Compte rendu

Réflexions sur le livre de Philippe Aghion et Alexandra RouletPhilippe Aghion et Alexandra Roulet,Repenser l’État. Pour une social-démocratie de l’innovation, Éditions du Seuil, Paris, 2011, 122 p.[Record]

  • Gérard Bélanger

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  • Gérard Bélanger
    Université Laval

Une retraite prochaine incite à trouver une façon de prendre ses distances de l’économique. Une voie consiste à caricaturer les écrits des économistes en établissant deux catégories. La première comprend les travaux pour les revues académiques : ils se caractérisent par une froideur et un formalisme avancé qui visent à répondre à différentes ambiguïtés tout en demeurant très prudents dans leurs conclusions. La deuxième catégorie comprend les écrits généralement reliés à l’analyse des politiques publiques : les économistes ont ici tendance à tourner les coins ronds avec des exagérations dans leurs conclusions. La prudence n’y est pas privilégiée. Ce livre en donne un bon exemple. À l’aide d’extraits de la conclusion, je résume dans un premier temps le message du livre. Je propose ensuite une conclusion alternative qui va dans une toute autre direction que celle des auteurs. Je discute les limites de l’approche méthodologique utilisée et l’absence de modération dont font preuve les auteurs. Je conclus en évoquant la dichotomie classique entre la centralisation et la décentralisation : ce sujet est implicite dans ce livre mais il n’est pas directement traité. Le titre de ce livre, Repenser l’État, réfère à un vaste chantier de réflexion d’économie politique, qui comprend trois volets. Il s’agit d’abord d’identifier les présentes caractéristiques de l’État et les forces qui les ont engendrées. Le deuxième volet concerne l’aspect prescriptif de ce que devrait être l’État réformé avec la justification des changements proposés. Enfin, il est nécessaire d’analyser les moyens d’y arriver, soit l’instrumentation des réformes ou de l’atteinte du nouvel équilibre. Dans un petit livre de 122 pages, les auteurs doivent toutefois se limiter; ils s’intéressent ici seulement au deuxième point, à ce que devrait être l’État repensé dans le contexte de la France. Toute critique risque de fausser la pensée des auteurs en construisant un épouvantail pour mieux démolir l’ouvrage. Pour éviter ce piège, voici de larges extraits tirés de la conclusion qui résume bien le livre : L’analyse du livre est rudimentaire : elle repose généralement sur des graphiques représentant de simples lignes droites tracées entre les points de deux variables pour des pays développés ou de l’OCDE. Avant d’entreprendre une critique de la méthodologie utilisée, un point important mérite d’être noté : l’analyse des auteurs laisse la place à une conclusion alternative. La conclusion du livre pourrait très bien être la suivante : la France a un régime politique inadapté aux conditions d’aujourd’hui. Elle devrait se réformer radicalement vers un fédéralisme très décentralisé et même songer à se scinder en différents pays. Quelle est la justification de cette conclusion alternative? Dans les différentes figures présentées par les auteurs, les pays scandinaves incluant la Finlande se démarquent positivement. Ces 4 pays se caractérisent par leur faible population, qui varie entre 4,9 et 9,1 millions d’habitants. Ce sont de petits pays par rapport à la France avec ses 65 millions de citoyens. Une plus grande homogénéité de la population et une économie plus ouverte ne favoriseraient-elles pas de meilleures politiques? Comme il fut déjà mentionné, l’analyse repose ici presque exclusivement sur des graphiques où les auteurs ont tracé une ligne droite entre deux variables de pays industrialisés. La présence ou non de quelques pays modifie considérablement la pente de la droite. De plus, il n’y a aucun des estimés habituels sur la valeur statistique de cette droite. Les États-Unis avec ses 310 millions d’habitants ont ici le même poids que la Norvège qui n’a pas encore atteint les 5 millions. L’utilisation de certaines variables est sujette à critiques : par exemple, le nombre de brevets par habitant sans tenir compte du degré de la …

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