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Nous connaissons trop peu les travaux du père de la psychologie génétique sur le développement affectif. Comme le souligne Xypas dans ce livre, le cours de Sorbonne de 1953-1954 est le développement le plus méthodique et le plus complet que Piaget ait consacré à l’affectivité. L’auteur entreprend ici la synthèse d’un matériel pédagogique précieux, difficilement trouvable et très fastidieux à lire dans sa version originale. Xypas part de la structure des stades du développement de l’intelligence pour y greffer en parallèle ceux du développement affectif. La notion de « parallélisme » est au coeur de cet ouvrage. Pour Piaget, « il est impossible de trouver des conduites relevant de l’affectivité seule, sans aucun élément cognitif, de même qu’il est impossible d’identifier une conduite relevant de l’intelligence seule, sans éléments affectifs » (p. 28). L’intelligence consiste en l’aspect structural de l’individu ; en quelque sorte, la complexité de son « moteur ». L’affectivité, quant à elle, consiste en l’aspect énergétique, l’énergie qui stimulera ou perturbera l’intelligence. Le livre revient constamment sur la façon dont s’opère la cohabitation entre affectivité et intelligence, notamment par une équilibration progressive qui doit mener au développement de la morale chez l’individu.

Divisé en douze chapitres, le livre est réparti en trois temps. Au coeur du livre (du 4e au 9e chapitre), on trouve la présentation des six stades du développement affectif. La mise en relation des développements affectifs et intellectuels est éloquemment exposée par la citation, l’analyse, la critique, voire même la remise en question de modèles et de théories d’auteurs ayant précédé Piaget, dont les plus importants sont Freud, Janet, James et Claparède. Xypas réussit à être clair, sans être trop technique, puisqu’il s’attarde à développer la présentation des enjeux de chaque stade et non simplement celle des composantes. Dans les chapitres qui précèdent la description de ces stades, le lecteur peut comprendre le contexte dans lequel s’est réalisé le cours de Piaget, la mise en relation de l’intelligence et de l’affectivité (et surtout la description détaillée des concepts clés qui s’y rattachent) et les stades du développement affectif, en général. À ce propos, cette présentation générale des stades de Piaget nous semble trop brève. Il aurait été intéressant de voir greffé à ce troisième chapitre le douzième qui repose sur l’évolution des stades dans l’oeuvre de Piaget. Le troisième chapitre présente un tableau parallèle des deux développements individuels qui s’avère très utile pour tous les chercheurs, les praticiens ou les étudiants désireux de mener des études ou des activités de recherche sur l’affectivité. Le dixième chapitre présente une synthèse complète de l’exposé livré jusque là. Quant au onzième, il permet de revisiter le sujet épistémique selon Piaget.

Xypas réussit à bien rendre la pensée et les positions de Piaget, mais traite peu des critiques qu’on peut faire à l’égard du maître au regard des autres points de vue sur la question du développement affectif. Enfin, bien que facile à lire, l’appréciation de ce livre passe nécessairement par la détention préalable de connaissances des travaux de Piaget, par des lectures sur la psychologie de l’intelligence.