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Introduction

La question de la ville comme préoccupation majeure des sciences sociales et humaines s’impose car elle est l’expression d’un phénomène dominant pour définir l’habiter des sociétés, mais aussi parce que se jouent, dans la ville, à la fois le « vivre ensemble » qui interroge le politique, les tensions entre les individus et les groupes qui renvoient aux mutations sociales et les valeurs culturelles qui se négocient en permanence. Le champ d’investigation de cette question étant si étendu, la sociolinguistique comme la géographie en ont fait des spécialités disciplinaires. Pour que la rencontre soit possible, il fallait un prétexte et une perspective. Le prétexte tient dans l’idée de travailler sur la signalétique de magasins. La perspective est celle d’un terrain, celui d’un quartier de Montpellier, travaillé de concert. Pouvons-nous lire dans l’espace urbain ce qui se joue actuellement dans la ville, en se concentrant sur une partie seulement de ce qui est donné à voir, à savoir les enseignes de magasins ? À partir d’une analyse linguistique des devantures des pas de portes, nous tenterons d’apporter une perspective géographique sur le sens que l’on peut offrir, en termes de configurations spatiales, à ces agencements langagiers tout à fait particuliers. Parce que ce travail débute et que l’interdisciplinarité exige des apprentissages réciproques, la présente étude évoquera uniquement un ensemble de rues et de places qui traversent depuis le centre-ville vers la périphérie montpelliéraine le quartier Figuerolles, avec un corpus composé de 210 devantures de magasins. Dans un premier temps, l’explicitation du projet de recherche permettra de dire en quoi, sur cette question, une rencontre disciplinaire est possible et ce que cette rencontre proposera de mettre en débat. Dans un second temps, à partir des analyses linguistiques, nous montrerons les particularités identificatoires et spatiales du quartier. Tout cela pour caractériser l’espace de Figuerolles et confirmer l’intérêt d’une telle démarche de recherche qui pose comme principe que le langage de la ville est aussi celui de tout un chacun et qu’il existe bien dans la signalétique utilisée tous les composants de la ville en train de se faire.

1. Sociolinguistique urbaine et géographie sociale, pour une rencontre possible

1.1. Croisements théoriques et méthodologiques

Ce projet est né de la volonté de croiser des méthodes de recherche de disciplines différentes, celles de la sociolinguistique urbaine et celles de la géographie sociale. La sociolinguistique urbaine, aujourd’hui en pleine recherche de sa substance propre et de ses contenus définitoires, semble aborder l’analyse de la ville selon deux grands axes. Qu’elle soit « posée », « racontée », « révélée », « cheminée », « territorialisée » (Moïse, 2003), la ville peut se dire à travers les langues et/ou les discours. Langues dans la ville et discours sur la ville. Une première approche de la sociolinguistique urbaine en France, largement développée par Louis-Jean Calvet (1994) et autour des travaux sur le plurilinguisme menés dans les pays africains, porte sur les pratiques linguistiques des locuteurs et leurs usages des langues, usages territorialisés qui façonnent et définissent des frontières dans la ville. Une seconde approche s’intéresse davantage aux discours des habitants ou des professionnels de la ville, qui à travers cartes mentales, représentations et imaginaires urbains « produisent » de la ville, inscrite dans la réalité des pratiques sociales et donc des pratiques spatiales. Mais d’une façon comme d’une autre, si la ville existe par l’étendue qui la constitue, elle se trouve produite, redéfinie, circonscrite à travers les discours[2]. Les géographes sociaux l’ont bien compris eux qui depuis les années 1980 ont commencé à questionner la ville à travers les représentations que s’en faisaient les habitants. C’est sans doute à la croisée des discours que peuvent se rencontrer les sociolinguistes et les géographes, quand les uns et les autres estiment que « l’espace est constitutif du social » (Bulot et Veschambre, 2004), tant le sociolinguiste considère les actes langagiers comme des pratiques sociales qui vont s’inscrire dans des espaces pour les dire et en marquer les frontières, tant le géographe va chercher à travers les discours ce qui constitue à la fois des comportements urbains singuliers tout en révélant des pratiques et des représentations urbaines génériques (Lajarge, 2003).

La façon de vivre le terrain est un autre point de rencontre fondamental. Nous ne pouvons faire l’impasse les uns et les autres d’une démarche ethnographique dans une optique d’investigations empirico-inductives. Les cheminements dans la ville, les notes, les observations et la lenteur des parcours laissés au hasard participent de la construction de notre analyse[3]. S’est posée très vite pour nous la délimitation de l’objet, circonscrit à travers des critères jugés a priori comme opérants et signifiants mais qui – paradoxe inexorable de la recherche – modifient le réel quand on voudrait le saisir dans sa plus grande diversité. Tâche impossible si l’on n’admet que nos observations n’ont de validité que passées au filtre de nos dispositions.

1.2. La question du quartier

Il nous a fallu choisir un « quartier ». Lequel ? Le « quartier » existe en discours, comme le montre l’analyse des textes du XIIe au XXe siècles analysés à partir du corpus Frantext (Branca-Rosoff, 2001), vu de l’intérieur (« mon quartier ») ou de l’extérieur (« Les quartiers »). « Mon quartier » serait organisé autour des lieux, des acteurs ou des activités qui le constituent[4]. Vus de l’extérieur, les quartiers, en prise avec les représentations, seraient identifiés à travers certaines activités — économiques, religieuses, professionnelles —, des situations spatiales (centre ou périphérie) et des formes d’évaluation – valorisation ou stigmatisation. La géographie a longtemps considéré les quartiers comme des entités de base assez homogènes socialement, formellement, structurellement pour être identifiées en tant que telle et identificatrices en tant que portion de ville. Mais il est malaisé de réduire cette homogénéité, largement assise sur le principe de proximité, à un espace clos parce que précisément délimité. Les interrelations sociales partout dans la ville et en dehors d’elle ont obligé à relativiser la force de la notion de quartier sinon dans la sphère des mythologies spatiales (Lévy et Lussault, 2003). On retrouve finalement à travers la mise en discours les réalités sociales analysées par les géographes et cette double tendance, à la fois à l’éclatement des pratiques dans des espaces de plus en plus grands (urbains, périurbains et méta-urbains) et à la recherche identificatoire au « modèle villageois » d’interconnaissance et d’ancrage dans un lieu, modèle considéré rassurant. C’est à la croisée de toutes ces dimensions que va exister le quartier, qu’il va se dénommer et faire sens pour les habitants.

Parce que nous pensons pouvoir confronter deux visions, deux expériences et deux postures scientifiques différentes, nous avons choisi le quartier « Figuerolles » à Montpellier, par sa richesse d’analyse potentielle. Quartier en mutation, quartier ancien et populaire, quartier multiculturel, il nous offrait une vision extérieure/intérieure, Romain Lajarge n’étant pas de Montpellier, Claudine Moïse habitant le quartier. D’un point de vue politique avec la mise en place en 1999 de l’agglomération de Montpellier, le quartier Figuerolles s’est vu englober dans « un quartier » plus large nommé par la Mairie « quartier Montpellier centre »[5]. On aurait donc un quartier dans le quartier.

Après des années consacrées à l’équipe de quartier et à l’amélioration de la qualité de la vie, Montpellier entreprend aujourd’hui un vaste projet d’aménagement dans le quartier centre. Fort de plus de 70 000 habitants celui-ci comprend, outre l’Ecusson, coeur historique de la ville, les quartiers Boutonnet, Beaux-Arts, les Aubes, Antigone, Comédie, Gare, Gambetta, Figuerolles et Arceaux et constitue incontestablement un centre de vie pour tous les Montpelliérains.

Site Web officiel de la ville de Montpellier

Sur les cartes de la ville, il n’est pas tracé par des frontières bien définies même si des axes pourraient en marquer la limite, l’avenue de la Liberté (voie express connectant l’ouest montpelliérain à l’autoroute A9), le boulevard Renouvier, le boulevard Berthelot.

Le quartier Figuerolles dans la configuration urbaine montpelliéraine présente quelques intérêts majeurs pour le présent travail : quartier de faubourg en contact immédiat avec la vieille ville, il possède les caractéristiques morphologiques et fonctionnelles de ces anciens quartiers émergents aux portes des villes, au-delà des remparts, comme des excroissances de la ville liées aux échanges marchands avec les voyageurs de toute sorte. Depuis le XIXe, la ville a continué de croître englobant les faubourgs et les prolongeant par des quartiers résidentiels puis par des banlieues plus ou moins distendues. Mais la vocation de ces quartiers s’est profondément transformée sachant que Figuerolles comme Courreau sont des quartiers organisés autour de rues en alignement avec quelques grands axes de sortie de ville (voir Carte 1).

Carte 1

Plan du Quartier Figuerolles, Montpellier

Plan du Quartier Figuerolles, Montpellier

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D’ailleurs, le plan de circulation à l’ouest du centre-ville ancien donne des indications utiles à la compréhension du fonctionnement d’un tel quartier : les grands axes qui traversent le quartier de Figuerolles sont en sens unique et dans le sens du centre vers la périphérie. Seul le faubourg Figuerolles lui-même est à double sens et peut être utilisé pour rejoindre le centre depuis les périphéries de l’Ouest (quartiers de La Chamberte, du Roc de Pezenas, de La Bouisse) ; mais la largeur de la voie et la connexion à des voies plus roulantes après Plan Cabane interdisent de fait de considérer cet axe comme une pénétrante principale pour Montpellier. Figuerolles, sa rue, le quartier, la circulation qui l’affecte se trouvent donc dans un entre deux. Ni lié à la centralité (avec les fonctions symboliques qui la caractérisent), ni lié à la périphérie (avec la dominante résidentielle qui la caractérise), le quartier de Figuerolles est un espace urbain de transition. Une des questions que nous nous poserons ici sera donc celle de savoir entre quoi et quoi il fait la transition. Les activités commerciales ou artisanales sont concentrées sur l’axe principal, les rues secondaires et ruelles adjacentes n’ayant que des fonctions d’habitat. Que peut-on dire sur la ville en mouvement à partir de l’analyse d’un tel espace de transition et que nous apprend la signalétique commerciale[6] sur ce qui constitue la transition ?

Bien entendu, nous considérons que les seules enseignes ne peuvent suffire et que le quartier devra être saisi par ce qu’en disent les habitants et donc par sa mise en discours, les histoires racontées, les imageries véhiculées. Il semblerait que le coeur de Figuerolles soit Plan Cabane avec son marché, souvent nommé à lui tout seul « quartier ». Il serait souvent identifié (Faure, 1997) aux mouvements migratoires et au commerce, aujourd’hui représentés par une population d’origine arabe[7]. Le quartier se définit aussi par des pratiques urbaines spécifiques et des lieux de rassemblement, des associations, des mouvements de citoyens qui permettent de dire qu’il n’y a pas là un désengagement, une disparition ou une déshérence. En ce sens, Figuerolles existe à travers certains éléments repérables et repérés, une association Drôle de Figue, un marché, des commerces, Mounir, des bars, La pleine lune. Cependant, la seule visite de ce quartier indique bien l’absence d’une reconquête réelle de cet espace par la puissance publique. Peu de traces d’opérations urbaines, pas d’aménagements spécifiques, pas d’équipements structurants, il est patent que ce quartier n’est pas une priorité dans la restructuration urbaine montpelliéraine. Rien d’étonnant à cela, tant il est sûr que les politiques urbaines aujourd’hui (que ce soient les Grands Projets de Ville ou les Contrats d’Agglomération) sont mal à l’aise avec le statut des anciens faubourgs non encore ingérés par un fonctionnement de ville centre. Dépossédé du statut de places commerciales secondaires et ne servant plus à accueillir des fonctions artisanales non désirées en centre-ville, le faubourg est livré soit à des stratégies individuelles de positionnement, notamment du point de vue commercial puisque la proximité de fait avec l’hyper-centre (la place de la Comédie se trouve à moins de 10 minutes à pied) peut présenter un avantage comparatif, soit à des stratégies spéculatives notamment en anticipation d’extensions de l’hyper-centre vers l’Ouest après plusieurs décennies d’expansion de Montpellier-centre vers l’Est et Le Lez. En attendant que le quartier retrouve un statut dans le système urbain centre, un grand nombre des activités qui s’y déroule relève de la vie quotidienne de ses habitants. L’analyse des enseignes va donc nous permettre de dire en partie par qui ce quartier est habité, comment la vie s’y déroule, avec quoi les habitants sont incités à consommer sur place, par quoi la vie « de quartier » peut éventuellement s’organiser.

1.3. Problématique

Puisqu’il s’agissait de croiser sociolinguistique urbaine et géographie sociale, notre travail commun pouvait se construire à travers les discours des habitants. La contrainte – mais la contrainte est toujours salutaire, pourvoyeuse de rigueur et d’invention – était de travailler sur la signalétique, réduite pour notre étude aux enseignes de magasins, limite arbitraire mais nécessaire. Nous avons donc considéré notre corpus des enseignes à la fois comme discours produits par les commerçants et comme marquage significatifs des pratiques de cet espace urbain. « Le marquage représente une forme de la matérialisation de l’identité, à la fois individuelle et collective » (Bulot et Veschambre, 2004).

Il s’est agi ici de voir, par l’analyse linguistique, ce que les enseignes des magasins pouvaient dire de l’espace urbain et du quartier Figuerolles. Définissent-elles des lieux, que disent-elles des espaces mis en jeu, que construisent-elles territorialement ? Sont-elles signifiantes de l’histoire du quartier et de la façon de vivre l’espace ? Sont-elles représentatives des images urbaines et lesquelles ? Si elles peuvent exprimer, comme le montre l’important travail d’analyse fait dans la ville de Grenoble sur les enseignes de commerces et leur signification (Lucci, 1998 ; Lucci et Millet, 1998), à travers un écrit iconique, « l’identification de l’auteur », une « signature et un autocentrisme » et « une spécificité géographique, centre ville / banlieues », elles peuvent aussi permettre de rendre compte des limites d’un espace urbain, d’un quartier ou tout au moins de la nature du continuum qui constitue l’espace de transition entre un centre dense et actif avec une périphérie distendue et moins active. Du moins, c’est ce que nous tenterons de montrer, de façon modeste et exploratoire ici. Nous nous sommes donc placés du côté du passant, de l’image reçue et perçue, discours réduit et crypté, ouvert à toute interprétation puisque saisi uniquement du côté du récepteur. Il faudrait dans une seconde étape croiser cette approche avec celles des images et intentions des commerçants eux-mêmes, à savoir la façon dont ils cherchent à dire leur espace, à se l’approprier pour produire des frontières symboliques.

S’est posée aussi la question de la constitution du corpus sans savoir ce qu’est Figuerolles, sans avoir saisi les représentations des habitants, sans connaître les pratiques du quartier. Nous avons choisi, après avoir cheminé dans les rues et la ville, l’axe du Faubourg Figuerolles, le plan Cabane et avons débordé sur le Faubourg du Courreau, pour voir dans quelle mesure les ruptures étaient tangibles et pouvaient, ou pas, rendre compte de passages, de changements d’espace et donc modifier les représentations du promeneur, de l’habitant, du consommateur, de l’usager de ces espaces.

1.4. L’enquête et le corpus

Nous avons d’abord pris le temps de sillonner la ville pour nous rendre dans le quartier Figuerolles à partir du centre ville, de la place de la Comédie. Selon nos interlocuteurs à la mairie et au syndicat d’initiative, le parcours le plus usuel est celui qui emprunte l’axe de la grand rue Jean Moulin puis celui du cours Gambetta, qui fait figure par son architecture et l’organisation de la circulation d’axe traversant et de dégagement vers la sortie de la ville. En même temps, c’est à l’interaction du Faubourg du Courreau que se trouve le fameux marché de Plan Cabane, considéré comme une entrée dans le quartier mais aussi un lieu moins central parce qu’il est la jonction entre deux axes, un entrant depuis le Sud-Ouest et l’autre sortant vers le Nord-Ouest. On ne nous a pas mentionné l’entrée dans le quartier par le Faubourg du Courreau qui prolonge le Faubourg Figuerolles et donne sur le marché du Plan Cabane et qui pourrait être perçu comme partie intégrante du quartier, bien qu’il n’en fasse pas partie officiellement dans le découpage municipal. C’est pour cela, comme nous l’avons dit, que nous avons décidé de constituer notre corpus autour des axes Faubourg du Courreau/Faubourg Figuerolles pour essayer de vérifier notre hypothèse d’espace de transition entre le Faubourg du Courreau qui « faisait » ou pas quartier avec Figuerolles.

Le quartier Figuerolles, pour les touristes que nous aurions pu être, nous avait été présenté avec quelque retenue comme un quartier sans intérêt (sous-entendu architecturalement) et dans lequel on ne pourrait rien voir en particulier (entendu du point de vue évènementiel). La personne du syndicat d’initiative, qui y avait habité et en gardait un bon souvenir, finit par nous dire que la population y était « exotique » avec des « boubous qui vendent des produits de là-bas », mais comme ailleurs dans d’autres quartiers a priori plus intéressants. Lors d’une première journée, nous avons arpenté le cours Gambetta, le faubourg du Courreau, le faubourg Figuerolles et les rues adjacentes ; au-delà de la signalétique, il est quelques impressions ressenties par le promeneur extérieur au lieu. Il est aisé de constater d’abord que ce qui caractérise cet espace urbain de transition entre un centre bien identifié et une périphérie très différenciée, à savoir la présence d’axes routiers structurants et reliant des espaces d’agglomération très périphériques avec les grands boulevards intérieurs du centre-ville, est une surimposition. L’espace vécu est piétonnier, de proximité, linéaire. En surimposition sur cet espace vécu, le cours Gambetta est très roulant avec juste quelques feux, connecté à un parking souterrain, avec des panneaux indicateurs pour sortir de la ville. On comprend assez vite que, probablement, les pratiques de Figuerolles ne sollicitent pas des arrêts de la part des urbains en transit. En tout cas, à l’analyse des enseignes, force est de constater qu’aucun « grand magasin » ne pourrait permettre d’identifier des liens entre les pratiquants locaux de ces lieux et des pratiquants de passage dans ces lieux, le magasin TATI mis à part.

Le deuxième point qui s’impose rapidement à l’observateur extérieur tient dans la graduation de l’intensité des pratiques urbaines le long de l’axe des Faubourgs Courreau et Figuerolles : une grande concentration d’enseignes au début du Faubourg du Courreau, avec progressivement des marqueurs plus faibles de l’activité de quartier en arrivant au bout du Faubourg Figuerolles, appelé le Haut de Figuerolles. Cette progressivité est renforcée encore par l’effet de barrière que produit le passage sous la voie express du Faubourg Figuerolles. À partir de ce pont, la moindre présence commerciale, la taille plus faible du bâti, la présence en plus grand nombre d’anciennes implantations abandonnées (avec des traces presque complètement effacées sur les façades) indique que le haut de Figuerolles n’est pas de même nature que le bas avec Plan Cabane et Courreau comme si se figurait là une frontière invisible entre d’un côté l’espace parcouru à pied, de proche en proche, à la manière des quartiers centraux et de l’autre un espace plus distendu, parcourable en voiture, connectable aux grandes voies de circulation urbaine, à la manière de ces quartiers d’habitat collectif qui font suite à Figuerolles lorsqu’on va plus vers l’Ouest.

Dans tous les cas, le visiteur occasionnel constate que Figuerolles est en déconstruction, c'est-à-dire non saisi par une logique d’ensemble qui doterait le quartier d’une homogénéité et d’une cohérence interne forte. Mais il n’est cependant pas possible de dire qu’il est déconstruit puisque de nombreux marqueurs de sens font jour ; en premier lieu, des significations qui apparaissent nettement, la présence d’inscriptions plus ou moins bien assumées d’un ancrage dans des cultures lointaines, principalement maghrébines. Noms de magasins, panneaux, affichettes et prix en langue arabe font penser que se mélangent dans ce quartier des cultures nombreuses, donc des manières différentes d’occuper l’espace, de s’inscrire dans l’espace urbain, d’énoncer l’espace urbain. Le quartier, avec ses échoppes et ses ateliers, ses petites maisons d’habitat collectif et ses nombreuses places commerciales a été déconstruit pour superposer de multiples systèmes d’inscription dans le quartier que nous pensons interprétables par une analyse précise des enseignes.

Dans un deuxième temps, nous avons donc choisi de photographier toutes les enseignes des magasins du Faubourg du Courreau au Faubourg Figuerolles. Le découpage arbitraire s’est fait en fonction de la configuration urbaine : Faubourg du Courreau / Plan Cabane / début du Faubourg Figuerolles et rue Daru / Place Salengro / Faubourg Figuerolles. Le Faubourg du Courreau s’étend sur 350 mètres et le Faubourg Figuerolles sur 800 mètres environ. Nous avons 82 enseignes pour le Faubourg du Courreau, 9 pour le Plan Cabane, 38 pour le début du Faubourg Figuerolles et la rue Daru, axes parallèles, 20 pour la place Salengro et 61 pour la suite du Faubourg Figuerolles.

2. La référence identificatoire

Nous avons mené tout d’abord une analyse des enseignes d’un point de vue linguistique et nous nous sommes attachés plus précisément à l’étude des figures rétho-orthographiques (Lucci et Millet, 1998) centrales[8].

2.1. Fonctionnement général des enseignes

2.1.1. La question référentielle

Les enseignes répondent à des constructions syntaxiques particulières qui prennent, selon les cas, des valeurs référentielles spécifiques. Ainsi, l’expression référentielle – ce à quoi renvoie le signe, dans la réalité et l’imaginaire des commerçants eux-mêmes – les locuteurs – et des habitants ou promeneurs de la ville – les interlocuteurs –, va être orientée par la mise en mots. On sait combien, hors de l’énoncé, le signe n’a pas de référent. La situation d’énonciation ici se construit justement à travers l’espace (en même temps que l’enseigne, qui fait référence, crée l’espace) situé et façonné par le magasin lui-même, les magasins environnants, les passants dans toutes leurs formes d’interactions, les marques urbaines, l’habitat, les circulations et mouvements, etc. C’est dans cet espace de monstration mais aussi représenté que les enseignes prennent tout leur sens et toute leur valeur.

Les enseignes jouent aussi inéluctablement, comme dans tout acte de communication, sur les connaissances, l’histoire et les représentations de l’interlocuteur. Les mots n’auront pas tous la même charge culturelle partagée (Galisson, 1991). Et l’imaginaire sur le quartier sera d’autant plus foisonnant (qu’il soit valorisant ou dévalorisant) qu’il sera alimenté – via les enseignes entre autres – par des méconnaissances référentielles et culturelles communes. Dans ce cas, le référent invoqué par le locuteur – le commerçant – ne pourra trouver qu’un écho fantasmé, hors de toute réalité vécue et repérable par l’interlocuteur, et être le jeu des représentations et des discours en circulation. En même temps, la valeur référentielle donnée à voir se trouve imposée, sans modalisation, négociation ni ajustement possibles, cela de façon d’autant plus prégnante que la situation d’énonciation dans laquelle s’actualisent les enseignes de magasins est asymétrique. Si les destinataires, les passants, les clients sont bien visés par le locuteur – ils ne sont ni « indirects », ni « aléatoires » (Kerbrat-Orecchioni, 1980 : 23) –, ils restent non-loquents (sans possibilité de prise de parole) dans un acte de communication unilatéral. Le locuteur, par l’enseigne du magasin, offre – ou impose – dans l’espace public son univers de référence culturel, personnel et intime, façon de s’approprier l’espace, d’en dessiner les contours (Lucci, 1998 : 168-170).

2.1.2. La valeur nominale

Toutes les enseignes de magasins font figures de construction nominale déclarative PUB des 4 SAISONS, OPTIQUE DU COURREAU, LES DELICES DU LANGUEDOC (Figure 7)[9], BOUCHERIE SAADA RAHMONI[10]. En l’absence de verbe dans la phrase nominale, l’assertion est intemporelle et fixe le référent dans une valeur immuable, donnée comme vérité générale voire absolue. Pourtant, la portée référentielle de la phrase, et donc le sens qui en découle, varient selon la construction même de la forme nominale et selon l’évocation du contexte d’énonciation. L’enseigne de magasin peut prendre une valeur déictique (référence indexalisée) et renvoie explicitement au contexte d’énonciation, en référence à l’énonciateur (le commerçant), BIJOUTERIE KOJAYAN, Annick Leconte FLEURISTE, BOUCHERIE SAADA RAHMONI (Figure 8), ou en référence à l’espace de la rue LES TRAITEURS DU COURREAU, Pharmacie Figuerolles (Figure 15), ou à un ailleurs culturel BAZAR AGADIR, LES SAVEURS DU LIBAN, Les doigts d’or de Fès. À travers les formes indexicalisées se déploient les imaginaires et les représentations sociales, urbaines et spatiales ; par l’identification du propriétaire du commerce (la façon de se dire) ou par l’évocation à un lieu d’appartenance, les enseignes créent une certaine connivence culturelle et sociale entre le commerçant et le passant qui vont se re-connaître.

L’enseigne de magasin ne peut renvoyer aussi qu’au magasin, référent unique en guise d’autodésignation informative, ESPACE DE TELECOMMUNICATION (Figure 11), CERFS-VOLANTS, TABAC PRESSE (Figure 3), Pharmacie, nom générique qui peut être aussi spécifié et nommé, ESPACE DE TELECOMMUNICATION UNIVERS COM (Figure 11), TABAC PRESSE « Le Diplomate » (Figure 3), dans un effet de personnalisation.

2.2. La référence dénominative, ou l’indexalisation de la personne

Le nom propre et plus précisément le nom de famille inscrit la personne dans sa filiation, ancré dans un passé qui la porte vers l’à-venir. Le nom propre sert – c’est là sa première mission – à identifier, à repérer, à donner existence ; il renvoie ainsi non pas à un signifié – le nom propre n’a pas de signification – mais à un qui suis-je, à chaque fois renouvelé inscrit dans le temps de l’avant et dans sa propre existence. « Le patronyme engage la parole du sujet comme il engage son existence en lui donnant un sens, une orientation » (Nogues, 1992 : 28). Il est ainsi courant de dire (Yaguello, 1981) que le nom propre établit une relation directe entre le signifiant et le référent, au-delà d'un signifié. Ce qui d'ailleurs lui dénierait sa place même en tant que signe linguistique, puisque non inscrit dans ce lien signifiant/signifié. Le nom propre est à considérer en tant que signifiant, compréhensible en lui même à simple valeur d'individualisation. Dans une telle optique, le nom propre fonctionne comme valeur dénotée, il est simple marque. Mais cette conception est remise en question par certains philosophes (Frege) ou par les praxématiciens (Siblot) qui assignent au nom et au nom propre un sens dans une représentation du rapport à l'objet, dans une prise en compte essentielle de la référence[11]. Les ethnologues l'ont bien compris pour lesquels le nom propre sert plus encore à signifier et à classer comme le montre Lévi-Strauss, dans la Pensée sauvage qui note : « On peut dire que nos sociétés c'est une classification de lignée » (cité par La Pierre, 1992 : 14). Le nom propre et donc le prénom, en lien avec le référent, sont porteurs de connotation, d’exotisme, d’étrangeté, de modernité par exemple. Il serait populaire, ancien, banal, etc. et peut être créé « en conformité avec un ensemble de représentations connotations- associations partagées par un groupe social » (Lucci, 1998 : 172).

Pour les enseignes que nous avons relevées, les constructions dénominatives se présentent de différentes façons. Il y a d’abord deux façons de jouer sur la prédication. L’absence de verbe n’implique pas automatiquement l’absence de prédicat qui sera assuré par l’un des termes. Dans des constructions nominales à deux éléments, comme c’est le cas pour les enseignes de magasins, les deux parties ne sont reliées par aucun élément grammatical ; elles sont juxtaposées et entretiennent une relation prédicative, Annick Leconte FLEURISTE pour « Annick Leconte est fleuriste ». Dans l’enseigne dénominative, le nom propre peut être antéposé ou postposé.

Pour le Faubourg du Courreau, on trouve 5 noms propres antéposés, DULON diffusion VETEMENTS, Guy Auzier FABRIQUE DE DRAGEES, Annick Leconte FLEURISTE, SALENAVE artisan boulanger, GERARD PASQUIER rose caprice. On se rend compte ici que tous ne fonctionnent pas sur le même mode : le prédicat renvoie soit à la fonction professionnelle fleuriste, artisan boulanger, soit au magasin diffusion vêtements, fabrique de dragées ou de façon plus cryptée à rose caprice ; le thème lui-même comprend le seul nom propre, Selenave, ou les prénom et nom comme Annick Leconte. Il n’est pas étonnant sans doute que le nom propre seul renvoie, dans une référence à une certaine virilité, à une profession typiquement masculine mais qui, d’une tradition, va se renouvelant. D’une façon comme une autre, le nom propre occupe la place du thème et permet au locuteur de s’identifier, de parler de lui, de se mettre au centre (le nom est d’ailleurs soit en majuscules, soit plus important que le reste de l’enseigne) et donc, de se dire, de s’identifier dans l’espace urbain à travers sa fonction ou son action. Au plan Cabane, on trouve les formes BOUSCAREN CENTRE DE FORMATION ET MONITEURS et NOTRE DAME DE LA MERCI LYCEE PRIVE. Même si le référent ne porte pas sur la personne détentrice du lycée, la construction de l’enseigne y renvoie de façon allégorique et symbolique. Reste la trace aussi – incomplète peut-être – d’un ROCHE ET FILS, antéposé ou postposé, à moins qu’il fasse écho au TATI, en face, qui, dans la lignée de Petit Casino ou PROXI, se suffit à lui-même, comme marque ou franchise car reconnaissable par tous. Dans le reste du relevé, on peut mentionner une antéposition du nom propre dans la rue Daru, mais qui fait figure aussi de jeu de mots, SALAM VIANDE (Figure 14), où l’on a, avec « viande », une référence métonymique à la boucherie dans une évocation première annoncée par un potentiel « paix » pour « Boucherie de la paix », identifiable par les passants avertis et aguerris à la culture arabe. Plus loin, place Salengro, on trouve l’occurrence Pharmacie Figuerolles GALET pharmacien (Figure 15) et sur le Faubourg Figuerolles, juste après la place Salengro, l’enseigne BERNABEU CYCLES VELO avec, en prédicat, la référence au magasin.

Ainsi, cette antéposition du nom propre, présente davantage au début du Faubourg du Courreau, proche du centre ville, prend une valeur de reconnaissance sociale de « distinction », affirmée dans une mise en avant de soi et à travers des magasins rares dans le quartier, fleuriste, fabricant de dragées, magasin de vélo, pharmacien, lycée.

On trouve 7 occurrences postposées du patronyme pour le Faubourg du Courreau, OPTIQUE DU COURREAU P. MOLE OPTICIEN, RESESSEMAGE ERGE, BIJOUTERIE KOJAYAN, BOUCHERIE Lieutard, Centre diététique Marcorel, ARTICLES DE LITERIE Maison Tinière, BOUCHERIE SAADA RAHMONI (Figure 8). Elles mettent dans ce cas la fonction du magasin thématisée au centre sous le mode « La bijouterie est celle de Kojayan » ; elles n’affirment pas comme les précédentes la primauté identificatoire du commerçant et peut être qualifiée de populaire, même si le terme « Maison » renvoie à une inscription du quartier dans la durée (on a d’ailleurs l’année de sa fondation affichée). Les noms des commerçants s’affichent souvent en plus petit et viennent en précision de l’identification du magasin. Cette construction est présente dans 7 occurrences dans la portion du Faubourg Figuerolles et de la rue Daru, seule varie l’évocation portée par les noms propres ; à côté d’une trace qui indique BOULANGERIE GRANIER, on trouve 6 autres enseignes, qui jouent sur une certaine connivence avec la culture arabe. Outre l’enseigne BIJOUX MURAT, on a COIFFURE EL MANSOUR (Figure 12), COIFFEUR AL BOUCHRA, BOUCHERIE DARI, COIFFURE AL FALAH, SALON EL BADJA. Il faut noter aussi que, pour un passant qui comprend l’arabe, les noms de famille peuvent renvoyer à des prénoms ou à des noms communs et jouer sur le vaste champ de représentations familiales et culturelles.

La place Salengro offre une plus grande variété culturelle dans la formation avec le nom propre postposé, GARAGE Tarrico, BANQUE DUPUY DE PARSEVAL, Institution Sainte Famille, Alimentation générale Mounir. On trouve rue du Faubourg Figuerolles quelques formes, assez rares, essaimées tout au long de la rue, comme la forme populaire, HOMME CHEZ CHAÏB, (en général davantage employée avec un prénom), la trace PEINTURE VITRERIE TARRAL ou les occurrences SALON DE COIFFURE El Saada et Abellah SARL L’OASIS Sahraouie, qui semblent indiquer que si la forme postposée reste populaire, elle a changé de référence ethnique.

La construction peut se faire autour du prénom mais, dans ce cas, l’évocation se fera plus intime, plus familière et directe, dans une proximité avec le passant–client. Il y a 5 occurrences pour le Faubourg du Courreau, PIZZA CESAR, SARAH VENTE DE ROBESET VETEMENT TRADITIONNELLE (sic) (CAFTAN), PHILAE espace beauté, COIFFURE Lolita Joséfa, Najah coiffure (Figure 5), BIJOUTERIE CHEZ MALIKA (Figure 9). L’antéposition du prénom qui aurait pu mettre en avant la personne, comme nous l’avons vu pour le nom propre, semble perdre de son effet quand la forme prédicative est réduite systématiquement au lieu et non à la fonction, espace beauté, coiffure, vente de robes. On s’aperçoit aussi qu’ici, par rapport au patronyme, l’emploi du prénom renvoie à un espace multiculturel diversifié, et dans une forme d’exotisme, suggérée notamment par un prénom féminin, sans réalité peut-être avec l’identité de la commerçante. De Philae à évocation savante égyptienne, aux formes plus populaires, Lolita Joséfa, Najah ou Malika (avec la marque d’intimité et de proximité chez), les prénoms renverraient à travers les formes en « h » et non pas seulement « th » (Millet, 1998 : 226) à l’apparence féminine, à l’éternel féminin via également l’univers antique.

Le prénom est employé 4 fois dans des enseignes place Salengro et au début de la rue du Faubourg Figuerolles dans des acceptions plus populaires comme DEDE LA BOULANGE (où « la boulange » accentue la valeur traditionnelle du commerce), POISSONNERIE ALISE ou Salon de coiffure hommes Yassin, puis 2 fois plus haut dans la rue avec François COIFFURE HOMMES et LUCE MODE, dans une connotation traditionnelle française, sans effet d’exotisme ou de rareté, sans recherche non plus de connivence culturelle, contrairement à toutes les rues que nous avons vues.

Finalement l’emploi du nom, antéposé ou postposé, ou du prénom ne joue pas sur les mêmes évocations ni représentations. La dénomination renvoie à des références sociales et culturelles partagées différentes, forme de distinction dans le début du Faubourg du Courreau, à travers nom antéposé et prénom. La part populaire traditionnelle est aussi bien visible à travers le nom postposé Faubourg du Courreau et Place Salengro, voire dans une connivence ethnique rue Daru et au début du Faubourg Figuerolles tandis qu’il ne reste que quelques marques traditionnelles du prénom rue du Faubourg Figuerolles.

2.3. Les formes autodésignantes du magasin

Dans les formes autodésignantes, la phrase nominale générique est portée par un terme central, soit relayé par des formes explicatives, ECO-ECONOMAT alimentation générale, Epicerie fine, Boucherie Rotisserie, Fruits et légumes, Dépôt de pain, Pâtisserie orientale, soit dénommé, comme dans la forme, RESTAURANT Le Sphinx. Ce type de phrase nominale renvoie au contexte d’énonciation et plus précisément au magasin lui-même. Il prend donc le rôle de l’argument (ou thème), il est « ce dont on parle », il n’implique pas l’auteur du magasin qui se met à distance de son « discours », même s’il peut toujours « se dire » dans les formes explicatives et les connotations suggérées.

L’analyse des formes autodésignantes laisse apparaître dans le Faubourg du Courreau quelques formes génériques simples, PAPETERIE (magasin qui s’efface en PAP RI), coiffure SALON MIXTE, TAXI PHONE, Télécom et services, Pressing, Pharmacie, à côté des formes spécifiées avec des évocations spatiales (voir partie 3 ci-dessous) ou à travers des figures annexes en général en minuscules, PUB LE ZINC STYL’SON TAVERN, TABAC PRESSE « Le diplomate » (Figure 3), CHAUSSURES multi pantoufles, TABAC midi libre, studio 38 COIFFEUR VISAGISTE, téléboutique multiservices télécom, Bar brasserie LA PETITE BRASSERIE.

Il est intéressant de remarquer que la place Salengro présente – et en relativement grand nombre – uniquement des enseignes particularisées, soit avec une nomination TABAC PRESSE « Le chiquito », RESTAURANT Le sphinx, Fruits et légumes Le marché du jour vins de régions, LA PECHERIE viviers langoustes homard, Pub la pleine lune, Le coin du commerce équitable, La librairie scrupule, soit par des extensions explicatives Boucherie Charcuterie alimentation fruits et légumes surgelés, PRODUITS SURGELES, PRODUITS ORIENTAUX, BAZAR, TISSUS, PEINTURE PAPIERS PEINTS DROGUERIE VITRERIE QUINCAILLERIE. Dans leur nomination, les magasins de la place Salengro présentent recherche et créativité et font ainsi écho à la vie assez foisonnante de la place, tournée vers une clientèle venant de l’ensemble de la ville.

Alors que Plan Cabane se présentait davantage dans sa diversité, SNACK RESTO, TABAC, à côté de Bar le Babotin, ou BAZAR AGADIR (Figure 10), le début du Faubourg Figuerolles et la rue Daru, outre l’expression de la spatialité, jouent davantage sur les spécificités des enseignes, TRAITEUR BOUCHEIE ROYALE MUSULMANE, EPICERIE DU SUD Fruits et légumes, La Ruche Salon de thé Patisseries, PHONE BOUTIQUE Centre de communications.

Le Faubourg Figuerolles présente de nombreuses occurrences de la forme générique simple du type, Horlogerie bijouterie, BOULANGERIE PATISSERIE, BOUCHERIE CHARCUTERIE, CORDONNERIE, AUTO-ECOLE, traces de ce quartier populaire ancien, qui ne cherche pas à se donner à voir, mais affirme son immuabilité. L’emploi du caractère générique du magasin sans évocation spécifique a valeur essentiellement informative ; présenté sans recherche typographique, il ne joue pas sur le particularisme, l’attrait singulier, l’exception commerciale ou l’identification du commerçant. En ce sens, les commerces du Faubourg Figuerolles fonctionneraient en direction même du quartier sans faire appel à une clientèle de passage, extérieure à capter, dans une tradition qui se laisserait dépasser par les nouvelles pratiques commerçantes.

2.4. La force de la langue et des langues

Reste une catégorie d’enseignes qui joue avec la langue, par le recours au jeu de mots, à l’apostrophe ou à la troncation et qui « constitue une des composantes d’un fonctionnement identitaire « ésotérique ». Ces figures permettent une lecture – décodage pour un groupe qui pourrait être comparé à des « initiés » (Lucci, et Millet, 1998 : 220), qui partagent des compétences métalinguistiques communes (Lucci et Sautot, 2001). Le jeu de mots est rare dans notre corpus, avec un exemple rue Daru, L’orient express Restaurant de spécialités turques et marocaines (Figure 13), deux exemples sur le Faubourg Figuerolles, BAR SNACK L’OPERA, sous forme de chute d’une blague de comptoir, et la forme de distinction d’une galerie d’art, ancienne boucherie, L’ARTQUIRIE, associée aussi au renouvellement de nomination par néologie avec la suffixation en -rie, du type « L’onglerie », « La sandwicherie » (Lucci, 1998 :176). Ces exemples expriment toutefois une certaine vitalité de ces rues quand on les croirait figées.

On trouve quelques rares autres jeux sur le signifiant, notamment sur le Faubourg du Courreau ou dans la rue Daru, comme les mots valises, ETERNELOR et TOUT L’OR’IENTAL (Figure 9) pour des magasins de bijoux. Cette forme paraît attendue si « à l’accessoire et au brillant correspond l’usage ludique de la langue, et sous la surface anodine de la dénomination, c’est une porte qui s’ouvre sur la richesse et le prestige » (Lucci et Millet, 1998 : 223). Des mots valises avec parfois troncation, MEUROP, MEDICOM, Le repalatin PIZZAS, de simples troncations touchant des commerces avec une certaine technicité, PRIM Assurances, UNIVERS COM (Figure 11), un sigle BCBG, une apostrophe STYL’AMEUBLEMENT. Le travail sur le signifiant vise à personnaliser le commerce, à créer un univers partagé avec le passant, dans la connivence du décodage orthographique, à susciter donc l’intérêt et enfin à renvoyer à des représentations culturelles en circulation, modernité populaire stylisée et personnalisée. Cette connotation se marque également à travers la référence à l’anglais, évocation et fascination pour un ailleurs de modernité, affichées avec force d’innovation comme précédemment Faubourg du Courreau et rue Daru, PARFUMERIE CHEAP SHOP, CYBERLAND, TROPICAL CONCEPT, BOUTIQUES GIRLS, WASH’N DRY LAVERIE LIBRE SERVICE, STYL’SON TAVERN, Exotic diffusion, GALAXY TELECOM et une forme isolée en haut du Faubourg Figuerolles, ORIENTAL MEUBLE.

Les références à d’autres langues, l’italien, avec PASTA Au royaume des pâtes (Figure 1), l’occitan, Talhier parlar, qui font figures d’hapax, ou l’arabe n’ont pas la même fonction et renvoient à l’affirmation identitaire des commerçants dans une occupation de l’espace. Ainsi les magasins arabes restent rarement dans une forme autodésignante générique, les précisions données en arabe affichent les boutiques dans leur spécificité, que ce soit une boucherie ou un bureau de traduction. Outre ces deux formes du Faubourg du Courreau, les mentions en arabe se trouvent essentiellement rue Daru et au début du faubourg Figuerolles, et sont significatives, comme nous allons le voir, pour la structuration de l’espace même si elles restent rares (4 occurrences dont Figures 12 et 14).

3. La référence spatiale ou l’indexicalisation du ici / là-bas

La référence indexicale passe par l’espace. Dans les enseignes de notre corpus, le « ici » du quartier pourrait être opposé à un « ailleurs » indiquant des formes différenciées d’installation dans le quartier. Pour permettre une analyse de ces deux formes de dénomination l’une par rapport à l’autre, il est nécessaire de repérer ceux d’entre les commerçants qui ont fait le choix du nom du quartier (et la part de ceux qui se réfèrent à « Figuerolles » et à « Courreau »), de la ville et de la région.

3.1. Un quartier qui ne se révèle pas dans des déictiques de l’ici

On trouve 9 formes avec la mention « Courreau » (du type LES TRAITEURS DU COURREAU, parmi lesquelles les variantes COURREAU CHAUSSURES, royal Courreau – Figure 6) ou encore rappelant le quartier sans énoncer son nom (par exemple BOUCHERIE DU FAUBOURG – Figure 8). Alors qu’on ne trouve que 3 enseignes qui indiquent « Figuerolles » (Pharmacie Figuerolles (Figure 15), Laverie automatique FIGUEROLLES et l’aube de FIGUEROLLES), ce qui laisserait penser à la faible présence langagière du nom du quartier. Dit-on volontiers « être de Figuerolles » lorsqu’on habite un tel quartier ? Ou doit-on faire l’hypothèse que la destination des magasins étant plus tournée sur les usagers habituels du quartier, la reprise du nom relèverait de la redondance avec une information connue qui consisterait finalement en une évidence inutile ? Pour approfondir cet aspect de la question, des entretiens avec les patrons de ces commerces seraient utiles.

L’espace du « ici » s’exprime aussi avec des termes de type PUB des 4 SAISONS, AUX CROQUANTS DE MONTPELLIER, D’OC VOYAGES, LES DELICES DU LANGUEDOC (Figure 7), c'est-à-dire des référentiels régionaux chargés de sens culturellement ethnocentrés. Ne peuvent être destinataires de ces enseignes que des consommateurs avisés, pour lesquels la spécialité de la boutique peut être contenue dans une allusion. Figuerolles ne pourrait certainement pas être conseillé par un guide touristique japonais ciblant la culture française.

La différence notable entre les deux espaces Figuerolles et Courreau renvoie au positionnement dans l’espace urbain de transition de l’ouest montpelliérain. Si le terme ‘Courreau’ apparaît autant en si peu de distance (notamment au démarrage de la rue) et si ‘Figuerolles’ est moins présent, peut-on en déduire que le premier assume sa fonction commerciale de proximité, en cherchant à ressembler au centre-ville voisin, alors que le second est en voie de reconfiguration cherchant d’autres références, donc d’autres fonctions ?

3.2. Figuerolles, saisi par l’ailleurs ?

Il semble en tout cas évident pour nous que la forte présence de déictiques de « l’ailleurs » dans la dénomination des magasins de Figuerolles est un indicateur de transition non seulement spatial mais également culturel ; ou spatial car culturel. La définition de « l’ailleurs » pourra être plus ou moins imprécise géographiquement, et souvent particulièrement vague culturellement. Qu’importe. Que ce soit une référence à un pays (via le drapeau italien en fond de PASTA Au royaume des pâtes (Figure 1) ou aux Saveurs du Liban) ou à des habitants (turcs cités 3 fois et marocains 4 fois, dont la Figure 13 pour les deux), ou encore que ce soit à des origines « orientales », « méditerranéennes », « maghrébines », énoncées comme des qualificatifs avec des adjectifs dans les enseignes … l’ « ailleurs » est d’une grande diversité d’expression quoique très diversement assumé en tant que tel. Par exemple, un grand nombre de magasins n’annonce l’origine de l’ailleurs qu’avec des inscriptions complémentaires sur la devanture (Telecom Espace ou téléboutique précisent leurs destinations, un salon de coiffure (Figure 4) évoque la mention Spécialités afro-anglaises ou encore ROYAL COURREAU (Figure 6) pour lequel un panonceau indique « Tenues orientales de haute couture », en figure annexe de l’enseigne). Mais ceux des commerçants qui mettent « l’ailleurs » en second plan dans leur devanture sont intégralement situés sur le Faubourg du Courreau … preuve supplémentaire pour envisager qu’ils n’en ont pas besoin comme signifiant principal. Par contre, plus on se dirige vers l’Ouest et après Plan Cabane, apparaissent des indications très claires d’un « ailleurs » assumé en tant que tel. En premier lieu, les noms de villes Agadir (3 fois) puis Tafilalt (2 fois), Marrakech, Ouarzazate, Porto, affirment clairement l’origine. Mais les 7 mentions « oriental(e)(s) » marquent également fortement le quartier, quoique plus imprécises géographiquement, car évoquant soit de l’exotisme (BAZAR ORIENTAL en sous-titre de BAZAR AGADIR (Figure 10), doublé de sa traduction en arabe), soit des jeux de mots (L’orient express pour Restaurant de spécialités turques et marocaines (Figure 13) ou plus assumé encore TOUT L’OR’IENTAL pour Bijouterie chez Malika (Figure 9)), soit une déclinaison d’une offre commerciale spécifique (Plats orientaux sur commande pour Fruits et légumes). Le terme « Méditerranée » est utilisé pour des poissonneries (et l’on ne peut guère s’en étonner) sans que cela prenne un sens vindicatif particulier, ce qui n’est pas le cas pour l’indication « du Maghreb » utilisé dans deux boutiques quasiment côte à côte sur la place Salengro, notamment associé à SOUK. D’autres marqueurs spatiaux (Le Rif, l’Atlas, l’Oasis, les Andalouses, etc.) sont éminemment significatifs d’un ancrage dans un « ailleurs » qui pourrait être indistinct pour le passant mais dont on peut aisément considérer qu’il se dote d’une autre valeur pour ceux qui, connaissant le commerçant et son origine, fréquentent peut-être à la fois un commerce et un lieu porteur de souvenirs, le SNACK du RIF, COIFFURE Au lion de l’Atlas (Figure 16), BAZAR K7 Audio et Vidéo sarl l’OASIS, BAR RESTAURANT les ANDALOUSES. Persiste également, au-delà de la forme indexicalisée, un « ailleurs » invoqué par des références culturelles stéréotypées. Pour le Faubourg du Courreau, Gipsy Coiffure, Mona de Gipsy LISTE DE MARIAGE, RESTAURANT ALI BABA, TROPICAL CONCEPT, LE CANARD LAQUÉ, MARCHE TROPICAL ; pour Figuerolles, TRAITEUR BOUCHERIE ROYALE MUSULMANE, COIFFURE EL MANSOUR (Figure 12) avec inscription en arabe (comme pour la Figure 14), EPICERIE DU SUD Fruits et légumes.

Dans tous les cas d’énonciation de l’ailleurs, deux constats peuvent être faits : plus on s’éloigne du centre-ville historique et plus on trouve des rappels de cette identification à une culture lointaine, à des espaces non connectés directement au quartier, à des territoires des origines. Et plus ils sont assumés dans le nom principal de l’enseigne. Mais on remarquera quelques enseignes qui jouent sur les deux registres en privilégiant toujours l’un ou l’autre : ROYAL COURREAU Tenues orientales (Figure 6), LES DELICES DU LANGUEDOC PATISSERIE ORIENTALE ET TRADITIONNELLE (Figure 7), BOUCHERIE SAADA RAHMONI BOUCHERIE DU FAUBOURG (Figure 8), ainsi que les épiceries indiquant Patisseries orientales comme chez MOUNIR, BUREAU REGIONAL DES AMICALES DES TRAVAILLEURS ET COMMERCANTS MAROCAINS DE MONTPELLIER. Preuve de l’attention des uns pour les autres et de la naissance d’une identification un tant soi peu globale pour le quartier en assumant son ancrage dans la multi-culturalité, ces références doubles représentent un des moyens de remplir la fonction de transition dévolue à ce quartier.

Double transition donc que celle qu’assume le quartier. Transition urbaine via des dénominations plus connectées à ce qu’est l’espace urbain montpelliérain tout en étant transition culturelle où l’ailleurs se trouve de plus en plus connecté avec les cultures urbaines d’ici (notamment montpelliéraines). Dans le continuum entre centre ancien et périphérie, tout le long du transect que nous avons choisi, apparaissent ainsi 4 « secteurs » différenciables en fonction de leur dominante entre déictiques de l’ici et de l’ailleurs : le début de Courreau est principalement dans l’ici, la fin de Courreau et Plan Cabane-Gambetta dans la dualité, la partie intermédiaire de Figuerolles et Daru jusqu’à Salengro est fortement dans un ailleurs assumé (avec plus de la moitié des enseignes (21 sur 38) se référant à une origine géographique lointaine, dont quatre devantures avec inscription en arabe), la partie la plus à l’ouest de Figuerolles est plus neutre avec très peu d’indications de l’ici et plus d’enseignes inscrites dans l’ailleurs (environ 1/5e) dont certaines assez innovantes (BAR EPICERIE OUARZAZATE, COIFFURE Au lion de l’Atlas (Figure 16)).

Conclusion : Formes d’enseignes, représentations spatiales et sociales du quartier

Les enseignes des magasins que nous avons analysées définissent des espaces urbains singuliers qui disent les représentations spatiales et sociales du quartier. Si le Faubourg du Courreau présente toutes les catégories de signalétiques, les créations lexicales, les dénominations, les connotations sur l’ailleurs, il affiche, à côté d’une identité populaire traditionnelle avec nom postposé, prénom ou en référence au faubourg (BRULERIE DU COURREAU, RESSEMELAGE ERGE, Najah coiffure (Figure 5)), quelques caractéristiques propres. C’est là que l’on trouve, en proche limite du centre ville, les formes dénominatives avec antéposition du nom propre (Guy Auzier, FABRIQUE DE DRAGEES – Figure 2), marques d’exception en signe de distinction qui met le sujet au centre, avant que ne disparaisse complètement la fonction du magasin et que le nom devienne référence identificatoire de luxe, reconnue en coeur de ville, sous le mode Valentino ou Lacoste. Une écriture dénominative avec le nom antéposé est, à travers le choix des couleurs et des polices, souvent épurée mais originale ; en revanche, une écriture évoquant un ailleurs se fait foisonnante et colorée, avec de multiples figures d’inscription (Figure 2) C’est là encore que s’affirme, à travers des jeux sur le signifiant, une référence populaire plus actuelle, en lien avec une modernité mondiale (Cyberland). C’est là enfin que les évocations de l’ailleurs se mêlent à un « ici » dans un syncrétisme culturel vivant (BOUCHERIE SAADA RAHMONI, BOUCHERIE DU FAUBOURG –Figure 8). D’une façon comme une autre, le Faubourg du Courreau en appelle de façon attractive, riche et multiple aux imaginaires des passants et à leurs compétences sociolinguistiques.

En lien signalétique avec le Faubourg du Courreau se trouve le paysage diversifié de la place Salengro, qui, même s’il en appelle, de façon plus explicite et à travers la création lexicale, les figures explicatives et les références culturelles partagées, à une population plus bourgeoise (LA PECHERIE, vivier, langoustes, homards), pourrait faire le lien entre ces deux espaces ; dans le même sens, les enseignes de la place Salengro ne présentent aucun jeu sur le signifiant selon un mode populaire. Si cette place est représentative du quartier Figuerolles, ne pourrait-on pas dire alors que Courreau en serait le prolongement ?

On a vu que la rue Daru et le début du Faubourg Figuerolles exposent de façon claire et affirmée les marques d’identification – pour soi et à l’égard du passant – d’un ailleurs ; elles conforteraient aussi les représentations sur le quartier pour ceux qui ne l’habitent pas. Ces rues, qui font lien entre le Faubourg du Courreau et le Faubourg Figuerolles, imposent donc une empreinte culturelle certaine au quartier, mais dans des effets, semble-t-il, de création, entre jeux de mots et imaginaires culturels. Dans quelle mesure alors ne pourrait-on pas dire qu’elles relient dans une dimension de l’ailleurs les deux parties de ce qui pourrait faire Figuerolles ?

Quant au Faubourg Figuerolles lui-même, en mutation, il semble en perte de diversité, de densité et de créativité. Les enseignes de magasins sont dans une grande part autodésignantes, sans jeu particularisant sur le désignant et sans effet d’attraction pour le passant, dans un effacement visuel replié sur le quartier, comme si la valeur « distanciée » renvoyait à une neutralité, une absence d’appropriation du quartier par les commerçants les plus anciens (boulangerie, cordonnerie, etc.), comme si cette rue était en déstructuration et recomposition avec notamment l’installation de commerces nouveaux en référence à un ailleurs plus affirmé.

Donc, avec toutes les particularités que nous avons dégagées, l’espace – Faubourg du Courreau-Faubourg Figuerolles – s’articule dans une transition entre le centre ville et la périphérie. Pourtant des critères de reconnaissance communs peuvent être identifiés et permettraient de dire, qu’au-delà des différences de configurations des enseignes, Courreau fait lien et, pourquoi pas, quartier avec Figuerolles. On distingue d’abord, hors de toute affirmation outrecuidante mais peut-être dans une transformation douce du quartier, quelques boutiques nouvellement installées et de visée alternative ou artistique. Si elles sont plus visibles sur la place Salengro (Pub La pleine lune, Le COIN du COMMERCE EQUITABLE, La librairie Scupule) elles s’égrènent du Faubourg du Courreau (Impressionnistes ou Sésame) au Faubourg Figuerolles (Artquirie). Ensuite, les rues affichent dans leur ensemble des formes de références avant tout populaires, certes diversifiées – traditionnelle (BOUCHERIE Lieutard), moderne (WASH’N DRY CONCEPT LAVERIE LIBRE), – et culturelle (BOUCHERIE DARI) – mais rassembleuses, et entre un ici et un là-bas qui ne demandent qu’à dire la diversité et les changements sociaux.