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Cette troisième édition du Droit de l’emploi au Québec est un ouvrage magistral par l’envergure des sujets traités et la manière dont ils le sont. Il faut dire qu’il s’agit d’une mise à jour de la deuxième édition, parue en 2003, dont les deux premiers auteurs sont signataires. Fidèle dans sa structure de présentation aux deux éditions précédentes, cette troisième édition est aussi riche dans son contenu analytique et critique que ne l’était la deuxième édition. Les multiples règles qui façonnent les relations d’emploi au Québec apparaissent dans un tout cohérent et ordonné permettant au lecteur d’en saisir les divers tenants et aboutissants en matière de rapports individuels et collectifs du travail. Droit morcelé et atomisé, constatent les auteurs, d’où la difficulté de présenter une synthèse analytique du droit de l’emploi au Québec. Or, ils y parviennent adroitement en expliquant les articulations juridiques des règles relatives à l’emploi, tout en dépeignant les contextes historique, social, économique et politique dans lesquels celles-ci s’inscrivent. Critiques face au droit en vigueur, les auteurs font bénéficier le lecteur de données vérifiables au moyen des nombreuses références qu’ils puisent dans les lois, la jurisprudence, la doctrine, et aussi dans des textes à dimension philosophique, sociologique, politique ou encore économique. Cet ouvrage constitue, à mon sens, un véritable traité du droit de l’emploi au Québec. Il en présente la genèse, la teneur actuelle, ainsi que les prémices d’une éventuelle réforme.

Le livre est divisé en six grands titres comprenant chacun une table des matières. Ces titres sont précédés d’un plan d’ensemble, d’un avant-propos et d’une table générale des matières, dont je conseillerais de prendre connaissance avant d’entamer la lecture du présent volume, afin de comprendre rapidement sa structure, ainsi que l’approche rédactionnelle des auteurs. Le découpage de la matière est simple, mais celle-ci reste étendue. En effet, le droit de l’emploi est abordé sous tous ses angles. Pour profiter pleinement des explications fournies, le lecteur aura intérêt à faire des renvois d’un titre à un autre. À cet égard, les auteurs facilitent énormément la tâche en indiquant constamment les renvois pertinents. De plus, ceux-ci adoptent une approche analytique qui tient compte à la fois des dimensions théorique et pratique du droit de l’emploi au Québec. Le droit n’est pas présenté de façon désincarnée, ni statique; au contraire, les auteurs s’appliquent, moult références à l’appui, à le montrer tel qu’il a évolué, avec les difficultés, les limites que ce droit peut poser au niveau des politiques publiques et aussi sur les plans juridique et organisationnel. L’oeil critique des auteurs rappelle au lecteur que la règle de droit n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour y parvenir. La qualité de la rédaction est à la mesure du contenu de l’ouvrage : la rédaction est rigoureuse, précise, dynamisée et colorée par un vocabulaire choisi et des modes de présentation variés. L’ouvrage est hautement instructif à tout point de vue, et cela pour la personne qui commence sa formation dans le domaine, et aussi pour celle qui veut la parfaire ou simplement la maintenir à jour.

Au titre I, la question est lancée : « UN DROIT DE L’EMPLOI ! Qu’est-ce à dire ? ». Interpellant souvent le lecteur par des questions, les auteurs attirent son attention et suscitent son intérêt. Les quatre chapitres du premier titre servent à introduire le sujet. Dans le premier chapitre, les auteurs expliquent en quoi l’appellation « droit de l’emploi » est mieux adaptée à la réalité d’aujourd’hui que ne l’est l’expression « droit du travail », et ils présentent les diverses composantes de ce droit. C’est là l’occasion de souligner les principales métamorphoses du travail et des relations juridiques entre les personnes qui l’accomplissent, et celles qui le fournissent ou en exercent la direction d’une manière ou d’une autre. Le deuxième chapitre traite des sources générales du droit de l’emploi et leurs interrelations. Ce chapitre est bien conçu et important parce qu’il dresse la toile de fond juridique par rapport à l’emploi au Québec. Les auteurs adoptent une classification en quatre temps : 1) les sources premières et fondamentales de droit que sont la constitution, les chartes, les ententes internationales; 2) le Code civil du Québec et les lois de l’emploi; 3) les sources directes se présentant sous forme d’un contrat de travail ou d’une convention collective de travail; 4) les sources indirectes constituées par l’usage, la jurisprudence et la doctrine. Au terme de ce chapitre, le lecteur pourra saisir la portée générale de ces différentes sources de droit dans la relation d’emploi au Québec. Le troisième chapitre explique comment le rôle de l’État a évolué au fil du temps. Sont présentés les fondements du libéralisme juridique, les impacts de la révolution industrielle sur le plan de la relation d’emploi, la montée de l’interventionnisme étatique menant à l’État-providence, ainsi que les techniques d’intervention de l’État et leurs effets civilisateurs par rapport à la relation d’emploi. Le quatrième chapitre expose les caractéristiques du droit de l’emploi. Pragmatique avant tout, il résulte, comme l’expliquent les auteurs, d’une conjugaison de sources de droit étrangères et internes, qui en fait un droit particulier que l’on peut difficilement inscrire dans la dichotomie traditionnelle de notre système juridique : droit privé ou droit public. Les auteurs placent le droit de l’emploi dans une branche du droit à part, et ils en font une démonstration éloquente à travers tout le premier titre du volume. Ils montrent la complexité du droit de l’emploi et le situe au présent, sans négliger les nécessaires liens avec le passé qui l’a forgé.

Le titre II, tenant en quatre chapitres, brosse un portrait complet du contrat de travail, acte juridique à la base du lien d’emploi et de la relation qui s’ensuit. Ce titre s’intéresse au contrat de travail, tel qu’il est nommé au Code civil du Québec, et il expose l’articulation des règles de droit commun en rapport avec les lois de l’emploi. Le premier chapitre vise l’engagement, lequel passe inévitablement par un processus de recrutement et de sélection. Tout en décrivant ce processus, les auteurs expliquent les diverses règles juridiques pertinentes au choix d’un candidat à un emploi. Le lecteur va prendre connaissance notamment du droit à l’égalité, du droit à la vie privée et du droit à la protection des renseignements personnels, ainsi que leur impact respectif sur l’engagement pour occuper un emploi. Cet engagement n’aura valeur juridique qu’à certaines conditions précises que les auteurs décrivent et analysent dans la dernière section de ce premier chapitre. Le deuxième chapitre s’intitule les parties au contrat de travail. Les auteurs présentent la genèse du contrat de travail, ses éléments caractéristiques, ses effets sur le salarié et l’employeur à titre de parties contractantes. Ils relèvent des difficultés quant à la qualification juridique du statut de certains travailleurs et ils discutent de la place que devrait occuper le contrat de travail dans la relation d’emploi. Particulièrement pour le lecteur non initié, ce chapitre m’apparaît plus difficile à saisir parce que le statut juridique de salarié et celui d’employeur ne sont pas directement traités. L’approche retenue par les auteurs est intéressante sur le plan de la discussion, mais le lecteur est susceptible de perdre de vue l’objet principal de ce chapitre à travers différentes considérations juridiques, économiques et organisationnelles. Le troisième chapitre coule, quant à lui, de clarté. On y retrouve les principales obligations respectives du salarié et de l’employeur. Les auteurs expliquent d’abord l’obligation de disponibilité du salarié, ses obligations de comportement fondées sur la prudence, la diligence, la loyauté, la discrétion et la convivialité, et celles de l’employeur exigeant la sauvegarde de la santé, la sécurité et la dignité du salarié. Ils présentent ensuite les fondements et les moyens de sanction dont dispose l’employeur lorsque le salarié manque à ses obligations. Ils terminent en abordant les dimensions juridiques de l’obligation de rémunération qui incombe à l’employeur. Le chapitre 4 complète l’étude du contrat de travail en traitant de sa résiliation et de sa suspension. Ce dernier chapitre offre une synthèse et une analyse très bien ficelées des différentes situations pouvant entraîner une interruption de la prestation de travail, soit du fait du salarié ou de celui de l’employeur, et aussi celles qui mènent à une fin d’emploi, avec les conséquences juridiques que toutes ces situations comportent pour l’une et l’autre partie à la relation d’emploi. Sont ainsi couvertes les absences du salarié qu’elles soient reliées à des activités personnelles ou causées par un accident, une maladie, un emprisonnement, une lésion professionnelle ou encore provoquées par l’exercice d’un droit de refus ou d’un retrait préventif. De plus, on y traite des cas de mise à pied individuelle et collective, ainsi que des règles de résiliation du contrat de travail du chef du salarié et du chef de l’employeur.

Après avoir procédé à l’étude de la relation d’emploi sous ses différentes facettes, les auteurs présentent un aperçu général des lois de l’emploi, tel que l’indique le titre III de leur ouvrage. Plusieurs des lois faisant l’objet d’un exposé dans ce titre ont déjà été mises à contribution dans les deux titres précédents pour expliquer ce qu’est le droit de l’emploi, la formation du lien d’emploi, ainsi que les obligations qui s’en dégagent une fois créé, et cela jusqu’à sa résiliation. Dans le troisième titre, les auteurs concentrent l’attention du lecteur sur le contenu propre à chacune des lois de l’emploi, ainsi que sur les contextes historique et socio-économique liés à leur adoption et leurs modifications subséquentes. Le lecteur peut ainsi prendre une juste mesure de la diversité des lois de l’emploi au Québec, leur évolution, leur champ d’application et leur portée générale. Dans l’ordre, les six premiers chapitres visent les lois relatives aux droits de la personne et à la langue française, aux normes du travail, à l’indemnisation des lésions professionnelles, à la prévention en matière de santé et sécurité du travail; aux décrets de convention collective; aux relations du travail et à la formation professionnelle dans l’industrie de la construction. Le dernier chapitre rassemble diverses lois concernant les syndicats professionnels, l’équité salariale, les artistes, les renseignements personnels et les régimes de retraite.

Le titre IV, divisé en cinq chapitres, est entièrement consacré au droit des rapports collectifs du travail, particulièrement tel qu’il est prévu au Code du travail. En passant à travers ce titre, le lecteur aura l’occasion de beaucoup apprendre sur les règles juridiques, mais aussi de prendre connaissance en même temps de l’histoire des rapports collectifs du travail au Québec, et du contexte socio-économique dans lequel le droit qui s’y rattache a émergé et s’est développé jusqu’à aujourd’hui. Il ne manquera pas non plus de noter les interrogations que pose actuellement le droit des rapports collectifs par rapport à l’évolution du droit de l’emploi dans son ensemble. Le premier chapitre explique d’abord ce qu’est la liberté syndicale à travers la liberté d’association garantie par les chartes canadienne et québécoise et par le droit d’association reconnu au Code du travail. Les auteurs montrent ensuite comment cette liberté est protégée dans ses dimensions individuelle et collective, et ils analysent les règles juridiques du gouvernement syndical. Une fois constitué, le syndicat devra obtenir l’accréditation pour pouvoir négocier une convention collective. Tout le processus d’accréditation fait l’objet du deuxième chapitre. L’accréditation repose sur des données hautement techniques que les auteurs réussissent à expliquer de façon précise et concrète, en montrant la dynamique du processus. Ils permettent au lecteur de comprendre en quoi consiste l’accréditation, ses conditions d’obtention, les divers incidents de parcours qui peuvent survenir pendant la procédure d’accréditation ou à la suite de l’accréditation elle-même. Ils analysent les effets de l’accréditation à l’égard de l’employeur et du nouvel employeur. Toute leur analyse par rapport à l’article 45 du Code du travail, portant sur la transmission des droits et obligations, est fort intéressante et particulièrement à propos. Elle facilite la compréhension du lecteur face à ce sujet plus hermétique à cause de sa complexité à la fois conceptuelle et technique. Le troisième chapitre vise la négociation collective et les modes de règlement des conflits à caractère économique tels la grève et le lock-out, ainsi que l’arbitrage de différend comme substitut à la négociation. La nature et la portée juridique de la convention collective sont étudiées au quatrième chapitre. L’arbitrage de griefs qui sert à régler les mésententes se rattachant à la convention collective fait également partie de ce chapitre. Pour compléter l’étude du droit des rapports collectifs, les auteurs traitent, dans le cinquième chapitre, des règles particulières applicables aux services et au secteur public.

Le titre V place le lecteur en présence des contentieux de l’emploi. Les auteurs ont regroupé, sous ce titre, divers recours qu’un salarié peut exercer en application des principales lois de l’emploi et du contrat de travail. Le regroupement pour lequel les auteurs ont opté a l’avantage de montrer au lecteur l’éventail des recours en matière d’emploi et leur mode de fonctionnement respectif, évitant du coup leur éparpillement à travers tout le livre, tout autant que des répétitions inutiles. Ce choix comporte, néanmoins, un inconvénient pour le lecteur qui doit se rendre dans ce titre lorsqu’il veut connaître le recours approprié pour assurer le respect d’un droit conféré par une loi de l’emploi ou le contrat de travail. Je tiens à souligner que ce léger inconvénient ne jette nullement ombrage sur la qualité d’ensemble du présent ouvrage. Toutefois, il est préférable que le lecteur en soit averti – c’est d’ailleurs ce que font les auteurs dans leur avant-propos – pour optimiser l’utilisation du volume. Les contentieux tiennent en trois chapitres. Le premier chapitre recouvre différentes pratiques interdites prévues dans les lois de l’emploi et diverses autres lois. Les auteurs traitent aussi du recours à l’encontre du harcèlement psychologique selon la Loi sur les normes du travail et du recours à l’encontre d’un congédiement injustifié selon la même loi. Ils abordent, dans le deuxième chapitre, divers recours relevant des tribunaux de droit commun. Le troisième chapitre renseigne sur les contentieux liés à la protection des renseignements personnels, au devoir de représentation syndicale, aux droits de la personne, à la santé et la sécurité du travail, et sur différents autres recours prévus dans des lois qui confèrent compétence à la CRT. Le contentieux pénal du droit de l’emploi est également présenté dans ce dernier chapitre.

Le sixième et dernier titre est à caractère prospectif. Les auteurs discutent de la probable évolution du droit de l’emploi. Dans un premier chapitre, ils mettent l’accent sur le dépassement du droit de l’emploi et son inadaptation par rapport à la métamorphose de l’entreprise. Ils proposent dans un deuxième chapitre des pistes de réponse. Le livre comprend aussi une liste des annexes, une table des principales lois citées, une table alphabétique et une volumineuse table de la jurisprudence.

En somme, Le droit de l’emploi au Québec (3e édition) est une source doctrinale fondamentale qui saura servir, dans leurs dimensions juridiques, l’enseignement, la recherche et la pratique des relations du travail.