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André Raynauld nous a quittés le 11 avril dernier à la suite d’une longue maladie. Le Canada et le Québec ont perdu l’un de leurs économistes les plus prolifiques, l’Université de Montréal un de ses pionniers, le département de sciences économiques de cette institution son fondateur et de très nombreux économistes québécois parmi les plus éminents ont quant à eux perdu un professeur, un mentor, un modèle et pour plusieurs un ami proche.

André Raynauld était d’abord et avant tout un grand intellectuel fortement impliqué dans tous les débats importants qui ont secoué les sociétés québécoises et canadiennes au cours des 60 dernières années. Toujours, il y défendait avec compétence et élégance et sur toutes les tribunes, le point de vue de l’économiste moderne. Ses prises de position s’appuyaient sur une pensée originale et des recherches rigoureuses.

Ses études fouillées et innovatrices sur les disparités de revenus entre francophones et anglophones au Canada, réalisées dans le cadre de la Commission Laurendeau-Dunton, soutinrent une série de recommandations de cette Commission et furent un des éléments déclencheur du réveil des jeunes francophones au Québec. Son fameux livre Croissance et structure économiques de la province de Québec, qui était par son approche et ses méthodes nettement en avance sur son époque, devint un classique et influença toute une génération d’économistes qui s’intéressèrent par la suite au développement et à la croissance économique tant au niveau national qu’international. Beaucoup d’études du Conseil économique du Canada, lorsqu’il en fut le président (1972-1976), influencèrent fortement par la suite les grandes politiques économiques canadiennes. Ce fut le cas, entre autres, des études sur le libre-échange, le marché du travail et la règlementation. Ces études majeures, dans lesquelles André Raynauld s’est fortement impliqué, conduisirent plus tard aux traités de libre-échange que le Canada signa, dont l’ALÉNA, et à une réforme majeure de l’assurance chômage. C’est durant sa présidence que le Conseil économique du Canada atteint son apogée par la diversité, la qualité et la pertinence de ses études.

Peu importe la fonction qu’il occupait, André Raynauld demeurait un professeur et un mentor. Dans toutes les grandes études qu’il dirigea, il impliqua massivement ses étudiants, ses anciens étudiants et ses jeunes collègues du département des sciences économiques de l’Université de Montréal. Il prolongeait ainsi son rôle de professeur et permettait à de jeunes économistes francophones de s’insérer dans des réseaux de recherche nationaux et internationaux. Il fut pour beaucoup d’entre nous une puissante locomotive qui nous entraîna plus loin et plus haut. André Raynauld était fier de ses anciens étudiants et de ses jeunes collègues et ne négligeait rien pour leur faciliter une carrière de haut niveau. Il n’était pas seulement un grand maître, il était aussi généreux et loyal.

Dans le livre publié sous la direction de Claude Corbo, Monuments intellectuels québécoisdu 20e siècle, on retrouve André Raynauld en compagnie, entre autres, des Dumont, Gérin, Marie-Victorin et Taylor. Il y est à sa place et c’est probablement le genre de reconnaissance qu’il appréciait le plus. Nous avons perdu un monument intellectuel, mais ses actions, ses oeuvres et la relève qu’il a formée marqueront pour longtemps encore le futur de notre société.