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1. Introduction et problématique

On reconnaît depuis longtemps que la probabilité de vivre des échecs à l’école est plus élevée chez les enfants qui proviennent de milieux socioéconomiques défavorisés, et cette association ne se dément pas avec le temps (Brais, 1998 ; De Civita, 2002 ; Lapointe, Archambault et Chouinard, 2008 ; Tremblay, Lapointe, Hébert, Boulerice, Girard, Pagani et Vitaro, 2000). À son tour, l’échec scolaire accroît les risques, chez ces enfants, de vivre plus tard des difficultés d’intégration socioprofessionnelle et de venir grossir les rangs des moins bien nantis (Charest, 1997 ; Janosz et Le Blanc, 1996 ; Rumberger, 1995).

Plusieurs études, à ce jour, ont montré que les élèves de milieux défavorisés présentent en général un niveau moins élevé de motivation à l’école et sont moins bien adaptés au plan psychosocial que les élèves des autres milieux (Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998 ; Evans et English, 2002 ; Van Houtte, 2004). Par ailleurs, de nombreuses recherches indiquent que les garçons sont moins motivés et moins bien adaptés à l’école que les filles (Bouffard, Vezeau et Simard, 2006 ; Eccles et collab., 1998 ; Van Houtte, 2004). Cela dit, les études portant sur l’incidence du statut socioéconomique sur la réussite, la motivation et l’adaptation scolaires prennent généralement en considération le statut socioéconomique des élèves de manière individuelle. Dans l’opinion publique et dans les médias, les résultats de ces études sont souvent transposés aux écoles publiques. Ainsi, il est généralement admis que les élèves des écoles publiques situées en milieu défavorisé sont moins motivés et moins bien adaptés sur le plan psychosocial. Cette généralisation pourrait être trompeuse, dans la mesure où le statut socioéconomique des élèves fréquentant un même établissement scolaire n’est pas nécessairement homogène (Douglas, 2002). En outre, plusieurs facteurs propres aux écoles peuvent faire en sorte que des jeunes de milieux socioéconomiques semblables soient exposés à des environnements scolaires très différents (Welsh, Stokes et Greene, 2000). En conséquence, le but de la présente étude est de vérifier si le niveau de motivation et d’adaptation psychosociale des filles et des garçons des écoles secondaires publiques se distingue selon la localisation socioéconomique de leur école.

Dans la prochaine section, nous définissons le contexte théorique de la présente étude. Les concepts abordés sont le sentiment de compétence, l’origine socioéconomique, les distinctions selon le sexe et l’adaptation psychosociale à l’école. Cette section comporte aussi une partie qui montre la pertinence de la recherche. Par la suite, dans la section qui traite de la méthodologie, nous décrivons les sujets, l’instrumentation, le déroulement, la méthode d’analyse des données et les considérations éthiques de l’étude. Ensuite, dans la section suivante, nous présentons les résultats d’analyse détaillés de la motivation générale des élèves, de la motivation spécifique pour le français et les mathématiques et de leur adaptation psychosociale. Finalement, la section dans laquelle s’effectue une discussion critique de l’interprétation des résultats est suivie d’une courte conclusion.

2. Contexte théorique

La réussite et l’échec scolaires s’expliquent, jusqu’à ce jour, par plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, la motivation des élèves est cruciale, parce qu’elle détermine, en grande partie, l’engagement et la persévérance à l’école. Selon la théorie sociocognitive de Bandura (1986), la motivation à apprendre n’est pas un construit unitaire caractérisé par des pôles opposés, mais plutôt un construit multidimensionnel. En accord avec cette conception, il nous apparaît approprié de parler de profil motivationnel pour bien rendre compte de la variété des facteurs impliqués dans l’engagement dans les études (Bouffard et Couture, 2003).

2.1 Le sentiment de compétence

Parmi ces facteurs, le sentiment de compétence de l’élève, l’importance qu’il accorde aux apprentissages et le type de buts d’accomplissement qu’il poursuit sont souvent retenus pour définir le profil motivationnel. Le sentiment de compétence en milieu scolaire renvoie à l’évaluation, par l’élève, de ses habiletés et de sa capacité à réussir à l’école. Ainsi, celui qui entretient un sentiment de compétence élevé a tendance à s’engager plus à fond dans les tâches scolaires et à mieux réussir (Bouffard et Vezeau, 1998 ; Pajares et Graham, 1999 ; Wigfield, Eccles, Schiefele, Roeser et Davis-Kean, 2006). Par ailleurs, l’importance accordée à l’école dépend des perceptions, par l’élève, de l’utilité des apprentissages scolaires et de son intérêt pour les matières scolaires, étroitement lié à ses goûts personnels et au plaisir qu’il retire de ces apprentissages. Ainsi, plus l’élève est convaincu de l’importance des études et plus il est intéressé par les matières scolaires, plus son engagement sera grand (Eccles, Wigfield, Harold, et Blumenfeld, 1993 ; Pintrich et Schrauben, 1992 ; Winne, 2001). En ce qui concerne les types de buts d’accomplissement de l’élève, ils réfèrent aux différentes raisons pour lesquelles l’élève s’engage dans les activités d’apprentissage (Ames et Archer, 1988 ; Dweck, 1989 ; Elliot, 2005). Les deux grands types de buts examinés traditionnellement par les chercheurs sont les buts d’orientation vers la tâche (ou de maîtrise ou d’apprentissage) et les buts d’orientation vers soi (ou de performance) (Nicholls, 1984 ; Ntamakiliro, Monnard et Gurtner, 2000 ; Pintrich et Garcia, 1991). Les buts d’orientation vers la tâche reflètent une préoccupation importante de l’élève pour l’acquisition de nouvelles connaissances et habiletés. Quant aux buts d’orientation vers soi, ils reflètent une préoccupation pour la performance normative.

En somme, l’élève qui entretient des perceptions de compétence élevées, qui est intéressé par la matière, qui perçoit l’utilité des apprentissages et qui désire approfondir ses connaissances est plus susceptible d’avoir confiance en ses chances de réussite, de se montrer engagé et de persévérer devant les difficultés (Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998).

2.2 L’origine socioéconomique et le sexe

Cela dit, des recherches antérieures ont révélé des distinctions quant au profil motivationnel des élèves selon l’origine socioéconomique et le sexe (Eccles, Adler, Futterman, Goff, Kaczala, Meece et Midgley, 1983). Le statut socioéconomique de la famille et du voisinage affectent le cheminement scolaire des enfants (Eccles et collab., 1998). Par exemple, pour les enfants des milieux populaires, la défavorisation socioéconomique devient un facteur de risque important en limitant les expériences riches et variées qui leur serviront à l’école (Evans et English, 2002 ; Furstenberg, 1993 ; Laosa, 1984). Généralement, les élèves de ces milieux sont moins susceptibles de développer de l’intérêt pour les matières scolaires et moins susceptibles de percevoir l’utilité des apprentissages, car ils ont moins accès à des activités en lien avec ces domaines dans leur environnement (Eccles et collab., 1998). Inversement, les élèves des milieux plus favorisés sont susceptibles de développer des attitudes plus positives face à l’école (Wigfield et collab., 2006). En effet, ils vivent en général davantage d’expériences variées et grandissent dans un environnement qui valorise les apprentissages scolaires (Eccles, 2005).

Les distinctions motivationnelles entre les élèves selon le sexe sont aussi bien documentées et doivent être mentionnées. En général, les filles accordent plus de valeur et d’importance à l’école (Eccles et collab., 1998). Des études ont montré que la valeur accordée aux apprentissages scolaires par les garçons et les filles diffère aussi selon la matière (Bouffard, Vezeau et Simard, 2006). Ainsi, les garçons se sentent davantage compétents en mathématiques, tandis que les filles se sentent plus compétentes en français (Chouinard, Karsenti et Roy, 2007 ; Watt, 2004). 

2.3 L’adaptation psychosociale à l’école

Pour sa part, l’adaptation psychosociale des élèves à l’école mesure les capacités, chez ces derniers, de s’ajuster aux défis du milieu et prédit la réussite scolaire (Schunk, Pintrich et Meece, 2008). Elle fait référence principalement à l’anxiété scolaire, à l’isolement et à la qualité des relations avec les autres, dont les enseignants (Birch et Ladd, 1996 ; Roeser et collab., 1998). L’adaptation psychosociale des élèves est, elle aussi, influencée par le statut socioéconomique et le sexe des élèves (Wigfield et collab., 2006). D’une part, la défavorisation est un facteur de risque souvent associé à des problèmes d’inadaptation psychosociale (Patterson, Forgatch, Yoerger et Stoolmiller, 1998). En d’autres termes, l’inadaptation rencontrée à l’adolescence, associée à des comportements antisociaux, est davantage répertoriée chez les élèves de milieu défavorisé (Hawkins, Catalano et Miller, 1992 ; Loeber et Dishion, 1983). D’autre part, les garçons vivent plus souvent des difficultés d’adaptation à l’école que les filles, et sont plus susceptibles d’avoir des comportements oppositionnels (Kauffman, 1997).

2.4 Pertinence de la recherche

Les écrits de recherche sur le sujet font souvent état des différences entre les élèves selon leur situation socioéconomique favorisée ou défavorisée (Dowson et McInerney, 1998 ; Libby, 1994 ; Yang, 2003). Toutefois, les études tendent généralement à échantillonner les élèves sur la base du statut socioéconomique de leur famille (Braun, Jenkins et Grigg, 2006 ; Peterson et Llaudet, 2006). Dans l’opinion publique et dans les médias, les résultats de ces études sont souvent généralisés aux écoles secondaires publiques : celles situées dans un milieu moins favorisé sont réputées recevoir des élèves moins motivés et moins bien adaptés sur le plan psychosocial que les écoles publiques situées dans un milieu plus favorisé. À vrai dire, peu d’études empiriques viennent corroborer ces allégations. En effet, habituellement, les études qui concernent exclusivement les écoles publiques prennent en compte le rendement des élèves et les taux de diplomation (Bast et Walberg, 2003 ; Lieberman, 1993). À notre connaissance, aucune étude, à ce jour, n’a visé comme objectif de comparer la motivation et l’adaptation psychosociale des élèves qui fréquentent des écoles publiques situées dans différents milieux socioéconomiques. Une meilleure connaissance du vécu scolaire des élèves qui fréquentent une école du réseau public pourrait s’avérer cruciale dans la lutte au décrochage et dans l’allocation des ressources. En conséquence, dans la présente étude, nous vérifierons si la motivation et l’adaptation des élèves des écoles publiques se distinguent selon le milieu socioéconomique dans lequel se situent ces écoles. Aussi, puisque les résultats de recherche font largement état de différences nombreuses entre les filles et les garçons en ce qui concerne leur motivation et leur adaptation psychosociale, nous examinerons si ces différences entre les élèves des deux sexes sont modulées par la localisation socioéconomique de l’école.

3. Méthodologie

Afin d’atteindre ces objectifs, nous avons administré un questionnaire à réponses auto-révélées, destiné à mesurer la motivation à apprendre et l’adaptation psychosociale à l’école, à des élèves fréquentant des écoles publiques situées en milieu socioéconomique plus ou moins favorisé. Pour notre étude, nous avons pu disposer de données recueillies dans le cadre du programme d’évaluation de la Stratégie d’intervention Agir autrement (SIAA). Ce programme du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport du Québec vise à soutenir les écoles secondaires publiques de milieux défavorisés. Ces données proviennent de l’ensemble des régions administratives du Québec. Comme ces données sont prélevées en milieux moyennent favorisés et défavorisés, nous avons bonifié l’échantillonnage par le recrutement d’écoles de la grande région de Montréal situées en milieu favorisé.

3.1 Sujets

L’échantillon est constitué de 5 692 élèves francophones d’écoles secondaires publiques, et comprend 2 781 garçons (49,59 %) et 2 911 filles (51,20 %). Les élèves ont entre 12 et 18 ans ( = 14,46 ans, s = 1,40), et sont répartis à peu près également de la 1e à la 5e secondaire. Parmi ces élèves, 1 840 proviennent de milieu socioéconomique favorisé (neuf écoles), 1 497 de milieu moyennement favorisé (cinq écoles), et 2 355 de milieu défavorisé (10 écoles) de différentes régions du Québec. Ces élèves forment donc des groupes relativement équivalents quant au nombre, au genre, à l’âge et au niveau scolaire. Pour classer les écoles selon leur niveau socioéconomique, nous avons utilisé l’Indice de milieu socioéconomique (IMSE), produit par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (2005a). Cet indice, qui s’exprime en rang décile, du milieu le plus favorisé au milieu le moins favorisé, permet de considérer la proportion de mères sous-scolarisées (2/3 de l’indice) et la proportion de parents inactifs sur le plan de l’emploi (1/3 de l’indice). Pour les fins de la présente étude, cet indice a été converti en trois catégories : défavorisé (rangs 8, 9 et 10), moyennement favorisé (rangs 4, 5, 6 et 7) et favorisé (rangs 1, 2 et 3).

3.2 Instrumentation

Le questionnaire utilisé permet d’évaluer deux niveaux de motivation à apprendre chez les élèves : la motivation pour l’école en général, et la motivation spécifique pour le français et les mathématiques. Le questionnaire permet aussi de mesurer le niveau d’adaptation psychosociale des élèves.

La motivation générale des élèves a été mesurée à l’aide de quatre sous-échelles, qui proviennent de l’Échelle multidimensionnelle de motivation pour les apprentissages scolaires (EMMAS), validée par Ntamakiliro, Monnard et Gurtner (2000). La sous-échelle Attrait pour l’école (trois items, α = 0,86 ; ex. : Ce qu’on fait à l’école me plaît) mesure l’intérêt général de l’élève pour l’école. La sous-échelle Utilité de l’école (six items, α = 0,73 ; ex. : Pour avoir une place dans la société, il est important de réussir à l’école) évalue l’importance qu’il accorde à l’école. La sous-échelle Orientation vers la tâche (trois items, α = 0,65 ; ex. : Je suis très content(e) quand j’apprends quelque chose de nouveau qui a du sens) mesure à quel point le participant poursuit des buts axés sur les apprentissages. Finalement, la sous-échelle Orientation vers soi (six items, α = 0,88 ; ex. : Je suis content de moi lorsque je fais moins d’erreurs que les autres) mesure à quel point il poursuit le but d’être meilleur que les autres. Le répondant se prononçait à l’aide d’une échelle de réponse de type Likert à sept entrées allant, selon le cas, de 1 (Jamais ou Pas du tout ou Tout à fait en désaccord) à 7 (Très souvent ou Tout à fait ou Tout à fait d’accord).

La motivation des élèves à l’égard du français et des mathématiques a été évaluée à l’aide de quatre sous-échelles, tirées elles aussi de l’Échelle multidimensionnelle de motivation pour les apprentissages scolaires. Les sous-échelles Perceptions de compétence en mathématiques (cinq items, α = 0,79 ; ex. : Je trouve que je suis bon(ne) en maths) et Perceptions de compétence en français (cinq items, α = 0,91 ; ex. : Je trouve que je suis bon(ne) en français) mesurent l’évaluation que fait le participant de ses capacités dans ces deux matières scolaires. Les sous-échelles Intérêt pour les mathématiques (quatre items, α = 0,92 ; ex. : Combien d’efforts es-tu prêt(e) à consacrer aux mathématiques ?) et Intérêt pour le français (cinq items, α = 0,93 ; ex. : Je suis prêt(e) à travailler dur en français) mesurent l’engouement des élèves pour ces deux matières. Le répondant se prononçait aussi à l’aide d’une échelle de réponse de type Likert à sept entrées.

D’autres échelles ont été utilisées pour mesurer le vécu affectif des élèves à l’école. Elles proviennent toutes d’un instrument adapté par Janosz (2005). Les échelles Relations chaleureuses avec les enseignants (six items, α = 0,81 ; ex. : Je partage des relations chaleureuses et amicales avec les profs) et Relations conflictuelles avec les enseignants (sept items, α = 0,87 ; ex. : Je suis souvent en conflit avec les profs) nous renseignent sur les perceptions de l’élève à propos de ses interactions avec les enseignants. L’échelle Avantages au décrochage (11 items, α = 0,89 ; ex. : En abandonnant l’école, je ferais quelque chose qui est bon pour moi) révèle à quel point l’élève trouve avantageux d’abandonner l’école. Les échelles Anxiété de performance (sept items, α = 0,80 ; ex. : J’ai peur quand je dois passer un examen) et Isolement social (cinq items, α = 0,87 ; ex. : Je me sens seul(e) à l’école) sont des mesures du degré d’adaptation des élèves à l’école. Pour les échelles de relations avec les enseignants, le répondant devait indiquer son niveau d’accord sur une échelle allant de 1 (Pas du tout) à 5 (Beaucoup), alors que pour les échelles d’Isolement, d’Anxiété et d’Avantages à décrocher, l’échelle allait de 1 (Totalement en désaccord ou Pas très vrai) à 4 (Totalement d’accord ou Très vrai).

3.3 Déroulement

Comme nous l’avons mentionné auparavant, l’échantillon est composé d’élèves d’écoles québécoises affiliées au projet Stratégie d’intervention Agir autrement, mais aussi d’autres écoles francophones publiques de la grande région de Montréal. Dès la rentrée des classes à l’automne 2005, la majorité des écoles secondaires contactées ont donné leur consentement pour participer à la recherche. Ainsi, le questionnaire a pu être administré à tous les participants au printemps 2006, entre les mois d’avril et de juin. Nous avons rencontré tous les élèves durant leur cours de mathématiques ou de français dans leurs locaux habituels. L’enseignant était présent dans la classe pour assurer la discipline, mais un assistant de recherche donnait les directives et répondait aux questions des élèves. Une fois la collecte de données terminée, les réponses des élèves au questionnaire ont été numérisées, traitées et analysées pendant l’été 2006.

3.4 Méthode d’analyse des données

La motivation générale, la motivation spécifique aux matières et l’adaptation psychosociale des élèves ont été examinées à l’aide de trois analyses multivariées (MANOVA). Deux facteurs ont été considérés : le milieu socioéconomique et le sexe. En conséquence, les variables dépendantes ont fait l’objet d’analyses de variance de type 3 (localisation socioéconomique de l’école) x 2 (sexe).

Par la suite, des analyses univariées (ANOVA) ont été menées sur chacune des variables. Pour ces analyses, un ajustement de Bonferroni a été appliqué afin d’éviter les erreurs d’interprétation statistique de type I et d’éviter de déclarer significatives des différences redevables au hasard. Cette procédure consiste à ajuster le seuil de signification de l’erreur d’ensemble selon le nombre de tests univariés selon la formule suivante (p * 1/n tests), ce qui augmente considérablement la rigueur des analyses (Sankoh, Huque et Dubey, 1997). Compte tenu de la taille importante de l’échantillon, la probabilité de signification pour les analyses multivariées a été fixée à 0,05. Par ailleurs, les tests post-hoc Tukey et Bonferroni ont été choisis pour comparer le facteur milieu socioéconomique à trois niveaux, parce que ces tests ont la réputation d’être fiables pour les échantillons de tailles équivalentes (Field, 2005). Nous avons aussi calculé la taille des effets significatifs à l’aide de l’êta carré partiel (ηp2), une mesure qui indique la variabilité totale des scores pour un échantillon. Il est généralement convenu qu’une taille d’effet expliquant moins de 9 % de la variance est petite, qu’une taille d’effet expliquant de 9 % à 24 % est moyenne et qu’une taille d’effet expliquant 25 % et plus de la variance est grande (Field, 2005).

3.5 Considérations éthiques

Les exigences de toutes les institutions ayant collaboré au projet ont été respectées. À la demande des commissions scolaires et du comité d’éthique de l’Université de Montréal, nous avons obtenu le consentement des parents pour les élèves âgés de 16 ans et moins. Ils ont reçu à la maison, par l’entremise de l’école, un document au sujet des implications de l’étude, à signer et à retourner. Pour les participants de plus de 16 ans, leur consentement à participer à l’étude a été obtenu lors des visites des assistants de recherche dans les écoles. À tout moment, les participants étaient libres de se retirer de l’étude. En conformité avec les exigences du certificat d’éthique, l’identité des participants a été protégée tout au long du processus, puisque les noms des élèves ont été remplacés par des codes aléatoires. De plus, toutes les informations confidentielles sont conservées sous clé. Le rapport détaillé des résultats d’étude a été acheminé à toutes les directions d’écoles participantes, ainsi qu’à tous les enseignants participants. Enfin, une version électronique de ce rapport est disponible en tout temps sur le site Internet du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec.

4. Résultats

Les données reliées à la motivation des élèves envers l’école en général ont été analysées en premier lieu. En second lieu, nous avons pris en compte la motivation spécifique au français et aux mathématiques. En dernier lieu, les données concernant l’adaptation psychosociale des élèves ont été analysées.

4.1 Motivation générale des élèves

Une première série d’analyses a été effectuée sur les variables reliées à la motivation des élèves pour l’école en général : Attrait pour l’école, Utilité perçue de l’école, Orientation vers soi et Orientation vers la tâche. Les tests multivariés (Trace de Pillai) indiquent un effet significatif de la localisation socioéconomique des écoles (F(8, 10652) = 11,77 ; p < 0,01). Ils indiquent aussi un effet significatif du sexe (F(4, 5325) = 51,81 ; p < 0,01). L’interaction entre le milieu socioéconomique et le sexe des élèves atteint aussi le seuil de signification (F (8, 10652) = 2,08 ; p < 0,05).

Les tests univariés subséquents (ANOVA), présentés aux tableaux 1a et 1b, indiquent des différences significatives, pour toutes les variables, sur la base de la localisation socioéconomique des écoles. Les différents tests post-hoc relatifs à ce facteur révèlent tous que les élèves des écoles situées en milieu favorisé disent ressentir moins d’attrait pour l’école et être moins orientés vers la tâche que ceux des deux autres groupes. Par contre, les élèves des écoles situées en milieu défavorisé déclarent qu’ils perçoivent moins l’utilité de l’école que ceux des écoles localisées en milieu moyennement ou très favorisé. Cependant, les élèves des écoles situées en milieu défavorisé rapportent avoir moins tendance que les élèves des deux autres milieux à utiliser la comparaison sociale pour affirmer leur compétence. Les analyses univariées indiquent aussi que les filles déclarent avoir un intérêt plus grand pour l’école ainsi qu’une plus grande orientation vers soi. Par ailleurs, l’effet d’interaction indique que ce sont les garçons des écoles situées en milieu défavorisé qui perçoivent le moins l’utilité de l’école, tandis que les filles des écoles des milieux moyennement favorisés trouvent le plus d’utilité à l’école. En outre, les garçons des écoles situées en milieu défavorisé sont significativement moins orientés vers soi. Cela dit, il faut considérer ces derniers résultats avec prudence, puisqu’ils ne résistent pas à l’ajustement de Bonferroni. En ce qui concerne la taille des effets significatifs, les coefficients ηp2 oscillent entre 0,01 et 0,03, ce qui signifie que chacun des facteurs n’explique que de 1 % à 3 % de la variance totale (effet + erreur), ce qui est considéré comme des effets de petites tailles.

Tableau 1a

Moyenne () et écart-type (s) des variables associées à la motivation générale

Moyenne (x̅) et écart-type (s) des variables associées à la motivation générale

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Tableau 1b 

Valeur de F, degré de signification et taille de l’effet des variables (p2) associées à la motivation générale

Valeur de F, degré de signification et taille de l’effet des variables (p2) associées à la motivation générale

*p < 0,01 **p < 0,0025 ***p < 0,00025

1

MSE correspond au milieu socioéconomique. NS est non significatif.

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4.2 Motivation spécifique pour le français et les mathématiques

Une seconde analyse multivariée a été effectuée sur les données spécifiques à la motivation pour le français et les mathématiques : Sentiment de compétence en mathématiques, Sentiment de compétence en français, Intérêt pour les mathématiques et Intérêt pour le français. Les tests indiquent un effet significatif de la localisa- tion socioéconomique de l’école (F(8, 10788) = 3,04 ; p < 0,01) et du sexe de l’élève (F(4, 5393) = 116,84 ; p < 0,001). L’interaction entre la localisation socioéconomique et le sexe n’atteint pas le seuil de signification (F(8, 10788) = 1,66 ; p = 0,10).

Les tests univariés subséquents, présentés aux tableaux 2a et 2b, n’indiquent aucune différence significative reliée au statut socioéconomique, à la suite de l’ajustement de Bonferroni. Toutefois, des effets significatifs reliés au sexe ont été décelés sur chacune des variables. Alors que les garçons font preuve d’un sentiment de compétence plus élevé que les filles en mathématiques, celles-ci évaluent plus avantageusement leur compétence en français que les garçons. Les analyses indiquent aussi que les filles rapportent qu’elles éprouvent un intérêt plus grand pour le français et pour les mathématiques que les garçons. Cette fois encore, les tailles d’effet sont petites et le sexe n’explique que de 1 % à 3 % de la variance totale.

Tableau 2a 

Moyenne () et écart-type (s) des variables associées à la motivation pour le français et les mathématiques

Moyenne (x̅) et écart-type (s) des variables associées à la motivation pour le français et les mathématiques

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Tableau 2b 

Valeur de F, degré de signification et taille de l’effet des variables (ηp2) associées à la motivation pour le français et les mathématiques

Valeur de F, degré de signification et taille de l’effet des variables (ηp2) associées à la motivation pour le français et les mathématiques

*p < 0,01 **p < 0,0025 ***p < 0,00025

1

MSE correspond au milieu socioéconomique. NS est non significatif.

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4.3 Adaptation psychosociale

Une dernière analyse multivariée a été effectuée sur des variables reliées à l’adaptation scolaire et psychosociale des élèves : Relations chaleureuses avec les enseignants, Relations conflictuelles avec les enseignants, Avantages au décrochage, Anxiété scolaire et Isolement social. Les tests multivariés indiquent un effet significatif de la localisation socioéconomique des écoles (F(10, 9504) = 6,90 ; p < 0,001) et du sexe des élèves (F(5, 4751) = 111,55 ; p < 0,001). L’interaction entre les deux facteurs n’atteint toutefois pas le seuil de signification (F(10, 9504) = 1,37 ; p = 0,19).

Les tests univariés (Tableaux 3a et 3b) et les tests post-hoc montrent que les élèves des écoles situées en milieu défavorisé disent avoir moins de relations conflictuelles avec leurs enseignants que ne le mentionnent les élèves de milieux favorisé ou moyennement favorisé. De plus, contrairement aux élèves des deux autres milieux, les élèves des écoles situées en milieu favorisé perçoivent le décrochage comme une avenue plus avantageuse. Par ailleurs, les élèves des écoles situées en milieu moyennement favorisé rapportent qu’ils ressentent plus d’anxiété de performance que ceux des écoles des milieux favorisés, tandis que les élèves des écoles des milieux défavorisés sont ceux qui se disent les moins anxieux. En outre, les garçons vivent en général plus de relations conflictuelles avec leurs enseignants que les filles, tandis que ces dernières bénéficient de relations plus chaleureuses avec leurs enseignants. Finalement, les garçons perçoivent en général l’abandon scolaire comme un choix plus avantageux que les filles. Toutefois, ce sont les filles qui révèlent qu’elles vivent une plus grande anxiété reliée aux tâches scolaires, et cela, quelle que soit la localisation socioéconomique. Les tailles d’effet sont petites ici aussi, sauf pour l’effet du sexe sur l’anxiété de performance, qui peut être considéré comme un effet de taille moyenne (ηp2 = 0,08).

Tableau 3a 

Moyenne () et écart-type (s) des variables associées à l’adaptation psychosociale

Moyenne (x̅) et écart-type (s) des variables associées à l’adaptation psychosociale

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Tableau 3b 

Valeur de F, degré de signification et taille de l’effet des variables (ηp2) associées à l’adaptation psychosociale

Valeur de F, degré de signification et taille de l’effet des variables (ηp2) associées à l’adaptation psychosociale

*p < 0,01 **p < 0,0025 ***p < 0,00025

1

MSE correspond au milieu socioéconomique. NS est non significatif.

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5. Discussion des résultats

L’objectif de la présente étude était de vérifier si les niveaux de motivation et d’adaptation psychosociale des élèves des écoles secondaires publiques se distinguent selon la localisation socioéconomique des écoles et le sexe des élèves, et si les éventuelles différences redevables au genre masculin ou féminin sont modérées par la localisation socioéconomique. À cet effet, nos résultats s’avèrent surprenants à certains égards.

5.1 Les distinctions selon le milieu socioéconomique

Les résultats indiquent tout d’abord de nombreuses différences entre les élèves selon la localisation socioéconomique de leur école, différences qui ne vont pas toujours dans le sens attendu. En effet, de nombreuses études ont montré que les situations d’inégalité sociale que vivent les élèves provenant de milieux socioéconomiques défavorisés occasionnent leur désengagement scolaire (Audas et Willms, 2001). Nous nous attendions, en conséquence, à ce que les élèves des écoles situées en milieu défavorisé se disent moins motivés et moins bien adaptés socialement que ceux des écoles des milieux favorisés. Nos résultats vont plutôt dans le sens inverse : ils indiquent que les élèves des écoles situées en milieu favorisé, même s’ils reconnaissent davantage l’utilité de l’école, se disent moins attirés par l’école que ceux des écoles situées en milieu défavorisé. De plus, ils accordent plus d’importance à la compétition et moins à la maîtrise des contenus. Ce dernier résultat n’est pas anodin, puisque les buts de maîtrise sont réputés être d’importants déterminants de l’autorégulation et de la réussite scolaire (Bandura, 1997 ; Pintrich et Schunk, 1996). Parallèlement, comme il est généralement admis que les élèves des milieux nantis ont tendance à développer dans leur famille un plus grand attrait pour les matières scolaires (Eccles, 2005), nous nous attendions à constater un intérêt pour les matières scolaires plus marqué chez les élèves des écoles situées en milieu favorisé. Cependant, notre étude n’a pas permis de détecter de différence significative à cet égard.

5.2 L’adaptation psychosociale et la motivation

Les résultats obtenus sur certaines variables d’adaptation psychosociale vont eux aussi dans un sens inattendu. En effet, les élèves des écoles situées en milieu favorisé présentent, ici encore, un portrait moins favorable. Ils ont, par exemple, des relations plus conflictuelles avec leurs enseignants. Par ailleurs, il est connu que la proportion des élèves qui sortent du système scolaire sans avoir obtenu un diplôme est plus élevée chez les élèves de milieux défavorisés (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005b). Selon cette source, la différence entre les taux de décrochage est habituellement attribuée à un soutien parental moins constant, à des ressources matérielles insuffisantes et à l’influence de pairs déviants. Cependant, nos résultats montrent que les élèves qui fréquentent une école publique située en milieu favorisé perçoivent le décrochage comme une avenue plus avantageuse que les élèves des écoles situées en milieu moyennement favorisé ou défavorisé. Le fait que nos résultats montrent que les élèves des écoles publiques situées en milieu favorisé sont moins motivés à certains égards et moins bien adaptés socialement, alors que les écrits de recherche sur le sujet indique que ce sont les élèves des milieux moins favorisés qui décrochent le plus, semble paradoxal. Toutefois, cette situation pourrait s’expliquer par la pression des parents et la capacité plus grande des familles aisées à soutenir financièrement les études de leurs enfants.

On pourrait alléguer que les résultats de la présente étude sont le produit d’un biais d’échantillonnage, puisque l’échantillon constitué aux fins de la présente étude en est un de convenance. Toutefois, nous pensons que cette possibilité devrait être écartée. En effet, chaque milieu socioéconomique est représenté par un grand nombre d’élèves et d’écoles, ce qui réduit les risques de biais. À notre avis, d’autres raisons pourraient expliquer ces résultats contre-intuitifs. Tout d’abord, il faut considérer qu’en milieu favorisé une partie importante des jeunes fréquentent l’école privée au secondaire. Or, la majorité des établissements privés sont très sélectifs et admettent seulement les élèves qui ont un bon rendement scolaire et donc une motivation plus grande pour les études. De plus, la plupart de ces établissements n’hésitent pas à exclure les élèves qui présentent des problèmes d’adaptation psychosociale ou qui ne maintiennent pas le rendement attendu. Cela pourrait avoir pour conséquence que les écoles secondaires publiques situées en milieu favorisé reçoivent une plus grande proportion d’élèves moins motivés, ayant plus de difficulté à s’adapter socialement. Par ailleurs, bien que les écoles publiques situées en milieu défavorisé accueillent leur lot d’élèves très peu motivés ou présentant de graves problèmes d’adaptation psychosociale, elles accueillent aussi des élèves studieux, qui ont à coeur de réussir et de s’intégrer socialement. Ensuite, ces résultats favorables aux écoles situées en milieu défavorisé sont probablement redevables en partie aussi aux importants efforts consentis au cours des dernières années par la société québécoise afin de les soutenir davantage. Les subventions gouvernementales et privées des dernières années ont engendré des programmes comme la Stratégie d’intervention Agir autrement (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2007a), le Programme de soutien à l’école montréalaise (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2007b), l’organisme Toujours ensemble et l’Opération solidarité. Nos résultats pourraient donc signifier que ces efforts, qui se sont traduits par un investissement massif de ressources humaines et matérielles, portent fruit et que la situation des élèves de milieux défavorisés s’améliore quelque peu.

De façon moins surprenante, aucune distinction significative entre le sentiment de compétence des élèves n’a été décelée en fonction de la localisation socioéconomique des écoles. En effet, il est reconnu que le sentiment de compétence se construit plutôt par la comparaison avec les élèves du même milieu qu’avec ceux des autres milieux (Bandura, 2005). Il n’est donc pas étonnant que nous n’ayons trouvé aucune différence dans le sentiment de compétence des élèves selon la localisation socioéconomique de leur école.

5.3 Les distinctions selon le sexe des élèves

Les résultats concernant les différences entre les élèves des deux sexes sont, eux aussi, plus conformes à ce qui est rapporté dans les écrits de recherche. En effet, les filles sont généralement reconnues pour être plus intéressées par l’école que les garçons (Hyde et Durik, 2005), et pour entretenir, en général, des attitudes plus positives envers l’école que leurs pairs masculins (Chouinard et Roy, 2008 ; Davies, 1984 ; Van Houtte, 2004). En ce qui concerne la motivation à l’égard des matières d’enseignement, nos résultats montrent que les garçons rapportent un sentiment de compétence plus élevé que les filles en mathématiques, alors que les filles disent entretenir un sentiment de compétence plus élevé en français. Ce même résultat a été maintes fois rapporté dans les écrits des chercheurs (Crain, 1996 ; Eccles et collab., 1993 ; Jacobs, Lanza, Osgood, Eccles et Wigfield, 2002 ; Watt, 2004). De plus, notre étude indique que les filles rapportent des niveaux plus grands d’intérêt, à la fois pour l’apprentissage du français et pour celui des mathématiques, que les garçons. Ce résultat est, lui aussi, corroboré par plusieurs études (Chouinard et Roy, 2008 ; Debacker et Nelson, 2000).

Par ailleurs, les garçons ayant participé à notre étude perçoivent l’abandon scolaire comme un choix plus avantageux que ne le perçoivent les filles. Ce résultat est à mettre en relation avec le fait que les garçons sont plus touchés que les filles par le retard scolaire, les échecs et le décrochage (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2005b). À notre avis, loin d’être des phénomènes distincts, l’adaptation psychosociale moindre des garçons et leur motivation moins grande pour l’école sont certainement reliées. Particulièrement, le manque d’intérêt et de perspective future quant à l’obtention d’un diplôme pourrait expliquer les comportements peu adaptés de certains garçons. Par ailleurs, faut-il rappeler que les opportunités d’emploi sont plus intéressantes pour les garçons non diplômés que pour les filles, car ils ont moins de difficulté à s’en trouver un et que cet emploi sera mieux rémunéré (Boudon, 2006 ; Rheault, 2004) ? Bien que les emplois offerts aux jeunes sans diplôme soient souvent précaires, deux ans après avoir décroché du secondaire, les garçons sont plus actifs sur le marché du travail, puisque 47,7 % d’entre eux ont un emploi, comparativement à 33,9 % des filles (Ministère de l’Éducation du Québec, 1999).

6. Conclusion

À partir des données recueillies au cours de la présente étude et à la suite de nos analyses comparatives, il est possible de dégager certaines constatations. Tout d’abord, le niveau de motivation pour les études et d’adaptation psychosociale des élèves des écoles secondaires publiques du Québec varie surtout en fonction du sexe, et il semble bien que les garçons soient moins motivés et moins bien adaptés que les filles. Ensuite, le niveau de motivation et d’adaptation des élèves varie aussi, mais dans une moins large mesure, en fonction de l’Indice de milieu socioéconomique (IMSE) de leur école. Ainsi, les élèves fréquentant les écoles secondaires publiques situées en milieu socioéconomique favorisé sont, en moyenne, moins motivés par les études et moins bien adaptés socialement que les élèves des écoles situées en milieu défavorisé. Bien que les tailles d’effet soient plutôt modestes, l’impact cumulatif des différences observées pourrait s’avérer important. Par ailleurs, l’absence d’effet d’interaction significatif entre les deux facteurs retenus pour nos analyses ne permet pas de conclure que les différences entre les élèves des deux sexes en ce qui touche à la motivation à apprendre et à l’adaptation psychosociale soient modulées par la localisation socioéconomique de leur école.

Somme toute, la présente étude jette un éclairage nouveau sur les disparités entre les élèves des écoles secondaires publiques. Il apparaît que les écoles situées en milieu défavorisé ne sont pas les seules à connaître des problèmes sur le plan de la motivation et de l’adaptation psychosociale de leurs élèves. À cet effet, nos résultats montrent que ces écoles s’en tirent au moins aussi bien que celles qui sont situées en milieu favorisé. À notre avis, accentuer la mise en place de projets particuliers, accessibles à tous les élèves, permettrait de redynamiser l’école publique et de mieux concurrencer l’école privée en milieu favorisé. Aussi, poursuivre les programmes de soutien mis en place dans les milieux défavorisés permettrait de conserver les acquis des dernières années. Des recherches supplémentaires s’avèrent cependant nécessaires afin de mieux comprendre les mécanismes qui président à l’engagement et au vécu scolaires des élèves scolarisés dans le réseau des écoles publiques.