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Le « moi » et le « nous », le langage et ses possibilités comme ses limites, l’ouverture à l’autre et au monde, voilà quelques thèmes qui traversent le présent numéro de la revue.

Notre dossier, préparé par Jean Morency, porte sur l’auteure acadienne France Daigle, qui publie désormais au Québec, aux Éditions du Boréal. Son oeuvre inspire de plus en plus les lecteurs et les critiques en raison, entre autres, du tableau à la fois ironique, tendre et dépourvu de nostalgie qu’elle brosse d’une Acadie en mutation, où les crispations identitaires d’autrefois semblent faire place à une capacité à la fois d’accueillir l’étranger et d’aller à la rencontre du monde. Outre un entretien et une bibliographie, le dossier comporte un extrait d’un roman en préparation et cinq articles. Raoul Boudreau s’intéresse au rapport à la langue dans l’oeuvre daiglienne, rapport « tortueux » aux dires de l’auteure elle-même. François Paré s’attarde à la fragmentation et à la représentation de soi, notamment dans 1953. Chronique d’une naissance annoncée. Jeanette den Toonder montre les liens entre le personnel et le collectif dans Pas pire, roman de l’agoraphobie, mais aussi du voyage. C’est sur la représentation de Moncton comme ville littéraire dans les trois derniers romans de l’auteure que se penchent Benoit Doyon-Gosselin et Jean Morency. Enfin, Catherine Leclerc analyse les stratégies novatrices adoptées par Robert Majzels pour rendre le chiac, ce mélange de français et d’anglais, dans sa traduction anglaise des dernières oeuvres de France Daigle.

La section « Études » comprend deux textes qui portent tous les deux, de façon très différente, sur des questions d’interprétation et d’impossibilité à dire. Nicolas Xanthos propose une lecture de L’Immaculée Conception de Gaétan Soucy qui souligne les questions d’énigmaticité, de connaissance et, finalement, d’éthique. En confrontant certains textes de Réjean Ducharme à ceux des grands mystiques du passé, Anouk Mahiout découvre, chez le romancier québécois, une approche semblable de l’absolu dans le langage, une même volonté de dire l’indicible. Enfin, comme toujours, les textes de nos chroniqueurs terminent le numéro en beauté.

Une nouvelle mérite d’être annoncée : Daniel Marcheix, de l’Université de Limoges, vient de recevoir le prix Anne-Hébert pour sa thèse consacrée à la question de l’identité chez cette auteure. Je félicite chaleureusement Daniel Marcheix, qui avait publié dans le numéro 80 de Voix et Images un article intitulé « Pratique des signes et fascination de l’informe dans les romans d’Anne Hébert » et tiré de la thèse.

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En raison d’un congé sabbatique, je quitte maintenant, après deux ans, la direction de la revue. Je tiens à remercier de leur soutien, de leur rigueur et de leur gentillesse les membres de la rédaction, les collaborateurs de la revue, la secrétaire de rédaction, Diane Brabant (qui nous quittera cet été après quatre ans de collaboration ; j’ai beaucoup compté sur son intelligence, son dévouement et son sourire constant) et le responsable de la mise en pages, Régis Normandeau. C’est mon collègue Daniel Chartier qui prendra la relève ; il fera, j’en suis convaincue, un excellent travail. Je lui souhaite, à diriger la revue, autant de plaisir que j’en ai eu.