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Décrypter : […] découvrir, pénétrer le sens caché de quelque chose, sa structure, son mécanisme (Larousse, 2009, p. 294). Le titre de cet ouvrage montre bien la visée de ce dernier : offrir, aux enseignants, aux bibliothécaires, aux étudiants en voie de devenir instituteurs ou parents, des repères sur le genre polymorphe (Routisseau, p. 7) que forment les romans pour la jeunesse.

Avec clarté et concision, l’auteure retrace d’abord la genèse de cet ensemble hétérogène, qui est liée à celle du roman (section A, « Le roman pour la jeunesse : approches d’un genre »). On comprend qu’aujourd’hui encore, les romans pour la jeunesse suscitent de vifs débats entre ceux qui les perçoivent comme des outils pour parfaire les compétences linguistiques et cognitives des enfants, ainsi que leur culture littéraire, et ceux qui prônent la lecture plaisir (p. 33), libérée de toute contrainte. En outre, les jeunes lecteurs que se représentent les éditeurs et les auteurs orientent l’écriture de ces derniers, et favorisent la création de collections aux publics ciblés. Routisseau dresse d’ailleurs un état des lieux des romans français et des traductions de romans anglo-américains qui dominent présentement la production éditoriale française. C’est en s’appuyant sur les oeuvres fondatrices que l’auteure parvient à répertorier les catégories romanesques les plus répandues, comme le roman historique, réaliste, policier, initiatique ou fantastique.

À la section B, « Spécificités de l’écriture du roman pour la jeunesse », qui se divise en cinq chapitres, on aborde rapidement les théories de la réception. Même si certains mettent en doute la légitimité d’une écriture qui s’adapte aux compétences supposées limitées de ses lecteurs, il faut néanmoins souligner l’inventivité de celle-ci, dès que les auteurs se jouent de la norme ; par exemple, en faisant intervenir un narrateur personnage, qui explique le sens des énoncés sans nuire à la narration. En analysant avec attention plusieurs citations, l’auteure nous éclaire ensuite sur la notion d’instances narratives explicitée par Genette. La tendance actuelle consiste à publier des romans écrits au je, qui facilitent l’identification du lecteur au héros, et à adopter une structure formelle de plus en plus complexe. Enfin, à l’aide d’exemples tirés de Harry Potter, La Chambre des secrets, Routisseau révèle quelques procédés récurrents en littérature jeunesse, tels le suspens à la fin des chapitres, l’humour ou la présence d’images archétypales propices à l’interprétation.

À notre avis, la dernière section, « Point de vue sur le roman initiatique pour adolescents », où l’auteure établit, entre autres, un rapprochement entre le roman initiatique et l’adolescence, constitue la moins réussie. Certaines affirmations soulèvent plus de questions que de réponses (ex. : Alice n’existerait […] qu’en vertu d’un amour de nature incestueuse de Carroll, p. 150)...

En conclusion, malgré ces réserves, ce guide remplit son mandat : l’auteure synthétise, de manière remarquable, les spécificités de cette […] littérature « adressée » à des enfants (plus ou moins jeunes) (p. 21). Soulignons le recours à plus de 75 oeuvres, parues majoritairement après 2000, pour expliciter les notions abordées. On déplore cependant l’absence, en bibliographie, d’une liste de ces romans, et le survol trop rapide de certains concepts (ex. : « espace transitionnel » de Winnicott [p. 35]), qui risquent de demeurer obscurs pour des néophytes.