d’activités de l’organisation, certains gestionnaires encouragent l’autonomie alors que d’autres la freinent ».

Justice organisationnelle

Dans l’ensemble, les employés perçoivent que l’organisation, depuis 1999, a adopté des mécanismes afin d’augmenter l’impartialité des décisions et des interactions avec les employés. L’organisation aurait pris les moyens pour que les employés connaissent et comprennent les procédures menant aux décisions. Par exemple, des réunions mensuelles avec la direction auraient permis aux employés de commenter les décisions prises et de recevoir en retour un feedback de la direction et des gestionnaires. Une des personnes interrogées nous a mentionné : « depuis quelques années, la régie favorise davantage les interactions entre les employés et les membres de la direction, ce qui nous permet d’apporter notre point de vue et d’obtenir du feedback sur les décisions nous concernant ».

Gestion des carrières

Les cadres et les professionnels perçoivent que le plafonnement de carrière a diminué depuis 1999, alors que les employés de soutien ne perçoivent aucun changement. L’organisation a mis en place un programme de relève des cadres, disponible aux professionnels, lequel permet de réduire le plafonnement structurel perçu. Un des professionnels interrogés a indiqué : « la formation externe qui nous est proposée change la perspective de notre emploi en le rendant plus stimulant et nous permet d’accroître notre mobilité afin de relever de nouveaux défis »

Toutefois, les employés de soutien ne sont pas visés par le programme de relève, ni même par un programme de planification de carrière. L’un d’eux a indiqué : « ici, le développement des employés relève davantage de la motivation personnelle et non pas de l’organisation. L’initiative de se développer doit provenir des employés et le choix des formations proposées n’est pas vraiment pertinent ».

L’analyse de contenu réalisée à partir des entretiens appuie, de façon générale, les résultats obtenus par questionnaire ainsi que les trois premières hypothèses. Il y aurait bel et bien une amélioration à l’égard du niveau d’habilitation des employés (participation surtout), de la gestion des carrières (cadres et professionnels seulement) et de la perception de justice organisationnelle.

Lorsque l’on analyse les commentaires à l’égard du changement en matière d’engagement organisationnel, les propos sont plus mitigés. Selon les employés, une plus grande participation dans la fixation de leurs objectifs et dans les activités de l’organisation a permis une certaine amélioration des attitudes et des comportements, mais cette amélioration est faible et peu tangible. Toutefois, dans l’ensemble, la réduction du plafonnement de carrière par le biais de la planification de carrière et l’amélioration du contenu de l’emploi et des défis a favorisé le développement de l’engagement affectif. Enfin, une meilleure circulation de l’information, jointe à la consultation des employés, améliorent la qualité des interactions. En ce sens, les employés se sentent traités de façon plus équitable. L’ensemble de ces considérations en ce qui a trait à l’impact des changements réalisés entre 1999 et 2002 sur l’engagement affectif des employés vient appuyer les résultats obtenus par questionnaire, à savoir qu’il y a eu une amélioration des attitudes et des comportements des employés et principalement en matière d’engagement affectif, mais que cette amélioration est faible.

Discussion

Cette étude avait pour but d’analyser l’impact des modifications de trois systèmes de GRH (l’habilitation, la justice organisationnelle et le plafonnement de carrière) sur la variation de l’engagement affectif et d’étendre la portée de la théorie du contrat psychologique dans le domaine de la GRH. Le premier système de GRH analysé, l’habilitation, permet d’expliquer 17 % de la variance de l’engagement affectif en 1999 et 2002, alors que le deuxième système, la justice organisationnelle, explique environ 5 % de la variance pour chacune des deux années. En ce qui a trait au plafonnement de carrière, les résultats suggèrent que ce système de GRH exerce une influence sur l’engagement affectif de l’ordre de 10 % en 1999 et de 21 % en 2002.

Lorsque des tests d’utilité sont réalisés, on remarque que le plafonnement de carrière est central dans l’explication de la variation de l’engagement organisationnel. En effet, même si l’habilitation et la justice organisationnelle produisent une influence significative, la perception d’être plafonné dans sa carrière inhibe en partie l’influence de ces deux mécanismes psychologiques. Ainsi, nos résultats montrent que les gestionnaires doivent d’abord promouvoir une orientation vers la gestion et le développement de carrière des individus avant de miser sur l’habilitation et la justice organisationnelle. Il faut également préciser que le système de relations du travail dans le secteur public de la santé au Québec est extrêmement formalisé et codifié, ce qui limite en partie l’effet de certaines initiatives en matière de GRH. Néanmoins, d’après Meyer et Smith (2000), l’organisation qui investit dans ses employés, par le biais du développement de carrière, prouve à ces derniers qu’elle les soutient dans leur développement personnel et professionnel. Sur la base d’un mécanisme de réciprocité, les employés s’investissent à leur tour en s’impliquant et en s’engageant envers l’organisation. Les termes du contrat psychologique sont ainsi respectés et même améliorés (Rousseau, 1995). De plus, les résultats obtenus suggèrent que l’engagement affectif serait davantage lié au plafonnement de contenu qu’au plafonnement structurel, ce qui suppose que la perception de ne plus avoir de défis et de s’ennuyer au travail est plus néfaste que le fait de ne pas pouvoir gravir les échelons hiérarchiques (Nachbagauer et Riedl, 2002). Cependant, il faut considérer le fait qu’il existe au sein des employés du secteur de la santé et principalement des régies régionales, maintenant connues sous le nom : « d’agences de développement régional », une certaine forme de résignation en ce qui a trait à la progression verticale de la carrière. Plusieurs prennent conscience de l’absence de tremplin dans ce secteur, ce qui réduit considérablement les attentes à l’égard des promotions.

Toutefois, en l’absence de plafonnement de carrière, la participation à la prise de décision et la justice procédurale sont toutes deux liées positivement à l’engagement affectif. Ce constat va dans le sens de la littérature selon laquelle l’empowerment (Thomas et Velthouse, 1990) et la justice procédurale (Colquitt et al., 2001; Simard, Bernard et Doucet, 2005) sont des conditions psychologiques importantes dans le développement de l’engagement affectif. Ce lien n’a cependant pas été observé à l’égard de l’autonomie dans l’emploi. Selon Acorn et al. (1997), certains facteurs, par exemple la satisfaction au travail, modéreraient la relation entre l’autonomie chez les professionnels de la santé et l’engagement organisationnel. Ainsi, l’insatisfaction au travail manifestée par les cadres et les professionnels de la santé explique l’absence de lien entre l’autonomie et l’engagement affectif. De plus, le contexte très bureaucratisé de cette organisation ainsi que la réglementation entourant les tâches des professionnels réduisent considérablement la marge de manoeuvre dans l’exercice de leur fonction.

Les résultats des analyses ANOVA et les entrevues réalisées ont montré qu’il y avait eu une amélioration significative de plusieurs des systèmes RH étudiés. Les actions entreprises par l’organisation pour modifier ses systèmes RH ont entraîné des changements au niveau de la perception des employés. Les résultats révèlent que l’autonomie, la participation, la justice procédurale et le plafonnement structurel se sont améliorés depuis 1999 et 2002. Seuls la justice interactionnelle et le plafonnement de contenu ne semblent pas s’être améliorés de façon significative pendant cette période. Les employés de soutien sont ceux qui ont la perception la plus négative à l’égard des pratiques de GRH et principalement à l’égard du plafonnement structurel. Cette différence s’explique partiellement par le fait que le nouveau programme de planification de la relève s’adresse aux cadres et aux professionnels exclusivement, les employés de soutien ne bénéficiant d’aucun programme facilitant leur mobilité interne. Cette réalité provoque chez cette catégorie d’employés une perception d’injustice à l’égard des critères de promotion, ces derniers étant considérés comme subjectifs et échappant à leur contrôle (Tremblay, 1992). Néanmoins, ils se considèrent plus autonomes dans leur travail qu’en 1999, et ceci, suite à la mise en place de plusieurs comités permettant d’impliquer un nombre plus considérable d’employés dans les décisions administratives.

Même si la taille de l’échantillon ne permet pas d’obtenir des différences significatives, la moyenne de l’engagement affectif des employés de cet établissement est passée de 3,76 à 4,02, ce qui constitue tout de même une amélioration appréciable. De plus, les résultats des entretiens montrent que les employés, de façon générale, ont l’impression que les attitudes et les comportements se sont améliorés depuis 1999. Les efforts entrepris par les gestionnaires de l’organisation semblent donc avoir permis d’accroître l’implication des employés, leur sentiment de respect du contrat psychologique et d’appartenance vis-à-vis de l’organisation.

Ainsi, la recherche révèle trois constats : (1) les déterminants de l’engagement affectif sont relativement stables dans le temps; (2) des modifications réalisées au niveau des pratiques de GRH améliorent la perception des employés à l’égard de leur autonomie, de leur degré de participation aux décisions, de la justice organisationnelle et réduit les problèmes liés au plafonnement de carrière et (3) ces processus d’amélioration continue en GRH ont permis, d’une part, d’accroître l’engagement affectif des membres de la régie régionale et, d’autre part, de rehausser leur sentiment d’identification à la mission et aux valeurs de l’organisation. Dans un contexte turbulent comme celui qui prédomine dans le réseau de la santé, il est intéressant de constater que les employés continuent de s’identifier et de s’engager envers l’organisation, partiellement en raison de perceptions positives à l’égard des promesses formulées et tenues comme, par exemple, l’engagement de la direction à apporter des correctifs aux pratiques de GRH à la suite de la première enquête. Nos résultats indiquent que le moyen pour parvenir à augmenter l’engagement passe indubitablement par l’implantation d’une philosophie de gestion visant la participation à la prise de décisions, l’amélioration de la justice procédurale et la réduction du plafonnement de carrière. Outre le fait que ces actions constituent une réponse aux évaluations de l’enquête de 1999, elles influencent également la perception de respect du contrat psychologique.

Toutefois, il est fondamental de réduire le plafonnement de carrière afin de s’assurer que la justice et la participation produisent les effets escomptés. Sur ce point, notons que les changements dans les pratiques de GRH entraînent une réévaluation cognitive de la situation par les employés, ce qui modifie leur perception à l’égard de leur relation d’emploi. Si les changements de l’organisation sont perçus comme favorables, c’est-à-dire qu’ils répondent et dépassent les attentes construites par le travailleur dans son contrat psychologique, son engagement envers l’organisation augmentera (Fiorito et al., 1997; Shalk et Freese, 1997).

Conclusion

Le principal apport de cette recherche est d’avoir analysé la variation de l’engagement affectif en montrant que certains de ses déterminants sont relativement constants dans le temps. De plus, les résultats obtenus apportent une certaine contribution à la théorie du contrat psychologique en suggérant qu’un changement favorable dans la relation d’emploi permet d’améliorer les croyances des employés à l’égard de la relation d’échange avec l’organisation.

Cette recherche comporte toutefois certaines limites. Les problèmes liés à la variance commune ne peuvent pas être passés sous silence dans les relations statistiques observées entre les systèmes RH et l’engagement affectif. Il est possible que les relations observées soient artificiellement rehaussées par ce phénomène. De plus, les trois ans qui se sont écoulés entre les deux enquêtes peuvent avoir entraîné une certaine forme de contamination « expérientielles ». Rien ne nous assure que d’autres changements organisationnels affectant l’engagement affectif n’ont pas été réalisés dans cet espace-temps. Cependant, les entretiens réalisés avec certains employés semblent attribuer l’origine de ces changements aux modifications réalisées par la direction en matière de GRH.

Enfin, certaines voies de recherche pourraient donner suite aux résultats obtenus dans cette recherche. Il serait important d’envisager d’autres facteurs pouvant influencer l’engagement affectif. Malgré le fait que notre modèle explique entre 30 et 50 % de la variance, d’autres déterminants tels que le style de leadership du superviseur, les valeurs organisationnelles et la mission poursuivie par l’établissement pourraient combler la partie de la variance non expliquée. Enfin, le choix d’un établissement ayant une mission qui implique un rapport direct entre les employés et les bénéficiaires, tel que les hôpitaux ou les centres de soins de longue durée, permettrait de soumettre le modèle à des contextes organisationnels différents et d’évaluer les déterminants de l’engagement envers les bénéficiaires.