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Introduction

L'immigration au Québec est un phénomène important et, en vertu des transformations liées au vieillissement démographique, une partie de plus en plus significative et importante de la nouvelle main-d'oeuvre québécoise est appelée à provenir de l'étranger. Le Québec dispose à cet égard d'une large autorité en matière de sélection d'une portion significative de ses immigrants, en vertu notamment de l'Accord Gagnon-Tremblay/MacDougall signé en 1991. Il dispose également d'une langue, le français, ainsi que d'une grille de sélection qui le différencient du Canada anglais. Finalement, il convient de mentionner qu'un grand nombre de ses immigrants proviennent de pays et de continents qui diffèrent sensiblement du reste du Canada.

Au Canada, la performance économique des nouveaux immigrants sur le marché du travail a été largement étudiée, mais l'image qui s'en dégage est plutôt sombre. En effet, dans l'ensemble du Canada, les chercheurs et, en particulier, les chercheurs de Statistique Canada ont fait valoir que le salaire à l'entrée des nouveaux immigrants s'avère nettement inférieur à celui des natifs, le chômage est élevé, les taux d'emploi sont bas et la pauvreté est particulièrement élevée et persistante (Picot et Sweetman, 2005; Gilmore, 2008; Schellenberg et Maheux, 2007).

Au Québec, nous disposons d'un nombre très limité d'études comparant les conditions du marché du travail des immigrants avec celles des natifs, tandis qu'au niveau du Canada, nous comptons un grand nombre d'études qui ont été réalisées au cours des 15 dernières années. D'une part, la disponibilité des données appropriées (du recensement, des nouvelles enquêtes longitudinales telles que l'Enquête sur la dynamique du travail et le revenu, et l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada[1], et plus récemment l'Enquête sur la population active[2]) et les difficultés croissantes auxquelles font face les récentes cohortes d'immigrants sur le marché du travail ont grandement stimulé la recherche sur l'immigration. Toutefois, et à notre connaissance, la recherche comparant les immigrants aux natifs (du moins la recherche économique), porte essentiellement sur le Canada dans son ensemble. D'autre part, des comparaisons descriptives entre les grandes provinces, voire entre les principales régions métropolitaines de recensement, existent, mais il s'agit le plus souvent d'études de Statistique Canada dont les principaux résultats sont publiés dans sa publication « Le Quotidien » et destinés au grand public[3]. Finalement, on peut mentionner que les provinces sont souvent prises en considération dans les modèles économétriques, mais uniquement comme des variables de contrôle dont les résultats ne sont pas analysés[4].

Cet article a pour objet de combler cette lacune en procédant à l'examen comparatif des statistiques de recensements sur les taux d'emploi, les taux de chômage et les revenus d'emploi pour des années comparables sur le plan de la conjoncture macroéconomique canadienne, soit les années 1980 et 1981 d'un côté et les années 2000 et 2001 de l'autre. Le choix des années 1981 et 2001 n'est pas arbitraire. Il permet de limiter les variations dues aux fluctuations de la conjoncture économique. En effet, selon Picot et Hou (2003), le choix d'années proches de sommets du cycle économique permet de séparer les effets de long terme des effets temporaires liés à une conjoncture économique défavorable. Par ailleurs, les deux années retenues permettent d'analyser l'évolution de la situation des immigrants sur la plus longue période possible à l'aide des données disponibles à ce jour du recensement[5]. Cette même méthodologie a été utilisée aussi bien dans des travaux de Statistique Canada pour le Canada (Frenette et Morissette, 2003) que dans des travaux de l'Institut de la statistique du Québec pour le Québec (Crespo, 2007)[6].

Cet article comporte trois sections. La première section porte sur l'étude des politiques d'immigration et leurs répercussions sur le nombre et les caractéristiques socioéconomiques des nouveaux immigrants. La seconde section discute de l'évolution prévisible de la performance économique des nouveaux immigrants sur les marchés du travail québécois. La troisième section évalue cette évolution à la lumière des indicateurs d'emploi, de chômage et du revenu d'emploi. La conclusion résume nos propos et en donne les implications pour les politiques publiques.

Les politiques d’immigration

Les politiques d'immigration comportent deux grandes dimensions, soit une dimension qualitative, d'une part, et une dimension quantitative, d'autre part. La dimension qualitative a trait aux critères qui prévalent lors de la sélection et de l'admission des nouveaux immigrants. La dimension quantitative réfère au nombre total de nouveaux immigrants reçus ou que se propose d'accueillir le pays hôte. Le Canada et le Québec sont intervenus sur l'une comme sur l'autre de ces dimensions au cours de notre période d'observation. Dans les sous-sections qui suivent, nous présenterons brièvement l'origine des politiques actuelles d'immigration au Canada et au Québec puis nous en examinerons les répercussions sur les caractéristiques socioéconomiques des nouveaux immigrants ainsi que sur les changements d'ordre quantitatif qui leur ont été appliqués.

L’origine des politiques actuelles

L'histoire du Canada est parsemée d'événements qui ont marqué les politiques et les pratiques d'immigration. Premièrement, sous le régime français, on peut dire, à l'instar de plusieurs historiens, qu'il n'y aurait pas eu de Canada français n'eut été de la première véritable vague d'immigration encouragée par le roi Louis XIV et son ministre des finances Colbert, d'un côté, et administrée par l'intendant Jean Talon, de l'autre.

Deuxièmement, il convient de noter que, sous le régime britannique, il y eut plusieurs tentatives de peuplement qui ont tantôt échoué comme ce fut le cas dans les années qui ont immédiatement suivi la conquête, et tantôt réussi : loyalistes fuyant la sécession américaine (1784–1785), exutoire aux surplus démographiques de la Grande-Bretagne à la fin des guerres napoléoniennes, jusqu'aux Irlandais qui fuyaient la grande famine de 1854 (Linteau, 2007).

Troisièmement, les flux migratoires ont été très inégaux depuis 1867 : crise de 1873–1878, grande expansion de 1896 à 1929 suivie d'une nouvelle stagnation jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Pendant une très longue période de son histoire, le Canada a pratiqué une politique d'immigration sélective en fonction du pays d'origine. L'immigration en provenance de certains pays était privilégiée pour ne pas dire favorisée, alors que celle en provenance d'autres pays était tout simplement exclue (Green et Green, 1996; Lacoursière, 2008[7]).

En fait, ce n'est qu'à partir de 1962 que le critère du pays d'origine a été abandonné et qu'il a été remplacé par des « critères qui préfigurent du succès de l'insertion des nouveaux immigrants sur les marchés du travail canadiens » (Green et Green, 1996). Cinq ans plus tard, soit en 1967, ces critères ont été inscrits dans une grille de sélection formelle qui leur attribue une pondération propre. Désormais, le requérant doit, pour être admis au pays, accumuler, au minimum, un certain nombre de points.

C'est à partir de ce moment également que les immigrants furent principalement classés en trois grands groupes : les immigrants sélectionnés; les immigrants admis pour motif de regroupement familial et l'immigration humanitaire. Les immigrants sélectionnés sont ceux que nous venons de décrire au paragraphe précédent. Ils font partie de la catégorie des « immigrants économiques ». Les immigrants admis pour motif de regroupement familial sont des immigrants parrainés par un parent ou un proche en vue du regroupement de leur famille au Canada. Ils font partie de la catégorie du « regroupement familial ». Le volet de l'immigration humanitaire quant à lui renvoie principalement à la catégorie des « réfugiés ou des personnes vivant une situation semblable » (Gouvernement du Québec, 2007)[8].

Le Québec, qui dès 1979 appliquait sa propre grille de sélection, obtenait en 1991 la juridiction exclusive sur la première catégorie d'immigrants. Il disposait, en même temps, de fonds dédiés en provenance du gouvernement fédéral en vue de faciliter l'insertion des nouveaux immigrants[9], mais ce n'est qu'en 1996 qu'il ajustait ses critères de sélection en partie en harmonie avec les changements qu'avait apportés le gouvernement du Canada trois ans plus tôt. Le changement de ces critères de sélection ainsi que leur pondération a pu faire en sorte que le processus de sélection des immigrants en 2001 diffère sensiblement de celui qui était retenu en 1981.

Avant 1996 au Québec et avant 1993 dans le reste du Canada, un des critères formels de sélection des immigrants portait sur les emplois ou les professions en demande. Il s'agissait d'emplois ou de professions pour lesquelles les gouvernements prévoyaient des pénuries ou, tout au moins, une forte demande sur le marché du travail. À partir de 1996 au Québec et à partir de 1993 au Canada, ce critère est abandonné. Cet abandon est probablement attribuable au fait qu'il a été jugé inefficace en vertu de la récession, d'une part, mais aussi de la lenteur du processus, d'autre part. En effet, le temps entre l'identification d'un besoin, l'inscription de ce besoin dans la grille de sélection, la sélection, la préparation de la migration et l'arrivée effective des immigrants pouvait enlever beaucoup de pertinence à la mesure. Mais, pour prendre garde à ne pas verser dans un autre extrême, nous ajoutons que ce type de délais ne s'adresse qu'aux besoins urgents alors qu'il y a d'autres besoins qui, bien qu'il soit très difficile de faire de la prévision de demande de main-d'oeuvre en général, peuvent être mieux planifiés à moyen et long termes (ceux liés aux services de proximité associés aux changements démographiques ou aux activités gouvernementales par exemple). De même, il est possible que l'inefficacité provienne du processus mis en place plutôt que du principe lui-même, car il est reconnu que cela prend une formation spécialisée et en demande pour se joindre au marché du travail et une formation générale pour y rester et s'y adapter. En Australie, par exemple, on note que les professions en demande sur la base de permis temporaires signalés par les employeurs constituent un indicateur efficace dans la grille de sélection pour améliorer la performance économique des nouveaux immigrants (Hawthorne, 2008).

En fait et à toutes fins pratiques, c'est le critère du plus haut niveau de scolarité atteint qui a pris à peu près tout l'espace laissé libre par celui des emplois en demande. À la différence du reste du Canada toutefois, la connaissance du français constitue un facteur qui prend plus d'importance dans la nouvelle grille de sélection du Québec.

Théoriquement, tous ces changements auraient dû entraîner des modifications apparentes dans les qualifications et les autres caractéristiques socioéconomiques des nouveaux immigrants puisqu'elles s'adressent à une partie significative, soit environ 30 % des nouveaux arrivants au Québec au cours des années 1996 à 2000[10].

Les caractéristiques socioéconomiques des nouveaux immigrants

La comparaison du graphique 1 (a), avec le graphique 1 (b), nous permet d'observer des points communs et des différences entre le Québec et le reste du Canada. D'un côté, au Québec, la part des nouveaux arrivants (cinq ans ou moins) qui provenaient des États-Unis, d'Europe de l'Est ou des Amériques a beaucoup diminué tandis que celle qui provenait d'Europe centrale, d'Europe de l'Ouest (reste de l'Europe), d'Asie et d'Afrique a beaucoup augmenté. Il en a été de même pour le reste du Canada, sauf que la progression des immigrants en provenance de l'Asie y a été beaucoup plus marquée tandis que c'est celle en provenance d'Afrique qui s'est avérée la plus forte au Québec. De façon générale toutefois, l'immigration apparaît plus diversifiée au Québec, bien que dans le reste du Canada, elle se concentre dans des pays asiatiques, soit la Chine, l'Inde et le Pakistan, fort peu homogènes.

Graphique 1

Évolution de la structure des pays d’origine des nouveaux immigrants (ceux arrivés il y a cinq ans ou moins)

a)

b)

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Graphique 2

Grade, certificat ou diplôme le plus élevé (immigrants de 25 ans et plus)

a)

b)

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Le deuxième changement majeur qui s'est opéré au cours de cette période se rapporte à l'élévation du niveau général d'instruction. Le graphique 2 (a) illustre bien à cet égard une diminution marquée des diplômés des écoles de métier tout comme des diplômés du secondaire et, de façon plus importante encore, des non-diplômés ou personnes ne disposant d'aucun diplôme spécifique. Cette baisse dans les niveaux de faible scolarisation au Québec s'est faite au profit des études collégiales, du baccalauréat et des études universitaires supérieures. Dans le reste du Canada, tel qu'indiqué au graphique 2 (b), on trouve un semblable déplacement vers des études supérieures sauf qu'il y a une légère diminution du niveau collégial et une légère augmentation au niveau du secondaire.

Au Québec, entre 1981 et 2001, et tel qu'indiqué au tableau 1, le nombre moyen d'années de scolarité pour la catégorie des 25 ans et plus est passé de 11,3 ans à 14,6 années. Cette augmentation a été plus forte que dans le reste du Canada. Le Québec dépasse maintenant le reste du Canada en termes de moyenne du nombre d'années de scolarité de ses nouveaux immigrants.

Tableau 1

Moyenne du nombre d’années de scolarité (nouveaux immigrants* de 25 ans et plus)

 

Québec

Reste du Canada

1981

11,3

12,0

(n)**

(921)

(4 825)

2001

14,6

14,4

(n)**

(2 247)

(14 093)

(*)

Admis depuis moins de cinq ans.

(**)

Nombre d’observations dans les fichiers à grande diffusion du recensement. Ces fichiers correspondent à des échantillons aléatoires représentant 2 à 3 % de la population recensée.

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Le troisième grand changement qualitatif qui s'est produit au cours de la même période se rapporte à la connaissance des langues officielles. Comme le soulignent les graphiques 3 (a) et 3 (b), la connaissance des deux langues officielles est beaucoup plus répandue au Québec que dans le reste du Canada.

En résumé, nous constatons que les changements qualitatifs apportés aux caractéristiques socioéconomiques des nouveaux immigrants sont un reflet fidèle de la volonté politique de diversification de la main-d'oeuvre, de l'élévation du niveau général de scolarité et de la connaissance de l'une ou des deux langues officielles.

Graphique 3

Connaissance des langues officielles par les nouveaux immigrants (agés de 25 ans et plus)

Connaissance des langues officielles par les nouveaux immigrants (agés de 25 ans et plus)

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Graphique 4

Évolution de l’immigration internationale au Québec et au Canada, 1975-2001

Évolution de l’immigration internationale au Québec et au Canada, 1975-2001
Source : institut de la statistique du Québec, (www.stat.gouv.qc.ca) démographie et tableau G2, Statistiques sur l’immigration, Emploi et immigration Canada 1988

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Les changements d’ordre quantitatif

D'un point de vue quantitatif, il y eut aussi d'importants changements tant au Québec que pour l'ensemble du Canada. Le graphique 4 témoigne de ces changements.

Pour les fins de notre analyse, nous distinguerons trois phases. La première phase, qui s'étend de 1976 à 1985, est une phase de faible immigration. Malgré quelques soubresauts occasionnels, le niveau d'immigration est généralement bas, plus bas que dans les deux périodes subséquentes. Ce niveau d'immigration a atteint un creux en 1978 et en 1985 avec moins de 90 000 immigrants pour l'ensemble du Canada sur une base annuelle et moins de 15 000 immigrants au Québec sur la même base. Dans le premier cas, soit en 1978, cela pourrait vraisemblablement refléter un climat peu favorable faisant suite à la parution d'un Livre Vert sur la question de l'immigration au Canada[11]. Dans le second cas, la baisse importante de l'immigration fait directement suite à la Grande Récession qui a prévalu au début des années 80.

La deuxième phase migratoire, qui s'étend de 1985 à 1993, en est une d'expansion marquée de l'immigration. Au Québec, le nombre d'immigrants est passé de 14 885 en 1985 en début d'une expansion économique à 51 947 en 1991, en plein coeur d'une récession. Au Canada, la progression de l'immigration est comparable à celle du Québec sauf qu'elle se poursuit jusqu'en 1993. Ce comportement est attribué à une étude qui prévenait le gouvernement Mulroney des effets néfastes du vieillissement démographique (Green et Green, 1996).

Dans la troisième phase (1994–2001), nous assistons, après une courte accalmie, à une nouvelle relance de l'immigration. Entre 1998 et 2001, l'immigration progresse de 26 626 à 37 572 au Québec et de 174 195 à 250 641 pour l'ensemble du Canada. Dans le cas du Canada, les motifs invoqués sont principalement ceux de la croissance à long terme (indépendamment de l'état de la conjoncture économique à court terme diraient Green et Green, 1996). Dans le cas du Québec on tient compte de la conjoncture de court terme[12], mais on valorise également la croissance économique de long terme et on y ajoute ceux de la préservation de la langue et du poids politique et démographique de la population québécoise dans l'ensemble de la Confédération canadienne[13]. Dans la section suivante, nous examinerons les conséquences attendues de ces mouvements quantitatifs et qualitatifs de l'immigration sur l'évolution de la performance économique des immigrants.

Les attentes

Les attentes quant à l'évolution de la qualité de l'insertion des nouveaux immigrants sur les marchés du travail québécois sont ambiguës. D'un côté, les effets quantitatifs peuvent être négatifs ou néfastes tandis que certains aspects qualitatifs peuvent être positifs ou favorables à une meilleure insertion sur les marchés du travail. Dans ce dernier cas, nous pensons plus particulièrement à l'augmentation de la scolarité ainsi qu'à la connaissance des langues officielles et, en particulier, de la langue française au Québec. Sous un autre aspect toutefois, on peut s'attendre à ce que les nouveaux immigrants aient ressenti et connu des difficultés plus grandes d'insertion en raison de leur nombre, c'est-à-dire d'un rapport plus défavorable de l'offre par rapport à la demande d'un côté, de l'abandon du critère de l'emploi en demande puis, finalement, de l'hétérogénéité du capital humain de l'autre.

Premièrement, au niveau quantitatif, toutes choses étant égales par ailleurs, il apparaît qu'une augmentation de l'offre de travail conduit : (1) à une augmentation du chômage si les salaires sont rigides, (2) à une diminution des salaires s'ils sont flexibles, ou (3) à une augmentation du chômage (moindre) et à une baisse des salaires (moindre) si les salaires sont partiellement flexibles. De même, si on abandonne le critère d'emploi en demande, on est en droit de s'attendre, pour autant qu'il y en ait et que ce critère ait une certaine efficacité, à ce qu'il se manifeste un écart entre le type de main-d'oeuvre accueillie et le type d'emplois disponibles.

Par ailleurs, contrairement aux attentes classiques en matière d'effet d'élévation « à la marge » du niveau de capital humain sur les salaires, l'emploi et le chômage, il peut arriver que l'élévation plus que marginale, pour ne pas dire massive, du capital humain conduise à une détérioration de toutes ces conditions à cause, d'une part, de l'effet d'offre classique[14], mais aussi, d'autre part, du problème de l'hétérogénéité du capital humain. En effet, comme Chiswick (1978) l'explique dans sa théorie, on doit tout d'abord s'attendre à ce que le niveau de salaire à l'entrée des nouveaux immigrants s'avère inférieur à celui des natifs puis, qu'avec le temps, il se produise un phénomène de convergence qui amène ces salaires vers celui des natifs. Bien que les travaux de Renaud et Cayn (2006) ne fassent pas la démonstration de la convergence des salaires à proprement parler, ils signalent une évolution positive de l'accès à l'emploi qualifié avec le temps et observent que l'effet négatif de certains facteurs (le pays d'origine en particulier) s'atténue avec le temps au Québec. Dans le cas du Canada pris dans son ensemble toutefois, selon Frenette et Morissette (2003), cette convergence serait moins évidente. Si l'hétérogénéité du capital humain s'accroît en vertu de la diversité des pays où il est acquis, on devrait s'attendre à une baisse plus prononcée du salaire à l'entrée et possiblement également, à une baisse des taux d'emploi. La diversité est essentielle et comporte des bénéfices incalculables, mais elle a aussi son coût pour les immigrants comme pour la population d'accueil.

Par ailleurs, dans une version plus récente de cette approche, Chiswick et Miller (2007) proposent que le phénomène de l'entrée sur le marché du travail puisse différer selon qu'on est natif ou immigrant. Pour les premiers, l'emploi d'entrée sur le marché du travail a toutes les chances de correspondre à la formation reçue en vertu, notamment, d'un système d'éducation arrimé à celui du marché du travail local ou national depuis déjà de nombreuses années. Dans le cas des nouveaux immigrants, il est plus probable qu'ils occupent un emploi qui s'avère inférieur à leur arrivée à celui pour lequel ils étaient qualifiés lors de leur départ. À travers le temps toutefois, ils observent, pour les États-Unis, une mobilité professionnelle et hiérarchique chez les immigrants que l'on n'observe pas chez les natifs. Cette seconde approche viendrait donc documenter la précédente et expliquer le processus d'insertion des immigrants sur le marché du travail. C'est pourquoi nous nous attendons, d'une part, à ce que le pays d'origine influe grandement sur la performance économique des immigrants. Notamment, nous nous attendons à ce que les immigrants ayant acquis une formation et de l'expérience étrangères proches de celles données ou acquises au Québec et au Canada affichent des résultats beaucoup plus près de ceux réalisés par les natifs. Ce serait le cas par exemple des immigrants provenant des États-Unis et du Royaume-Uni, mais ce serait beaucoup moins le cas par contre des immigrants ayant acquis leur formation ou leur expérience en Asie ou en Afrique. D'autre part, nous nous attendons, pour des raisons semblables, à ce que la performance des immigrants varie selon l'âge d'arrivée. Pour les immigrants adultes formés à l'étranger et disposant d'une expérience acquise principalement à l'étranger, nous nous attendons à ce que les indicateurs du marché du travail pointent vers des difficultés plus grandes que pour les immigrants arrivés au pays avant l'âge de 18 ans. En fait, pour les immigrants arrivés ici avant 18 ans soit pour les fils ou filles d'immigrants, nous nous attendons à ce que leurs indicateurs d'insertion s'approchent davantage des natifs. Nous y reviendrons un peu plus loin.

Avant de terminer cette section sur les attentes, il convient de noter que ces phénomènes décrits ou rapportés par Chiswick et Miller s'appliquent, pour l'essentiel, aux emplois et à la main-d'oeuvre hautement qualifiés et très peu ou beaucoup moins aux travailleurs non qualifiés. Or, comme nous avons pu l'observer, la main-d'oeuvre immigrant au Canada et au Québec un peu avant le début des années 1980 était tout à la fois moins qualifiée (mais était admise en fonction d'un critère d'emploi en demande) et moins nombreuse alors que l'immigration actuelle est beaucoup plus qualifiée et plus nombreuse[15]. Finalement, parce qu'il peut y avoir des différences dans la situation économique des immigrants selon le sexe, nous avons fait une distinction entre les hommes et les femmes. Les trois indicateurs retenus pour évaluer la performance relative des immigrants par rapport aux natifs sont : le taux d'emploi, le taux de chômage et les revenus d'emploi exprimés en dollars constants.

La qualité de l’insertion sur les marchés du travail

Dans les tableaux 2 à 5, nous retrouvons une synthèse de l'évolution de la situation économique des immigrants sur le marché du travail au Québec entre le début des années 80 et le début des années 2000. Nous les commenterons tour à tour. Dans le tableau 2 pour commencer, nous examinons le comportement des taux d'emploi ainsi que celui des taux de chômage par sexe en faisant la distinction entre les immigrants arrivés avant l'âge de 18 ans de ceux arrivés à l'âge de 18 ans ou après. Cette distinction se justifie par le fait que ceux qui immigrent très jeunes transitent par le système scolaire canadien ou québécois et n'ont pas d'expérience étrangère à faire reconnaître et, par conséquent, devraient performer mieux sur le marché du travail d'accueil. En effet, les études économiques sur la détérioration de la situation des immigrants ont mis en cause, entre autres, la faible reconnaissance de l'expérience étrangère (Green et Worswick, 2004; Aydemir et Skuterud, 2005 pour le Canada, et Boudarbat et Boulet, 2007 pour le Québec) et la qualité moindre de l'éducation dans certaines nouvelles régions d'immigration (Sweetman, 2004). Selon Sweetman (2004), la qualité de l'éducation dans le pays d'origine n'affecte que les immigrants qui ont fait leurs études à l'étranger. De leur côté, Schaafsma et Sweetman (2001) ont observé une corrélation entre l'âge à l'immigration et les revenus au Canada. Ceux qui immigrent à un jeune âge ne subissent pas les problèmes liés au transfert du capital humain étranger (scolarité et expérience) que rencontrent les immigrants admis moins jeunes.

Enfin, les conclusions de Boudarbat et Cousineau (à paraître) corroborent cette thèse selon laquelle les immigrants qui arrivent moins jeunes performeraient moins bien sur le marché du travail comparativement à ceux qui immigrent jeunes. Sur la base de données québécoises se rapportant à des immigrants économiques dont la majorité sont des requérants principaux, les auteurs concluent que les profils qui ont le plus de difficulté d'intégration sur le marché du travail québécois sont les immigrants arrivés moins jeunes, qui ont accumulé des années d'expérience à l'étranger et pour lesquelles ils ont de la difficulté à se faire reconnaître.

Les données du tableau 2 montrent tout d'abord que le taux d'emploi pour les natifs (hommes de 25 à 54 ans) est demeuré à peu près inchangé en 2001 comparativement à 1981, ce qui confirme l'hypothèse d'une conjoncture macroéconomique comparable pour chacune de ces années où s'effectue la comparaison. Par ailleurs, ce même tableau nous apprend que la situation économique des immigrants s'est grandement détériorée en 2001 comparativement à 1981. C'est le cas plus particulièrement chez les hommes arrivés au pays à l'âge de 18 ans ou plus. Leur taux d'emploi a baissé de 13,4 points de pourcentage et leur taux de chômage a augmenté de 7,5 points de pourcentage. Alors que leur taux d'emploi était supérieur à celui des natifs en 1981, il leur est maintenant devenu inférieur en 2001 et leur taux de chômage, qui était inférieur à celui des natifs en 1981, est maintenant devenu supérieur. Par contre, nous constatons que la baisse du taux d'emploi est deux fois moins prononcée dans le cas des immigrants de sexe masculin âgés de moins de 18 ans lors de leur arrivée au Québec comparativement aux immigrants de même sexe arrivés à l'âge de 18 ans ou plus.

Dans le cas des femmes immigrantes du même groupe d'âge, la détérioration est beaucoup moins marquée. En fait, elle n'est que de 0,6 point de pourcentage pour le groupe de femmes ayant immigré à l'âge adulte. Pour les autres groupes de femmes, la situation de l'emploi se serait plutôt améliorée. Pour les natives, nous parlons d'une amélioration de 24,7 points de pourcentage alors que pour les immigrantes arrivées au Québec avant l'âge de 18 ans, nous parlons d'une amélioration de 15,6 points de pourcentage, ce qui n'est tout de même pas négligeable. Dans le cas du taux de chômage, nous trouvons une diminution marquée du taux de chômage des femmes de 25 à 54 ans nées au Québec, mais une augmentation de 4,8 points de pourcentage des immigrantes arrivées au Québec à l'âge de 18 ans ou plus. Entre les deux, nous trouvons une légère détérioration (+ 0,4 point de pourcentage) du taux de chômage des femmes arrivées au Québec à l'âge de moins de 18 ans. En somme et tel qu'attendu, nous trouvons que ce sont les immigrants arrivés à l'âge adulte qui ont eu le plus de difficultés à s'adapter au marché du travail québécois alors que leurs enfants ou les plus jeunes d'entre eux ont eu moins de difficultés.

Tableau 2

Évolution des taux d’emploi et de chômage au Québec pour le groupe des immigrants de 25 à 54 ans

 

 

n(*)

Taux d’emploi

Taux de chômage

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Natifs

1981

22 954

23 865

85,5 %

50,3 %

6,8 %

10,1 %

2001

38 075

39 199

84,8 %

75,0 %

7,1 %

6,0 %

Variation

-

-

‑0,7 %

+24,7 %

0,2 %

‑4,1%

Immigrants arrivés avant l’âge de 18 ans

1981

753

715

89,6 %

58,7 %

4,9 %

6,0 %

2001

1 390

1 327

82,4 %

74,4 %

6,6 %

6,4 %

Variation

-

-

‑7,2 %

+15,6 %

+1,7 %

+0,4 %

Immigrants arrivés à ou après l’âge de 18 ans

1981

2 288

1 992

88,5 %

58,7 %

5,9 %

10,1 %

2001

3 614

3 677

75,2 %

58,1 %

13,4 %

14,9 %

Variation

-

-

‑13,4 %

‑0,6 %

+7,5 %

+4,8 %

(*)

Nombre d’observations dans les fichiers à grande diffusion du recensement.

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Par ailleurs, pour le groupe d'immigrants arrivés à l'âge de 18 ans ou plus, nous avons examiné la distribution des taux de chômage en fonction de la date d'arrivée au pays. Ceci nous a permis de faire certains constats. Le tableau 3 montre à cet égard que les taux de chômage ont tendance à baisser en fonction de la durée de la présence au Québec mais que deux groupes particuliers ont connu des difficultés qui les différencient des autres, soit le groupe d'immigrants masculins qui est arrivé entre 1996 et 2001 (1 à 5 ans) puis celui doté des mêmes caractéristiques qui est arrivé entre 1986 et 1991 (11 à 15 ans).

Tableau 3

Taux de chômage selon le nombre d’années depuis l’immigration, immigrants de 25 à 54 ans et arrivés au Québec à l’âge de 18 ans ou plus

 

Hommes

Femmes

 

1981

2001

Variation

1981

2001

Variation

1-5 ans

10,3 %

22,1 %

11,9 %

17,6 %

25,1 %

7,5 %

6-10 ans

9,3 %

11,5 %

2,3 %

8,9 %

13,2 %

4,3 %

11-15 ans

2,9 %

13,0 %

10,1 %

9,0 %

12,4 %

3,4 %

16-20 ans

4,3 %

7,9 %

3,7 %

6,8 %

11,2 %

4,4 %

Plus de 20 ans

2,8 %

7,2 %

4,4 %

9,4 %

9,6 %

0,1 %

Total

5,9 %

13,4 %

7,5 %

10,1 %

14,9 %

4,8 %

n(*)

2 288

3 614

-

1 992

3 677

-

(*)

Nombre d’observations dans les fichiers à grande diffusion du recensement.

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Le premier groupe a connu une augmentation de 11,9 points de pourcentage de son taux de chômage tandis que cette augmentation se chiffre à 10,1 points de pourcentage pour le second groupe. Si nous nous rappelons que le Québec a connu une phase d'accélération de l'immigration entre 1985 et 1991 puis une autre entre 1998 et 2001, il nous semble qu'il pouvait être prévisible que les immigrants étant arrivés au pays pendant ces deux phases aient connu des difficultés plus grandes que les autres cohortes. Dans le cas des femmes toutefois, nous n'observons pas ce genre de comportement.

Tableau 4

Taux d’emploi et de chômage selon la région d’origine, immigrants de 25 à 54 ans et arrivés au Québec à l’âge de 18 ans ou plus (les deux sexes ensemble)

 

Taux d’emploi

Taux de chômage

 

1981

2001

Variation

1981

2001

Variation

États-Unis, Royaume-Uni

73,1%

76,7%

3,5%

3,5%

5,2%

1,6%

Ex URSS, Pologne, Yougoslavie

74,9%

78,8%

3,9%

6,5%

8,0%

1,5%

Reste de l’Europe

76,3%

63,9%

‑12,4%

1,9%

16,8%

14,9%

Asie

73,6%

60,9%

‑12,7%

6,9%

14,1%

7,2%

Afrique

77,9%

60,6%

‑17,3%

7,9%

22,6%

14,7%

Amériques (sauf États-Unis)

74,5%

67,9%

‑6,7%

13,5%

14,7%

1,2%

Note : à cause de la faible taille de l’échantillon, les données du groupe « Autres régions » ne sont pas montrées. Voir tableau 3 pour les effectifs traités.

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Le tableau 4 montre les taux d'emploi et de chômage selon la région d'origine des immigrants de 25 à 54 ans. Nous y constatons une fois de plus une hétérogénéité de résultats conforme avec l'hypothèse de l'hétérogénéité du capital humain acquis soit par la formation soit par l'expérience. Dans le cas des pays d'Asie et d'Afrique, les taux d'emploi et de chômage se sont plus détériorés que dans le cas d'immigrants en provenance des États-Unis ou du Royaume-Uni. Un paradoxe semble pourtant se produire par rapport aux pays de l'Europe de l'Est vis-à-vis le reste de l'Europe (qui peut être associé à l'Europe de l'Ouest) car les taux d'emploi et de chômage se sont détériorés dans cette dernière région alors qu'on constate une amélioration dans le premier cas. La raison peut être attribuable à l'effet des différences dans l'ampleur des afflux migratoires en provenance de l'une et de l'autre région sur l'offre de travail des marchés du travail québécois. En effet, la part des immigrants en provenance du reste de l'Europe qui se sont établis au Québec a plus que triplé, en passant de 2,1 % de l'immigration totale en 1981 à 7,3 % vingt ans plus tard. Elle a diminué pour les immigrants provenant de l'Europe de l'Est. Celle-ci est en effet passée de 22,1 % à 16,3 % de l'immigration totale au cours de la même période. Donc, si l'offre de travail augmente plus pour un groupe de main-d'oeuvre que pour un autre sur un même marché du travail, on peut s'attendre, toutes choses égales par ailleurs, à ce que les taux d'emploi et de chômage se détériorent pour les premiers et se détériorent moins ou même s'améliorent pour l'autre groupe, ce qui fut le cas des immigrants en provenance de l'Europe de l'Est.

Finalement, en ce qui concerne les revenus d'emploi, le tableau 5 indique que ces revenus ont, en moyenne, baissé entre 1980 et 2000 pour les hommes de toutes catégories. La baisse est encore une fois plus forte pour les immigrants admis à l'âge adulte et moins forte pour les immigrants arrivés avant l'âge de 18 ans. En fait, et quelque soit l'année considérée, les différences dans la moyenne des revenus entre natifs et immigrants arrivés avant l'âge de 18 ans ne sont pas statistiquement significatives, que l'on considère tout revenu d'emploi ou qu'on se limite aux travailleurs à plein temps. À l'opposé, les immigrants arrivés à un âge plus avancé obtenaient en 2000 des revenus d'emploi statistiquement inférieurs à ceux des deux autres groupes.

Tableau 5

Évolution des revenus annuels réels(*) d’emploi au Québec pour les immigrants de 25 à 54 ans

 

 

Hommes

Femmes

 

 

Total

À plein temps

Total

À plein temps

Natifs

1980

41 793

42 891

22 965

26 950

2000

40 242

41767

27 069

30 548

Variation

‑3,7 %

‑2,6 %

+17,9 %

+13,4 %

Immigrants arrivés avant l’âge de 18 ans

1980

43 902

44 433

23 248

25 851

2000

38 936

41 315

27 739

31 452

Variation

‑11,3 %

‑7,0 %

+19,3 %

+21,7 %

Immigrants arrivés à ou après l’âge de 18 ans

1980

39 693

40 852

23 163

25 194

2000

32 187

34 268

21 331

24 015

Variation

‑18,9 %

‑16,1 %

‑7,9 %

‑4,7 %

(*)

En dollar constant de 2000. Voir tableau 2 pour les effectifs traités.

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L'économie québécoise a subi d'importantes transformations à travers le temps et au cours de cette période. L'activité économique s'est notamment déplacée vers le secteur des services au détriment du secteur manufacturier, le niveau de qualification demandé s'est sensiblement accru et la présence des femmes sur le marché du travail n'a cessé de croître. Les gouvernements fédéral et provincial ont procédé à des coupures radicales qui ont eu des incidences marquées sur leurs dépenses de programme. Il y a eu également deux grandes récessions. Ces transformations ont pu exercer une certaine influence sur la qualité de l'insertion des immigrants mais, mis à part le phénomène des récessions, elles ont encore été peu étudiées et les limitations d'espace nous obligent à n'en faire qu'une brève mention.

Conclusion

L'objectif de cet article consistait à combler une lacune en matière d'évaluation de la performance économique des immigrants au Québec et de la qualité de leur insertion sur les marchés du travail québécois en contrôlant d'une certaine façon pour la conjoncture économique.

Nous avons trouvé, pour l'essentiel, que la qualité de cette insertion s'était, tout comme dans le reste du Canada, fortement détériorée à travers le temps et que les répercussions de cette détérioration s'étaient tout à la fois manifestées en termes de taux d'emploi plus bas, de taux de chômage plus élevés, de salaires plus faibles malgré une hausse du niveau de qualifications. Toutefois, nous avons trouvé que cette détérioration est le fait essentiellement des personnes qui ont immigré à l'âge adulte. Ceux qui ont immigré avant l'âge de 18 ans se comportent beaucoup mieux sur le marché du travail québécois en partie à cause du fait qu'ils sont moins assujettis au problème de reconnaissance du capital humain étranger et en partie à cause de moindres différences dans l'ampleur et la nature du capital humain accumulé. Dans le cas des femmes immigrantes par ailleurs, il semble qu'elles sont encore loin des conditions salariales des hommes immigrants ou natifs, mais que des progrès ont été réalisés, notamment pour celles qui sont arrivées au Québec avant l'âge de 18 ans.

Les causes de la détérioration de la situation des immigrants d'âge adulte sont certainement multiples : l'acceptation d'un plus grand nombre d'immigrants sans ajustements correspondants dans la capacité d'accueil et l'hétérogénéité du capital humain étranger sont deux causes fort plausibles bien qu'il ne faille pas écarter l'hypothèse de discrimination. Dans le premier cas, à savoir celui de l'acceptation d'un trop grand nombre d'immigrants, il conviendrait de développer les capacités d'accueil, de stimuler la demande pour les immigrants, de réintroduire le critère d'emploi ou de profession en demande ou de réduire l'immigration. Dans le second cas, celui de l'hétérogénéité du capital humain, il conviendrait d'améliorer les services de sélection, de favoriser la reconnaissance des acquis en réglant efficacement et rapidement les questions de reconnaissance des diplômes avant l'entrée au pays, puis d'offrir les mesures les plus efficaces pour homogénéiser le capital humain à travers des cours d'appoint et des stages en entreprise. Le gouvernement pourrait, parallèlement, favoriser l'immigration de jeunes candidats sans ou avec peu d'expérience étrangère puisque l'un des grands défis auxquels font face les immigrants est de faire reconnaître cette expérience[16]. Dans le troisième cas, c'est-à-dire celui de la discrimination, il conviendrait d'adopter des mesures qui consisteraient à mieux informer les employeurs et à renforcer les lois antidiscriminatoires. La recherche pourrait éventuellement aider à éliminer certaines hypothèses et aider à diriger l'action. Pour l'instant, nous faisons face à un constat : la situation des nouveaux immigrants au Québec par rapport à celle des natifs s'est structurellement et incontestablement détériorée.