Comptes rendus

Jeremy Bentham, Le Panoptique, Édition Mille et une nuits, Paris, 2002[Record]

  • Christophe L. Chauvet

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  • Christophe L. Chauvet
    CRIISEA
    Université de Picardie
    PHARE
    Université Paris I

Dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, la question des prisons est d’actualité en Europe. Y étaient dénoncés la surpopulation carcérale, l’état d’insalubrité et le vice qui y régnait. Autant d’éléments qui allaient à l’encontre des idées véhiculées à l’époque et dont l’objet était de faire de ces lieux des instruments de réforme des hommes comme le souhaitait Beccaria lorsqu’il rédigea en 1764 son Traité des délits et des peines. Cette réforme devenait d’autant plus nécessaire que la révolte des colonies d’Amérique en 1776 accrut de manière exponentielle le nombre de condamnés dans les cellules du royaume puisqu’il n’était plus possible de les envoyer comme main-d’oeuvre aux planteurs de coton du Nouveau Monde ou en Australie. Avec Le Panoptique, Bentham entend offrir une proposition originale pour résoudre l’ensemble de ces difficultés. La prison dont il rêve est un bâtiment unique construit de manière circulaire sur plusieurs étages : « un majestueux dôme comparable aux rotondes de Ranelagh et de Dublin, ou du cirque de Bath » note J. Semple (1993 : 114). Ni trop petit, ce qui limiterait sa capacité d’accueil, ni trop grand, ce qui irait à l’encontre de l’idée de transparence qu’il lui est assigné, l’auteur va jusqu’à décrire très précisément sa taille optimale puisqu’il doit pouvoir détenir 192 individus répartis sur quatre niveaux. Si de l’extérieur on ne voit qu’un bâtiment unique, se sont en fait deux bâtiments emboîtés l’un dans l’autre qu’il faut distinguer. Dans le bâtiment de la circonférence se trouveraient les prisonniers répartis dans des cellules individuelles, et au centre, le pavillon de l’inspecteur. Entre les deux, un espace vide. En occupant une position centrale, et à l’aide d’un astucieux système de persiennes, l’inspecteur possède ainsi « la faculté de voir d’un simple coup d’oeil tout ce qui s’y passe » (Bentham, 1791a : 13) sans être vu. C’est la potentialité du contrôle et son omniprésence, plus que son effectivité, qui agit sur les consciences et modifie les comportements. Les avantages d’une telle organisation de l’espace sont multiples et concourent toutes à un accroissement de la sécurité. Sécurité vis-à-vis de l’extérieur de la prison tout d’abord. Conçue comme une véritable forteresse, l’édifice est inattaquable, ce qui créé une véritable garantie contre les « attaques hostiles du dehors » (Bentham, 1791a : 16) et ôte à chaque détenu tout espoir d’évasion puisqu’ « on ne forme point de desseins quand on voit l’impossibilité de les exécuter » (ibid. : 17). Sécurité à l’intérieur de la prison ensuite. Les prisonniers ont la garantie qu’aucun mauvais traitement ou humiliation ne leur sera infligé par leurs geôliers. Tous les hôtes du Panoptique font en effet l’objet d’une surveillance continuelle : soit de la part de l’inspecteur, soit de la part du public. Bentham prévoit en effet que tout individu - citoyen, juge ou élu - puisse à tout moment entrer à l’intérieur de la prison sans être vu de telle manière que ce faisant « la scène entière est déployée à ses regards » (ibid. : 15). La transparence de l’édifice apparaît ainsi comme une condition essentielle de la réalisation de la sécurité. Avec de tels aménagements architecturaux et quelques principes de gestion, le traitement de la délinquance devient véritablement « scientifique ». La gestion de la prison telle qu’elle est présentée par Bentham prolonge ses premiers travaux sur les peines débutés dès 1785. Il s’agissait, en partant du calcul des peines et des plaisirs, de proportionner exactement les peines aux délits de telle manière que les maux associés à la peine excèdent les avantages que le délinquant peut retirer du délit. Cette idée n’est …

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