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Introduction

L’augmentation des effectifs en formation professionnelle et technique est, depuis plus de 25 ans, une préoccupation de premier ordre pour le ministère de l’Éducation qui est à la recherche de solutions pour répondre au manque important de main-d’oeuvre spécialisée. Le souci d’augmenter les inscriptions et de faire diplômer un plus grand nombre d’élèves a entraîné diverses réformes (ministère de l’Éducation du Québec, 1983, 1986 ; ministère de l’Enseignement supérieur et de la Science, 1993) qui n’ont cependant pas eu les effets attendus. En effet, le nombre d’inscriptions des jeunes (moins de 20 ans) en formation professionnelle au secondaire n’a pas cessé de décroître depuis 1976 alors que le nombre d’adultes (20 ans et plus) n’a progressé que lentement. Par ailleurs, au collégial, l’évolution des statistiques nous révèle que seulement la moitié des élèves optent pour la formation technique, alors qu’on s’attendait à ce que deux cégépiens sur trois s’y inscrivent (Goerlach, 1990). De plus, le taux de diplomation, bien qu’il se soit accru au cours des années, demeure en deçà de ce qui est considéré souhaitable et rien ne laisse présager qu’il va s’améliorer de façon notable[1].

La situation, jugée alarmante en 1995, mène à la création du Groupe de travail sur la relance de la formation professionnelle des jeunes du secondaire et de la formation technique. Ce groupe recommande alors au gouvernement d’harmoniser les programmes offerts aux deux ordres d’enseignement afin de permettre aux diplômés de la formation professionnelle d’accéder plus facilement à la formation technique. On espère motiver davantage de jeunes du secondaire professionnel à poursuivre dans les programmes techniques et ainsi accroître le nombre d’inscriptions au cégep. Le ministère de l’Éducation, qui endosse cette recommandation, invite dès lors les centres de formation professionnelle et les cégeps intéressés à effectuer des travaux d’harmonisation de programmes qui faciliteront le passage des élèves d’un niveau de formation à un autre.

Dans cet article, nous nous attardons sur la motivation des élèves de formation professionnelle à poursuivre ou non leurs études dans un programme technique harmonisé[2]. Après avoir circonscrit le contexte d’implantation des programmes harmonisés, nous présentons le cadre d’analyse privilégié pour l’étude de la motivation. Ensuite, nous décrivons la méthodologie de recherche pour, enfin, identifier quels sont les déterminants de la motivation des élèves de formation professionnelle à poursuivre ou non dans un programme technique harmonisé.

Problématique

Aujourd’hui, l’harmonisation interordres représente une des pierres angulaires du développement de la formation professionnelle et technique au Québec. Le ministère de l’Éducation pourrait en arriver à un système intégré de la formation aux deux ordres d’enseignement. D’après la Direction générale de la formation professionnelle et technique (DGFPT[3]), l’harmonisation consiste « […] en l’établissement des similitudes et de la continuité entre les programmes d’études du secondaire et ceux du collégial [...] en vue d’éviter la duplication des offres de formation, de reconnaître les compétences acquises et de faciliter le parcours de formation » (MEQ, 1998, p. 2). Dans ce cadre, le titulaire d’un diplôme de formation professionnelle (DEP), qui a complété son diplôme d’études secondaires (DES), voit la durée de ses études au collégial raccourcie grâce à la reconnaissance d’acquis de la formation professionnelle. En 2000, la Direction générale de la formation professionnelle et technique au ministère de l’Éducation dénombre 41 programmes théoriquement harmonisés mais, dans la réalité, très peu d’élèves s’inscrivent en formation professionnelle dans la perspective de poursuivre au cégep (Ménard, 2002).

Étant persuadé que l’exigence du DES pour être admis en formation technique constitue une barrière importante à l’évolution rapide du nombre d’élèves inscrits dans les programmes harmonisés, le ministre de l’Éducation annonce, en décembre 2000, son intention de modifier les règles d’admission au collégial pour treize programmes de formation professionnelle. Il décide de permettre aux diplômés de ces programmes de 1800 heures d’avoir accès aux programmes techniques correspondants sans avoir l’obligation de compléter leur secondaire V, donc sans avoir complété le DES[4]. Le Conseil supérieur de l’éducation (2001) réagit de façon mitigée à cette annonce et invite le ministre à expérimenter cette nouvelle modalité d’harmonisation pour quelques programmes avant de changer les règles de passage du secteur professionnel au secteur technique pour les treize programmes visés. Plusieurs composantes du projet sont questionnées, mais le Conseil s’interroge d’abord sur la capacité du réseau collégial à recruter une clientèle suffisante pour les programmes techniques. On doute que les diplômés de formation professionnelle seront motivés à s’inscrire en formation technique. Le ministre concerné annonce en 2001 qu’il maintient sa décision de modifier les règles d’admission au cégep mais qu’il limite temporairement son application à deux programmes techniques offerts dans trois cégeps.

Dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi de nous pencher sur la problématique de la motivation des diplômés de la formation professionnelle à poursuivre en formation technique en prenant en compte les deux contextes d’expérimentation existants : celui qui est antérieur à la modification aux règles d’admission proposée en 2001 et celui qui l’applique.

La première modalité d’harmonisation réfère à un programme intégré d’une durée de cinq ans accessible après la troisième année du secondaire. Ceux qui intègrent ce programme suivent leur formation professionnelle en concomitance avec leur secondaire IV et V et obtiennent leur DES et leur DEP en deux ans et demi. Ensuite, ces derniers intègrent le cégep pour y compléter, en 5 sessions, leur formation technique. Cette modalité d’harmonisation entre le DEP en Réparation et installation d’appareils électroniques audiovidéos et le DEC en Technologies du génie électrique-Option audiovisuel est offerte en partenariat entre un seul centre de formation situé en banlieue de Montréal et un cégep situé à Montréal.

L’expérimentation de la nouvelle disposition ministérielle a permis la mise sur pied d’un programme permettant aux cégeps d’admettre, dans les programmes techniques visés, des élèves qui ont une formation de niveau secondaire IV[5] et qui détiennent le DEP correspondant. En cinq sessions, ils décrochent leur DEC. Cette modalité d’harmonisation est actuellement implantée entre le DEP de Soutien informatique (offert dans plusieurs centres de formation professionnelle) et le DEC de Techniques de l’informatique (qui devait être donné dans un cégep francophone et dans un cégep anglophone, situés tous deux dans la région de Montréal) ainsi qu’entre le DEP de Techniques d’usinage (offert dans plusieurs centres de formation professionnelle) et le DEC de Techniques de génie mécanique (dispensé dans un seul cégep, situé en région).

L’objectif de cette recherche est d’identifier, de décrire et d’analyser les déterminants de la motivation des futurs diplômés du DEP à poursuivre ou non en formation technique ; quelles que soient les opportunités offertes, dans quelle mesure les élèves seront-ils motivés à s’engager dans les programmes intégrant la première ou la seconde modalité d’harmonisation ?

Cadre d’analyse

Selon l’approche socio-cognitive, la motivation scolaire est fonction de divers déterminants. Si les socio-cognitivistes qui se sont intéressés à mieux comprendre la motivation scolaire sont nombreux, chacun d’entre eux a mis l’accent sur un ou des déterminants spécifiques qui leur apparaissaient centraux, qu’il s’agisse des perceptions de la valeur de l’activité (Dweck, 1986 ; Viau, 1997), des perceptions de sa compétence (Bandura, 1986 ; Harter, 1992 ; Bandura et Locke, 2003), des perceptions attributionnelles (Abramson, Seligman et Teasdale, 1978 ; Weiner, 1980, 1986) ou des perceptions de contrôle (Abramson et al., 1978 ; Schunk, 1989).

Pour appréhender la motivation des élèves de formation professionnelle à poursuivre en formation technique dans le cadre d’un programme harmonisé, nous nous sommes appuyées sur le modèle théorique de Viau qui définit la motivation scolaire comme « un concept dynamique qui a ses origines dans la perception qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but » (Viau, 1997, p. 7). Pour ce faire, nous nous sommes plus spécifiquement attachées à l’analyse des déterminants de la motivation scolaire qui, selon Viau, sont en lien avec la perception que l’élève a de lui-même et de son environnement. Ces perceptions sont de trois ordres ; la motivation scolaire est fonction à la fois de la perception de la valeur d’une activité, de la perception de sa compétence et de la perception de la contrôlabilité d’une activité.

La perception de la valeur de l’activité est fonction du jugement que l’élève porte sur l’utilité de cette activité en lien avec les buts qu’il poursuit. Comme le souligne Viau, pour juger de l’utilité de l’activité, l’élève évalue ce que ladite activité peut lui apporter. Cette évaluation se fait aussi au regard des buts que ce dernier s’est fixé. Pour identifier la nature des buts qu’un élève poursuit, Viau s’appuie sur les travaux de Dweck (1986, 1989) qui distingue les buts d’apprentissage et les buts de performance. Dans le premier cas, l’élève s’engage dans une activité dans le but d’acquérir des connaissances alors que, dans le second, il recherche, par le biais de l’activité, une certaine reconnaissance de la part d’autrui. Il faut mentionner que si les deux types de buts proposés par Dweck sont ceux qui ont été les plus étudiés par les chercheurs ayant travaillé sur la motivation scolaire (Ames, 1992 ; Nicholls, 1984 ; Pintrich, 1989), des auteurs ont identifié d’autres types de buts (Cosnefroy, 2004). Comme le montre Viau à partir de son modèle, la nature des buts que se fixe un élève constitue une étape essentielle pour mieux comprendre quelle valeur ce dernier va attribuer à une activité spécifique, il s’avère aussi important, comme le fait remarquer Tardif (1992), de considérer le rôle des divers acteurs qui composent les environnementa à la fois scolaire, familial et social. Ces acteurs peuvent jouer positivement ou négativement dans la valorisation de cette activité aux yeux de l’élève. Par exemple, pour Tardif (1992), « plus l’enseignant rend explicite à l’élève la signification des activités qu’il présente et plus ce dernier reconnaît cette signification, plus il attribue de l’importance à ces activités » (p. 118).

Toujours selon le modèle théorique de Viau, la motivation est fonction de la perception qu’un individu a de ses compétences, perception qui se forge dans le temps au gré de divers facteurs. Selon l’auteur, l’individu est donc motivé à s’engager dans une activité s’il juge que ses capacités sont suffisantes pour lui permettre de réaliser une tâche. C’est en s’appuyant sur les travaux de Bandura (1986) que Viau précise comment s’élabore la perception qu’un élève a de ses compétences. En effet, selon Bandura (1986, 1997), le sentiment d’auto-efficacité qui réfère à la perception qu’un élève a de ses compétences s’élabore à partir de quatre sources spécifiques : ses performances antérieures (ses succès ou échecs), l’observation de l’exécution d’une activité par d’autres, la persuasion et les réactions physiologiques et émotives.

Enfin, la motivation scolaire dépend, d’après Viau (1997), de la perception qu’un élève a de la contrôlabilité de la tâche qu’il a à accomplir, c’est-à-dire de sa contrôlabilité sur le déroulement et les conséquences de cette tâche. Cette perception s’élabore en fonction de la perception que l’élève a de ses compétences, comme décrit précédemment. Elle se forge aussi à partir de ses perceptions attributionnelles, c’est-à-dire en fonction des causes qu’il attribue à ses succès ou à ses échecs antérieurs : aide, chance, difficulté de la tâche, effort, fatigue, etc. Comme le mentionne Viau, ces perceptions attributionnelles font référence à différentes catégories de causes qui ont été identifiées par Weiner (1980, 1986) : le lieu d’origine de la cause (cause interne ou externe), la stabilité de la cause (cause stable ou non stable) et la contrôlabilité de la cause (certains éléments sont contrôlables alors que d’autres ne le sont pas). Mentionnons que Abramson et ses collaborateurs (1978) ajoutent une autre catégorie de causes qui fait référence à la globalité ou la spécificité des causes relatives à une situation.

Pour les tenants de l’approche socio-cognitive, la motivation est donc étroitement liée à la perception qu’un individu a de la valeur d’une activité, des causes expliquant ses succès ou échecs antérieurs, de sa compétence et de la contrôlabilité de l’activité qui se présente à lui. L’individu en tant qu’acteur de ses propres choix est donc au coeur de cette approche. Il apparaît toutefois important de situer cet acteur dans une dynamique environnementale, car la motivation est à la fois un phénomène interne à chacun et étroitement reliée à l’influence du milieu dans lequel chacun évolue (Deci, Vallerand, Pelletier et Ryan, 1991 ; Vallerand et Thill, 1993) ainsi qu’à l’implication d’intervenants externes (Barbeau, Montini et Roy, 1997 ; Viau, 1999).

De par son regard multi-dimensionnel, l’approche socio-cognitive se révèle donc être le cadre d’analyse le plus pertinent pour notre étude, car elle nous permet de prendre en compte la diversité des déterminants de la motivation (intrinsèques, extrinsèques, environnementaux).

Méthodologie

Sujets

Pour mieux comprendre la motivation des élèves, nous avons rencontré 149 élèves de neuf centres de formation qui offrent des programmes professionnels donnant accès à une des deux modalités d’harmonisation étudiées.

La première de ces modalités concerne la clientèle du programme professionnel Réparation et installation d’appareils électroniques audiovidéos. Étant donné qu’un seul cégep accueille en Technologies du génie électrique les diplômés d’un seul centre de formation professionnelle, seuls les élèves de ce centre ont été rencontrés.

La seconde modalité d’harmonisation, quant à elle, rejoint les élèves de Techniques d’usinage et de Soutien informatique. Dans ce cas, les élèves s’inscrivant au cégep dans un programme harmonisé peuvent provenir de n’importe quel centre dispensant la formation professionnelle visée, en autant qu’ils possèdent une formation de niveau secondaire IV. Pour les fins de cette étude, nous avons ciblé huit centres de formation professionnelle. Le programme Techniques de génie mécanique étant offert dans un cégep situé en région, nous avons choisi de faire notre collecte de données dans quatre centres de formation professionnelle situés à proximité du cégep ; celui en Techniques de l’informatique étant dispensé dans deux cégeps de la région montréalaise, nous avons retenu quatre centres de la région de Montréal.

La responsable de recherche de même que deux assistantes ont réalisé, entre mars et juin 2003, des entrevues auprès des 16 élèves inscrits au DEP de Réparation d’appareils électroniques audiovidéos (Électronique), de 65 élèves inscrits au DEP Techniques d’usinage et de 68 élèves inscrits au DEP Soutien informatique, au cours de la deuxième moitié de leur programme de formation professionnelle. Ces entrevues ont été réalisées avant que les élèves aient pu procéder à leur éventuelle inscription au cégep.

Parallèlement aux entrevues des élèves, la responsable de recherche a effectué de courtes entrevues, par téléphone ou en personne, auprès de 3 directeurs adjoints et de 3 enseignants des cégeps concernés ainsi qu’auprès de 9 directeurs ou directeurs adjoints et de 4 enseignants des neuf centres de formation sélectionnés, pour cerner l’information sur le programme harmonisé qui a été transmise aux élèves dans chacun de ces centres et identifier à quel moment et par quelle personne cette information a été diffusée.

Instruments

La motivation scolaire est un concept que de nombreux chercheurs ont travaillé, dans la plupart des cas en s’appuyant sur une méthodologie de type quantitatif (Hermans, 1970 ; Vallerand, Pelletier, Blais, Brière, Senécal et Vallières, 1992 ; Barbeau, 1994 ; Mandel, Friedland et Marcus, 2002). Dans le cadre de ces travaux, différents instruments ont été élaborés et utilisés en vue de mesurer, exclusivement ou entre autres, les différentes variables liées à la motivation scolaire[6]. Pour porter un regard différent et complémentaire sur les différents travaux déjà réalisés, nous avons opté, dans le cadre de notre recherche, pour une démarche de type qualitatif-interprétatif. La motivation scolaire étant étroitement liée aux perceptions des individus, il nous apparaissait essentiel d’identifier ces perceptions et de les illustrer par le récit livré par ceux-ci.

Parallèlement à un court questionnaire distribué à chaque étudiant afin de recenser leurs caractéristiques personnelles (sexe, âge, études antérieures entreprises et/ou complétées, etc.), une entrevue individuelle a été réalisée. La grille d’entrevue a été construite à partir des trois déterminants de la motivation décrits précédemment et après consultation des différents outils élaborés pour mesurer certaines des variables de la motivation scolaire.

En vue d’identifier la perception que les élèves ont de la valeur de l’activité « poursuivre au cégep » ainsi que les buts que ces derniers poursuivent, nous les avons interrogés sur les motifs de leur inscription en formation professionnelle ainsi que sur ceux les amenant à poursuivre ou non au cégep. Pour connaître la perception que les élèves ont de leurs compétences, c’est-à-dire s’ils jugent que leurs capacités sont suffisantes pour leur permettre de réaliser l’activité « poursuivre au cégep », nous les avons interrogés sur leur perception de leurs performances antérieures et actuelles. Enfin, la perception de la contrôlabilité de l’activité « poursuivre au cégep » a été documentée à partir des perceptions des élèves souhaitant poursuivre au cégep face aux cours de formation générale obligatoires qu’ils devront y suivre et a été mise en lien avec les motifs évoqués par les élèves ne souhaitant pas poursuivre au cégep.

Les entrevues, transcrites intégralement, ont toutes été analysées par la méthode d’analyse de contenu selon une approche qualitative (Deslauriers, 1992 ; Sabourin, 2003). Avant de débuter l’analyse, une première série de catégories a été définie. Ces catégories ont été définies à partir du cadre d’analyse et de la grille d’entrevue. Elles ont ensuite été ajustées au cours du processus d’analyse. Seul le témoignage des interviewés a été considéré pour cette analyse. Pour vérifier la fiabilité des données codées, l’accord inter-codeurs a été assuré (Huberman et Miles, 1991). Par ailleurs, l’anonymat des participants et la confidentialité de leurs propos ont été garantis.

Caractéristiques des sujets

D’emblée, nous remarquons que les élèves rencontrés possèdent des caractéristiques très différentes. En effet, les élèves en Électronique ont entre 16 et 20 ans alors qu’en Soutien informatique et en Techniques d’usinage, l’âge des élèves varie entre 16 et 50 ans. Le nombre de jeunes de 20 ans et moins est toutefois plus élevé en Techniques d’usinage qu’en Soutien informatique. Le Tableau 1 présente la répartition en âge des élèves interviewés.

Tableau 1

Âge des élèves de la formation professionnelle

Âge des élèves de la formation professionnelle

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En terme de répartition hommes/femmes, la clientèle se révèle être essentiellement masculine en Électronique (une étudiante) et en Technique d’usinage (quatre étudiantes) et un peu plus féminisée en Soutien informatique où on dénombre 15 femmes. Quant aux parcours scolaires antérieurs des élèves, l’homogénéité du parcours des élèves en Électronique contraste avec celui des élèves des deux autres programmes. En effet, tous les élèves en Électronique sont en voie de compléter leur DES et leur DEP alors qu’en Soutien informatique, si 52 élèves ont complété leur DES, 16 élèves ont aussi effectué des études professionnelles (11 diplômés), 16 ont fréquenté le cégep (5 diplômés) et 9 sont allés à l’université (4 diplômés) avant d’intégrer le DEP en informatique. En Techniques d’usinage, ils sont un peu moins nombreux à avoir complété leur secondaire, puisque ceux qui ont obtenu leur DES sont au nombre de 45. Toutefois, ils sont 15 à avoir déjà fait des études professionnelles (8 diplômés) et 13 à être déjà passés par le cégep (un diplômé).

Résultats de recherche

Intention des élèves de poursuivre au cégep

Nous observons des écarts importants quant aux intentions des élèves à poursuivre leurs études en formation technique. En effet, si 88 % des élèves du programme en Électronique affirment vouloir poursuivre au cégep immédiatement après avoir terminé leur formation professionnelle, ce chiffre se situe à 26 % en Soutien informatique et à 3 % en Techniques d’usinage. En regroupant les élèves sûrs de poursuivre et ceux qui envisagent peut-être de le faire, nous constatons alors que 94 % des élèves en Électronique, 56 % des élèves en Soutien informatique et 14 % des élèves en Techniques d’usinage vont ou envisagent de s’engager dans un DEC. Les autres élèves, eux, ne souhaitent pas poursuivre leurs études au cégep. Le tableau 2 présente les intentions des élèves des trois programmes à entreprendre ou non une formation collégiale.

Tableau 2

Intention de poursuivre au cégep des élèves de formation professionnelle

Intention de poursuivre au cégep des élèves de formation professionnelle

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Intention de poursuivre selon la connaissance du programme harmonisé

Pour examiner les motivations des élèves de formation professionnelle, il apparaît essentiel de décrire par qui l’information sur les programmes harmonisés a été transmise et de quelle manière cette information a été transmise aux élèves des différents programmes. En effet, comme le soulignent Tardif (1992) et Viau (1999), les différents acteurs qui font partie de l’environnement de l’élève peuvent influencer positivement ou négativement la valeur de l’activité pour l’élève.

Pour le programme de Réparation et d’installation d’appareils électroniques audiovidéos/Technologies du génie électrique, c’est le centre de formation professionnelle qui effectue le recrutement. Pour ce faire, les enseignants du centre vont rencontrer les jeunes de secondaire III de toutes les écoles secondaires de la région pour les informer de l’existence du programme harmonisé et leur en expliquer les modalités. Les intéressés sont invités à une séance complémentaire d’information au centre.

En Soutien informatique/Techniques de l’informatique, le cégep anglophone de la région montréalaise qui devait expérimenter l’harmonisation a décidé de n’entreprendre aucune démarche pour recruter la clientèle et le programme harmonisé n’a donc pas démarré dans ce cégep.

L’autre cégep de Montréal, donnant le même programme en français, s’est quant à lui impliqué de façon active dans le recrutement des clientèles et a utilisé divers moyens pour informer et sensibiliser les finissants du DEP, d’abord à petite échelle, puis en s’étendant à une plus large population : lettre envoyée aux finissants des centres de formation professionnelle pour les convier à une rencontre d’information ; réalisation d’un CD qui, accompagné d’une invitation pour une rencontre d’information, a été envoyé à l’ensemble des intervenants impliqués dans les commissions scolaires et dans les centres de formation professionnelle ainsi qu’à tous les finissants du DEP Soutien informatique. Il faut toutefois préciser qu’un des quatre centres de formation professionnelle n’a relayé aucune information sur le programme à ses élèves.

En Techniques d’usinage/Techniques de génie mécanique, le cégep, situé en région, a développé différents supports en vue d’informer les élèves de formation professionnelle : présentation du programme sur le site WEB du cégep et dans les journaux locaux ; envoi de courriels et de dépliants dans tous les centres de formation professionnelle concernés ; envoi d’un document multimédia décrivant le programme à trente centres de formation, organisation de rencontres entre des enseignants du cégep et des élèves du DEP Techniques d’usinage dans quelques centres de formation. Malgré tous les efforts déployés, trois centres n’ont presque donné aucune information aux élèves du DEP. Le quatrième centre, malgré sa proximité avec le cégep, s’est limité à une transmission informelle de l’information.

En examinant les démarches de transmission de l’information dans les programmes intégrant la deuxième modalité d’harmonisation, nous constatons que beaucoup plus d’efforts ont été déployés dans celui de Soutien informatique, non seulement par le cégep mais aussi par les centres de formation professionnelle partenaires, afin de relayer une information personnalisée aux élèves.

Cette description de la chaîne par laquelle est passée l’information sur le programme harmonisé nous permet de constater que la connaissance de l’existence du programme a joué dans la volonté des élèves d’entreprendre des études collégiales. En effet, parmi les 49 élèves en Soutien informatique qui connaissent le programme harmonisé, 16 vont poursuivre, de façon sûre, au cégep après l’obtention de leur DEP et 13 autres élèves envisagent de poursuivre tout de suite après leur DEP ou plus tard. Quant aux projets des 19 élèves en Soutien informatique qui ne connaissent pas l’existence du programme harmonisé, nous constatons que seuls 2 d’entre eux sont sûrs de poursuivre au cégep, alors que pour 7 autres élèves la poursuite au cégep est de l’ordre de l’éventualité.

Cette relation entre la connaissance du programme harmonisé et la volonté de poursuivre au cégep est aussi forte en Techniques d’usinage, car même si très peu d’élèves du programme envisagent de poursuivre au cégep après l’obtention de leur DEP, ceux qui connaissent l’existence de l’harmonisation sont plus enclins à considérer cette possibilité. En effet, parmi les 21 élèves connaissant l’existence du programme harmonisé, 8 élèves vont ou envisagent de poursuivre au cégep alors que des 44 élèves qui n’ont jamais entendu parler du programme, 1 seul élève envisage éventuellement d’entreprendre un DEC.

Le tableau suivant présente les intentions des élèves de chacun des programmes de poursuivre au cégep en fonction de leur connaissance de l’existence du programme harmonisé.

Tableau 3

Intention de poursuivre selon que les élèves connaissent ou non le programme harmonisé

Intention de poursuivre selon que les élèves connaissent ou non le programme harmonisé

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Motivation des élèves à s’inscrire dans un programme technique harmonisé

Perception de la valeur de l’activité « poursuivre au cégep »

En vue d’identifier les perceptions qu’ont les élèves de formation professionnelle de l’activité « poursuivre au cégep », il s’avère intéressant d’examiner les motifs les ayant amenés à s’inscrire au DEP. En effet, ces motifs nous informent sur la valeur que ces derniers attribuaient à la poursuite de leurs études au cégep avant d’entreprendre leur DEP. Il est toutefois important de faire cette lecture en considérant les particularités de chacun des deux parcours étudiés.

Dans le programme d’Électronique, intégrant la première modalité d’harmonisation, les élèves s’inscrivent au DEP avec l’intention de poursuivre ensuite au cégep, puisque ce parcours est ainsi structuré. Une grande proportion des élèves disent avoir fait ce choix, d’une part, par intérêt ou par passion pour l’électronique, mais aussi à cause de la structuration particulière du programme harmonisé qui leur était proposé et qui, à leurs yeux, présentait différents avantages : « [Je me suis inscrit] parce que c’est un programme de trois diplômes en cinq ans. Quand tu ne fais pas ce programme-là, ça te prend deux ans de plus. Ça fait que ça te sauve du temps. En même temps, c’est un bon programme » (élève du programme Électronique).

En Informatique et en Techniques d’usinage, les élèves se sont inscrits au DEP pour des motifs quelque peu différents. Toutefois, l’intérêt pour leur domaine d’études respectif reste ce qui a motivé la plus grande proportion d’élèves de chacun des deux programmes à s’inscrire au DEP. Ensuite viennent les perspectives d’emploi qu’offre la formation professionnelle. De nombreux élèves, particulièrement en Techniques d’usinage, se sont inscrits au DEP pour le côté pratique de la formation : « parce que c’est une formation qui est manuelle et tu peux travailler comme si tu faisais des oeuvres avec un morceau de métal. C’est pour ça que c’est le fun. […] Je suis manuel. En allant au cégep, je m’en suis rendu compte encore plus. Remplir des papiers, je me suis vite rendu compte que c’était pas pour moi » (élève en Techniques d’usinage). Plusieurs élèves de Soutien informatique ont, quant à eux, choisi le DEP parce qu’ils ne pouvaient pas entrer directement au cégep : « Probablement parce que je ne valais pas assez. Tout de suite débarquer au cégep et dire... je n’avais pas mes maths forts, […] Il aurait fallu que j’aille faire mes maths de secondaire 5 pour pouvoir entrer au cégep. Et ça, vu que j’avais de la misère en maths... ça fait que j’ai décidé de passer le chemin le plus long et de venir faire le DEP » (élève de Soutien informatique).

Le tableau suivant recense les différents motifs qui ont poussé les élèves à s’inscrire en formation professionnelle.

Tableau 4

Motifs de l’inscription au DEP des élèves de formation professionnelle

Motifs de l’inscription au DEP des élèves de formation professionnelle

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Après avoir identifié les motifs qui ont poussé les élèves à s’inscrire en forma-tion professionnelle, nous avons cherché à connaître les motifs de ces derniers à poursuivre ou non au cégep à la suite de leur programme de DEP, alors que plusieurs avaient été informés de l’existence des programmes harmonisés. Le Tableau 5 recense les motifs des élèves à poursuivre leurs études au cégep. D’emblée, il faut noter que les motifs les plus souvent évoqués par ceux qui vont poursuivre au cégep ou qui envisagent de le faire sont semblables, quel que soit le programme et la modalité d’harmonisation qu’ils intègrent. Les élèves désirant poursuivre au cégep souhaitent principalement acquérir davantage de connaissances. Plusieurs d’entre eux espèrent aussi, grâce à la formation suivie et au diplôme collégial, obtenir un emploi et des conditions de travail intéressants : « Le cours ici [au DEP], c’est vraiment un cours de base. On apprend un peu de tout pour faire un cours global. Mais pour aller sur le marché du travail, je ne suis pas sûr si ça va être assez. Parce que je vois les exigences qu’ils demandent pour être employé, pour se faire engager quelque part, et juste un DEP, c’est peut-être pas assez. Presque toutes les compagnies ont des exigences assez élevées. C’est un DEC ou même plus élevé encore. Beaucoup d’années d’expérience. Je me dis que mes chances vont être meilleures si je continue mes études » (élève de Soutien informatique).

Tableau 5

Motifs de poursuivre au cégep

Motifs de poursuivre au cégep

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Les élèves de formation professionnelle ne désirant pas poursuivre au cégep se retrouvent dans les programmes intégrant la seconde modalité d’harmonisation et sont particulièrement nombreux en Techniques d’usinage. Ces élèves, comme nous le voyons dans le Tableau 6, évoquent fréquemment le fait que la formation collégiale représente un investissement financier trop important pour eux. De nombreux élèves affirment aussi ne pas souhaiter poursuivre au cégep parce qu’ils sont rebutés par les cours de formation générale obligatoires : « C’est à cause des autres matières dérivées un peu : le français, l’anglais, ça va être trop. Beaucoup de devoirs. J’ai toujours bien de la misère avec mes devoirs et j’ai de la misère à les faire. C’est sûr que ça ne va pas m’aider et que j’aurais de la misère à poursuivre là-dedans » (élève de Techniques d’usinage). Certains élèves des deux programmes se disent aussi découragés par la durée du DEC : « Parce que j’aurais peur de perdre la motivation et de ne pas être capable de continuer. C’est trop long » (élève de Soutien informatique).

Certains élèves de Techniques d’usinage disent ne pas poursuivre au cégep pour d’autres motifs : le DEP est suffisant pour atteindre leurs objectifs professionnels, ils doivent travailler rapidement pour gagner leur vie et la formation qui est offerte au cégep est trop théorique : « Je veux travailler de mes mains. Je ne veux pas rester encore assis dans des locaux à écouter. Malgré qu’on le fait [au DEP]. On a des cours à l’ordinateur et des affaires comme ça. On a encore beaucoup de théorie mais beaucoup moins. C’est pas comparable à ce qu’était le secondaire et à ce que le cégep peut être » (élève de Techniques d’usinage).

Tableau 6

Motifs de ne pas poursuivre au cégep

Motifs de ne pas poursuivre au cégep

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Perception de leurs compétences

Afin de cerner la perception que les élèves de formation professionnelle ont de leurs compétences à entreprendre des études collégiales, nous nous sommes référées à la variable « performance » présente dans le modèle de Viau. Nous avons ainsi interrogé les élèves sur leur perception de leurs performances lors de la dernière année d’étude précédant l’entrée au DEP, mais aussi de leurs performances actuelles, au cours de leur formation professionnelle.

Dans chacun des programmes d’Électronique et de Soutien informatique, la moitié des élèves prétendent avoir rencontré des difficultés au cours de leur dernière année d’étude précédant l’entrée au DEP alors qu’en Techniques d’usinage, plus de 80 % mentionnent en avoir rencontré. Il faut préciser que c’est en français que les élèves des trois programmes ont rencontré le plus de difficultés (n = 6 en Électronique ; n = 16 en Soutien informatique ; et n = 38 en Techniques d’usinage) et, dans une moins grande mesure, en mathématiques (n = 2 en Électronique ; n = 12 en Soutien informatique ; et n = 13 en Techniques d’usinage). Le Tableau 7 regroupe les difficultés rencontrées par les élèves de chacun des trois programmes lors de l’année précédant leur entrée en formation professionnelle.

Tableau 7

Difficultés rencontrées lors de l’année précédant l’entrée au DEP

Difficultés rencontrées lors de l’année précédant l’entrée au DEP

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Une fois en formation professionnelle, les perceptions que les élèves ont de leurs performances se ressemblent beaucoup d’un programme à l’autre. Dans chacun d’entre eux, en effet, une forte proportion d’élèves affirme avoir rencontré des difficultés dans le cadre de la formation professionnelle (n = 10 en Électronique ; n = 40 en Soutien informatique ; et n = 43 en Techniques d’usinage). Dans la plupart des cas, ces élèves expliquent leurs difficultés en énumérant certaines limites à leurs compétences : « J’aime mieux travailler avec mes mains que travailler avec ma tête. Je peux travailler quand même avec ma tête, mais des fois, j’ai de la misère à rentrer, j’ai de la misère à me concentrer sur certains aspects. […] Le côté pratique – installer le logiciel, monter le serveur et tout –, aucun problème. […] C’est plus le côté pour utiliser les choses par après. Ça... j’ai bien de la misère avec ça » (élève de Soutien informatique).

Perception de contrôlabilité de l’activité « poursuivre au cégep »

Pour cerner les perceptions que les élèves de formation professionnelle ont de la contrôlabilité de l’activité « poursuivre au cégep », nous avons étudié comment ceux désirant entreprendre un DEC perçoivent les cours de formation générale obligatoires qu’ils devront y suivre. Cette variable a été privilégiée à cause des réserves émises par le Conseil supérieur de l’Éducation (2001) qui s’interroge sur l’intérêt des élèves à suivre ces cours et sur la perception de contrôle qu’ils peuvent avoir sur leur suivi étant donné leurs faibles résultats au secondaire, particulièrement en français et en mathématiques. La perception de contrôle a aussi été mise en lien avec les motifs évoqués par les élèves ne souhaitant pas poursuivre au cégep afin d’identifier dans quelle mesure cette motivation à ne pas poursuivre est liée au manque de contrôle face à l’activité « poursuivre au cégep ».

Nous constatons que la majorité des élèves qui vont ou qui envisagent de poursuivre au cégep savent qu’il leur faudra suivre des cours de formation générale (n = 22/28 en Soutien informatique ; n = 7/7 en Techniques d’usinage ; et n = 16/16 en Électronique), mais perçoivent le suivi de ces cours de diverses façons. En Électronique, la majorité ne voit aucun inconvénient à suivre les cours de formation générale (n = 14/16). En Soutien informatique par contre, 16 des 24 élèves émettent différentes craintes ou réserves face à ces cours. Ces derniers s’interrogent sur l’utilité ou la pertinence de certains d’entre eux, craignent de trouver difficile leur suivi, sont découragés à l’avance par la charge de travail exigée ou ne sont tout simplement pas intéressés par leur suivi : « C’est les cours de formation générale qui m’effraient. C’est pas l’informatique qui m’effraie là-bas ; c’est plus les autres cours. C’est plus vraiment les maths et le français » (élève de Soutien informatique). En Techniques d’usinage, enfin, parmi les 9 élèves qui se sont exprimés sur le sujet, ils sont 7 à voir négativement le fait de devoir suivre les cours de formation générale, principalement pour les mêmes raisons que leurs collègues de Soutien informatique : « C’est des cours qui font peur. […] C’est un facteur qui fait qu’on hésite [à poursuivre au cégep] » (élève de Techniques d’usinage).

En vue de cerner la perception que les élèves ont du contrôle sur l’activité « poursuivre au cégep », il s’avère intéressant de revenir sur les motifs énumérés par ceux qui ne souhaitent pas s’engager dans un DEC ; nous constatons que la valeur que les élèves attribuent à l’activité « poursuivre au cégep » est étroitement liée à leur perception du contrôle qu’ils pourront avoir sur cette même activité. En effet, les élèves de formation professionnelle ne désirant pas poursuivre au cégep justifient cette décision par des motifs qui illustrent le manque de contrôle qu’ils pensent avoir sur la poursuite de leurs études au cégep : manque de contrôle face aux cours de formation générale, manque de contrôle face à une formation qu’ils considèrent trop théorique, manque de contrôle face à l’investissement financier qu’exige la formation : « J’aimerais y retourner ; c’est sûr. Mais avec ma situation familiale, financière, je ne peux pas me permettre de me donner encore deux ans à temps plein aux études. […] Il faut que je m’en aille sur le marché du travail pour rapporter des sous. Sinon, si j’étais plus jeune et que je n’avais pas d’obligations familiales, c’est sûr... c’est un très beau projet » (élève de Soutien informatique).

Discussion

Comme nous avons pu le constater, les élèves souhaitant poursuivre au cégep sont beaucoup plus nombreux en Électronique et en Soutien informatique qu’en Techniques d’usinage. Voyons maintenant ce qui semble marquer la motivation des uns et des autres à poursuivre ou non leurs études.

Nous remarquons tout d’abord que les motifs d’inscription au DEP illustrent la valeur que revêt l’activité « poursuivre au cégep » pour beaucoup d’élèves de formation professionnelle. Ainsi, en Électronique, le fait de s’inscrire dans ce DEP spécifique implique, presque automatiquement, la poursuite des études au cégep. Par conséquent, la motivation à poursuivre au DEC est présente au moment même de l’inscription au DEP.

En Soutien informatique et en Techniques d’usinage, l’une des deux clientèles semble accorder davantage de valeur à l’activité « poursuivre au cégep » que l’autre. En effet, en Soutien informatique, le quart des élèves ont choisi la formation professionnelle parce qu’ils ne pouvaient pas s’inscrire au cégep alors que cette raison est évoquée par seulement un élève en Techniques d’usinage. Ces chiffres illustrent que les élèves en Soutien informatique sont, à la base, plus intéressés par la formation collégiale mais que, ne pouvant s’y inscrire, ils se sont donc tournés vers la formation professionnelle. Par ailleurs, nous constatons que le tiers des élèves en Techniques d’usinage ont choisi le DEP pour le côté pratique de la formation alors que ce fut le cas pour seulement le dixième de ceux en Soutien informatique. Ces chiffres permettent donc de mieux comprendre pourquoi les élèves en Techniques d’usinage, particulièrement intéressés par la pratique, semblent moins motivés à poursuivre au cégep où la formation offerte est perçue, par plusieurs d’entre eux, comme trop théorique.

Si nous examinons maintenant les motifs pour lesquels les élèves souhaitent poursuivre au cégep, nous remarquons que les plus fréquemment énoncés sont ceux de parfaire leurs connaissances et de mieux se préparer au marché du travail. Ces élèves, motivés à poursuivre, ont donc des buts clairs d’apprentissage. Ces derniers souhaitent en effet enrichir leurs connaissances comme une fin en soi ou alors en espérant que ces connaissances additionnelles leur ouvriront de nouvelles avenues sur le marché du travail. Les élèves en Électronique et en Soutien informatique sont toutefois beaucoup plus nombreux à exprimer ces buts que ceux en Techniques d’usinage. Quant aux motifs des élèves de ne pas poursuivre, ils sont majoritairement énoncés par les élèves en Techniques d’usinage. Plusieurs d’entre eux affirment que le DEP est suffisant ou qu’ils veulent terminer rapidement leurs études afin de pouvoir entrer sur le marché du travail et gagner leur vie.

Si nous regardons le rôle joué par les divers acteurs dans la transmission de l’information au sujet du programme harmonisé, nous constatons qu’il semble exister un lien entre l’intention de poursuivre les études ou non dans le programme harmonisé (et, par conséquent, les buts énoncés) et le fait d’avoir reçu ou pas de l’information à ce sujet. En effet, les programmes dans lesquels les élèves disent vouloir poursuivre sont ceux dont l’information a été transmise directement aux intervenants et aux élèves par le biais de nombreuses séances d’information.

En ce qui a trait à la perception que les élèves de formation professionnelle ont de leurs performances dans le cadre de leur DEP, nous remarquons qu’elle est similaire d’une clientèle à l’autre. Par contre, en ce qui a trait à la perception de leurs performances lors de l’année précédant leur entrée au DEP, nous constatons que les élèves de Techniques d’usinage sont très nombreux à affirmer avoir rencontré des difficultés au cours de cette année (n = 53/65). En voyant que les élèves de ce programme sont si peu nombreux à envisager la poursuite au cégep et en nous appuyant sur le lien que Viau fait entre la perception de ses compétences et les performances antérieures, nous pouvons donc nous questionner sur le rôle joué dans ce faible engouement pour la formation technique par la perception que ces élèves ont de leurs compétences à entreprendre des études collégiales.

Abordons maintenant l’impact qu’ont les perceptions des élèves de pouvoir ou non contrôler la tâche de poursuivre leurs études en formation technique sur leur motivation à poursuivre. Nous constatons que plusieurs élèves qui ne veulent pas poursuivre justifient leur décision en s’appuyant sur des motifs reflétant une incertitude face à leur capacité à contrôler les diverses modalités des études collégiales. Certains élèves ne pensent pas réussir à faire face aux cours de formation générale obligatoires. D’autres signalent qu’ils considèrent les études au cégep trop longues pour y persévérer. D’autres encore estiment que les cours au cégep sont trop théoriques et/ou trop difficiles. Enfin, au-delà de la forme ou du contenu de la formation que ces élèves ne pensent pas pouvoir contrôler et qui les dissuade donc de poursuivre au cégep, notons que des considérations financières les découragent aussi à poursuivre. Si nous examinons maintenant la perception que les élèves souhaitant poursuivre au cégep ont de leur contrôle sur le suivi des cours de formation générale obligatoires au cégep, il est étonnant de constater que ces élèves craignent aussi de manquer de contrôle à ce niveau. Les propos de la majorité d’entre eux illustrent en effet une crainte face à ces cours. Les buts visés par la poursuite au cégep seraient-ils si forts et si clairs chez ces élèves que, malgré leurs craintes face au suivi de la formation générale, ils ne sont pas pour autant découragés dans leur projet d’entreprendre un DEC ?

Conclusion

Cette étude nous a permis de cerner les déterminants de la motivation des élèves à poursuivre ou non leurs études dans un programme technique harmonisé. Nous avons effectivement appris que plusieurs élèves qui veulent ou envisagent de poursuivre le souhaitent déjà au moment de leur inscription en formation professionnelle. Souvent, ils décident de le faire pour améliorer leurs futures perspectives d’emploi ou par intérêt pour leur domaine d’études. De plus, ils ont été personnellement informés au sujet du programme harmonisé. Nous remarquons donc que l’existence seule du programme harmonisé ne suffit pas à motiver les élèves à poursuivre leurs études au cégep. Si nous nous référons maintenant aux discours des élèves qui décident de ne pas poursuivre au cégep, nous observons que la plupart des élèves n’ont pas été informés de l’existence du programme harmonisé et qu’un certain nombre appréhende les cours de formation générale dispensés au cégep, le niveau trop théorique et la longue durée des études collégiales. Plusieurs craignent aussi d’éprouver des problèmes financiers.

Une pareille étude sur les motivations des élèves de la formation professionnelle mérite cependant d’être poursuivie, car la situation évolue constamment. Il ne faut pas nier qu’il existait un climat d’incertitude au moment de la recherche qui a pu influencer les choix des intervenants et des élèves. Cette incertitude demeure, mais nous savons que des cégeps et des commissions scolaires engagent des pourparlers en vue de développer ce qu’on nomme, dans le milieu, « des passerelles » ; il est question d’expérimenter d’autres programmes harmonisés. Les élèves inscrits dans d’autres programmes de formation professionnelle réagiront-ils de la même manière que ceux que nous avons rencontrés ? Existe-t-il différents profils d’élèves et différents contextes qui font en sorte que certains déterminants jouent un rôle plus important dans la décision de poursuivre ou non ses études au cégep ?