En 2012, un débat sur les universités a fait rage au Québec. Ce débat a principalement porté sur la qualité des formations, leur financement, les frais de scolarité. Un aspect fort sensible de ce débat sur les universités concerne les frais de scolarité. Certains proposent de les hausser significativement alors que d’autres prônent le gel ou l’indexation, ou même la gratuité scolaire. Il est parfois difficile de bien cadrer les discussions et de s’y retrouver. Notre analyse adopte une approche positive qui se base sur les études scientifiques sur le sujet. Notre analyse débouchera sur une proposition de structure pour les frais de scolarité basée sur le principe de la modulation. Cette proposition sera formulée pour l’année académique 2011-2012. (On note qu’il serait facile de la mettre à jour avec des données plus récentes.) Nous croyons que toute argumentation doit s’appuyer sur les résultats trouvés dans la littérature scientifique. Nous produisons une revue de la littérature sur les rendements privés de l’éducation, c’est-à-dire, les rendements de l’investissement en capital humain (l’éducation) appropriés par l’étudiant; sur la valeur sociale de l’éducation qui nous donne une mesure des rendements sociaux de l’éducation; et enfin sur l’accessibilité aux études supérieures et le rôle joué par les contraintes financières. Des résultats établis dans cette littérature, il nous est possible de quantifier la part des coûts directs de l’éducation qui devrait être assumée par les étudiants sur la base du principe de l’efficacité. Selon ce principe, l’étudiant doit supporter la part des couts de formation équivalente à la part des rendements totaux qu’il s’appropriera. Un corollaire de cette littérature est que, puisque la part de l’étudiant est établie en fonction des coûts directs de formation et que ces coûts varient par discipline, les frais de scolarité doivent être modulés en fonction des disciplines. Une telle modulation permet d’éliminer les iniquités issues du système actuel de frais uniformes où des étudiants de certaines disciplines paient une forte proportion du coût de leur formation alors que d’autres en paient une faible proportion, ce qui implique que des étudiants sont subventionnés plus généreusement que d’autres. Typiquement, les étudiants dans des disciplines à coûts élevés jouissent d’une subvention significativement plus importante que celle dont jouissent les étudiants des disciplines à faibles coûts. À partir de la part efficace assumée par les étudiants et du coût relatif des différentes disciplines, il est possible de produire une grille de frais de scolarité modulés pour les 1er et 2e cycles. (Pour des raisons évoquées dans le texte, nous omettons le 3e cycle.) En utilisant le tableau 1, nous tirons que Dans la prochaine section, nous présentons les principaux arguments invoqués dans le débat sur les frais de scolarité et nous les analysons de façon rigoureuse. Ensuite, nous présentons une revue de la littérature scientifique sur les rendements privés de l’éducation, la valeur sociale de l’éducation et l’accessibilité aux études supérieures. Enfin, à partir de ces résultats, nous estimons la part efficace des étudiants dans les frais de scolarité pour en arriver à produire une grille de modulation des frais. Investir en éducation rapporte de forts rendements pour les étudiants, des rendements qui sont parmi les plus élevés de tout type d’investissement. De plus, le rendement de l’éducation a augmenté significativement lors des dernières décennies, ce qui fait que l’éducation, plus particulièrement l’éducation supérieure, est devenue un investissement extrêmement profitable pour une grande partie des individus de notre société. L’éducation est un investissement dans le sens où il entraine des coûts, qui sont assumés tôt dans la vie d’un individu, et des bénéfices qui arrivent plus tard, lorsque les individus …
Appendices
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