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Introduction

À l’heure actuelle, la maladie coronarienne est la principale cause d’incapacité, de maladie et de décès au Canada (Statistique Canada, 2005). La capacité fonctionnelle de la personne touchée par un événement coronarien est diminuée et cette dernière doit prendre en charge sa santé par des comportements spécifiques d’autosoins (Chouinard, Ntetu, Lapierre, Gagnon et Hudon, 2005). La maladie coronarienne évoque un muscle cardiaque endommagé ou à risque de l’être en raison d’un apport sanguin insuffisant, ce qui est généralement occasionné par le processus de l’athérosclérose. Elle inclut l’angine de poitrine, l’infarctus du myocarde et la mort subite (Ibrahim, 2004). La personne atteinte d’une maladie coronarienne a soit subi un infarctus du myocarde, soit vécu une angine de poitrine (Vadeboncoeur, 2004). La réadaptation cardiaque fait partie du paysage des soins infirmiers et s’échelonne sur quatre phases. La première phase de la réadaptation commence par l’annonce du diagnostic de la maladie. La personne est alors hospitalisée à l’unité de soins intensifs. Le degré d’activité permis dépend du dommage au myocarde. La deuxième phase comprend la période durant laquelle la personne est transférée à l’unité de cardiologie. Pendant le séjour à cette unité de soins, le niveau d’activité de la personne augmente graduellement. À son congé de l’unité, la personne doit être en mesure d’effectuer des activités modérées allant de trois à cinq équivalents métaboliques (metabolic equivalents-METs) et ce, sans subir de malaise cardiaque. La période de convalescence à domicile représente la troisième phase de la réadaptation. Idéalement la personne entame un programme d’exercices par la marche. Il est recommandé qu’une épreuve d’effort de contrôle sur tapis roulant soit effectuée environ huit semaines post-infarctus afin de déterminer la charge de travail du myocarde en rétablissement et d’assurer la pratique selon un niveau d’activités physiques sécuritaire et efficace. La quatrième phase englobe la période de rétablissement. À cette phase, la personne aux prises avec un problème de santé cardio-vasculaire reprend son travail, se réinsère dans la société et vise un état de bien-être comparable à celui d’une personne en santé (Lewis, Heitkemper et Dirksen, 2003; Samoud, 2001; Smeltzer et Bare, 2006). Pour y parvenir, la personne doit adopter des habitudes de vie compatibles avec une bonne santé cardiaque. De l’avis de Baas (2004) et Hawks (2004), l’infirmière a un rôle important à jouer afin d’aider les personnes atteintes d’une maladie coronarienne en phase de rétablissement. L’infirmière doit comprendre la mesure de la capacité fonctionnelle du coeur afin de guider la personne atteinte d’une maladie coronarienne vers un niveau d’activités physiques approprié (Dufour, 2003). Elle a la responsabilité de connaître les comportements spécifiques d’autosoins réservés à cette population et d’intervenir en tenant compte des stades du changement de comportements de la personne (Carroll, 2006; Sommer, Gache et Golay, 2005). Expliquons d’abord la mesure de la capacité fonctionnelle de la personne et l’interprétation de cette propriété à partir des valeurs cibles destinées aux personnes atteintes d’une maladie coronarienne.

I. Mesure de la capacité fonctionnelle du coeur chez la personne atteinte d’une maladie coronarienne

1. Revue de la littérature

La capacité fonctionnelle signifie la quantité d’énergie utilisée lors de l’exécution de diverses tâches physiques. Elle est déterminée par un ensemble d’évaluations physiques et de perceptions (Jarrel, Hains, Kisilevsky et Brown, 2005; Robichaud-Ekstrand, 1993; Stahle et Tollback, 2001). Le MET représente la quantité d’oxygène dont l’organisme a besoin au repos, soit 3,5 millilitres d’oxygène par kilogramme par minute ou 1,4 calorie par kilogramme par minute. Le MET constitue une méthode qui permet de différencier les niveaux de l’activité physique. Plusieurs auteurs sont d’avis que la capacité fonctionnelle du coeur de la personne peut être déterminée par le nombre de METs atteints par cette dernière lors d’une épreuve d’effort (Gassner, Dunn et Piller, 2003; Kwok et Christian, 2001; Smeltzer et Bare, 2006).

La capacité fonctionnelle du coeur est aussi évaluée par certaines mesures objectives effectuées durant l’épreuve d’effort. Il s’agit de la fréquence cardiaque, la tension artérielle et les réponses à l’électrocardiogramme (Evans, Harris, Menold et Ellestad, 2001; Hsi et Lai, 1996). De plus, selon Stahle et Tollback (2001), la mesure de la capacité fonctionnelle du coeur peut inclure l’évaluation de la perception liée à l’effort et ce, à l’aide de l’échelle de Borg. Durant l’épreuve d’effort, la personne tente d’exécuter des niveaux d’intensité pré-déterminés, à savoir un niveau d’intensité particulier en METs, un niveau particulier de la perception à l’effort ainsi qu’une fréquence cardiaque maximale selon l’âge (Robichaud-Ekstrand, 1993). L’épreuve d’effort permet aussi de cibler une fréquence cardiaque qui devrait être atteinte lors des séances d’exercices. En effet, lors du test d’effort de contrôle, la tension artérielle systolique devrait normalement augmenter de façon significative, soit jusqu’à une marge maximale de 160 à 220 mm Hg. Quant à la tension artérielle diastolique, elle peut soit augmenter légèrement (<10 mm Hg), soit demeurer inchangée (Lavie, Milani et Mehra, 2000; Woods, Sivarajan Froelicher et Underhill Motzer, 2000). Kwok et Christian (2001) précisent qu’une personne peut montrer des réponses hémodynamiques anormales pendant l’épreuve d’effort. Elle peut effectivement avoir une tension artérielle systolique maximale inférieure à 120 mm Hg ou encore présenter une diminution de la tension artérielle à un niveau inférieur à la valeur obtenue au repos.

Au cours de l’épreuve d’effort, le cardiologue évalue les réponses électrocardiographiques de la personne. L’épreuve est dite électriquement positive en présence d’un sous-décalage ou d’un sus décalage de ≥ 1mm à 80 msec après le point J (Diercks, Kirk, Turnipseed et Amsterdam, 2002; Lavie et al., 2000; Livschitz et al., 2000). L’épreuve est nommée électriquement négative si la personne atteint de 70 % à 85 % de la fréquence cardiaque individuelle prédéterminée et si aucun changement ischémique n’est noté à l’électrocardiogramme. Le profil évolutif de la fréquence cardiaque est aussi mesuré pendant le test d’effort. L’épreuve est considérée comme non diagnostique si la personne est incapable d’atteindre la fréquence cardiaque qui lui est prédéterminée (Diercks et al., 2002; Hutten-Czapski, 2003). La fréquence cardiaque maximale, ou seuil de tolérance à l’effort, est calculée en soustrayant 220 de l’âge de l’homme et 226 de l’âge de la femme et ce, avec une déviation standard de 10 à 12 battements par minute (Lavie et al., 2000; Syed et Saberi, 1998). L’arrêt immédiat du test d’effort est imposé lors du dépassement de la fréquence cardiaque ciblée, lors d’une chute ou d’une absence d’élévation de la tension artérielle ou encore lors de l’apparition d’anomalies électrocardiographiques (Stahle et Tollback, 2001; Syed et Saberi, 1998). Au cours du test d’effort, la perception de la personne par rapport à l’essoufflement et à la fatigue est évaluée à l’aide de l’échelle de Borg (Dufour, 2003; Evans et al., 2001; Gassner et al., 2003; Hsi et Lai, 1996; Stahle et Tollback, 2001). Les symptômes de la maladie coronarienne apparaissent lorsque le besoin en oxygène du muscle cardiaque est supérieur à l’apport en oxygène. De l’avis des chercheurs (Kwok et Christian, 2001; Stahle et Tollback, 2001; Syed et Saberi, 1998), le test d’effort doit se terminer en présence de signes et de symptômes d’intolérance à l’effort comme une fatigue excessive, une dyspnée sévère, des malaises angineux, l’ataxie ou encore des arythmies, tels une tachycardie supraventriculaire, des arythmies ventriculaires, un bloc du deuxième degré ou un bloc du troisième degré. Lewis et al. (2003) précisent que la réaction de la personne lorsqu’elle exécute le test d’effort a plus d’importance que la fréquence cardiaque qu’elle obtient.

Les personnes atteintes d’une maladie coronarienne prennent habituellement des bêtabloquants ou des inhibiteurs calciques. Par conséquent, ces personnes présentent une augmentation plus faible de la fréquence cardiaque lors d’une séance d’exercices, comparativement aux personnes qui ne reçoivent pas ces types de médicaments (Hsi et Lai, 1996). Dans une étude visant à évaluer les effets des bêtabloquants ou des inhibiteurs calciques sur la performance de la personne pendant une épreuve d’effort, Diercks et al. (2002) ont comparé un groupe expérimental formé de 176 personnes qui devaient prendre quotidiennement au moins un des deux types de médicaments et un groupe témoin constitué de 799 personnes non assujetties à cette thérapie médicamenteuse. Tente-neuf pour cent des sujets du groupe expérimental ont présenté une épreuve non diagnostique comparativement à 20 % des sujets du groupe témoin. L’épreuve est considérée comme non diagnostique si la personne est incapable d’atteindre la fréquence cardiaque qui lui est prédéterminée. Aussi, plus de 49 % des sujets du groupe expérimental ont présenté une épreuve électriquement négative comparativement à 67 % des sujets du groupe témoin.

2. Présentation des résultats et interprétation

Il est clair que les infirmières[*] ont une responsabilité déterminante quant au suivi et à la surveillance des personnes atteintes d’une maladie coronarienne. Pour mener à bien ce rôle, l’infirmière doit être capable d’interpréter adéquatement la mesure de la capacité fonctionnelle du coeur de la personne atteinte d’une maladie coronarienne en connaissant les valeurs cibles destinées à cette population. Illustrons un exemple de la mesure de la capacité fonctionnelle du coeur de personnes atteintes d’une maladie coronarienne en nous appuyant sur les résultats de l’étude de Gibbons (2006). Cette étude est de type descriptif corrélationnel. Le but de cette recherche visait, entre autres, à décrire non seulement la capacité fonctionnelle du coeur, mais aussi les comportements spécifiques d’autosoins des personnes atteintes d’une maladie coronarienne en phase IV de la réadaptation, ainsi qu’à examiner les relations entre ces variables. Trente personnes vivant dans leur milieu naturel et s’étant présentées à un centre hospitalier de la région du sud-est du Nouveau-Brunswick entre les mois février et mai 2006, afin de subir une épreuve d’effort de contrôle, sont impliquées. L’âge moyen des sujets était de 63,1 ans. La presque totalité des sujets de l’étude (28/30) étaient des hommes et la plupart d’entre eux (26/30) étaient mariés. Près de la moitié (14/30) des sujets avaient acquis une scolarité élémentaire. Huit sujets avaient un revenu annuel familial inférieur à 30 000 $. Un peu plus de la moitié des participants (16/30) avaient subi un infarctus du myocarde, alors que quatorze d’entre eux étaient atteints d’angine de poitrine. Quant aux traitements médicamenteux, vingt-cinq sujets de l’étude de Gibbons prenaient quotidiennement soit des bêtabloquants, soit des inhibiteurs calciques ou les deux types de médicaments. La plupart des sujets (26/30) présentaient un indice de masse corporelle ≥ à 25. Seulement quatre sujets avaient participé à un programme de réadaptation cardiaque. Le tableau 1 précise l’étendue optimale, l’étendue réelle, la moyenne et l’écart type des mesures de la capacité fonctionnelle des trente sujets. La performance moyenne démontrée par les sujets pour ce qui est du nombre de METs est de 9,33 ± 2,24. Selon Tagan (2002), une performance se situant entre 10 et 13 METs et correspondant à un effort maximal reflète un pronostic variant de bon à excellent. La durée moyenne de l’épreuve d’effort de la population étudiée par Gibbons, selon le protocole de Bruce, s’élève à 7,67 ± 2,55 minutes. Dufour (2003) précise que l’épreuve d’effort devrait être progressive et adaptée à l’individu. L’épreuve devrait idéalement durer entre 8 et 12 minutes. Une durée inférieure à 6 minutes reflète une sollicitation myocardique insuffisante (Tagan, 2002). Il ressort que la performance moyenne exprimée en METs ainsi que la durée moyenne de l’épreuve d’effort de contrôle se situent légèrement à un niveau inférieur à l’étendue optimale déterminée pour les sujets inclus dans l’étude de Gibbons. Toujours au tableau 1, la moyenne de la fréquence cardiaque maximale prédéterminée selon l’âge se situe à 131,60 ± 19,34. L’étendue réelle des sujets se situe entre 59 % et 99 % de la fréquence cardiaque maximale. Il ressort de l’étude de Gibbons (2006) que trois sujets n’ont pas réussi à obtenir 70 % de la fréquence cardiaque maximale prédéterminée selon l’âge. Dans cette étude, le test a été arrêté chez deux sujets parce qu’ils ont exprimé ressentir de la douleur rétrosternale ou des étourdissements durant l’épreuve d’effort. Ces personnes ont présenté une épreuve cliniquement positive. Quatre sujets ont démontré une épreuve électriquement positive en raison d’anomalies cardiaques et le même nombre de participants ont présenté une épreuve cliniquement et électriquement positive. Rappelons qu’une épreuve est dite électriquement positive en présence d’un sous-décalage ou d’un sus-décalage de ≥ 1mm à 0,08 sec après le point J (Diercks et al., 2002; Lavie et al., 2000; Livschitz et al., 2000). De l’avis de Bassand (2005), un sous-décalage du segment ST est un signe d’ischémie myocardique lorsqu’il atteint 1 mm. Au tableau 1, la perception moyenne des sujets de l’étude de Gibbons, par rapport à l’essoufflement et à la fatigue selon l’échelle de Borg, se situe à 3,37 ± 1,12. Cette donnée représente le niveau d’intensité optimal visé pour une population atteinte d’une maladie coronarienne en phase IV de la réadaptation cardiaque.

Tableau 1

Étendue optimale, étendue réelle, moyenne et écart type de la capacité fonctionnelle chez les sujets de l’étude

Étendue optimale, étendue réelle, moyenne et écart type de la capacité fonctionnelle chez les sujets de l’étude

FC = fréquence cardiaque Calcul de la FC Max : ♂: 220-âge

Max = maximale ♀: 226- âge

TAS = tension artérielle systolique Calcul de la FC cible : % de la FC Max

TAD = tension artérielle diastolique

*

L’étendue optimale signifie la différence entre la plus grande et la plus petite valeur souhaitable pour les personnes atteintes d’une MCV en phase IV.

**

L’étendue réelle veut dire la différence entre la plus grande et la plus petite valeur obtenue par les sujets de l’étude.

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Après avoir présenté le concept de la capacité fonctionnelle du coeur chez les personnes atteintes d’une maladie coronarienne, il convient d’expliquer les comportements spécifiques d’autosoins (CSA) conseillés aux personnes atteintes d’une maladie coronarienne et de suggérer des interventions infirmières en s’appuyant sur les stades de changements de comportements de Prochaska et DiClemente (1983), sur le modèle transthéorique du changement de Prochaska et Velicer (1997) ainsi que sur la théorie de l’action raisonnée de Fishbein et Ajzen (1975).

II. Comportements spécifiques d’autosoins de la personne atteinte d’une maladie coronarienne et interventions infirmières

1. Revue de la littérature

Parmi les CSA recommandés aux personnes atteintes d’une maladie coronarienne, on retrouve : la pratique régulière de l’activité physique, le non-usage du tabac, la gestion du stress, une bonne hygiène du sommeil, l’observance médicamenteuse et l’adoption d’habitudes alimentaires saines (Al Lawati, Patel et Ayas, 2009; Beswick et al., 2005). La valeur médicale de l’activité physique a été démontrée et ses effets se traduisent par une nette diminution de la mortalité cardiaque. En effet, Wannamethee, Shaper et Walker (2000) sont d’avis qu’un niveau d’activités physiques de léger à modéré serait associé de façon significative à une diminution du risque de mortalité suivant un problème coronarien. Selon ces auteurs, le fait de pratiquer régulièrement la marche et de faire du jardinage serait suffisant pour atteindre les bénéfices liés à l’activité physique. Paffenbarger (2001) rappelle les recommandations récentes en ce qui concerne la durée et l’intensité optimale des activités physiques afin de prévenir la maladie coronarienne. Ces recommandations sont les suivantes : faire de l’activité physique d’une durée d’au moins une demi-heure à une intensité modérée pour la majorité des journées de la semaine. Stone, Cyr, Friesen, Kennedy-Symonds, Stene et Smilovitch (2001) mentionnent que la personne atteinte d’une maladie coronarienne en phase de réadaptation devrait être en mesure de prendre son pouls pendant la séance d’exercice et devrait connaître sa fréquence cardiaque cible déterminée lors de l’épreuve d’effort. Dans l’étude de Gibbons (2006), un peu moins de la moitié des sujets (12/30) pratiquaient presque toujours des activités physiques de quatre à cinq fois par semaine. Le tiers des sujets effectuaient des activités physiques dont la durée était d’au moins trente minutes.

Gibbons (2006) a aussi exploré l’existence de liens entre la capacité fonctionnelle du coeur et les CSA. L’étude a démontré une relation négative entre la perception qu’ont les sujets de leur dyspnée et de leur fatigue, lors de l’épreuve d’effort, et les CSA liés à l’activité et au repos. Il est facile de comprendre que la personne qui ressent de la dyspnée et de la fatigue est moins encline à effectuer de l’activité physique. La dyspnée et la fatigue ressenties lors de l’épreuve d’effort représentent des symptômes d’intolérance à l’activité. La personne qui ressent ces symptômes peut se sentir craintive par rapport à ces réactions physiologiques (Stahle, Lindquist et Mattson, 2000). Selon Fishbein et Ajzen (1975), son comportement serait déterminé par son intention vis-à-vis l’adoption du comportement en question. Quant à l’intention, elle serait déterminée par la motivation, l’attitude, ainsi que par les perceptions de la personne relatives au comportement. L’infirmière peut guider la personne atteinte d’une maladie coronarienne dans ses activités physiques en se basant sur la théorie de l’action raisonnée (Fishbein et Ajzen, 1975). Ce modèle suppose que des stimuli externes peuvent influencer les attitudes, en modifiant la structure des croyances de l’individu. Les recommandations canadiennes liées à la réadaptation cardiaque appuient l’importance de faire en sorte que toute personne atteinte d’une maladie coronarienne puisse bénéficier d’une prescription d’exercices. Aussi, ces personnes devraient être encouragées à utiliser un moniteur cardiaque lors des séances d’exercices. Ce dispositif permettrait à la personne de faire le suivi de l’intensité atteinte à l’effort et de respecter sa fréquence cardiaque cible (Stone et al., 2001). L’infirmière a également un rôle à jouer afin d’apprendre à la personne cardiaque à évaluer sa tolérance à l’activité physique.

Trois participants de l’étude de Gibbons (2006) étaient fumeurs. Tous les auteurs s’entendent pour dire que le tabagisme est un des facteurs de risque majeurs de la maladie coronarienne et ils estiment que cesser de fumer est un CSA prioritaire (Critchley et Capewell, 2003a; Lukkarinen et Hentinen, 1997). Selon l’enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada, effectuée en 2008, 18 % des Canadiens feraient l’usage du tabac (Santé Canada, 2008). Stone et al. (2001) soulignent l’importance du non-usage du tabac et de la non-exposition à la fumée secondaire dans le domaine de la prévention de la maladie coronarienne. Smeltzer et Bare (2006) expliquent que l’inhalation de la fumée augmente le taux de monoxyde de carbone dans le sang et réduit la quantité d’oxygène apportée au coeur. De plus, la nicotine produit une élévation du niveau des catécholamines dans le sang, ce qui accroît les besoins du coeur en oxygène en augmentant la fréquence cardiaque et la tension artérielle (Goldenberg et al., 2003). Finalement, l’usage du tabac favorise l’adhérence plaquettaire et augmente la probabilité de formation d’un thrombus (Smeltzer et Bare, 2006). Une étude effectuée auprès de 3122 personnes cardiaques révèle que 8,1 % des sujets fumeurs ont présenté une mort subite comparativement à 4,6 % des sujets qui avaient cessé de fumer (Goldenberg et al., 2003). Les auteurs sont d’avis que les fumeurs cardiaques sont de 1,5 à 3 fois plus à risque de mort subite comparativement aux cardiaques qui sont des non-fumeurs (Critchley et Capewell, 2003b; Goldenberg et al., 2003). Selon Jay (2003), l’exposition à la fumée secondaire chez les cardiaques qui sont des non-fumeurs pourrait également causer une augmentation du risque de mort subite de l’ordre de 30 %.

Un stress prolongé constitue un facteur de risque de la maladie coronarienne. La personne doit apprendre à gérer son stress en utilisant des techniques de relaxation. Gallacher, Hopkinson, Bennett, Burr et Elwood (1997) ont évalué l’effet des techniques de gestion du stress sur la fréquence des malaises cardiaques chez 452 sujets de sexe masculin atteints d’angine de poitrine. Le groupe expérimental (n = 227) bénéficiait de trois séances d’information de groupes d’une heure, à propos de la gestion du stress. Les sujets du groupe expérimental devaient pratiquer des techniques de relaxation à l’aide de vidéos, à la maison, et faire de la lecture concernant la gestion du stress dans les manuels qui leur avaient été remis. Le groupe témoin (n = 225) ne subissait aucune intervention. Après six mois, les sujets du groupe expérimental présentaient une réduction de la fréquence des malaises rétrosternaux comparativement aux sujets du groupe témoin. Cette étude démontre que la gestion du stress à l’aide de techniques de relaxation contribue à diminuer la fréquence des malaises rétrosternaux chez les personnes atteintes d’angine de poitrine.

L’observance médicamenteuse est le comportement spécifique d’autosoins le plus effectué chez les personnes atteintes d’une maladie coronarienne (Gibbons, 2006). Rioux et Sylvain (2004) expliquent que, dans une perspective d’autosoins, l’initiative d’un traitement médicamenteux revient au professionnel de la santé. Alors, la personne atteinte d’une maladie coronarienne se conforme et suit le traitement prescrit. Elle développe ainsi une habitude et persiste dans son comportement. Wiviott et Braunwald (2004) soulignent que la médication anti-ischémique doit être observée, c’est-à-dire continuée à long terme, afin de contrôler les symptômes et de prévenir un nouvel événement coronarien. La personne doit démontrer une attitude coopérative concernant tous les aspects de l’autoadministration des médicaments. Elle doit aussi être en mesure de reconnaître les effets secondaires dès leur apparition et, le cas échéant, consulter un professionnel de la santé.

Hankey et Leslie (2001) reconnaissent l’importance d’une alimentation saine afin de prévenir ou de ralentir la progression de la maladie coronarienne. L’ordre professionnel des diététistes du Québec (2005) a établi une série de recommandations alimentaires visant à contrôler les taux de lipides sanguins et à réduire les risques de maladies cardiovasculaires. Parmi ces recommandations, nous retrouvons la consommation d’au moins cinq portions de fruits et de légumes par jour et des aliments à grains entiers. Ces derniers sont une excellente source de fibres alimentaires. Il est aussi recommandé de manger du poisson au moins deux fois par semaine. Le maquereau, les sardines et le saumon sont des sources importantes d’acides gras oméga 3 (Béliveau et Gingras, 2005). Toutefois, la consommation quotidienne en gras devrait être inférieure à 30 % du montant quotidien total de calories. Les concentrations sanguines de lipoprotéines de basse densité (LDL) sont positivement influencées par la consommation de gras saturés. Ainsi, la quantité quotidienne d’acides gras saturés devrait être inférieure à 10 % de la quantité quotidienne totale de calories ingérées par la personne. Il est aussi nécessaire de restreindre la consommation de sodium de 2,5 à 4 grammes par jour afin de réduire les risques d’hypertension. Hankey et Leslie (2001), mentionnent une relation directe entre la consommation de sodium et une augmentation progressive de la tension artérielle selon l’âge. Par conséquent, les auteurs suggèrent de n’ajouter aucun sel à la cuisson et d’éviter les aliments en conserve. En dernier lieu, la consommation de sucre blanc ne devrait pas dépasser 19 % de la quantité de calories consommées quotidiennement.

La Société canadienne de la maladie cardiovasculaire (2006) recommande pour les personnes atteintes d’une maladie coronarienne de maintenir un taux de LDL-C inférieur à 2 mmol/L et un taux de CT/HDL inférieur à 4 mmol/L. Cependant, deux grands organismes américains viennent de reconnaître l’importance de mesurer la protéine apo B pour évaluer les risques de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral et aussi pour évaluer l’efficacité d’un traitement hypolipidémiant. En effet, l'American Diabetes Association et l'American College of Cardiology recommandent que les taux d’apolipoprotéine B (apo B) soient aussi considérés pour juger de l’efficacité d'une thérapie médicamenteuse hypolipidémiante (Brunzell et al., 2008).

2. Interventions infirmières selon le modèle des stades du changement de comportements

Selon la perspective d’Orem (2001), l’infirmière a un rôle de soutien et d’éducation visant à favoriser la prise en charge, par la personne, de sa santé. Pour soutenir la personne aux prises avec un changement dans ses habitudes de vie, Sommer et al., (2005) conseillent aux professionnels de la santé de s’inspirer du modèle des stades de changements de Prochaska et DiClemente (1983) ainsi que du modèle transthéorique du changement de Prochaska et Velicer (1997). Ainsi, l’infirmière détermine d’abord le stade de changement auquel la personne atteinte d’une maladie coronarienne se situe par rapport à un changement dans ses habitudes de vie, par exemples, les activités physiques, le tabagisme, les habitudes alimentaires et autres. Selon les modèles de Prochaska et DiClemente (1983) ainsi que de Prochaska et Velicer (1997), la personne traverse des stades distincts habituellement de façon cyclique mais parfois de façon anarchique. Ces stades de changements sont la précontemplation, la contemplation, la préparation, l’action et le maintien et l’accomplissement. Le tableau 2 présente des mots à mots fictifs à titre d’exemples, identifie les thèmes et les stades du changement de comportement de la personne et met en évidence des interventions infirmières. Au stade de la précontemplation, la personne n’envisage pas de changer de comportement. Elle mentionne : « Pour moi, fumer m’aide à me détendre et à lutter contre le stress. ». L’infirmière est à l’écoute de la personne et peut dire : « Pouvez-vous m’expliquer comment la cigarette vous aide à vous détendre? ». L’infirmière aide la personne à exprimer ses représentations et ajoute : « Qu’est-ce que l’idée de cesser de fumer représente pour vous? ». L’infirmière démontre de la compréhension. Elle s’intéresse aux perceptions, aux croyances et aux connaissances de la personne et des membres de sa famille concernant l’usage du tabac. Elle permet des échanges concernant l’usage du tabac entre les membres de la famille. Puis, elle fournit de l’information et précise sa position sans porter de jugement. Elle fait part de sa disponibilité à la personne et aux membres de la famille afin d’aborder à nouveau la question. En phase de contemplation, la personne est consciente que le problème existe et elle considère le changement dans un laps de temps prévisible sans passer à l’action. La personne dit : « J’aimerais arrêter de fumer prochainement. ». L’infirmière félicite la personne et ajoute : « C’est bien de penser d’arrêter de fumer. ». Elle l’aide à préciser les avantages de l’arrêt du tabagisme et les désavantages du comportement actuel. L’infirmière crée un contexte de changement en faisant ressortir les croyances facilitatrices et en ébranlant les croyances contraignantes. Elle amène la personne à développer ses idées en faveur du changement envisagé. Elle facilite le soutien des membres de sa famille. Elle lui offre son aide et lui propose une consultation avec une personne cardiaque qui a cessé de fumer. Au stade de la préparation au changement, la personne démontre son désir réel de changer. Elle mentionne : « C’est décidé, j’arrête de fumer dans deux jours soit à l’anniversaire de la naissance de ma femme. ». L’infirmière s’informe de la manière dont la personne pense mettre en application ce changement et elle peut dire : « C’est excellent d’arrêter de fumer. Comment pensez-vous vous y prendre? ». Elle anticipe avec la personne les obstacles et élabore avec elle des éléments de solutions aux problèmes potentiels. L’infirmière et la personne fixent ensemble un plan d’action et prévoient des actions concrètes, par exemple, l’usage d’un substitut nicotinique. L’infirmière valorise le soutien donné par les membres de sa famille et elle assure un suivi. En phase d’action, la personne affiche le comportement souhaité et concrétise sa décision. Elle dit : « Ça y est, j’ai arrêté de fumer lundi. ». L’infirmière valorise ses efforts et mentionne : « Je vous félicite d’avoir arrêté de fumer. C’est un bel effort. ». Elle démontre de l’intérêt en disant : « Comment vivez-vous l’expérience? ». L’infirmière est à l’écoute. Elle démontre une attitude chaleureuse envers la personne et les membres de sa famille L’infirmière aide la personne à exprimer ses difficultés et à rechercher des éléments de solution. Elle valorise ses succès. Elle reconnaît l’effet du soutien des membres de sa famille. L’infirmière offre de l’aide. Au stade du maintien, la personne exécute le comportement souhaité depuis plus de deux semaines. Elle dit : « J’ai arrêté de fumer depuis un mois. ». L’infirmière valorise ses efforts et mentionne : « C’est excellent, je vous félicite. ». Elle amène la personne à reformuler son engagement et à rechercher le soutien des membres de sa famille, de ses amis et du réseau communautaire. Durant ce stade, l’infirmière a la responsabilité de réévaluer régulièrement le succès des difficultés vécues par la personne. Il se peut que la personne qui a cessé de fumer expérimente une rechute et revienne au stade précédent. Le cas échéant, l’infirmière doit aider la personne à comprendre les facteurs qui ont contribué à la rechute de façon à ce qu’elle puisse les éviter. Au stade d’accomplissement, la personne n’a plus aucune tentation pour le comportement antérieur de fumer. Elle mentionne : « Même si je suis stressée, nerveuse, je n’éprouve aucune envie de fumer, je suis certaine à 100 % de ne pas fumer.». L’infirmière reconnaît que la personne n’a plus aucune tentation pour le comportement antérieur de fumer. Elle félicite la personne ainsi que les membres de sa famille pour le soutien tangible donné. Elle invite la personne à agir à titre de consultante auprès d’une personne cardiaque qui désire cesser de fumer. Carroll (2006) souligne que le succès des interventions infirmières est accru lorsqu’elles correspondent bien au stade où se situe la personne. L’infirmière joue un rôle de facilitatrice, elle respecte le rythme de la personne et elle se soucie de la relation entre la maladie cardiaque et la dynamique familiale (Duhamel et Campagna, 1997).

Tableau 2

Détermination du stade de changement de comportement et des interventions infirmières spécifiques à chaque stade

Détermination du stade de changement de comportement et des interventions infirmières spécifiques à chaque stade
Prochaska et DiClemente (1983) ; Prochaska, J. O., et Velicer, W.F. (1997). Note : interventions infirmières par Gibbons et Gallant (2009)

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Conclusion

Dans le but de faciliter l’adoption de comportements d’autosoins, l’infirmière doit comprendre la mesure de la capacité fonctionnelle du coeur, de la personne atteinte d’une maladie coronarienne afin de l’accompagner vers la poursuite d’activités physiques efficaces et sécuritaires. Les résultats présentés et interprétés, pour ce qui est de la capacité fonctionnelle du coeur, de la personne atteinte d’une maladie coronarienne, permettent aux infirmières d’en cerner l’essence. Pour soutenir la personne atteinte d’une maladie coronarienne aux prises avec des changements dans les habitudes de vie, le modèle des stades du changement de Prochaska et DiClemente (1983), la théorie d’évolution du changement de comportement des auteurs Prochaska et Velicer (1997) et le concept d’autosoins selon Orem (2001) sont devenus les cadres de référence retenus par les professionnels de la santé. Ainsi, l’infirmière détermine le stade de changement dans lequel la personne se situe et adapte ses interventions en conséquence. Sur le plan pratique, il serait pertinent d’offrir aux personnes cardiaques une clinique satellite. Cette clinique serait gérée par une infirmière spécialisée en soins cardiaques qui travaillerait en partenariat avec la personne et divers professionnels de la santé. Le but de cette clinique serait d’offrir des services de réadaptation cardiaque afin d’aider la population des cardiaques, tant en milieu urbain qu’en milieu rural, à améliorer leur capacité fonctionnelle. Cette clinique offrirait l’opportunité de mieux intervenir dans la progestion des CSA de la clientèle cible. L’infirmière évaluerait les facteurs de risque individuels et le niveau d’observance par rapport aux CSA. Elle optimiserait la participation de la personne et de sa famille à la discussion entourant le projet de traitements. Il serait alors intéressant d’évaluer la capacité fonctionnelle du coeur ainsi que la capacité à gérer les CSA chez les personnes bénéficiant des soins offerts par cette clinique satellite en les comparant avec les personnes qui ne reçoivent pas les soins selon l’approche énoncée.