Corps de l’article

1. Introduction

Les prises de décisions en matière de protection de la qualité des eaux se situent très fréquemment à l’échelle de territoires de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers de km2. Ces territoires correspondent aux entités de gestion et de négociation entre différents acteurs, notamment dans le cadre de plans de gestion intégrée comme les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) en France, ou des périmètres de protection de captages d’eau superficielle pour l’alimentation en eau potable. Les problématiques de gestion de pollutions diffuses impliquent donc de connaître à ces échelles les facteurs déterminants qui sont du ressort de la vulnérabilité du milieu ou des activités agricoles génératrices de risques.

Dans ce contexte, la modélisation agro-hydrologique apparaît comme un outil particulièrement pertinent pour tester les variables déterminantes d’un système dynamique; elle facilite notamment l’identification des espaces les plus vulnérables et des activités à risque. Pour ce faire, elle doit être suffisamment représentative de la complexité des interactions dans le système hydrologique mais aussi être adaptée à des échelles où la disponibilité des données est souvent réduite (MEROT et DURAND, 1997; CARRUBBA, 2000; HAAG et KAUPENJOHANN, 2001). L’une des finalités de la modélisation est de permettre de simuler l’effet de l’évolution des activités agricoles sur la qualité des eaux à l’échelle de bassins versants. De telles démarches sont développées avec des indicateurs de risques par analyse multicritère (LACROIX et al. 2006), mais les travaux mobilisant un modèle représentant à la fois les composantes agronomiques et hydrologiques comme la complexité des interactions entre les types de sol et les cultures sont plus rares (BORDENAVE et al., 1999; LACROIX et al., 2006; WORRALL et BURT, 1999). Des études ont été conduites dans cette perspective sur l’impact des cultures sur la qualité des eaux par sous-bassin (TRIPATHI et al. 2003) ou sur l’implantation de bandes enherbées le long des cours d’eau (VACHÉ et al. 2002). Cependant, ces travaux n’ont pas intégré le rôle des successions culturales, ni celui du travail du sol. Or, la durée de sol nu en interculture, la complexité des interactions entre sol et cultures, ou encore le labour sont des facteurs déterminant les risques de fuites de polluants dans le milieu.

L’objectif de cet article est de présenter les simulations de changements de pratiques à partir d’un modèle agro-hydrologique sur le bassin versant de la Moine (385 km2) situé dans l’ouest de la France. Le bassin est affecté par les pollutions agricoles qui portent préjudice à l’alimentation en eau potable de l’agglomération de Cholet. Depuis une décennie, la collectivité et les agriculteurs ont développé une concertation sur la gestion de l’eau et les activités agricoles. Néanmoins, les problèmes d’eutrophisation des eaux de surface restent élevés interdisant, certaines années, l’usage de l’eau pour l’alimentation humaine en été. Un partenariat avec des chercheurs a été constitué pour fournir une meilleure compréhension de l’hydrosystème et simuler l’impact de scénarios de changement de pratiques agricoles. Dans un premier temps, un modèle a été mis en place et calé afin de représenter les processus en jeu (BIOTEAU et al. 2002). Le modèle agro-hydrologique semi-distribué SWAT (Soil and Water Assessment Tool) a été retenu pour sa capacité à : a) représenter assez finement les interactions sol-plante-atmosphère (essentielle pour la simulation de changements de pratiques agricoles); et b) intégrer des données disponibles à une échelle moyenne (plusieurs centaines de km2). La mise en oeuvre du modèle a nécessité un important travail de constitution de données spatio-temporelles pour renseigner les variables de contraintes et les observations de terrain inhérentes à la modélisation. Dans un second temps, des pratiques agricoles alternatives ont été introduites de manière à estimer leur efficacité environnementale. C’est cette phase qui est présentée dans cet article.

La première partie est consacrée aux aspects méthodologiques de l’étude. Elle permet de décrire la zone d’étude, le modèle utilisé, ainsi que les données mobilisées pour les simulations. La deuxième partie concerne les résultats de modélisation. Elle permet d’analyser les simulations issues de la phase de calage/validation et de l’introduction des changements de pratiques. Les résultats sont enfin discutés et mis en perspectives avec d’autres travaux sur le sujet.

2. Méthode

2.1 Présentation de la zone d’étude

Le territoire étudié est représentatif d’un contexte régional marqué par la forte présence de l’agriculture. Le bassin versant de la Moine est situé dans la région des Pays-de-la-Loire et est en majeure partie compris dans le sud-ouest du Maine-et-Loire (Figure 1). Ce territoire est occupé par la ville de Cholet dans sa partie médiane.

Figure 1

Situation du bassin versant de la Moine et localisation des stations de mesure.

Location of the studied area and of the gauging station.

Situation du bassin versant de la Moine et localisation des stations de mesure.

Figure 1 (suite)

Situation du bassin versant de la Moine et localisation des stations de mesure.

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Sa morphologie est celle d’un plateau cristallin faiblement incliné vers l’ouest et incisé progressivement par le réseau hydrographique vers l’aval. L’altitude varie de 180 mètres au nord-est à 15 mètres à Clisson, à la confluence de la Moine avec la Sèvre Nantaise. La géologie est constituée de roches métamorphiques, d’âge précambrien ou paléozoïque, affectées par la tectonique hercynienne et injectées d’intrusions granitiques. Le fond des vallées principales est couvert d’alluvions peu épaisses sur une faible largeur, étant donné l’encaissement du réseau hydrographique. Les plateaux de la partie occidentale du bassin sont couverts de loess sur une épaisseur comprise généralement entre 1 à 2 mètres. Le caractère imperméable de la majorité des roches composant le socle entraîne une prépondérance des écoulements de surface ou de faible profondeur, ce qui a pour conséquences une exploitation quasi-exclusive des ressources en eau de surface et une sensibilité de ces ressources aux étiages et à l’eutrophisation.

La moyenne interannuelle des précipitations à Cholet est de 751 mm et la température moyenne est de 11,4 °C (entre 1966 et 1999, source : BD climathèque, MétéoFrance). Ce climat océanique est caractérisé par des précipitations relativement bien réparties sur l’année (maximales en décembre avec en moyenne 80 mm, minimales en juillet avec en moyenne 44 mm) et des températures modérées (moyennes mensuelles de 4,9 °C en janvier et de 18,8 °C en juillet). Le bilan hydrique annuel moyen présente un excédent d’octobre à février s’élevant à 280 mm dans le cas d’un sol avec une réserve utile de 100 mm (LAURENT et ROSSIGNOL, 2003).

L’agriculture est orientée principalement vers l’élevage bovin viande (SCESS 2000). Des élevages hors-sol de volaille sont néanmoins présents sur plusieurs communes (il s’agit d’élevages industriels où les volailles restent enfermées). L’élevage est associé à des cultures fourragères (maïs ensilage et ray grass italien) et, dans une moindre mesure, à des céréales (blé).

La ressource en eau superficielle est exploitée pour l’alimentation en eau potable de l’agglomération de Cholet par deux retenues d’eau à l’amont du bassin (cf. Figure 1). Les gestionnaires de la ressource rencontrent des problèmes de forte eutrophisation en été liés aux apports en phosphore.

2.2 Le modèle SWAT

SWAT (Soil Water Assesment Tool), développé à l’USDA ‑ Agricultural Research Service (ARNOLD et al. 1998; NEITSCH et al. 2000), a été conçu pour des bassins versants de quelques centaines à plusieurs milliers de kilomètres carrés (ARNOLD et al. 1998). Ce modèle physique semi-distribué estime les flux d’eau, de nutriments, de pesticides et de sédiments à la surface du sol, dans la zone racinaire, dans la nappe souterraine et dans les cours d’eau au pas de temps journalier sur des durées pouvant atteindre plusieurs dizaines d’années (Figure 1). La validité du modèle a été testée pour des bassins versants de tailles variées et aux contextes géologiques différents (BIOTEAU et al. 2002; JHA et al. 2003; MANGUERRA et ENGEL 1998; SANTHI et al. 2001; SOPHOCLEOUS et PERKINS 2000; SRINIVASAN et al. 1998; TONG et CHEN 2002; TRIPATHI et al. 2003; VACHÉ et al. 2002). L’accès aux variables et aux paramètres est facilité par le couplage du modèle SWAT 2000 avec un système d’information géographique (GRASS® ou ArcView®).

Les processus hydrologiques simulés dans le sol sont le ruissellement, l’infiltration, l’évapotranspiration, le prélèvement par les végétaux, l’écoulement latéral et l’écoulement vers des horizons inférieurs (NEITSCH et al. 2000). Le ruissellement est estimé selon deux méthodes alternatives : la méthode du Curve Number (CN) du Soil Conservation Service de l’USDA (USDA, 1972; RALLISON, 1981) et la méthode de Green et Ampt (GREEN et AMPT, 1911). Dans le cadre de cette étude, la méthode du CN a été retenue. Ce paramètre est fonction de la culture, du sol et des pratiques agricoles (travail du sol, maintien de résidus en surface, etc.); il évolue au cours de la saison (MANGUERRA et ENGEL, 1998).

L’infiltration verticale d’horizon en horizon dans le sol se produit lorsque la teneur en eau de l’horizon supérieur dépasse la capacité au champ et que l’horizon inférieur n’est pas saturé, le flux est déterminé par la perméabilité des horizons et peut s’inverser. Si le flux provenant de la surface dépasse la capacité d’infiltration, l’horizon se sature et la saturation se poursuit jusqu’en haut du profil, générant ainsi un ruissellement. La percolation à la base du sol alimente la zone non saturée puis l’aquifère peu profond (Figure 2). Ce dernier contribue alors à l’écoulement du cours d’eau avec une fonction de retard tandis qu’une fraction du flux de cette nappe peut alimenter une nappe profonde. Le flux vers cette nappe profonde correspond à une sortie du système, un retour est néanmoins possible via l’irrigation. Les échanges entre la nappe peu profonde et les cours d’eau peuvent s’inverser (par infiltration du cours d’eau dans la nappe), la nappe peut également subir une évaporation à partir du sol (NEITSCH et al., 2000).

Figure 2

Composantes hydrologiques du modèle SWAT.

Hydrological components of the SWAT model.

Composantes hydrologiques du modèle SWAT.

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L’érosion est estimée à partir de la méthode Modified Universal Soil Loss Equation (MUSLE) (WILLIAMS, 1975; WISCHMEIER et SMITH, 1978). Cette équation empirique lie l’érosion au ruissellement : le modèle hydrologique calcule le volume et le pic de ruissellement qui servent alors à estimer quotidiennement l’énergie érosive disponible. L’érodabilité du sol intervient également dans l’équation, elle dépend de la teneur en limons et en matière organique de l’horizon de surface. La topographie est prise en compte par la pente et la longueur de la pente moyenne. Le facteur cultural dépend, quant à lui, de la biomasse aérienne et des résidus de culture à la surface du sol, calculés par le modèle agronomique. Un facteur tient compte, par ailleurs, de l’aménagement des versants comme la réalisation de terrasses ou le tracé de sillons parallèles aux courbes de niveau. L’érodabilité du sol est également liée au travail du sol qui modifie le CN, et, par voie de conséquence, le ruissellement.

Le modèle de croissance des cultures intégré dans SWAT est dérivé du modèle d’EPIC (WILLIAMS et al., 1984). La première contrainte est la somme d’unités de chaleur accumulées. Lorsque celles-ci atteignent les besoins en chaleur des plantes, les cultures parviennent au stade de maturation. La croissance potentielle est fonction de la radiation solaire incidente, de la température quotidienne, de la surface foliaire de la culture (incrémentée chaque jour) et de sa capacité à transformer l’énergie incidente en biomasse. La plante prélève dans le sol l’eau nécessaire à son métabolisme en fonction de ses caractéristiques intrinsèques, de sa surface foliaire, de sa profondeur d’enracinement et de l’eau disponible (ces valeurs étant calculées chaque jour). La croissance est par ailleurs déterminée par la différence entre la teneur en nutriments (azote et phosphore) optimale dans la plante et par leur teneur effective dans la solution du sol. Ainsi, les principaux facteurs extérieurs contraignant la croissance sont la température et la disponibilité en eau et en nutriments.

L’unité spatiale de base aux calculs de SWAT est la HRU (Hydrologic Response Unit). Elle constitue le résultat de la combinaison d’un type de sol, d’une classe d’occupation du sol et d’un sous bassin versant. Dans chaque HRU, les volumes représentés sont le sol, l’aquifère peu profond et l’aquifère profond. Le modèle SWAT suppose que chaque HRU présente un comportement agro-hydrologique homogène. Les transferts estimés pour chaque HRU sont alors sommés par sous-bassin de manière à obtenir un transfert global transmis entre les sous-bassins. Plusieurs données d’entrée sont donc spatialisées (Figure 3) : les cultures ou successions culturales, la topographie, la météorologie, les sols, les lacs réservoirs, les rejets ponctuels (domestiques ou industriels) et les prélèvements d’eau. Le modèle combine à ces données spatialisées des données descriptives comme les pratiques agricoles associées aux successions culturales pour estimer les transferts hors de la zone racinaire (en surface ou en profondeur), dans les nappes et les cours d’eau.

Figure 3

Schéma méthodologique de la mise en oeuvre du modèle SWAT.

Diagram showing the method of application of the SWAT model.

Schéma méthodologique de la mise en oeuvre du modèle SWAT.

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2.3 Données

La Direction régionale de l’environnement (DIREN) réalise des mesures de débit en continu et intègre les résultats au pas de temps journalier à une station (Roussay-sur-Moine) en amont de l’exutoire du bassin versant. Cette station draine une surface de 284 km2, soit 74 % du bassin. Le SATESE (Service d’assistance technique et d’étude aux stations d’épuration) du département de Maine-et-Loire effectue, quant à lui, des prélèvements et des analyses de qualité des eaux accompagnés d’une mesure du débit instantané à une fréquence mensuelle au même point. Les mesures portent notamment sur les concentrations en azote Kjeldhal, en nitrates, en phosphore total et en PO42-. Ces données ont servi à caler puis à valider les sorties du modèle dans le cours d’eau en terme de transferts. Pour cela, les concentrations ont été transformées en flux journaliers en les multipliant par le débit instantané observé et en supposant ce dernier représentatif du jour.

Les données météorologiques utilisées (températures maximale et minimale et précipitations quotidiennes) ont été dérivées des fichiers produits par MétéoFrance dans la base de données « climathèque ».

Les cartes de sol ont été réalisées au 1/50 000 à partir de sondages à la tarière et de fosses pédologiques (BLOT, 2001; EURIAT et TRITZ, 2002; LAURENT et ROSSIGNOL, 2003). Quelques 753 points ont été sondés à la tarière sur la zone d’étude, soit 1 pour 50 ha. La position des sondages a été choisie en cherchant à représenter les différentes classes de pente et les différents substrats lithologiques, selon une logique de toposéquences. Pour chaque sondage, les différents horizons ont été identifiés de façon visuelle et leur classe texturale a été déterminée manuellement. De plus, 19 profils ont été décrits et analysés dans des fosses pédologiques afin de caler les observations à la tarière. Le paramétrage du modèle implique la saisie de l’épaisseur et de la texture de chaque horizon, mais aussi de paramètres hydrologiques non directement observables. En l’occurence, la perméabilité, la masse volumineuse et la réserve utile ont été calculées à partir de fonctions de pédotransfert (RAWLS et BRAKENSIEK, 1985; CURMI et al. 1996; BASTET et al. 1998; LAURENT et ROSSIGNOL, 2003).

Un traitement diachronique à partir d’images HRV de SPOT a permis de constituer une spatialisation de successions culturales sur deux ans (RUELLAND et al. 2004). Quelques 6 images réparties entre 1999 et 2000 et une image de 1997 ont été mobilisées et ont permis de distinguer pour l’année 1999 et l’année 2000 : les prairies permanentes, les prairies temporaires, les cultures d’hiver (représentées en grande majorité par du blé et pour une faible part par du tricitale, de l’orge et du colza), les cultures de printemps (représentées en grande majorité par du maïs ensilage et un peu de tournesol), les zones urbaines et les forêts. Dans le cadre de l’intégration dans le modèle, nous avons fait l’hypothèse que ces successions revenaient sur elles‑mêmes, ce qui constitue une simplification puisque, si certaines successions sont pratiquées effectivement sur deux ans, d’autres sont réalisées en réalité sur trois ou quatre ans. La prise en compte de successions au lieu de simples cultures a toutefois permis de tenir compte de la durée de sol nu et de l’effet des précédents culturaux, éléments déterminant les risques de transfert de nutriments (DEFFONTAINES, 2001; SEBILLOTTE et MEYNARD, 1990).

Enfin, des enquêtes concernant les pratiques agricoles ont été menées sur le bassin en 2001 (BÉZIERS LA FOSSE et al., 2001; CHARPENTIER et al., 2001). Elles ont porté sur un échantillon de 70 agriculteurs répartis sur l’ensemble du bassin versant, représentant 10 % du nombre total d’agriculteurs sur la zone. Les enquêtes ont été exploitées afin de constituer un itinéraire technique moyen par succession culturale sur deux ans (RONDEAU, 2003). Les données qui ont été saisies dans le modèle pour chaque culture sont :

  • la date de semis

  • la date de récolte

  • le rendement moyen

  • pour chaque opération de fertilisation : la date, la nature des apports, la quantité en matière brute et en équivalent azote et phosphore, l’enfouissement ou non des fertilisants

  • le travail du sol (type et date)

  • le devenir des résidus : exportés, laissés sur le sol ou enfouis

  • l’existence ou non d’irrigation ou de drainage.

3. Résultats

Le modèle a été tout d’abord calé et validé par rapport aux mesures de débit afin de représenter au mieux le cycle de l’eau. Les mesures de débit sont disponibles à partir de 1997. La période 2000-2001 a été retenue pour la validation car elle était proche de la période des images satellitaires ayant servies à spatialiser les successions culturales, tout en offrant trois années préalables pour le calage. Ces deux années ont été légèrement plus humides avec une moyenne annuelle de 927 mm contre 858 mm sur 1990-2001. Les rendements des cultures puis les transferts de nitrates et de phosphore ont ensuite été calés avant de tester l’efficacité relative de deux changements de pratiques agricoles : a) l’implantation d’une culture intermédiaire piège à nitrates (moutarde) et b) le passage au semis direct (dite aussi technique du non-labour) avec couverture du sol en hiver par du seigle.

3.1 Résultats du calage et de la validation

Le calage sur 1997-1999 et la validation des débits sur 2000-2001 donnent des résultats satisfaisants avec notamment un indice de Nash de 0,81 sur la Moine pour la période de validation (Figure 4). L’écart entre les cumuls observés et simulés reste faible (5 % sur 2 ans, 2000-2001), ce critère de qualité des simulations est important car la lame d’eau écoulée détermine fortement la fuite des nutriments hors du sol. Le calage respecte les rendements moyens observés pour les principales cultures du bassin. Les teneurs en azote et en phosphore organique du sol sont également bien estimées au regard des mesures de suivi agronomique effectuées dans la région : respectivement 12,7 tonnes/ha et 2,7 tonnes/ha.

Figure 4

Débits simulés (après calage) et débits observés - station DIREN de la Moine.

Simulated flows (after calibration) and observed flows.

Débits simulés (après calage) et débits observés - station DIREN de la Moine.

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La moyenne des concentrations simulées en nitrates au point mesuré par la DIREN dans la Moine s’élève à 22,9 mg.L‑1 contre 22,0 mg.L‑1, pour les observations sur la période 2000‑2001. Les simulations des transferts de nitrates et de phosphore reproduisent de façon acceptable la dynamique observée (Figure 5) même si les coefficients de corrélation R2 sont relativement faibles avec 0,58 pour les nitrates et 0,56 pour le phosphore. Plusieurs pics de nitrates sont sous-estimés et, en ce qui concerne le phosphore, le protocole de mesure du phosphate ne permet pas de saisir les pics de flux qui ont lieu lors de fortes précipitations. La validation des transferts de phosphore est incomplète et nécessiterait de mettre en place un autre protocole de mesure basé sur les flux en période de crue.

Figure 5

Flux de nitrates (en kgN•j‑1) et de phosphore (en kgP•j‑1) à la station DIREN de la Moine en 2000-2001.

Nitrate (kgN•d‑1) and phosphorus (kgP•d‑1) fluxes at the gauging station of the Moine river, 2000-2001.

Flux de nitrates (en kgN•j‑1) et de phosphore (en kgP•j‑1) à la station DIREN de la Moine en 2000-2001.

Figure 5 (suite)

Flux de nitrates (en kgN•j‑1) et de phosphore (en kgP•j‑1) à la station DIREN de la Moine en 2000-2001.

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Les résultats des simulations peuvent être spatialisés par sous-bassin afin d’apprécier la hiérarchie des risques de transfert (Figure 6). Les fuites sont estimées hors de la zone racinaire, c’est-à-dire principalement par infiltration pour les nitrates et par ruissellement pour le phosphore, bien que le modèle évalue qu’une fraction de l’azote migre par lessivage dans les eaux de ruissellement et qu’une fraction du phosphore migre dans les macro-pores du sol. La variabilité des fuites en nitrates et en phosphore entre sous-bassins est conditionnée par la vulnérabilité des sols et par la répartition des successions culturales. Les différences de hiérarchie entre le phosphore et les nitrates s’expliquent par le fait que les sols favorables au ruissellement génèrent des transferts plus élevés de phosphore et réduisent ceux de nitrates en diminuant l’infiltration et en favorisant la dénitrification et, inversement, les sols filtrants réduisent le ruissellement, mode préférentiel de transfert du phosphore, mais favorisent le lessivage des nitrates. Par conséquent, la répartition des sols explique en grande partie les hiérarchies de risques de transfert (Figure 6). Ainsi, les luvisols redoxiques (hydromorphes), largement présents sur les plateaux et caractérisés par un horizon argileux de faible perméabilité, retiennent et dénitrifient l’azote mais sont soumis au ruissellement qui favorise les transferts de phosphore (Tableau 1). Il en va de même pour les fluviosols et les colluviosols qui présentent un risque d’autant plus important qu’ils sont situés à proximité des cours d’eau.

Figure 6

Estimation des fuites d’azote (kgN•ha‑1•an‑1) et de phosphore (kgP•ha‑1•an‑1) hors de la zone racinaire par sous-bassin versant de la Moine en 1997-2001.

Estimation of nitrogen (kgN•ha‑1•y‑1) and phosphorus (kgP•ha‑1•y‑1) export from the root zone for different sub-watershed in 1997-2001.

Estimation des fuites d’azote (kgN•ha‑1•an‑1) et de phosphore (kgP•ha‑1•an‑1) hors de la zone racinaire par sous-bassin versant de la Moine en 1997-2001.

Figure 6 (suite)

Estimation des fuites d’azote (kgN•ha‑1•an‑1) et de phosphore (kgP•ha‑1•an‑1) hors de la zone racinaire par sous-bassin versant de la Moine en 1997-2001.

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Tableau 1

Ruissellement et transferts de phosphore simulés selon le type de sol pour la période 2000-2001.

Simulated runoff and phosphorus fluxes in function of soil in 2000-2001.

 

Ruissellement (mm.ha‑1.an‑1)

Transferts de P minéral par ha de SAU* (kg P.ha‑1.an‑1)

Brunisols

114

0,24

Brunisols lithiques et lithosols

82

0,13

Brunisols redoxiques

89

0,16

Fluviosols et colluviosols

149

0,32

Luvisols redoxisols

140

0,30

Luvisols redoxisols argileux

147

0,34

*SAU : surface agricole utilisable

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3.2 Résultats de simulation de changements de pratiques

Les acteurs territoriaux s’interrogent sur les voies d’amélioration de la qualité de l’eau. Alors que les teneurs actuelles en nitrates sont tout à fait acceptables, le phosphore préoccupe les gestionnaires de l’alimentation en eau potable de l’agglomération de Cholet. Ce nutriment entraîne notamment une eutrophisation des lacs de barrage. Dans ce cadre, la modélisation permet de simuler l’impact de changements de pratiques agricoles sur cette qualité. Les simulations réalisées sur la Moine ont porté sur la couverture du sol en hiver et/ou sur le travail du sol pour l’efficacité qu’elles peuvent avoir à priori sur les émissions de phosphore hors des parcelles (CHAPDELAINE, 2006). Deux scénarios de changement de pratiques ont été testés :

  • L’implantation d’une Culture Intermédiaire Piège À Nitrates (CIPAN) de moutarde : cette culture fixe une partie des reliquats d’azote minéral et améliore la structure des sols, ce qui limite le ruissellement; pour des raisons agronomiques, elle ne peut être implantée sur le bassin que dans les successions maïs–maïs et maïs–blé, soit sur 12 % de la surface agricole utilisable (SAU);

  • Le passage au semis direct (dite aussi technique du non-labour) avec couverture du sol en hiver : cette technique consiste à ne pas travailler le sol, à implanter un couvert hivernal de seigle en septembre et à le détruire avec les adventices éventuelles par un désherbage chimique ou mécanique au printemps. Le semis direct n’est pas toujours associé à un couvert hivernal; la protection du sol est alors réduite. Lorsque le couvert hivernal est pratiqué, le terme de Semis Direct sous Couvert Végétal (SDCV) est employé. D’un point de vue technique, cette pratique peut être mise en place sur toutes les cultures.

Le modèle SWAT permet de tenir compte d’impacts de ces alternatives sur le mouvement de l’eau et des polluants. L’implantation d’un couvert hivernal (en CIPAN ou SDCV) entraîne une augmentation de la matière organique dans le sol suivant une dynamique pluri-annuelle. Les dynamiques du phosphore et de l’azote s’en trouvent ainsi modifiées puisqu’il y a organisation de ces éléments. Le couvert hivernal accroît la porosité du sol que nous traduisons dans le modèle par un CN plus élevé, correspondant aux plantes et aux sols en question, réduisant ainsi le ruissellement.

Les résultats sont présentés au niveau de la station mesurée par la DIREN en aval du bassin (Tableau 2). D’une manière générale, les simulations font apparaître que les transferts en nitrates à la station DIREN ne sont pas réduits par l’implantation d’une CIPAN, et ne le sont que très faiblement (6 %) avec le passage au semis direct. Ceci peut s’expliquer par la faible charge pour cet élément. La différenciation est plus marquée pour le phosphore car sa migration dépend moins des termes du bilan et plus des modes de circulation de l’eau. Le phosphore est facilement adsorbé à la surface du sol, il circule par voie de ruissellement et non par infiltration verticale. Cependant, les simulations alternatives de changement de pratiques n’enregistrent pas la même efficacité sur la période 2000-2001 :

  • L’implantation d’une CIPAN permet d’abaisser les transferts de phosphore globaux sur le bassin de 8 % sans réduction des rendements. Cette implantation est efficace à l’échelle de la succession. Par exemple, pour une succession comme le maïs–maïs sur des brunisols, une CIPAN réduit les transferts de phosphore de 0,99 à 0,68 kg P/ha/an, soit de 31 % (Tableau 3). Cet exemple a été choisi car cette succession présente un risque accru du fait de l’importance de la durée annuelle où les champs sont à l’état de sols nus, par ailleurs les brunisols sont des sols fréquemment cultivés sur le bassin. La diminution des transferts de phospore sc,explique par le couvert hivernal offert par la CIPAN, qui permet de réduire le CN et le ruissellement assosicé, soit 17 % sur cet exemple. Cependant, elle n’est pas réalisable sur toutes les successions pour des raisons de calendrier cultural et ne s’applique donc que sur 12 % de la SAU du bassin, ce qui réduit son efficacité globale;

  • La mise en place du semis direct a été modélisée sur les successions introduisant du ray grass italien, du maïs et du blé, sur 44 % de la SAU. Un couvert végétal de seigle couvre le sol en hiver sur les rotations maïs‑maïs et blé‑maïs. Selon les simulations, le semis direct permet de réduire le ruissellement de 34 % sur l’ensemble du bassin; en conséquence, les transferts de phosphore diminuent de 30 %. En effet, le semis direct accroît la porosité du sol en évitant sa déstructuration par les travaux mécaniques et en favorisant l’activité biologique. Associée à un couvert végétal hivernal, cette technique limite aussi les phénomènes de battance et réduit encore plus fortement le CN et le ruissellement. L’efficacité du semis direct sous couvert végétal atteint notamment un rabattement de 107,5 à 20,6 mm/an, soit 81 % de baisse de ruissellement et un rabattement de 0,99 à 0,36 kg P/ha/an, soit 62 % de baisse de transfert en phosphore pour la succession maïs‑maïs sur les brunisols (Tableau 3). L’efficacité globale du semis direct s’explique également par le fait que ce changement de pratique est applicable aux différentes successions culturales et concerne ainsi des surfaces plus importantes sur l’ensemble du bassin (44 % contre 12 % pour l’introduction d’une CIPAN). Il convient de souligner que le passage au semis direct n’affecte pas les rendements simulés.

Tableau 2

Transfert de nutriments simulés dans la Moine à la station DIREN en 2000-2001.

Simulated nutrient fluxes in the Moine river at the DIREN gauging station in 2000-2001.

 

Transferts de nitrates (kg N‑NO3/an)

Transferts de P minéral (kg P/an)

Pratiques moyennes 2000

450 917

39 490

Avec CIPAN

448 013

36 022

Avec (SDCV)

422 458

27 292

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Tableau 3

Transferts de nutriments et ruissellement simulés pour la succession maïs-maïs sur des brunisols en 2000‑2001.

Simulated nutrient fluxes and runoff for corn–corn succession in brunisols in 2000-2001.

 

Transferts de nitrates (kg N‑NO3/ha/an)

Transferts de P minéral (kg P/ha/an)

Ruissellement (mm/an)

Pratiques moyennes 2000

18,9

0,99

107,5

Avec CIPAN

15,1

0,68

89,5

Avec (SDCV)

14,2

0,38

20,6

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4. Discussion

L’étude présente certaines limites. En premier lieu, la validation des résultats sur la zone d’étude souffre d’un manque de mesures que ce soit en termes de fréquence, de spatialisation (validation en des points expérimentaux intermédiaires) ou de représentation des compartiments successifs du cycle de l’eau. Ainsi, les migrations dans le sol ou à sa surface, les sorties sous-racinaires ou les transferts dans les nappes n’ont pas fait l’objet de mesures qui permettraient d’évaluer les sorties du modèle. Une telle validation nécessiterait une instrumentation dense et sur une longue durée. Par exemple, l’évaluation des résultats pour le phosphore repose sur des données de validation issues d’un protocole de mesures inadaptées pour un nutriment migrant principalement lors d’évènements pluvieux intenses. D’autre part, le paramétrage du modèle pourrait être amélioré. Il conviendrait ainsi de spatialiser les pratiques agricoles telles que les apports de fertilisants qui varient selon la charge animale. Enfin, bien que SWAT soit un modèle à base physique, certains phénomènes sont représentés par des fonctions empiriques, comme, par exemple, le ruissellement déduit de la méthode du Curve Number et l’érosion obtenue par la MUSLE. Si le modèle offre un certain réalisme conforté par les mesures à l’exutoire du bassin versant, il ne peut cependant prétendre à une représentation de toute la complexité du système. Ainsi, il convient de considérer les sorties davantage comme des indicateurs de risques de transfert que comme des grandeurs réelles. En tenant compte de ces réserves, la simulation de changements de pratiques souligne les intérêts environnementaux que pourrait présenter le semis direct.

La question se pose alors de savoir si les tendances obtenues convergent ou non avec les résultats de mesures effectuées dans d’autres régions et à l’échelle parcellaire. Des travaux ont, par exemple, montré les effets positifs du semis direct pour la conservation des sols comme pour la réduction des fuites de nutriments et de produits phytosanitaires dans les régions tropicales (SÉGUY et al., 2001). Des essais conduits en zone tempérée (BLEVINS et al., 1983) aboutissent aux mêmes effets, surtout quand le semis direct est accompagné d’un couvert végétal en interculture (Semis Direct sous Couvert Végétal, SDCV). La technique favorise l’organisation de l’azote (son passage sous forme organique et non minérale) et limiterait donc la forme minérale lessivable. Avec le semis direct, la quantité d’azote s’accroît dans le sol, mais il s’agit d’un stockage sous forme organique, alors que la quantité labile, minérale, essentiellement sous forme de nitrates, décroît à l’inverse. En expérimentant pendant plus de 10 ans sur deux parcelles voisines, l’une en labour conventionnel, l’autre en semis direct, des agronomes ont aussi mis en évidence que la suppression du travail du sol lors de l’implantation automnale d’une céréale divise quasiment par deux le niveau des teneurs en nitrates du sol (THOMAS, 2006). En complément, la meilleure structuration du sol permet de mieux conserver l’azote disponible dans le profil supérieur. C’est l’organisation verticale, qui limite le lessivage, avec des macro-pores pour évacuer rapidement l’excès d’eau gravitaire sans qu’elle entraîne la solution stockée dans les agrégats. Pour le phosphore, le travail du sol est déterminant car il affecte la sensibilité du sol à l’érosion, principal responsable de la fuite du phosphore dans le réseau hydrographique. Le semis direct permet de maintenir les agrégats argilo-humiques. La protection de la structure du sol apparaît comme une des pratiques les plus efficaces pour les sols argileux et limoneux. Sur les sols sableux, les conditions d’application des fertilisants semblent plus déterminantes (CATT et al., 1998; ULEN et JAKOBSSON, 2005).

Il est souvent argumenté que la technique du semis direct implique fréquemment l’emploi plus élevé d’herbicides pour lutter contre les adventices. A notre connaissance, il y a une certaine diversité de pratiques : certains agriculteurs visant uniquement à une simplification de leur travail recourent en effet plus massivement aux herbicides qu’en système conventionnel, d’autres ayant une vision plus systémique cherchent au contraire à réduire les intrants dont les herbicides par un raisonnement des couverts hivernaux et des rotations. Des enquêtes que nous avons réalisées auprès d’agriculteurs pratiquant le semis direct sous couvert végétal montrent ainsi une diminution de 60 % de la consommation de pesticides lorsque le couvert hivernal est détruit mécaniquement ou par le gel (ce qui n’est pas pratiqué par la majorité des exploitants) et grâce au paillage constitué par les résidus qui réduisent le développement d’adventices (ceci est systématique avec le SDCV). Les bonnes pratiques de semis direct s’appuient également sur des rotations adaptées qui réduisent le développement des adventices.

La question des quantités d’herbicides employées ne devant pas être écartée, il convient cependant de souligner que des sols mieux structurés et enrichis en matière organique réduisent les transferts de pesticides. RÉAL et al. (2005) indiquent que les fuites de produits phytosanitaires sont abaissées avec le semis direct du fait de l’enrichissement de l’horizon de surface en matière organique. Différents phénomènes expliquent la baisse des risques de transfert :

  • Le semis direct limite les phénomènes de ruissellement sur des sols sensibles à la battance et favorise la circulation de l’eau en profondeur, ce qui modifie, par voie de conséquence, les conditions de transfert des produits phytosanitaires (HALL et al., 1989; ISENSEE et al., 1990):

  • La présence de résidus de récolte, constituant un mulch à la surface du sol, protège les agrégats de l’impact des pluies (effet de «splash») qui les désagrégent et conduisent à la formation d’une croûte de battance peu perméable favorable au ruissellement hortonien;

  • L’activité biologique accrue favorise l’infiltration dans les horizons inférieurs : la biomasse lombricienne et de micro‑arthropodes augmente avec le semis direct, ces organismes créent des galeries qui sont rompues par le labour; ainsi, différents auteurs (GASTON et al., 2003 HALL et al., 1989; ISENSEE et al., 1990) ont pu noter en semis direct une meilleure infiltration de l’eau et un piégeage dans le sol de molécules de phytosanitaires (leur caractère adsorbable limite dans une certaine mesure leur migration au sein du sol, bien que des molécules soient observées dans les nappes souterraines, elles le sont moins fréquemment et à moindre concentration que dans les écoulements de surface);

  • L’enrichissement de l’horizon de surface en matière organique accroît l’adsorption des molécules de produits phytosanitaires (GASTON et al. 2003) ce qui réduit leur transfert et favorise leur dégradation.

Cependant, ces résultats sont à nuancer selon les molécules employées, la période de leur application et le contexte pédo-climatique. RÉAL et al. (2005) présentent les résultats de fuite de produits phytosanitaires sur le site expérimental de la Jaillière. Les produits phytosanitaires appliqués au printemps et en été sont moins mobiles avec les techniques sans labour, mais avec des applications en hiver et en automne sur des sols proches de la saturation en eau, l’avantage est au labour.

5. Conclusion

La modélisation conduite sur le bassin de la Moine a permis de mieux cerner les relations entre sols, cultures et pratiques culturales. Elle est fondée sur un certain nombre d’hypothèses et de simplifications du fait de la conception même du modèle et de la difficulté d’accéder à des données permettant une validation spatiale. La validation du modèle s’est appuyée sur des mesures avec des lacunes, notamment en ce qui concerne le phosphore, dont le protocole de mesure ne permet pas l’observation des flux en période de transfert massif. Il sera nécessaire, dans des applications futures de ce modèle, de s’appuyer sur des mesures issues de protocoles plus adaptés.

En tenant compte de ces réserves, la modélisation avec ce type d’outil apparaît comme un moyen, d’une part, de mieux comprendre les phénomènes et, d’autre part, de tester l’efficacité de pratiques alternatives.

En effet, les différences de hiérarchie spatiale dans l’évaluation des transferts entre les nitrates et le phosphore offre une certaine compréhension des facteurs déterminants et notamment du rôle du sol. Elles montrent également qu’il est difficile d’agir sur les conditions de transfert des nitrates et du phosphore simultanément : réduire le ruissellement au profit de l’infiltration est efficace pour lutter contre les transferts de phosphore mais pourrait, dans certaines conditions, accroître le lessivage des nitrates. Les actions sur les transferts doivent être associées à un meilleur raisonnement des apports de fertilisants.

Par ailleurs, la simulation de l’impact de changements de pratiques sur la qualité des eaux constitue un intérêt réel de la modélisation. Ce potentiel nous semble particulièrement utile dans des démarches prospectives où les acteurs souhaitent optimiser la localisation et le choix des actions. En l’occurrence, nous avons pu évaluer les différences d’efficacité du SDCV et d’une CIPAN pour réduire les transferts de phosphore. D’après ces simulations, le semis direct sous couvert végétal permet, sans baisse significative de rendement, de réduire considérablement les transferts de phosphore en protégeant les sols contre le ruissellement et constituerait ainsi une voie intéressante pour la reconquête de la qualité des eaux. Pour confirmer ces résultats, il serait pertinent de mettre en place des opérations pilotes sur un sous-bassin avec des agriculteurs intéressés par cette pratique afin de valider son efficacité au moyen de mesures de l’évolution des transferts de phosphore et de nitrates dans les fossés et dans les cours d’eau.