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Introduction

L’enseignement du français au Mexique connaît un essor considérable depuis quelques décennies. Le français est présentement la deuxième langue étrangère la plus enseignée au Mexique après l’anglais (Capdepont, 2011). Afin de former les futurs enseignants de français, de nombreux établissements universitaires mexicains offrent des programmes de formation dans le domaine du français (Silva Ochoa, 2013). Cette formation, en plus de contenir des cours de français, forme les futurs enseignants à la didactique du français langue étrangère (FLE). De plus en plus d’établissements intègrent également des éléments culturels et interculturels en lien avec le français dans leur offre de formation.

Cet article présente une rencontre interculturelle vécue dans le cadre d’un projet pour futurs enseignants de FLE dans ce contexte universitaire, projet qui avait pour ambition de contribuer au développement de la dimension francophone dans le programme de formation d’enseignants de FLE à l’Université de Guadalajara (UDG, une institution publique de l’État de Jalisco). Plus spécifiquement, il visait 1) à faire connaître le Québec par le biais d’aspects culturels novateurs et 2) à concourir à l’amélioration de la compétence interculturelle des étudiants-acteurs impliqués, à travers l’instauration d’un dialogue entre les cultures québécoise et mexicaine. Ce projet avait pour objectif final de monter et présenter une pièce de théâtre illustrant une légende québécoise, La Chasse-galerie, lors d’un festival francophone. Ce point d’arrivée a donné lieu à la découverte et à l’analyse de cette légende, avec, auparavant, à des activités de découverte de la culture québécoise.

Dans cet article, nous décrivons cette rencontre interculturelle entre de futurs enseignants de FLE et la culture québécoise et nous présentons les conceptions que les étudiants ont du Québec, ce qui permet de mieux comprendre leurs réflexions interculturelles.

Problématique

La Licence de Didactique de Français Langue Étrangère (LIDIFLE) de l’UDG a pour ambition de former des enseignants de FLE qui exerceront leur activité professionnelle dans des institutions variées et auprès de publics diversifiés. Comme aucun niveau de français n’est requis à l’entrée dans la licence, cette dernière connaît un défi important : former en quelques années des étudiants qui doivent développer de solides compétences professionnelles en français. Tout au long de la licence, les étudiants ont la possibilité de compléter et d’enrichir leur formation linguistique et culturelle grâce à différents événements culturels réalisés localement et auxquels ils sont amenés à collaborer. Ainsi, dans une optique de renforcement de la dimension francophone de la LIDIFLE, le Québec a été invité à l’UDG à de nombreuses reprises, ce qui a permis aux étudiants d’en découvrir différentes facettes. Au terme de leur licence, ils ont également la possibilité de réaliser un long séjour en France ou au Québec, dans le cadre des programmes d’assistants de français ou dans le cadre d’une formation de maîtrise. Ces données mettent de l’avant le fait qu’au sein de la LIDIFLE, la rencontre avec l’Autre francophone, en particulier l’Autre québécois, reste une préoccupation constante. Elle est particulièrement mise en évidence à l’occasion du Festival francophone de l’UDG, événement annuel organisé par les formateurs et les étudiants de la LIDIFLE. C’est l’occasion pour les étudiants de mettre en oeuvre leurs compétences linguistiques, interculturelles et professionnelles, et de déployer leurs talents dans des créations artistiques.

C’est dans ce contexte qu’a été développé un projet de formation en lien avec la théâtralisation de contes et de légendes québécois au sein duquel la compétence interculturelle serait analysée et éprouvée. Le projet a été conçu en deux parties : un atelier de quatre jours sur les contes et les légendes du Québec (et d’autres régions du monde) et la culture québécoise, suivi du développement du projet théâtral, en vue de représenter la légende La Chasse-galerie sur scène dans le cadre du Festival francophone. Cet article met en lumière à la fois les représentations des participants en lien avec le Québec, sa langue et sa culture, ainsi que leurs réflexions concernant la rencontre interculturelle qu’ils ont vécue dans le cadre du projet.

L’interculturel en didactique des langues-cultures

Ce projet de rencontre interculturelle met à l’avant-plan l’importance du développement de la compétence interculturelle des étudiants de langue, et a fortiori des futurs enseignants de langue. Apprendre/enseigner une langue, c’est inévitablement tisser des liens avec la culture liée à cette langue, et permettre une réflexion sur les représentations de l’Autre, de sa langue et de sa culture. Comme l’indiquent Byram et Morgan (1994), « Dans la mesure où langue et culture sont inséparables, on ne peut être enseignant de langue sans être enseignant de culture, et vice versa » (p. vii, traduction[1]).

Le théâtre comme porte d’entrée dans la culture québécoise

Dans le cas de ce projet, l’Autre est entré en scène par le biais de la théâtralisation de la légende québécoise La Chasse-galerie et non par contact avec des locuteurs québécois. Il s’agit donc en quelque sorte d’une rencontre interculturelle indirecte, qui s’est opérée grâce à diverses activités menant à une meilleure compréhension du Québec, de sa langue et de sa culture, en vue de mieux s’approprier le contexte lié à la légende. Le Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001) présente le théâtre comme un moyen artistique permettant de développer les connaissances des apprenants sur la culture cible, notamment puisqu’il s’agit d’un espace dans lequel sont véhiculés des comportements, des valeurs et des croyances (p. 83). En quelque sorte, le théâtre permet aux apprenants d’entrer en relation avec la langue et sa culture, et offre une occasion pertinente et authentique pour susciter les discussions. Dans le cadre d’un projet visant à relater l’expérience de 22 étudiants de licence en français langue étrangère participant à un atelier de théâtre en français dans une université de Trinité-et-Tobago, Daillier (2014) a rapporté plusieurs bénéfices de l’exploitation du théâtre pour les apprenants. L’auteur indique que les participants ont notamment pu améliorer leurs compétences en français et « mieux apprécier la culture française ». Pour sa part, Salopelto (2008), qui a mis en oeuvre un projet théâtral avec des apprenants adolescents d’anglais langue étrangère en Finlande, rapporte que ce projet a favorisé la prise de conscience interculturelle chez ses participants, entre autres en ce qui a trait au développement de l’empathie.

Le projet de théâtralisation de La Chasse-galerie visait non seulement à faire connaître le Québec, et, éventuellement, à permettre aux participants de mieux apprécier sa culture, mais aussi, ultimement, à favoriser le développement de leur compétence interculturelle.

La compétence interculturelle, au coeur du projet

La compétence interculturelle réfère à la compétence d’un individu à communiquer langagièrement et à interagir culturellement (Conseil de l’Europe, 2001) afin de permettre le développement de « la capacité d’affronter des situations complexes sur le plan linguistique et culturel » (Byram, 2003, p. 5). Le cadre de référence du développement de la compétence interculturelle en éducation aux langues de Lussier (2007) comprend des éléments relevant de trois dimensions : les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être. Les savoirs se traduisent en termes de connaissances déclaratives concernant l’autre culture (par ex. faits historiques, traditions). Également, cette première dimension comprend les similitudes et différences entre la culture d’origine des apprenants et la culture reliée à la langue cible. La dimension du savoir-faire concerne les comportements reliés à l’adaptation à l’autre culture. Les savoir-faire, qui englobent des savoirs, sont du niveau de l’application, de l’analyse et de la synthèse. La dimension du savoir-être est plutôt liée à l’internalisation, à l’appropriation et à la prise de conscience de l’autre culture, et nécessite une analyse plus approfondie. Développer un savoir-être culturel signifie développer une sensibilisation culturelle à l’égard des autres cultures, démontrer une ouverture et une empathie face à l’altérité afin d’arriver à mieux comprendre l’Autre. Ce projet a d’une part favorisé une décentration pour appréhender l’Autre québécois en réduisant les effets du prisme de la culture de référence et a, d’autre part, contribué à nourrir un dialogue constructif sur la diversité culturelle présente au sein de l’environnement des étudiants. En effet, ces derniers, en réfléchissant à la diversité culturelle au Québec, ont en retour mis en évidence la diversité culturelle au Mexique. Le monolithisme culturel qu’on associe parfois à un pays ou à une société a donc été relativisé.

Les résultats d’études réalisées auprès d’enseignants de langue permettent de mieux comprendre l’importance qu’ils accordent à l’interculturel. Par exemple, lors d’une étude menée sur les perceptions et les attitudes en lien avec l’interculturel d’enseignants slovaques de langue oeuvrant au niveau secondaire (collège/lycée), Lussier et collab. (2003) ont pu constater que les enseignants perçoivent les différences culturelles de manière plutôt positive. En effet, la plupart des 51 participants ont considéré que ces différences permettent un enrichissement intellectuel, et sont synonymes d’intérêt, de curiosité, de surprise et de nouveauté. Les auteurs concluent que l’ouverture à l’enseignement de la culture et au développement de la compétence interculturelle semble claire chez la majorité des enseignants ayant participé au projet, mais que la mise en oeuvre des moyens pédagogiques pour y arriver paraît moins évidente. Ainsi, même si l’importance de l’interculturel est relevée par les enseignants, ces derniers peuvent parfois manquer de balises claires pour l’intégrer en salle de classe.

De son côté, Olivencia (2008) a conduit une étude visant à explorer les perceptions et les pratiques de 15 enseignants du Québec à l’égard du développement de la dimension interculturelle en classe de français langue seconde. Ces enseignants sont tous d’accord avec le fait que la langue est indissociable de la culture et valorisent les expériences interculturelles, celles-ci permettant de développer des attitudes d’ouverture et d’enrichir le système de références culturelles. Pour ces enseignants, l’enseignement de la culture et de l’interculturel se fait surtout par le biais de la chanson, de l’histoire, d’activités de découverte culturelle dans leur ville ou leur quartier, ou encore en présentant aux apprenants des textes appartenant à la culture littéraire québécoise.

Pour sa part, Maillard (2013) a réalisé une étude portant explicitement sur la dimension interculturelle des textes littéraires dans la classe de FLE. Les enseignants de FLE ayant participé à la recherche ont notamment insisté sur l’importance du dialogue des cultures qui a lieu lors de l’appropriation d’un texte : « les étudiants peuvent mettre en relation leurs propres expériences avec celle du texte, initier un mouvement dynamique à la fois de découverte de l’autre et de retour sur soi. » (p. 401). Dans le même ordre d’idées, Sperkova (2009) prône aussi l’exploitation de textes littéraires pour l’intégration de l’interculturel en classe de langue : « Le texte littéraire véhicule des images qui renvoient à des mythes reconnus et acceptés par le groupe dont l’auteur fait partie et où son oeuvre est d’abord reçue. La culture de l’élève va être confrontée avec le monde de l’Autre. Ce fait lui permettra de relativiser le statut de sa propre culture et de vivre une expérience interculturelle » (p. 6).

Les représentations : des images de l’Autre, sa langue et sa culture

Dans le cadre de ce projet, il ne s’agissait donc pas seulement d’enseigner une langue, mais aussi, et surtout, de faire vivre aux apprenants une rencontre interculturelle, comprenant notamment la sensibilisation aux valeurs, croyances et modes de vie de l’Autre (le Québec et les Québécois) en classe de FLE. De tels échanges interculturels « peuvent contribuer à une meilleure compréhension de l’Autre, de sa langue et de sa culture et, idéalement, au développement de représentations positives » (Amireault, 2007, p. 82). Dans une perspective interculturelle de la didactique des langues-cultures, le concept de représentation est central (Puren, 2002) puisque c’est, entre autres, à partir de l’image que les apprenants ont de l’Autre, de sa culture et de sa langue que l’enseignant pourra élaborer la rencontre interculturelle. Castellotti et Moore (2002) indiquent qu’il est possible de relever des traces d’un état des représentations ainsi que de leur évolution chez les apprenants. En effet, de nombreux travaux en didactique des langues concernent les représentations des apprenants des langues qu’ils apprennent ainsi que des endroits où sont parlées ces langues (par ex. Matthey, 1997; Zarate, 1993). Les activités didactiques ciblant les représentations peuvent notamment permettre d’analyser et de comparer ces représentations, de les construire et les déconstruire, ce qui induit donc une dynamique comparative parsemée d’allers-retours entre la culture/langue d’origine et la culture/langue cible. Cela permet ainsi d’opérer un relativisme culturel lors des activités didactiques, et d’analyser la langue et la culture de l’Autre à travers ses propres références, tout en privilégiant des attitudes d’ouverture et de respect. Pour Djeghar (2009), il est essentiel de travailler les représentations en classe, ainsi que de bâtir de nouvelles représentations à partir du bagage culturel et linguistique des apprenants : « la compréhension et le respect des systèmes symboliques de chacun sont des compétences essentielles à enseigner. Seule la découverte de ses propres représentations peut permettre de se situer pour aborder sûrement celles d’autrui » (p. 193). L’auteur souligne aussi que l’approche comparative des représentations ainsi que la mise en place d’un climat de classe favorisant les discussions réflexives constituent les deux outils à privilégier pour travailler efficacement les représentations en didactique des langues-cultures.

Méthodologie

Déroulement du projet

Ce projet avait pour objectif ultime la présentation d’une pièce de théâtre illustrant une légende québécoise, La Chasse-galerie, par de futurs enseignants de FLE étudiant à l’UDG. Afin d’amorcer la rencontre interculturelle entre les étudiants et la culture québécoise, plusieurs activités leur ont été proposées. Cet article traite plus particulièrement des résultats en lien avec les activités « En route pour le Québec ! » et « Représentations croisées des Mexicains et des Québécois », réalisées au deuxième jour de la formation intensive de quatre jours à laquelle ont pris part les étudiants en début de projet. Nous présenterons également des résultats provenant de l’activité de discussion « Bilan de l’atelier » réalisée à la toute fin du projet, soit à la suite de la représentation sur scène de La Chasse-galerie. Il est à noter qu’à la suite de la formation intensive en début de semestre, les étudiants ont préparé la représentation théâtrale à raison de quelques heures par semaine pendant deux mois.

Participants

Au total, 14 étudiants se sont inscrits à ce projet, sur une base volontaire. Leur niveau de compétence en français était très hétérogène, certains d’entre eux venant d’intégrer la LIDIFLE, tandis que d’autres étaient sur le point de terminer leurs études de licence. Cette diversité de profils linguistiques avait été anticipée au moment de la conception de la formation, ce qui fait que toutes les activités proposées étaient accessibles à chacune et chacun, quel que soit son niveau de compréhension ou d’expression. En particulier, les supports audiovisuels ont été d’une grande aide, de même que les nombreux moments réservés aux échanges oraux, de préférence en français, mais en laissant toute sa place à l’espagnol si besoin.

Le tableau 1 présente certaines caractéristiques des participants ayant pris part au projet.

Tableau 1

Profil des participants

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Les 14 étudiants (10 femmes et 4 hommes) inscrits ont participé au projet. Les participants avaient entre 20 et 36 ans (moyenne de 25,4 ans), et avaient terminé entre un et neuf semestres d’études du français à l’UDG lorsqu’ils ont pris part au projet. Leur niveau de français, plutôt hétérogène, variait de A2 (utilisateur élémentaire) à C1 (utilisateur expérimenté) (Conseil de l’Europe, 2001). Une assistante de français de nationalité française, Aurélie, comptait parmi les participants. À noter que sur l’ensemble des participants, 11 ont fait partie du projet jusqu’à la représentation théâtrale de La Chasse-galerie. Les trois autres (Andrea, Natalia et Clara) ont seulement participé à l’atelier de quatre jours.

Activités proposées

1. L’activité « En route pour le Québec ! » avait pour but d’activer les représentations initiales des participants envers le Québec, de (re)découvrir quelques aspects de la culture québécoise et d’apprécier la réflexion concernant ces représentations au terme de la courte activité. Cette activité, d'une heure au total, consistait d’abord à recueillir, par écrit, les représentations initiales des étudiants en lien avec le Québec (Si on vous dit « Québec », ça vous évoque quoi ? Faites part de vos représentations sur le Québec !). Ensuite, les participants ont pu voir des photos prises au Québec et devaient les associer à des éléments culturels (ex. les couleurs d’automne, Montréal, le fleuve Saint-Laurent). Ils ont aussi eu l’occasion de visionner trois vidéos sur le Québec[6], puis de consulter un court document écrit (en espagnol et en français) comportant des informations sur le Québec (géographie, histoire, gastronomie). À la suite de cette première activité, les participants sont revenus sur leurs premières impressions du Québec à l’aide d’un court questionnaire écrit comportant les trois questions suivantes :

1. C’était bien ce que je pensais ! L’idée que j’avais a priori du Québec se confirme, particulièrement concernant :

...

2. Bizarre, bizarre ! Les éléments suivants m’ont particulièrement surpris, étonné(e) :

...

3. Voilà la liste des éléments qui ont le plus piqué ma curiosité, les choses que j’aimerais voir, visiter, manger en priorité si j’allais au Québec :

...

2. L’activité « Représentations croisées des Mexicains et des Québécois », pour sa part, avait pour objectif de confronter les représentations des participants sur le regard que les Québécois portent sur les Mexicains. Un court texte en français[7] traitant de différences culturelles entre les Québécois et les Mexicains a d’abord été présenté aux participants. Ce texte souligne les éléments caractéristiques des deux cultures en lien avec les relations homme-femme, le mariage, les relations familiales, la religion, la communication verbale/non verbale, la conception du temps et les relations entre les générations. Pour chacun de ces thèmes, les participants devaient indiquer, par écrit, s’ils étaient d’accord, plus ou moins d’accord, ou pas d’accord avec ce que les Québécois disaient de la culture mexicaine, et commenter leur choix de réponse. Il s’agissait donc d’un regard croisé (depuis la perspective québécoise et depuis la perspective des étudiants) sur la culture mexicaine. En guise de synthèse à cette activité, les participants ont également rempli un tableau dans lequel ils ont mentionné ce qu’ils percevaient comme des traits de culture partagés entre les Québécois et les Mexicains, et ce qu’ils qualifiaient de différences culturelles.

3. L’activité « Bilan de l’atelier » au terme du projet a permis d’effectuer un retour en groupe sur la rencontre interculturelle dans son ensemble.

Collecte et analyse des données

Les données présentées dans cet article ont été recueillies en lien avec les trois activités proposées : (1) « En route pour le Québec ! », (2) « Représentations croisées des Mexicains et des Québécois » et (3) « Bilan de l’atelier ». Lors des deux premières activités, les questionnaires écrits remplis par les 14 participants ont été recueillis. Le tableau comparatif entre les cultures mexicaine et québécoise, complété lors de la deuxième activité, a également fait l’objet d’analyses. Lors de la dernière activité, la discussion entre les participants a été enregistrée puis transcrite. À noter que seulement huit participants étaient présents lors de cette discussion (Pedro, Elsa, Pablo, Alicia, Juan, Eduardo, Marisol et Beatriz). Une analyse thématique (Negura, 2006; Paillé et Mucchielli, 2012) a été réalisée pour l’ensemble des données recueillies afin de dégager les éléments fondamentaux et de les regrouper à l’intérieur de catégories signifiantes. Rappelons que l’analyse visait à mettre en avant les représentations des participants en lien avec le Québec, sa langue et sa culture, ainsi que leurs réflexions concernant la rencontre interculturelle qu’ils ont vécue dans le cadre du projet.

Présentation des résultats

L’activité « En route pour le Québec ! »

Au terme de l’activité « En route pour le Québec ! », la majorité des étudiants ont indiqué que l’idée qu’ils avaient a priori du Québec se confirmait (question 1), particulièrement concernant le fait français et les aspects naturels (ex. le climat). Par contre, certains éléments semblent les avoir particulièrement surpris (question 2), notamment les questions de l’indépendance du Québec et de l’identité liée au fait français. Plusieurs étudiants se sont aussi montrés étonnés du fait que les gens peuvent être actifs à l’extérieur malgré le froid, ce qu'illustrent par les citations suivantes :

Je pensais que tout le monde restait chez eux quand la neige tombait. Pourtant, j’ai constaté qu’ils ont plusieurs activités qui se font dehors

Clara

Les gens n’arrêtent pas leur vie malgré les conditions climatiques extrêmes. Ils s’amusent bien à l’extérieur, même pendant l’hiver

Alicia

En outre, la cabane à sucre et ses produits dérivés (ex. la tire sur la neige) ont attiré l’attention de trois étudiants. Finalement, à la suite de cette activité de découverte sur le Québec, les étudiants ont aussi réagi concernant ce qu’ils aimeraient voir, visiter ou manger en priorité s’ils allaient au Québec (question 3). La cabane à sucre semble être une activité à privilégier pour huit étudiants, tout comme la découverte des grands espaces naturels ( pour trois d'entre eux). Il est intéressant de constater que deux étudiantes aimeraient se rendre au Québec pour apprendre à maitriser l’accent québécois. Il est toutefois important de contextualiser cette activité en regard de la nécessité de faire une première réflexion sur les images que les participants ont du Québec. En effet, il s’agit d’une réflexion (limitée dans le temps) des étudiants concernant leurs représentations initiales, et non d’une évolution des représentations à proprement parler, les données ayant été recueillies au cours de la même journée.

L’activité « Représentations croisées des Mexicains et des Québécois »

La rétroaction écrite suite à cette activité a permis de recueillir des données sur les réflexions des étudiants concernant les différences culturelles entre les Québécois et les Mexicains présentées dans le texte qu’ils ont lu. Cette activité s’est terminée par la rétroaction des étudiants concernant leurs représentations des traits de culture partagés entre les Québécois et les Mexicains, et des traits qu’ils qualifient de différences culturelles. Pour ce qui est des traits de culture partagés, il est intéressant de constater que cinq étudiants n’ont indiqué aucun élément de réponse. Pour les neuf autres participants, les éléments culturels qu’ils se représentaient comme étant importants au Mexique comme au Québec concernaient surtout l’émancipation des femmes (n = 3), l’influence de la religion catholique (n = 2), l’importance de la famille (n = 2) et la diversité culinaire (n = 2). En ce qui a trait aux éléments culturels perçus par les étudiants comme des différences entre les Québécois et les Mexicains, trois personnes n’ont fourni aucune réponse, alors que les onze autres participants ont mentionné divers éléments qui leurs paraissaient différents, et ce, par rapport à certaines attitudes et comportements. La plupart des étudiants ont d’ailleurs mentionné plus d’un élément de réponse. Une synthèse des résultats est présentée dans le tableau 2.

Tableau 2

Représentations des différences entre les Québécois et les Mexicains

Représentations des différences entre les Québécois et les Mexicains

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Les réponses de la majorité des étudiants relèvent d’abord le clivage mis de l’avant entre le conservatisme et le traditionalisme de la société mexicaine par rapport à la modernité et l’ouverture qui leur servent à se représenter la société québécoise. Cela s’extériorise, selon eux, de diverses façons et en lien avec différentes thématiques.

L’activité « Bilan de l’atelier »

À la toute fin du projet, donc à la suite de la représentation théâtrale de La Chasse-galerie, les étudiants ont participé à une discussion de groupe visant à recueillir leurs commentaires sur différents aspects de la rencontre interculturelle qu’ils ont vécue, notamment en lien avec leurs représentations du Québec, de la langue française et de la culture québécoise.

Pour ce qui est de la langue française parlée au Québec, certains étudiants ont indiqué qu’elle constitue un reflet de l’histoire québécoise. Les étudiants ont par exemple souligné la présence de jurons en lien avec la religion, et noté la présence d’anglicismes. Ils ont aussi été surpris par l’ajout de nouveaux mots ou de nouvelles significations, comme les mots courriel ou souper. Finalement, la revendication de l’identité par la langue a été soulevée par plusieurs participants.

J’aime beaucoup le français québécois parce que je trouve que tout ce qu’il reflète en ce moment est révélateur de son histoire, c’est comme si tout ce qu’ils disent aujourd’hui, certains mots, leur accent, ainsi tout ça je sens que ça raconte beaucoup de son histoire, il porte en lui une grande partie de son histoire. (Elsa) [Me gusta mucho el francés québécois porque siento que todo lo que refleja ahorita va contando parte de su historia, como que todo lo que dicen ahorita, ciertas palabras, su acento, este, así todo eso como que siento que va contando como mucho de su historia trae mucho de su historia]

Il y a une sorte de revendication identitaire, n’est-ce pas ? De la part du Québec je veux dire, s’écarter de la France, s’écarter du Canada, mais ils en font partie, en fait le Québec a été formé par certaines communautés. Les Québécois ne renient pas leur origine, ils peuvent utiliser des mots de dialectes ou des langues amérindiennes ou de l’anglais ou respecter le français tel qu’ils l’ont connu et son évolution aussi, n’est-ce pas ? Alors, il est inséparable donc de l’identité et je crois qu’ils le démontrent, c’est ainsi qu’ils affirment leur identité. (Juan) [Hay como una reivindicación de la identidad ¿no? de Quebec o sea, dejar aparte a Francia, dejar aparte a Canadá pero son parte de, o los formaron ciertas comunidades, entonces no se niega, no se reniega de su origen pueden utilizar palabras de dialectos o de lenguas indoamericanas o del inglés o respetar el francés como lo conocieron y su evolución aparte, ¿no? Entonces es parte inseparable pues de la identidad y creo que sí lo manifiestan, si son como, reivindican su identidad]

En ce qui concerne la culture québécoise, plusieurs éléments ont aussi retenu l’attention des étudiants. L’univers de La Chasse-galerie a permis d’évoquer des représentations d’un Québec plus traditionnel et d’une autre époque, des images de froid, de neige et de traditions du temps des Fêtes. De plus, ils ont mentionné avoir fait l’apprentissage des conditions de vie difficiles des bûcherons mis en scène dans la légende (rester six mois au chantier, loin de leur famille, etc.) et avoir pu établir des parallèles avec les conditions difficiles des travailleurs dans les mines au Mexique.

De façon plus globale, le projet a aussi fait ressortir chez les participants des images du Québec contemporain, notamment grâce aux activités de découverte de la culture québécoise décrites plus haut, « En route pour le Québec ! » et « Représentations croisées des Mexicains et des Québécois ». Par exemple, le Québec est perçu par ces étudiants comme un endroit moderne, libéral, progressiste, jeune, dynamique et touristique, où la religion est moins présente qu’avant. La citation suivante présente quelques-unes des caractéristiques évoquées :

Celle-ci est une société très différente de la nôtre avec des représentations de ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas qui sont très différentes des nôtres. Un Québec très moderne, très moderne, très, très libéral, un Québec progressiste. (Marisol) [Una sociedad muy distinta a la nuestra con representaciones de lo que se acepta y lo que no son muy diferentes. Un Quebec muy moderno, muy, muy liberal, un Quebec progresista]

Les représentations de l’hiver québécois sont toujours bien actuelles, et le projet a permis de mettre des images sur cette réalité quasi absente au Mexique, donc difficile à imaginer. Au-delà des images typiques, certains étudiants ont indiqué que ce projet leur avait fait connaître cet hiver sous un autre jour. En effet, par le biais des activités proposées, ils ont pu voir comment les Québécois vivent leur quotidien hivernal (les déplacements, les difficultés, etc.). Les discussions concernant les particularités du climat, mais aussi, par exemple, concernant la nourriture, les lieux géographiques, l’histoire et les coutumes, ont permis aux étudiants de s’imprégner du Québec lors de cette rencontre avec une autre culture, et de mieux comprendre le texte de La Chasse-galerie.

Tu n’imagines pas que la neige va te transpercer, dans la littérature. Le Québec que je connaissais alors il n’est pas seulement la jolie ville, mais aussi c’est la glace, c’est le froid. (Pedro) [No te imaginas que la nieve te va a calar, en la literatura. Al Quebec pues que yo conocía así que no nada más es la ciudad bonita, sino también es el hielo, es el frío]

Le projet visait à créer une rencontre avec le français québécois et la culture québécoise, et ce, par le biais de différents documents, qu’ils soient textuels, visuels ou sonores. Les résultats montrent qu’il a permis aux étudiants d’effectuer une réflexion critique sur cette rencontre interculturelle, afin que la compétence interculturelle de chacun puisse se développer, se bonifier, s’actualiser au regard de l’ouverture vers la culture québécoise.

Maintenant, je veux en savoir plus sur les pays qui parlent français parce qu’ils ont chacun des choses intéressantes, puis, pour réflexion je me suis dit alors ne reste pas avec ce que tu connais déjà et continue à en apprendre de plus en plus parce que tu peux le partager avec d’autres [...] et en tant que professeurs de français c’est super important, non ? Pouvoir transmettre que la langue et la culture ne sont pas séparées, que la France n’est pas le seul pays où on parle français. (Elsa) [Ahora quiero conocer más de los países que hablan francés porque han de tener cada uno unas cosas interesantísimas, entonces, como reflexión me quedó como pues eso, no quedarte con lo que ya conoces y seguir conociendo más y más porque lo puedes compartir con otros (…) y como maestros de francés es súper importante eso, ¿no? Poder transmitir que la lengua y la cultura no van por separado, que Francia no es el único país que habla francés]

Cette rencontre interculturelle semble donc importante pour le développement autant personnel que professionnel de ces étudiants. Ils ont ainsi pu développer leur propre compétence interculturelle en se familiarisant avec le Québec, et du même coup s’ouvrir à une réalité linguistique et culturelle que la plupart connaissaient peu.

En somme, les étudiants semblent avoir grandement apprécié le projet dans son ensemble. Selon plusieurs étudiants, un des points forts de cette rencontre interculturelle est justement de les faire entrer dans une nouvelle culture, de leur faire découvrir, à eux futurs enseignants de français, un nouvel univers francophone. L’aspect interculturel du projet a ainsi été relevé par plusieurs étudiants, à l’image de ces deux extraits :

Bon je crois que, après être entré dans ce type de projets c’est important de connaitre l’autre culture, la comprendre et de réfléchir sur elle, comparer, ah ! au Québec ils font ceci au Mexique ils font cela […]. Alors je crois qu’il est important de connaitre l’autre culture, la comprendre, pour pouvoir la transmettre, non ? (Pablo) [Bueno yo creo que al entrar como en este tipo de proyectos es como importante pues conocer la otra cultura, como entenderla y este reflexionar sobre ella, comparar, ah en Quebec hacen esto en México hacen esto (…). Entonces creo que es importante conocer la otra cultura, entenderla, para poder transmitirla, ¿no?]

Par exemple, pour moi c’est plutôt l’aspect, pas seulement d’avoir connu la culture mais de m’être imbibé d’elle un peu, quoique faite d’une manière disons, théâtrale, mais ce qui est resté en moi, plus vivant, ou ce qui m’a touché plus a été l’interculturalité entre nous… ça m’a rendu plus culturel. (Pedro) [Pues a mí por ejemplo es el aspecto, no nada más de haber conocido la cultura sino de haberse adentrado un poco, aunque sea de manera como lo hicimos, teatral, pero a mí lo que me quedó más así, como más vivo, o me llegó más fue la interculturalidad entre nosotros (…) se me hizo más cultural a mí]

Ces extraits montrent que la dimension interculturelle de la rencontre a été reconnue et appréciée, et qu’au-delà de la connaissance de l’Autre, le projet a permis aux participants de s’immerger, même à distance, dans une autre culture, une autre langue. Également, les activités proposées ont suscité chez les étudiants des réflexions interculturelles qui, potentiellement, pourront être réutilisées dans leur future vie professionnelle d’enseignants de FLE.

Discussion

L’intégration de la dimension interculturelle dans les programmes de formation des enseignants de langues (Byram, Gribkova et Starkey, 2002; Guillén Diaz et Castro Prieto, 2009; Willems, 2002) est à la source de ce projet visant à faire vivre aux étudiants mexicains une rencontre interculturelle avec le Québec, sa langue et sa culture. Au-delà de l’enseignement/apprentissage de la langue, il s’agissait donc de familiariser les étudiants, de futurs enseignants de FLE, avec des réalités linguistiques et culturelles propres au Québec. Il semble primordial, en contexte d’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère, de susciter la rencontre interculturelle par différents moyens novateurs si elle ne peut se faire directement avec des locuteurs natifs.

Le théâtre, vecteur de la rencontre interculturelle

La rencontre avec la langue et la culture propres au Québec a ici été mise en oeuvre par le biais de l’oeuvre littéraire La Chasse-galerie, qui a été théâtralisée par les apprenants. Le théâtre était ainsi la porte d’entrée dans l’univers québécois, le moyen privilégié pour entrer en contact avec l’Autre, de façon indirecte. La théâtralisation de la légende La Chasse-galerie a permis aux participants d’entrer dans un espace littéraire riche, leur offrant l’opportunité d’être en contact avec des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être véhiculés dans l’oeuvre, puis de mettre ces éléments en relation avec leur propre expérience. Il est important de rappeler que l’appropriation de l’oeuvre par les participants a nécessité au préalable une certaine compréhension sur le Québec et un travail de relativisme culturel, d’où l’importance de l’atelier en début de projet.

Nos participants, à l’image de ceux de l’étude de Daillier (2014), ont relevé que ce projet de théâtralisation leur a permis de développer des compétences autant linguistiques que culturelles, et a contribué à leur découverte d’une autre culture, celle du Québec, que la plupart de ces futurs enseignants connaissaient peu.

L’intégration de l’interculturel en classe de langue

Certains participants ont mentionné l’importance qu’a eu ce projet dans leur développement professionnel : les activités proposées ont contribué non seulement à les outiller pour transmettre des aspects linguistiques et culturels liés au Québec dans leur future pratique d’enseignants de français langue étrangère, mais aussi à mieux comprendre le rôle primordial de l’interculturel en classe de langue, notamment par l’analyse des ressemblances et des différences entre les cultures. Lussier et collab. (2003) ainsi qu’Olivencia (2008) ont également souligné l’ouverture de leurs participants respectifs (tous des enseignants de langue en exercice) à l’intégration de l’interculturel en classe. Les enseignants sondés par Lussier et collab. (2003) ont par ailleurs relevé que les différences culturelles constituent des éléments-clés pour la prise en compte de l’interculturel. Cependant, ils ne semblaient pas tous percevoir clairement la mise en oeuvre de pistes pédagogiques pour y arriver. Les participants à notre étude ont pu vivre, en tant qu’apprenants, un projet interculturel qui a teinté, pour plusieurs, leur rapport à langue et à la culture qu’ils enseigneront. À l’instar des enseignants dont les propos sont rapportés dans l’étude d’Olivencia (2008), ils ont notamment pu mieux comprendre les liens entre la langue et la culture, s’ouvrir à l’Autre et bonifier leur système de références culturelles. Grâce à La Chasse-galerie, ils ont été confrontés à une autre culture, à de nouvelles images culturelles qui ont favorisé chez eux le relativisme culturel, l’oeuvre littéraire étant perçue comme un moyen privilégié pour faire vivre aux apprenants une expérience interculturelle (Sperkova, 2009). Les données recueillies chez nos participants montrent effectivement que le projet leur a permis d’effectuer une réflexion critique sur la rencontre interculturelle qu’ils ont vécue, et de faire des allers-retours entre la culture mexicaine et la culture québécoise.

Par le biais de la rencontre avec l’autre culture, les oeuvres littéraires, comme le texte de La Chasse-galerie pour les apprenants ayant participé à notre projet, « les renvoient à leur propre culture, à leurs expériences » (Maillard, p. 402). Maillard ajoute que, de cette façon, les textes « conduisent donc aussi à un travail sur les représentations (de soi et/ou des autres sur soi), les modalités de contacts entre les cultures. » (p. 402). Il semble ainsi possible, à l’aide de textes issus de la culture cible, d’initier un dialogue interculturel en classe de FLE, dialogue qui pourra permettre de mettre en relation ou de confronter les représentations des apprenants ainsi que les documents qui leur sont présentés.

Bénéfices du projet

La rencontre interculturelle vécue dans le cadre de ce projet s’est avérée particulièrement pertinente afin d’initier les étudiants à un autre univers francophone. Il a aussi été possible d’apprécier le respect des différents points de vue, la mise en exergue de la subjectivité de chacun. Tout ceci a permis de travailler sur l’empathie, sur l’écoute de l’autre, sur la tolérance : autant de savoir-être qu’un enseignant de langue, passeur culturel, est invité à cultiver dans l’exercice de sa profession et plus largement, dans le cadre de toute communication interculturelle.

Ce projet a plusieurs impacts sur la didactique du FLE, et comprend divers ingrédients qui en font une recette à succès. D’abord, il est essentiel de souligner le caractère novateur de la démarche dans son ensemble, qui tisse des liens entre la culture québécoise, les contes et légendes et la théâtralisation. De plus, une pédagogie active et dynamique a été privilégiée : les activités proposées ont permis aux étudiants d’interagir, de comparer d’une part leurs propres représentations avec celles de leurs collègues, et d’autre part de comparer, de façon plus globale, les cultures mexicaine et québécoise. Une large place a donc été laissée aux étudiants dans le cadre de ce projet, et leurs échanges se sont avérés essentiels pour dégager leurs représentations lors des activités proposées dans cet article. En lien avec le cadre de référence du développement de la compétence interculturelle en éducation aux langues (Lussier, 2007), nous estimons que ce projet a surtout permis aux étudiants d’acquérir des savoirs sur le Québec et de réfléchir à certains éléments relevant du savoir-faire et du savoir-être, notamment en ce qui concerne les valeurs québécoises. Si tous ne partagent pas les valeurs associées à l’Autre, la rencontre interculturelle leur a permis de s’ouvrir à la différence, de la comprendre et de l’accepter. En ce sens, ce projet qui, comme le suggère Djeghar (2009), a fait une large place à la comparaison des représentations et aux discussions réflexives, a suscité chez les étudiants une prise de conscience de l’importance de la rencontre interculturelle en didactique des langues-cultures.

Bien sûr, nous ne pouvons présupposer, avec les résultats obtenus, du développement de la compétence interculturelle des participants à long terme; à tout le moins pouvons-nous apprécier la sensibilisation interculturelle qui s’est opérée chez eux au cours de ce projet. À la lumière des conclusions de Salopelto (2008), nous estimons ainsi que le projet théâtral auquel les étudiants ont participé à l’UDG a eu une certaine influence sur la prise de conscience interculturelle et le développement de l’empathie pour l’Autre et l’autre culture.

Conclusion

Ce projet de rencontre interculturelle a permis aux apprenants mexicains de vivre des activités de découverte de la culture québécoise tout en posant un regard critique sur leur culture d’origine. Dans un contexte d’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère, le défi de la rencontre authentique avec l’Autre reste entier : comment faire connaître cet Autre de la façon la plus concrète et véridique possible, alors que les contacts interculturels sont limités ? Ce projet a tenté d’apporter des pistes de réponses à cette question en proposant une série d’activités visant à faire découvrir aux apprenants la culture québécoise, mais aussi à les inciter à verbaliser leurs représentations de cette culture, et d’établir à cet effet des parallèles avec la culture mexicaine. Un dialogue culturel a ainsi pu s’établir et a permis, entre autres, de favoriser chez les participants le développement d’une identité personnelle et professionnelle plurilingue et pluriculturelle.

En vue de bonifier la rencontre interculturelle, il serait certainement bénéfique de proposer aux apprenants une rencontre virtuelle (par exemple, par Skype) avec des gens issus de la culture cible. Dans le cas présent, des rencontres avec des Québécois, que ce soit avec de futurs enseignants du français langue seconde au Québec, ou encore avec des gens oeuvrant dans le domaine artistique (auteurs, illustrateurs, conteurs, comédiens), auraient pu ajouter encore davantage d’authenticité à la démarche. Bref, ce rapport d’expérience est sujet à bonifications et se veut un tremplin pour poursuivre la réflexion et inciter les acteurs du milieu de l’éducation, et plus spécifiquement de l’éducation aux langues, à user de dynamisme et de créativité pour réaliser des rencontres interculturelles avec cet Autre qui est souvent plus proche que ce que l’on croit…