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Destiné aux enseignants de tous les niveaux scolaires, ce guide pratique pourrait causer une sorte de révolution copernicienne en enseignement de la biologie. En effet, comme les auteurs l’expliquent dans une première partie, la classification classique proposée par Linné, au XVIIIe siècle, et développée par ses successeurs, qui est encore enseignée dans la majorité des écoles, est maintenant complètement dépassée. Cette classification, qui situait l’être humain au sommet de la création, regroupait les êtres vivants, et particulièrement les animaux, en fonction de la présence ou de l’absence d’attributs possédés par l’être humain : les invertébrés, par exemple, contrairement à l’être humain, n’avaient pas de vertèbres.

Cette classification classique a fait place, depuis les travaux de Willi Henning, en 1950, à une classification phylogénétique qui classe plutôt les êtres vivants en fonction de leurs liens de parenté, en essayant de répondre à la question, inspirée de la théorie de l’évolution : Qui est le plus proche de qui ? Cette nouvelle classification a confirmé l’existence de groupes tels que les mammifères, les oiseaux, les insectes ou les plantes à fleur, mais en a fait disparaître plusieurs autres comme les algues, les gymnospermes, les invertébrés, les poissons et les reptiles.

Cet ouvrage relève l’immense défi de rendre la classification phylogénétique accessible à tous les niveaux scolaires. Il le fait au moyen d’une série d’activités, à la progression finement graduée, qui laisse de côté, surtout au primaire, les espèces d’êtres vivants présentant des ressemblances qui pourraient poser des difficultés insurmontables à de jeunes élèves : un serpent, par exemple, ressemble à un ver de terre, mais c’est parce qu’il a perdu ses pattes au cours de l’évolution. Par ailleurs, bien que certaines activités destinées aux élèves du secondaire traitent des végétaux, l’ouvrage place l’accent sur les animaux parce que les attributs à valeur phylogénétique des plantes sont plus difficiles à observer et à comprendre.

Élaborées à partir d’une plate-forme didactique commune, les activités, qui ont été testées en classe, impliquent un travail autour de collections d’êtres vivants familiers des élèves et des enseignants de la France. Toutes les classifications, présentées à la fois par des ensembles emboîtés et par des arbres, sont magnifiquement illustrées au moyen de dessins d’une très grande précision.

Les enseignants d’autres pays francophones que la France devront faire un effort d’adaptation pour remplacer certaines espèces d’êtres vivants par des espèces de leur région. Ils pourraient déplorer, également, que les classifications les plus simples semblent déséquilibrées et comportent, par exemple, trois espèces d’oiseaux et une seule espèce de mammifères.

Dans l’ensemble, toutefois, cet ouvrage est un véritable tour de force, que tout enseignant intéressé par l’univers vivant devrait se procurer, ne serait-ce que pour cesser de se référer à des catégories comme les invertébrés, les poissons ou les reptiles qui, au XXIe siècle, n’ont plus rien de scientifique. Cet ouvrage montre également, par comparaison avec des recherches et des publications beaucoup moins utiles, à quel point de nombreux didacticiens négligent l’essentiel de leur mission, qui est de découvrir les meilleures façons de faciliter l’enseignement et l’apprentissage des savoirs de leur domaine.