L’économie des contrats étudie les mécanismes qui visent à améliorer les échanges en présence d’informations asymétriques. Ces modèles, dont la base a été largement développée pendant les années 1970, sont maintenant le sujet de plusieurs livres; voir, par exemple, Laffont et Tirole (1993), Laffont et Martimort (2002), Bolton et Dewatripont (2004) et Salanié (2005). L’application de ces idées à l’intérieur de l’entreprise met en valeur la relation entre les propriétaires de l’entreprise et les travailleurs, une relation qui est marquée par la présence d’informations asymétriques au niveau de la productivité potentielle des travailleurs. Une attention particulière est portée à comment structurer les contrats salariaux dans le but de maximiser la profitabilité des entreprises dans ces circonstances. Parsons (1986), Hart et Holmström (1987) et Malcomson (1999) présentent des revues de cette littérature. Nous avons assisté, ces 20 dernières années au développement d’une littérature empirique, appelée l’économétrie des contrats, qui teste ces modèles et mesure l’importance des asymétries d’information et des contrats. Cette littérature s’est développée grâce à la disponibilité de bases de données provenant d’archives de paies de compagnies et de certaines expériences. Dans cet article, je résume ces développements en soulignant les questions empiriques que ces bases de données nous ont permis de considérer. Je mets l’emphase sur les avantages et les inconvénients de différents types de données ainsi que sur les méthodes économétriques utilisées pour analyser ces données. Le fil conducteur de l’article est la complémentarité entre les méthodes économétriques dites structurelles et les méthodes expérimentales. La main-d’oeuvre est un facteur de production qui contrôle sa propre productivité par l’entremise de son effort. Ce constat, jumelé avec le fait que les intérêts des travailleurs par rapport à leur choix d’effort n’est pas forcément aligné avec celui de l’entreprise, génère un conflit à l’intérieur de l’entreprise, résumé par la citation d’Akerlof qui débute ce texte. Ce conflit est généré par trois éléments. Premièrement, l’effort est coûteux pour les travailleurs; ceteris paribus, ils préfèrent en fournir moins que plus. Deuxièmement, en présence d’asymétrie d’information sur la productivité potentielle du travailleur, ce dernier peut se servir de son avantage informationnel pour extraire des rentes et réduire le coût de son effort (et sa productivité). Troisièmement, l’effort ne peut pas être le sujet d’un contrat explicite direct, il doit être induit par les incitations en place dans l’entreprise. L’étude de ce conflit et les différentes manières (ou politiques contractuelles) disponibles à l’entreprise pour aligner les intérêts des parties est le sujet de l’économie (et de l’économétrie) des contrats, appliquée à la relation entre travailleur et entreprise. Des exemples de différents contrats incluent : l’utilisation des incitations monétaires par le paiement à la pièce (Stiglitz, 1975; Lazear 1986), le partage des profits (Alchian et Demsetz, 1972), l’utilisation des incitations implicites ou sociologiques (Akerlof, 1982; Baker, Gibbons et Murphy, 1994), les contrats de licenciement (Shapiro et Stiglitz, 1984; Macleod et Malcomson, 1989) et les incitations hiérarchiques (Lazear et Rosen, 1981). L’économétrie des contrats mesure la performance de contrats alternatifs sur le comportement des travailleurs et sur les profits des entreprises. Comme l’économétrie appliquée en général, ce champ est divisé entre l’approche en forme réduite et l’approche structurelle. L’approche en forme réduite favorise l’estimation des effets de causalité; on cherche à tester des théories, en imposant le moins de restrictions possibles sur les données. Angrist et Pischke, (2009) font une présentation générale de cette approche. Dans le contexte de l’économétrie des contrats, le but principal est de mesurer l’effet des contrats sur la productivité des travailleurs. Des exemples incluent Jones et Kato (1995) et Lazear (2000). L’approche structurelle applique des modèles économiques formels aux données dans …
Appendices
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