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L’intitulé indique une chose certaine : la position est univoque. Quant à la posture épistémologique des auteurs, elle est étayée en autant de points de vue qu’on trouve de collaborations dans ce collectif. C’est d’ailleurs là tout l’intérêt de l’ouvrage, outre l’argumentation et les témoignages eux-mêmes. La question est de savoir quels sont les tenants et les aboutissants de cette opposition : relève-t-elle d’un parti pris idéologique ? D’une table rase misonéiste, qui manifeste de l’aversion pour le changement ? Ou encore, d’une argumentation à laquelle le sens commun peut adhérer ? Pour qui veut faire le tour de la question sur les plans sociologique, épistémologique, historique, didactique, voire syndical et politique, la matière du livre présente directement et nommément, au fil des diverses contributions, les théories, les acteurs et les organismes qui étaient en jeu lors de la préparation et de l’implantation de la réforme de 2000.

C’est ainsi que le lecteur passe d’une macro analyse sociologique à une critique épistémologique de l’approche par compétences ou encore à un témoignage d’enseignant ou de militant syndical. En substance, les divers essais, sans tomber dans le pamphlet, tendent à montrer que des circonstances historiques diverses, voire une conjoncture favorable, ont permis à une pensée réformatrice (et non réformiste) de s’imposer par le fait qu’elle répondait, apparemment du moins, à un besoin. On se rend compte, en faisant la somme des points de vue énoncés, que le bien commun n’était pas toujours le même selon les groupes concernés. On y trouve l’autopsie d’une crise de la transmission, l’autopsie de la prédominance de la subjectivité de l’élève sur la valeur objective des connaissances, ainsi que l’autopsie de l’idée de rendement scolaire, ici entendu sur le plan quantitatif.

Outre son caractère ouvertement polémique, le principal mérite de l’ouvrage est de rassembler, en un tout, ce que le spécialiste ou le citoyen ne perçoit que par bribes dans les divers médias, au gré de débats toujours incomplets. Ce qui nous a semblé le plus étonnant a été de constater à quel point la mise en place de la réforme s’est avéré une affaire plus idéologique que scientifique. Si nous avions à dégager une constante conceptuelle qu’on retrouve comme substrat dans plusieurs de ces contributions, ce serait la dénonciation d’une pédagogie vue comme une réponse épistémologique à peu près absolue à ce qu’on a voulu réformer et, plus précisément et à titre d’exemple, du rejet quasi systématique mais implicite de la mémorisation comme acte d’apprentissage (associée à une tradition passéiste invalidée ?). En bref, selon ces textes, il appert premièrement que les décisions politiques ont été motivées principalement par des considérations pécuniaires. Deuxièmement, les décisions pédagogiques semblent avoir souvent été prises au gré de préjugés misologues (c’est-à-dire de personnes qui répugnent au raisonnement, à l’argumentation), décisions dont les suites ont été assumées par une technocratie peu au fait des conséquences d’un tel paradigme.