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Introduction 

Depuis l’implantation de la mission universitaire en Centre jeunesse au milieu des années 1990, la recherche sur la violence agie et subie par les jeunes a connu un essor considérable au Québec (MSSS, 2005). La violence agie renvoie à la délinquance et aux troubles de comportements alors que la violence subie fait référence à la maltraitance ainsi qu’à la négligence parentale (CIUSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, 2015). Ces deux pôles de la violence sont en lien puisque la violence subie à l’enfance représente un facteur de risque de la délinquance à l’adolescence (Hélie et Laurier, 2012). Or, on constate que la dimension culturelle est de plus en plus souvent prise en compte dans les études portant sur la violence agie ou subie par les jeunes, possiblement en raison du fait que les jeunes issus de la diversité culturelle représentent plus de 20 % de la clientèle recevant des services de protection de l’enfance (Désy, Battaglini et Bastien, 2007). La notion de groupe issu de la diversité culturelle privilégiée dans notre bilan se rapporte aux jeunes issus de l’immigration ou appartenant aux groupes racialisés tels que les Autochtones. Le terme « minorité visible » est aussi fréquemment utilisé pour qualifier la clientèle issue de la diversité culturelle. Il s'agit des « personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche » (Statistique Canada, 2010, p. 1).

L’augmentation de la production scientifique québécoise portant sur la question de la violence agie ou subie par les jeunes issus de la diversité culturelle survient dans un contexte légal exigeant de la part des établissements de santé et de services sociaux de rendre leur offre de services adaptée aux besoins culturels de leur clientèle. En effet, des énoncés de principe sur l’importance de prendre en considération les différences ethniques, culturelles et linguistiques dans l’intervention se retrouvent dans les principales lois régissant la jeunesse en difficulté, soit la Loi sur les services de santé et de services sociaux (LSSSS), la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). Des mesures particulières d’accommodement visant la prestation de services et la détermination de la peine dans le cas des jeunes autochtones existent aussi dans la LPJ et dans la LSJPA. Ainsi, la recherche sur la violence agie et subie par les jeunes issus de la diversité culturelle représente un premier pas vers une potentielle offre de services adaptés aux besoins spécifiques de cette clientèle puisque, pour ce faire, il est d’abord nécessaire d’identifier ses besoins. Cette adaptation représente un défi de taille compte tenu de l’hétérogénéité qui prévaut au sein de la population issue de la diversité culturelle et du fait que chaque culture et les personnes qui en sont issues possèdent des valeurs, des croyances et des pratiques éducatives diversifiées (Morneau, 1999).

Si des bilans des études menées au Royaume-Uni et aux États-Unis portant sur la violence agie ou subie par les jeunes issus de la diversité culturelle sont disponibles (Chand et Thoburn, 2005; Feiring et Zielinski, 2011; Petersen, Joseph et Feit, 2015), il n’en existe aucun à notre connaissance sur les études québécoises. Notre bilan vise donc à contribuer à l’amélioration des connaissances sur la violence agie et subie par les jeunes issus de la diversité culturelle et à décrire les caractéristiques méthodologiques des études menées à ce sujet. Les forces et les lacunes de ces études sont identifiées et des pistes pour la recherche à venir sur ce sujet sont suggérées en guise de conclusion.

Méthodologie

Repérage et sélection des études

Une recherche bibliographique a été effectuée à l’aide de plusieurs bases de données, dans le but de repérer les études pertinentes aux fins de cette recension : Dialog, Santécom, Érudit, Sign@l, Atrium et Thèses Canada. Certains sites pertinents tels que ceux du Portail canadien de la recherche sur la protection de l’enfance, de METISS, du SHERPA (recherche, immigration, société) et d'Alterstice ont été consultés, avec les mots-clés suivants : protection de la jeunesse, maltraitance envers les enfants, placement, délinquance, services sociaux aux jeunes en difficulté, prévention, child welfare, jeunes réfugiés, issus de l’immigration et des minorités visibles, enfants et jeunes autochtones.

Des critères de sélection des études à retenir pour ce bilan ont été établis. D’abord, pour faire partie du bilan, les travaux de recherche devaient être basés sur une cueillette de données primaires ou sur une analyse de données secondaires de type quantitatif, qualitatif ou documentaire. Les recensions d’écrits ont aussi été incluses dans notre échantillon. Les recherches devaient être produites au Québec ou concerner des populations situées au Québec. Les études sélectionnées pouvaient être publiées en français ou en anglais, sous forme d’articles scientifiques, de rapports de recherche, de publications institutionnelles, de thèses de doctorat et de mémoires de maîtrise. Enfin, la recherche documentaire a couvert les publications parues entre janvier 2000 et octobre 2014.

Paramètres de classement des études

Cinq caractéristiques ont été retenues pour procéder au classement des études retenues pour notre bilan. Deux analystes ont mené cette démarche de façon indépendante. D’abord, le type de méthode d’analyse des données (qualitative ou quantitative) a été pris en considération. Ensuite, chaque étude recensée a été située sur le continuum d’intervention auprès des jeunes en difficulté, qui comporte quatre étapes : prévention, intervention, réadaptation et réinsertion (Chamberland, 1998; Tremblay, Moisan, Laquerre et Faugeras, 2002). La prévention concerne les actions menées en amont du signalement et visant à éviter l’apparition de problèmes sociaux chez les jeunes et leur famille. L’intervention renvoie à l’action des centres jeunesse relativement à l’évaluation et à l’orientation des situations ainsi qu’à l’application de mesures de protection prenant place dans la communauté ou en milieu familial. La réadaptation fait référence aux interventions menées en contexte d’hébergement ou de placement en Centre jeunesse. La réinsertion traduit l’accompagnement du jeune durant la transition entre l’hébergement et la réinsertion dans son nouveau milieu de vie. Enfin, le niveau de participation au processus de recherche de membres des communautés étudiées a aussi été pris en compte dans le classement des études. Le modèle de Wells, Miranda, Bruce, Alegria et Wallerstein (2004) suggère que les recherches qualifiées de participatives doivent permettre à des représentants de ces communautés de participer à au moins deux des étapes suivantes : l'élaboration de la question de recherche, l'interprétation des données et la diffusion des résultats. Enfin, la composition et le groupe d’âge des populations étudiées ainsi que la région administrative du Québec couverte par l’étude ont aussi été pris en considération dans le classement des études. Dans les cas de divergence sur les caractéristiques des études, des discussions de groupe ont permis d’atteindre un consensus.

Résultats

Rythme de la production et caractéristiques des études

Au total, 44 études ont été recensées. La figure 1 illustre la répartition des travaux de recherche recensés selon leur année de parution. On constate que les études sont peu nombreuses jusqu’au milieu de la décennie, mais que leur nombre augmente à partir de 2009.

Figure 1

Répartition du nombre de publications par année

Répartition du nombre de publications par année

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Bien que les études recensées présentent des caractéristiques variées (tableau 1), certaines tendances se dégagent. Tant en ce qui a trait aux études qui portent sur les jeunes autochtones que celles qui s’intéressent aux jeunes issus de l’immigration ou des minorités visibles, les méthodologies qualitative et quantitative sont privilégiées presque également, alors que l’approche mixte l’est nettement moins. On constate aussi un équilibre quant au type d’ouvrage, puisqu’on compte 13 mémoires de maîtrise, 14 articles publiés dans des revues avec comité de lecture et 14 rapports ou publications institutionnelles. On recense également une thèse de doctorat, un chapitre de livre et un livre.

Les études de nature descriptive ou exploratoire dominent et très peu d’études ont opté pour un devis permettant de comparer des jeunes issus de différentes communautés et donc de cerner leurs besoins spécifiques. Les études portent, dans une proportion équivalente, sur les jeunes et leurs familles issus de communautés autochtones et sur ceux issus de l’immigration. Plusieurs études ont cependant été menées auprès de jeunes haïtiens et les études sont moins nombreuses à porter sur les autres communautés présentes au Québec. Relativement peu d’études portent sur un groupe d’âge spécifique, et bon nombre d’entre elles englobent plutôt l’ensemble des jeunes de dix-sept ans et moins. Les adolescents et les jeunes adultes font exception, puisque le tiers des études porte spécifiquement sur ce groupe d’âge. Les études couvrent dans une proportion presque similaire Montréal et les autres régions ou l’ensemble du territoire québécois. En ce qui a trait au continuum d’intervention, l’étape de l’intervention se retrouve dans 31 études, suivie de loin par la prévention (7 études) et la réinsertion (5 études). Une seule étude traitait de l’étape de la réadaptation. On constate aussi une disproportion au niveau des objets de recherche des études recensées. En effet, celles-ci sont nettement plus nombreuses à porter sur la violence subie que sur la violence agie. En ce qui a trait au niveau de participation de membres de la communauté au processus de la recherche (Wells et al., 2004), il ressort que très peu d’études sont basées sur des collaborations actives entre les chercheurs et les représentants des populations étudiées, à l’exception d’une recherche-action menée en collaboration avec des membres de la communauté « noire » de Montréal et de quelques études avec des membres de communautés autochtones.

Objets de recherche des études recensées

En plus de décrire les caractéristiques méthodologiques des études recensées, notre bilan vise à faire état des connaissances qui en sont issues. Pour ce faire, les études ont été classées selon deux axes : la violence subie par les jeunes issus de la diversité culturelle (1) et la violence agie par les jeunes issus de la diversité culturelle (2). Les détails concernant l’échantillon, la méthodologie et les objectifs de chacune des études sont rassemblés dans le tableau 1.

Axe 1 : Violence subie par les jeunes issus de la diversité culturelle

La surreprésentation des enfants autochtones. L’intervention des services de protection de l’enfance est nécessaire lorsqu’un enfant est victime de violence comme des actes de maltraitance. Or la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de l’enfance est un thème exploré dans plusieurs études, tant par le biais de portraits quantitatifs que de points de vue d’acteurs clés. Une étude montre à cet égard que ces enfants sont surreprésentés à toutes les étapes de la prise de décision et que cette surreprésentation augmente à mesure qu’ils progressent dans leur trajectoire de services en protection de l’enfance (Breton, Dufour et Lavergne, 2012). Le fait d’être Autochtone double la probabilité de faire l’objet d’un placement, même lorsqu'on tient compte simultanément d'un ensemble de caractéristiques pouvant contribuer au placement. Dans le même sens, Hélie, Laurier, Pineau-Villeneuve et Royer (2013) suggèrent que le fait d’être d’origine autochtone augmente aussi le risque de récurrence en protection de l’enfance durant les cinq ans suivant la fermeture de la première prise en charge. Des explications de cette surreprésentation sont évoquées par Tourigny, Domond, Trocmé, Sioui et Baril (2007) dans leur étude qui montre que, comparativement aux jeunes non autochtones, les jeunes autochtones signalés ont un profil psychosocial nettement plus lourd. En effet, les enfants autochtones vivent plus souvent dans une famille nombreuse et sont plus enclins à habiter un logement non conforme aux normes et à avoir des parents aux prises avec plus de problèmes d’abus de substances que les parents des enfants non autochtones.

La surreprésentation des jeunes issus de l’immigration et des minorités visibles. Des études ont porté sur la surreprésentation des jeunes issus de l’immigration ou des minorités visibles. Dufour, Hassan et Lavergne (2012) parviennent ainsi à la conclusion que les enfants « noirs » sont près de deux fois plus enclins que les autres à faire l’objet d’un signalement, d’être considérés en besoin de protection ou d’être placés. À l’inverse, les enfants issus des autres minorités visibles sont les moins susceptibles de recevoir des services de protection et leur sous-représentation tend à croître à chaque étape de la trajectoire. La surreprésentation des enfants « noirs » au sein des services de protection de l’enfance serait attribuable à divers facteurs tels que la pauvreté et la discrimination raciale. Garland (2009) suggère pour sa part que les jeunes « noirs » et les jeunes asiatiques sont surreprésentés parmi les adolescents ayant un signalement lié à un abus physique. Pourtant, Lavergne, Dufour, Sarmiento et Descôteaux (2009) concluent que les caractéristiques des enfants et des familles appartenant à un groupe de minorité visible paraissent plus enviables que celles des enfants qui ne sont pas issus de ces groupes. En effet, ces enfants requièrent moins de services en protection et font moins souvent l’objet d’un placement à l’étape de l’application des mesures. D’autres chercheurs ont réfléchi aux facteurs explicatifs de cette surreprésentation. Belony (2007) suggère par exemple que la surreprésentation des enfants « noirs » au sein des services de protection de l’enfance est le produit d’un cumul de facteurs de risques (monoparentalité, faible revenu et faible scolarité parentale) qui rendrait ces enfants plus susceptibles d’être pris en charge. Lavergne, Dufour et Couture (2013) ont, eux aussi, identifié des facteurs explicatifs à la surreprésentation des enfants « noirs », en particulier les difficultés liées au processus migratoire et à l’insertion dans la société d’accueil.

Les causes de la violence subie par les jeunes. Au-delà du phénomène de la surreprésentation, des chercheurs ont tenté de cerner les causes de la violence subie par les jeunes issus de la diversité culturelle. Il s’agit d’une question délicate dans la mesure où il faut prendre garde à ne pas « culturaliser » les formes de violences subies par ces jeunes, c’est-à-dire désigner la culture comme facteur explicatif des conduites inappropriées. C’est l’une des mises en garde qui ressort de l’étude d’Hassan et Rousseau (2009), qui fait état d’une grande diversité d’opinions à l’égard de l’acceptabilité des châtiments corporels au sein de deux groupes d’immigrants originaires du Maghreb et d’Amérique Latine. Par ailleurs, les facteurs en cause dans les agressions sexuelles, une forme de violence subie, ont attiré l’attention de chercheurs s’intéressant aux jeunes autochtones. Morin et Lafortune (2008) ont dégagé des caractéristiques attribuables au contexte nordique et pouvant contribuer à la prévalence élevée des agressions sexuelles observée au sein de certaines communautés inuites telles que l’importance du patriarcat dans la vie ancestrale, la consommation d’alcool, l’isolement géographique et l’étroitesse des rapports interpersonnels. Cette étude comporte une dimension participative, puisque des leaders de la communauté y ont contribué et que les intervenants participant à l’étude étaient issus de trois villages nordiques. Muckle (2011) a pour sa part documenté des facteurs de résilience chez des jeunes autochtones ayant subi ce type d’agression sexuelle : l’estime de soi et la capacité à rechercher de l’aide dans la communauté sont associées à une résilience accrue chez ces adolescents.

Les autres formes de violences subies. Outre la maltraitance, il existe d’autres formes de violences subies par les jeunes. À cet égard, une étude permet de mettre en lumière le fait que la discrimination représente l’une des violences subies par les jeunes issus des minorités visibles, en particulier les jeunes « noirs ». L’étude comparative de Bernard et McAll (2009) suggère l’existence de profilage racial chez les policiers à l’égard des jeunes « noirs ». En effet, parmi les 1 518 jeunes ayant été arrêtés en 2001 sur l’île de Montréal, près du quart ont été identifiés par les policiers comme « noirs », un pourcentage deux fois supérieur à la proportion de ces jeunes dans la population. Les violences basées sur l’honneur telles que les crimes d’honneur, les mariages forcés et les mutilations génitales représentent d’autres formes de violence subie qui touche certaines communautés. Le Conseil du statut de la femme (2013) a cherché à faire la lumière sur les cas de violences basées sur l’honneur ayant fait l’objet d’une judiciarisation au Canada. L'un des constats formulés est qu’il y a eu une augmentation marquée de ces cas à partir de 2001. Il est possible de dégager quatre principaux motifs aux violences basées sur l’honneur visant principalement des femmes en âge de procréer : la volonté d’autonomie de la victime face au contrôle parental, le désir de choisir son propre conjoint, le fait de vouloir divorcer ou celui d’être soupçonnée d’infidélité. Ces situations sont d’autant plus préoccupantes que les jeunes immigrants exposés à la violence vivent davantage de stress que leurs pairs non immigrants se trouvant en situation comparable. En effet, Jimenez et al. (2003) ont montré que les enfants immigrants exposés à la violence conjugale voient leur santé mentale davantage affectée en raison d’un cumul de facteurs de stress attribuables tant à la violence subie qu’à l’immigration.

Les particularités propres à l’intervention en contexte de diversité culturelle. Si les jeunes issus de la diversité culturelle sont surreprésentés au sein des services de protection de l’enfance, qu’en est-il de leurs besoins spécifiques et des particularités de l’intervention en contexte de diversité culturelle ? Hassan et Rousseau (2007) rapportent que les intervenants en protection de l’enfance constatent que leurs interventions suscitent des sentiments de méfiance, de peur et de honte chez les familles immigrantes auprès desquelles ils interviennent. Dans la même veine, Désy, Battaglini et Bastien (2007) se sont penchés sur la nature et l’intensité de l’intervention en protection de l’enfance auprès de jeunes issus de l’immigration et de leur famille. Certaines caractéristiques telles qu’une langue de communication autre que le français ou l’anglais ainsi qu’une méconnaissance du fonctionnement des institutions québécoises rend l’intervention auprès de cette clientèle plus complexe et nécessite un temps d’intervention jusqu’à deux fois plus long. Dans le même ordre d’idées, Leblanc (2003) fait ressortir le fossé culturel qui peut exister entre les intervenants en protection de l’enfance et les communautés autochtones. Ces études renforcent la pertinence du développement de pratiques spécifiques à la protection des jeunes issus de la diversité culturelle et certaines études ont visé à décrire et analyser ces pratiques.

L’étude de Bousquet St-Laurent, Dufour et Lavergne (2014) recense 29 pratiques associées à la diversité ethnoculturelle en protection de l’enfance. Ce bilan met en évidence le fait que le soutien aux familles et l’adaptation des services et protocoles de protection sont les pratiques les plus courantes, et qu’elles impliquent souvent de solliciter le point de vue ou la collaboration de membres de la communauté concernée. Aucune de ces pratiques ne respecte cependant les critères qui permettraient de la qualifier d’efficace ou de probablement efficace. Couture et Dufour (2013) ont analysé les pratiques des intervenants en protection visant la collaboration avec les familles de minorités visibles. Selon les intervenants rencontrés, la lecture des besoins et la description des caractéristiques familiales est nécessairement teintée de la culture et des valeurs personnelles de l’intervenant ainsi que du cadre de référence institutionnel, ce qui peut donner lieu à une résistance à la collaboration chez les parents. Il est donc important de parvenir à une lecture commune de la situation entre l’intervenant et les parents. Afin d’améliorer les relations entre les intervenants en protection de l’enfance et les familles issues de l’immigration, le programme « Vivre la diversité » a été mis en place. La mise en oeuvre de ce programme ainsi que ses effets ont été évalués par Giroux (2012). Des changements significatifs ont été observés au sein du groupe d’intervenants ayant bénéficié du programme, en partiuclier l'augmentation des connaissances générales relatives aux relations interculturelles, mais aucun changement n’a été observé sur le plan des attitudes et des habiletés professionnelles.

D’autres pratiques sont destinées plus spécifiquement à la clientèle autochtone. C’est notamment le cas de groupes de soutien pour jeunes autochtones en transition vers la vie adulte pris en charge par un Centre jeunesse. L’implantation et les effets de ce programme d’intervention ont été évalués dans différentes régions du Québec par Goyette et al. (Goyette, Grenier, Pontbriand et al., 2009; Goyette, Grenier, Mann-Feder et al., 2010; Goyette, Mann-Feder, Turcotte et al., 2012) ainsi que par Grenier, Goyette, Turcotte, Mann-Feder et Turcotte (2013). Ces auteurs mettent en lumière le fait que le groupe représente pour ces jeunes une condition facilitante dans le processus de construction identitaire et constitue un outil de médiation permettant le rétablissement de liens sociaux fragilisés. McGinn et Damasse (2014) ont analysé la documentation sur l’efficacité de trois programmes visant à développer les habiletés parentales des Autochtones en contexte de négligence et ont conclu que ces mesures affichent une efficacité mitigée. Robitaille (2011) a traité de l’influence de la culture autochtone sur la prise de décisions cliniques en protection de l’enfance et montre que cette culture peut être perçue par les intervenants comme un élément facilitant l’intervention parce qu’il représente un outil de mobilisation. Elle peut toutefois aussi être appréhendée par les intervenants comme un défi, voire un obstacle, ou un indice de vulnérabilité. Sur le plan organisationnel, Sigouin (2006) a examiné quatre aménagements institutionnels ayant pour objectif de donner plus de contrôle aux Autochtones en matière de protection de l’enfance. Le système permettant une reconnaissance du droit à l’autonomie gouvernementale, c’est-à-dire qui octroie des pouvoirs législatifs aux Autochtones, est le plus approprié pour concilier les droits individuels et les droits collectifs de ces derniers. Enfin, Sinha et Kozlowski (2013) ont procédé à une analyse documentaire afin de brosser un portrait de la structure des services de protection de l’enfance spécifiques aux enfants autochtones du Canada. Il existe entre les agences autochtones de protection de l’enfance une grande variation dans les modèles d’organisation des services et de financement. À la différence d'autres provinces, les lois et les modèles québécois d'organisation de services n'incluent pas l’obligation d’informer les autorités autochtones du placement d’un enfant autochtone ni celle d’impliquer des représentants autochtones dans la gestion de cas en protection de l’enfance.

L’intervention en protection de l’enfance menée auprès de familles issues de la diversité culturelle est parfois complexe, notamment en raison d’une divergence de points de vue entre familles et intervenants (Désy, Battaglini, et Bastien, 2007). Pour cette raison, des chercheurs se sont intéressés au point de vue de parents et de jeunes relativement aux services de protection. Ainsi, Labonté (2010) rapporte que l'intervention en protection de l’enfance est parfois perçue par les parents réfugiés comme une remise en question de leur modèle familial par l'imposition d'une éducation nord-américaine. Gagnon-Dion (2014) s’est penchée sur le point de vue des jeunes autochtones quant à leur propre parcours de prise en charge et a identifié trois profils : les « résistants », qui ont de la difficulté à accepter leur prise en charge, les « résilients », qui vivent positivement leur placement, et les « résignés », qui semblent y être indifférents. Certains membres d’une communauté autochtone perçoivent qu’il serait souhaitable que les familles soient davantage engagées dans les démarches entreprises par les services de protection de l’enfance et que la recherche de solutions devrait en premier lieu se faire au sein de la famille proche et élargie (Mitchell, 2011).

Un autre sujet ayant retenu l’attention des chercheurs est celui de la fixation de délais maximaux de placement, qui représente l’une des plus importantes modifications apportées à la LPJ en 2007. Ce changement à la loi vise à faciliter l’adoption des enfants en bas âge et fait en sorte qu’un parent peut définitivement perdre ses droits parentaux. Cette mesure a toutefois fait l’objet de vives critiques de la part de représentants autochtones, qui craignent qu’elle ne favorise l'exil des enfants autochtones à l’extérieur des communautés. C’est dans l’optique de mieux cerner la nature de ces résistances qu’Abdel Ghaly (2013) s’est penchée sur les représentations de huit femmes autochtones relativement aux délais de placement maximaux. La plupart des femmes rencontrées s’y opposent et formulent des inquiétudes quant à l’incidence de ces délais sur le tissu social des communautés ainsi que sur la préservation de l’identité culturelle des enfants. Dans le même ordre d’idées, deux études d’Hélie et al. (Hélie, Turcotte, Royer et Lamonde 2011; Hélie, Turcotte, Trocmé et Tourigny, 2012) ont permis de documenter une légère augmentation des taux de placement chez les enfants autochtones suite à ces changements législatifs alors que la tendance inverse est observée pour les enfants non autochtones. On constate cependant une baisse des sorties non permanentes chez les enfants autochtones, c’est-à-dire des sorties du réseau des services de santé et sociaux suivies d’un nouvel épisode de placement. Sur une note plus positive, Goyette, Pontbriand et Turcotte (2011) rapportent que les modifications apportées à la LPJ qui apparaissent comme les plus adaptées au contexte autochtone sont celles qui limitent le processus de judiciarisation et favorisent le recours à la famille élargie et à la communauté.

Outre le thème de la violence subie, celui de la violence agie a également attiré l’attention des chercheurs.

Axe 2 : Violence agie par les jeunes issus de la diversité culturelle

Comme nous l'avons évoqué plus tôt, certaines communautés sont surreprésentées dans le système pénal juvénile, notamment en raison de la discrimination dont elles font l’objet (Bernard et McAll, 2009). Parmi les violences susceptibles d’être agies par ces jeunes, on retrouve l’engagement dans des conduites délinquantes.

Les jeunes issus de la diversité culturelle et la délinquance. Des études se sont attardées aux facteurs de risque de la délinquance chez les jeunes issus de la diversité culturelle. Par exemple, Grobe (2000) s’est penchée sur le type de relation d’attachement parent-adolescent autochtone comme prédicteur des problèmes de comportement. L’auteure parvient au constat surprenant que les jeunes ayant développé une relation d’attachement optimale avec leurs parents sont plus à risque de délinquance que les jeunes ayant des relations d’attachement moins optimales. Ces résultats suggèrent que les théories de l’attachement ne sont possiblement pas applicables à toutes les cultures. Desruisseaux, St-Pierre, Tougas et de la Sablonnière (2002) ont élaboré un modèle explicatif pour rendre compte de l’adoption de conduites déviantes par les jeunes Haïtiens. Plus ces jeunes perçoivent qu’ils subissent un préjudice attribuable à leur origine ethnique, plus ils sont enclins à fréquenter des amis délinquants et à adopter des comportements déviants. Cette étude fait écho à celle de Tichit et Jaccoud (2009), qui rapporte que des jeunes « noirs » perçoivent que les raisons pour lesquelles des jeunes de leur communauté s’impliquent dans des gangs de rue sont la discrimination perçue, le manque d’éducation et d’amour, l’influence du groupe, le plaisir de commettre des actes violents ainsi que la quête du pouvoir et de l’argent. Bergheul (2012) a mené une étude comparative afin de cerner les différences sexuelles et culturelles quant au vécu des adolescents délinquants vivant au Québec et en Algérie. Il en ressort que les délinquantes algériennes se distinguent de leurs homologues québécoises par une plus grande tendance aux actes enfreignant les règles sociales et conduisant au rejet de leur communauté, ce qui aurait pour effet d’affaiblir leur réseau social et d’aggraver leur délinquance.

Les gangs de rue. Une des manifestations de la violence agie ayant particulièrement attiré l’attention est celle de l’affiliation aux gangs de rue. Plusieurs chercheurs ont tenté d’en cerner les mécanismes, notamment en recueillant les points de vue de jeunes impliqués au sein de ces groupes marginalisés. Perreault et Bibeau (2003) avancent que pour les jeunes québécois afro-antillais marginalisés, l’appartenance à un gang pallie un manque de lien social en leur permettant de sortir de leur isolement. Ces jeunes nomment que le gang représente pour eux un groupe d’amis qui partagent les mêmes problèmes et qui fournit des occasions de faire de l’argent. De Laco (2006) s’est intéressé au rôle de l’identité culturelle dans l’expérience de jeunes issus de l’immigration à l’égard de leur participation à un gang. Il en ressort que la culture jouerait un rôle primordial dans l'appartenance au gang pour les jeunes latinos, qui y trouvent un moyen de préserver leur identité culturelle et de s'opposer au racisme dont ils perçoivent faire l’objet. Portant aussi sur les jeunes latinos, l’étude de Tremblay (2008) met en évidence certains facteurs explicatifs de l’adhésion de ces jeunes à un gang, qui seraient nombreux à avoir connu la séparation brutale d’avec un être proche et à avoir un membre de leur famille affilié à un gang. Une étude ayant porté sur des parents dont le fils fréquente des gangs de rue a permis de cibler certains facteurs familiaux expliquant cette problématique (Brisebois, 2007). Ces parents rapportent avoir vécu difficilement la confrontation avec les valeurs de la culture d’accueil et avoir adopté des pratiques parentales extrêmes, soit très permissives, soit très autoritaires. Au-delà des facteurs de risques, cette étude permet de retracer le parcours migratoire de ces parents.

Toutefois, les programmes d’intervention visant la réadaptation des jeunes contrevenants issus de la diversité culturelle ont peu attiré l’attention des chercheurs. Une étude a porté sur un programme de réadaptation en hébergement hors territoire pour jeunes inuit (Fraser, Vachon, Arauz, Rousseau et Kirmayer, 2012). Réalisée en collaboration avec des partenaires autochtones, cette étude a permis d’identifier plusieurs éléments facilitant la réintégration de ces jeunes dans la communauté, par exemple le retour à l’école et l’obtention d’un emploi.

Conclusion

En somme, ce bilan des connaissances sur la violence agie et subie par les jeunes issus de la diversité culturelle témoigne de l’hétérogénéité qui caractérise ce domaine de recherche. On constate que la recherche québécoise portant sur la violence agie ou subie par les jeunes issus de la diversité culturelle a connu un essor important au cours des dix dernières années. Cette tendance ne reflète cependant pas nécessairement un intérêt plus marqué à l’endroit de la clientèle issue de la diversité culturelle, mais plutôt l’expansion des efforts de recherche sur les jeunes en général. Malgré des forces indéniables, comme la diversité des objets abordés et l’équilibre sur le plan des approches méthodologiques privilégiées, plusieurs lacunes ont été constatées dans les études recensées.

Limites méthodologiques des études recensées

La majorité des études produites appartient à la description et à l'exploration. Les rares études ayant adopté une perspective comparative ont procédé à des regroupements de populations hétérogènes, par exemple les enfants « noirs », qui regroupent des enfants issus des communautés antillaise et africaine et qui présentent des profils différents, ce qui peut affecter la validité des conclusions tirées de ces comparaisons. On dispose également d’un faible nombre d’études longitudinales ou d’évaluations de programme, qui s’avèrent pourtant indispensables pour l’évaluation des efforts d’adaptation des services auprès de ces clientèles. Le manque de recherches évaluatives portant sur les effets des programmes auprès des jeunes issus de la diversité culturelle fait en sorte qu’on ne sait pas si les programmes mis en place fonctionnent auprès de ces populations, ni s’ils sont adaptés à leurs besoins, et cela est d’autant plus vrai pour certains secteurs d’intervention comme la réadaptation qui ont peu retenu l’attention de la recherche. Enfin, très peu d’études font appel à une démarche participative permettant l’implication active de membres des communautés visées dans le processus de recherche. Une telle participation serait pourtant souhaitable, puisqu’elle permettrait notamment d’enrichir l’interprétation des résultats de ces études. Ce bilan permet néanmoins de tirer certaines conclusions quant aux besoins et aux pratiques probantes relativement aux jeunes issus de la diversité culturelle, et ce, tant en ce qui a trait à la violence subie qu’à la violence agie.

Violence subie par les jeunes issus de la diversité culturelle : besoins et pratiques probantes

Les études ayant traité de la violence subie montrent que les jeunes issus de la diversité culturelle sont surreprésentés dans le système de protection de l’enfance et qu’ils présentent souvent un profil désavantagé, notamment en ce qui a trait au statut socioéconomique. Ces caractéristiques combinées à un manque de formation chez les intervenants et à la présence de malentendus inhérents à une divergence sur le plan des valeurs pourrait expliquer cette surreprésentation. Les difficultés associées au processus migratoire et d’insertion dans la société d’accueil peuvent contribuer à rendre les familles plus vulnérables au stress ainsi qu’à une série d’autres problèmes psychosociaux susceptibles de nuire aux relations parents-enfants, d’affecter ou même de compromettre le développement des enfants (Jimenez et al., 2003). Malheureusement, on ne compte que trop peu d’études portant sur les défis et les obstacles à l’intégration des jeunes et de leurs parents issus de l’immigration qui reçoivent des services en protection de l’enfance, ce qui fait que certaines questions demeurent. Comment des facteurs de vulnérabilité comme la pauvreté, la déqualification professionnelle, les problèmes en lien avec la maîtrise d’une des langues officielles, l’incertitude liée au statut vis-à-vis de l'immigration, les chocs culturels, les conflits intergénérationnels et l’éloignement de la famille élargie affectent-ils la capacité des parents immigrants à répondre aux besoins de leurs enfants ? Quelles sont les forces de ces familles et les opportunités qui s’offrent à elles dans leur pays d’accueil ? Comment ces parents s’adaptent-ils aux normes et croyances du pays d’accueil en matière d’éducation des enfants et de pratiques disciplinaires ?

Les autres formes recensées de violence subie par les jeunes issus de la diversité culturelle sont l’agression sexuelle, la discrimination et les violences basées sur l’honneur. Les études évoquent des pistes d’explication systémiques, individuelles et familiales, illustrant ainsi la grande complexité de ces problématiques. De surcroît, bien que des études aient mis en lumière l’effort supplémentaire en temps et en ressources nécessaire à l’intervention en contexte de diversité culturelle, il est malheureusement impossible d’identifier les pratiques probantes en matière de violence subie par les jeunes. En effet, aucune des pratiques recensées ne rencontre les critères minimaux d’efficacité avérée ou probable (Saunders, Berliner et Hanson, 2004), tels que le recours à un groupe contrôle et un suivi longitudinal relativement au maintien des acquis. Dans une optique de prévention, il est essentiel de s’intéresser aux pratiques fructueuses visant à aider les familles issues de la diversité culturelle à prendre soin des enfants et à empêcher que ces derniers ne soient pris en charge par les services de protection de l’enfance. Il serait toutefois erroné de se centrer uniquement sur les facteurs de risque présents dans cette population. Malheureusement, très peu d’études ont traité du recours à l’identité culturelle en intervention ou aux aménagements pouvant être apportés dans les services pour tenir compte de la culture du jeune et de sa famille. Il serait notamment pertinent d'envisager le recours à la famille élargie ainsi qu’au pairage ethnoculturel des enfants placés. Nous manquons également d’information sur la collaboration entre les établissements de services sociaux et les organismes ethnoculturels, alors qu’il s’agit d’un moyen encouragé par le législateur pour améliorer les résultats des interventions.

Violence agie par les jeunes issus de la diversité culturelle : besoins et pratiques probantes

Notre bilan permet de montrer que le thème de la violence agie a été nettement moins exploré que celui de la violence subie. En raison d’une pauvreté économique plus importante et du profilage dont ils font l’objet, les jeunes autochtones et ceux issus de l’immigration sont particulièrement susceptibles de vivre des difficultés sociales, comme des problèmes de délinquance et des démêlés avec la justice pénale (Kroes, 2008). Plusieurs facteurs de risque de délinquance chez les jeunes issus de la diversité culturelle ont été documentés, tels que le fait d’avoir une relation d’attachement sécure, de percevoir une discrimination envers soi et d’être isolé de sa communauté. Des études ont porté sur le phénomène des gangs de rue et permettent de mettre en lumière que ce type de groupe criminalisé permet de répondre à certains besoins affectifs des jeunes qui y adhèrent, en particulier le besoin d’appartenance et d’identification. Il est encore une fois impossible d’identifier les pratiques probantes pour prévenir et traiter les problématiques de violence agie chez les jeunes issus de la diversité culturelle, puisqu’une seule étude s’est attardée à l’évaluation d’un programme (Fraser, Vachon, Arauz, Rousseau et Kirmayer, 2012).

Il y a donc matière à poursuivre les efforts de recherche en ce qui concerne la violence agie par les jeunes issus de la diversité culturelle. Dans un premier temps, il serait important de se doter d’un portrait plus précis de ces jeunes lorsqu'ils reçoivent des services en Centre jeunesse en vertu de la LSJPA. On dispose encore de très peu d’information sur la présence, les caractéristiques et les besoins de ces jeunes dans le système québécois de justice pénale pour adolescents. Des études portent sur le parcours de jeunes issus de l’immigration et appartenant aux gangs de rue, mais très peu de chercheurs se sont intéressés à l’implication de ces jeunes dans les autres formes de délinquance et aux voies multiples menant à l’engagement dans la délinquance chez les adolescents autochtones. La situation de ces derniers devrait recevoir une attention particulière à cet égard. Des données permettent en effet de constater l’existence d’une surreprésentation des adolescents autochtones à l’étape de la mise sous garde dans certaines provinces et territoires du Canada, mais pas encore au Québec (Latimer et Foss, 2004).

Somme toute, la croissance démographique au sein des communautés autochtones ainsi que l’arrivée massive de familles immigrantes au Québec renforcent la pertinence de poursuivre les efforts de recherche relatifs à ces clientèles pour les années à venir. Souhaitons que notre bilan soit utile aux chercheurs qui contribueront à l’avancement des connaissances dans ce domaine.

Tableau 1

Synthèse des études recensées

Synthèse des études recensées

Tableau 1 (continuation)

Synthèse des études recensées

Tableau 1 (continuation)

Synthèse des études recensées

Tableau 1 (continuation)

Synthèse des études recensées

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Synthèse des études recensées

Abréviations : A, article; C, chapitre de livre; doc., documntaire; I; institutionnel; L, livre; M, mémoire; T, thèse.

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