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Cet ouvrage présente d’abord une analyse sociologique des profondes transformations qui ont caractérisé la famille et la parentalité dans les dernières décennies, incluant la dissociation 1) de la sexualité et de la reproduction et 2) de la conjugalité et de la parentalité. Ces mutations sociales ont entraîné des changements importants dans la notion de parentalité qui, aujourd’hui, se définit d’abord et avant tout comme une relation où la personne se reconnaît un rôle de parent face à un enfant. Ce qui définit la parentalité n’est donc plus tant la composante biologique que la composante relationnelle.

Les auteurs soulignent l’importance de soutenir la relation parent-enfant en bas âge afin de prévenir l’apparition de troubles psychiques et relationnels chez le jeune enfant. Ils reconnaissent l’importance cruciale que revêt, pour le développement de l’enfant, l’établissement d’une relation privilégiée avec une personne de l’entourage (généralement la mère, mais pas toujours). Il importe, pour une prévention précoce, de soutenir cette relation privilégiée et de mettre à contribution les membres de l’entourage (autre parent, conjoint, etc.) afin qu’eux aussi soient associés à la démarche de soutien à la parentalité. À cet égard, les auteurs mettent en lumière la plus grande place occupée par plusieurs pères aujourd’hui dans les soins et l’éducation à l’enfant et considèrent qu’une importance accrue devrait être accordée au père dans les programmes de prévention précoce.

Les auteurs rapportent ensuite les résultats d’une enquête effectuée auprès de professionnels et de parents ayant participé à des expériences de prévention précoce. Sur la base des entrevues réalisées, les auteurs ont dégagé diverses dimensions qui, selon eux, doivent être considérées pour une prévention précoce réussie : 1) une approche de prévention multidimensionnelle, transdisciplinaire et en réseau ; 2) la formation des professionnels sur le développement de l’enfant et sur les relations parent-enfant ; 3) l’importance de nouer une relation de confiance avec le parent.

Il s’agit, dans l’ensemble, d’un ouvrage d’intérêt qui traite de la famille et de la parentalité dans une perspective à la fois sociologique, anthropologique et psychanalytique, et qui soulève des questions intéressantes en regard de la prévention précoce. La prévention précoce dont il est question est vue principalement comme une prévention de type relationnel qui vise à soutenir et préserver le lien parent-enfant. Cette position est tout à fait dans la lignée des théories psychanalytiques contemporaines qui sont présentées en toile de fond du volume. Par ailleurs, les extraits d’entrevues présentés illustrent bien tant les difficultés que les éléments positifs qui peuvent jalonner la mise en place d’initiatives de prévention précoce au sein d’une communauté.

Certains éléments de l’ouvrage en limitent toutefois la portée. Notons d’abord le fait que l’exposé du volume soit trop ancré sur les services de prévention en France et sur leur historique. Par ailleurs, il convient également de souligner l’absence quasi-totale de références à des travaux empiriques portant sur les relations parent-enfant et la prévention précoce, en particulier ceux issus du domaine de l’attachement. La prise en compte des conceptualisations et des recherches émanant de ce cadre théorique aurait sans contredit permis d’enrichir les propos des auteurs sur les moyens à privilégier pour favoriser et maintenir le lien parent-enfant.