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Le 12 mai 2009 disparaissait Roger Planchon que l’on a célébré comme un « terrible manoeuvrier qui défendait bec et ongle le service public » (Chéreau, 2009 : 21), un « pionnier de la décentralisation dramatique » (Salino, 2009 : 21) ou un « athlète complet du théâtre » (Léonardini, 2009 : 19). Figure aux multiples facettes (directeur d’institution, metteur en scène, auteur, cinéaste), Roger Planchon, né en 1931, incarne les tensions internes propres à l’histoire du théâtre public, entre ambition artistique et volonté de popularisation. Acteur militant de la décentralisation dramatique et revendiquant la proximité avec Jean Vilar, fondateur du Théâtre National Populaire (TNP) en 1951, Roger Planchon s’inscrit, dans le même temps, dans l’héritage brechtien, dont il se démarque dans les années 1960. À la fin de cette dernière décennie, il revendique le « pouvoir aux créateurs » et contribue à la remise en cause des fondamentaux du service public pour la culture, tel qu’il était conçu à la Libération. Dans le cadre de cet article autour des multiples filiations de Roger Planchon avec l’histoire du théâtre populaire et celle du théâtre public, je m’intéresserai aux premières années de son parcours, de la création en 1950 d’un théâtre d’essai en province, le Théâtre de la Comédie, jusqu’au lendemain de mai 1968, qui signe la fin d’un modèle hérité du mouvement du théâtre populaire qui émerge en France à l’extrême fin du XIXe siècle.

Cette démarche, centrée autour de la biographie de Roger Planchon et d’une analyse de discours, comporte une triple difficulté. Tout d’abord, une difficulté liée au statut même de la biographie et au risque d’« illusion biographique » qui, selon Pierre Bourdieu « décrit la vie comme un chemin, une route, une carrière, avec ses carrefours, ses embûches, comportant un commencement, des étapes, et une fin, au double sens, de terme et de but » (Bourdieu, 1986 : 69). Il est, en effet, tentant de dresser le portrait d’un homme de théâtre selon des traits stables, permanents et transhistoriques, dans une volonté d’explication rationnelle et totalisante, au mépris du poids des multiples contingences, qu’elles soient historiques ou personnelles. Ma réflexion s’inscrit plutôt dans l’exploration d’un « parcours » théâtral, c’est-à-dire d’un chemin fait de tâtonnements, de rencontres, de désillusions, de retournements, de stratégies, parcours qui suit tout en y contribuant à l’histoire du théâtre public en France, des années 1950 à 1968. La deuxième difficulté tient dans l’interprétation du discours des acteurs eux-mêmes. Il est parfois hasardeux, pour le chercheur, de déterminer la part de sincérité, de contingence, voire d’opportunisme des propos tenus par ceux qui sont engagés dans l’action. Ces trois dimensions peuvent, de plus, être réunies de manière inconsciente chez le locuteur ! Dans un discours évoquant le passé, il est également difficile de distinguer la part de véracité du souvenir et la tendance naturelle à reconstruire le passé en fonction de ce que les événements postérieurs ont pu laisser comme traces, ou en fonction d’un souci de postérité… Seul un travail historien de comparaison fine et rigoureuse entre les discours des acteurs et les preuves matérielles laissées dans les archives pourrait, non pas supprimer, mais aplanir ces difficultés d’analyse et d’interprétation des discours. Enfin, la dernière difficulté touche aux définitions même des termes de cadrage. En effet, la notion de « théâtre populaire » est protéiforme et sujette, trop souvent, à des utilisations simplificatrices et univoques (Denizot, 2010). Parce que le théâtre public se construit après la Seconde Guerre mondiale dans l’héritage du mouvement du théâtre populaire, ses ressortissants n’ont pas hésité à utiliser cette référence historique et intellectuelle, comme ressource mythique, en fonction de logiques identitaires, pour construire et défendre un secteur professionnel instable et régulièrement menacé (Denizot, 2011). Aborder l’oeuvre de Roger Planchon permet de surseoir à toute mythification et d’observer la complexité des processus d’héritage et de filiation, pourtant présentés de manière linéaire dans les hommages et autres commémorations. Ainsi, en partant du discours de Planchon qui revendique à son actif trois filiations – celle de la décentralisation dramatique, celle du théâtre populaire et de Jean Vilar et, enfin, celle de Bertolt Brecht – , je tenterai de souligner les éventuels points d’incompatibilité entre celles-ci, mais aussi les effets de distorsion entre un appel à la filiation et la réalité de la référence mobilisée. Se dessineront alors trois hypothèses qui permettront de préciser le sens à donner aux dimensions d’héritage et de continuum historique. Dans un premier temps, on découvrira dans quelle mesure l’inscription de Roger Planchon dans l’histoire de la décentralisation dramatique se déploie sur un mode alternatif. Dans un second temps, on observera en quoi l’appropriation de l’héritage de Jean Vilar se révèle relativement infondée, alors que la troisième partie de la réflexion montrera en quoi celle de Bertolt Brecht semble davantage opératoire. Enfin, le positionnement de Roger Planchon pendant la crise de mai 1968, au cours de laquelle il revendique « le pouvoir aux créateurs », permettra d’interroger les ressorts du fil conducteur de son parcours.

Roger Planchon et la décentralisation : une seconde voie ou une conception alternative

Grâce à la rencontre avec le frère Paul du collège des Lazaristes, le jeune Roger Planchon s’ouvre au cinéma, à la peinture, à la littérature et, bientôt, au théâtre. Élève de Suzette Guillaud, qui s’efforce de faire vivre à Lyon une entreprise de théâtre d’art, adossée à un cours d’art dramatique, il rencontre, en 1948, Robert Gilbert, Claude Lochy et Alain Mottet. Décidés à travailler ensemble, ils fondent la compagnie théâtrale amateur Que vlo ve ?, dont le nom reprend le titre d’un texte de Guillaume Apollinaire de 1910. Après avoir reçu un prix doté de 25 000 francs (soit 650 euros[1]) dans le cadre des épreuves régionales du Concours national du théâtre universitaire et amateur avec le spectacle Bottines, collets montés – fantaisie en deux parties évoquant les années 1900 –, les jeunes comédiens décident de devenir professionnels. Ils fondent le Théâtre de la Comédie et s’installent dans la salle de la paroisse Saint-Nizier, au 15, quai Saint-Antoine[2].

Si le curé de la paroisse est tout d’abord ravi des spectacles présentés (Bottines, collets montés, quelques pièces courtes de Courteline, un Hamlet de Sir Thomas Kyd), quand la compagnie monte la pièce de Marlowe, Faust, en supprimant deux actes et en insérant des poèmes d’Arthur Rimbaud, celui-ci décide de fermer les portes de sa salle à des artistes qui risquent de provoquer la bienséance. La jeune compagnie est expulsée en janvier 1951. Sans théâtre fixe, elle se met en quête d’un espace de travail et de représentation. Elle entreprend alors des travaux pour aménager une petite salle de spectacles au 3 bis, rue des Marronniers. Les travaux durent dix-huit mois. Les subventions ne couvrent pas les frais d’investissement[3], d’autant que le coût final de construction dépasse très largement le devis initial, ce qui conduit la compagnie à accumuler les dettes. Le théâtre, doté de 109 places et d’une scène de cinq mètres de profondeur pour six mètres et demi d’ouverture, ouvre néanmoins ses portes le 30 décembre 1952.

L’argumentaire qui nourrit les demandes réitérées de subventions, notamment auprès de la ville de Lyon[4] repose sur l’assimilation du projet du Théâtre de la Comédie au mouvement de la décentralisation dramatique, tel qu’il est impulsé par Jeanne Laurent, qui, depuis 1946, oeuvre au ministère de l’Éducation nationale pour la création des premiers centres dramatiques nationaux (Denizot, 2005). Le Théâtre de la Comédie est défini comme « une association de jeunes comédiens professionnels qui a tenté la création à Lyon d’un théâtre d’essai et de décentralisation dramatique » (Ville de Lyon, 1953 : 115). Pourtant, cet appel à un mouvement en train de s’édifier renvoie à une autre conception de la décentralisation dramatique. À la suite de l’expérience fondatrice de l’association Jeune France, qui a permis l’activité théâtrale en province entre 1940 et 1942 (Chabrol, 1990), la décentralisation mise en place par la IVe République repose sur l’installation et l’implantation de troupes stables de comédiens, rayonnant à partir d’une métropole régionale. Contrairement à Jean Dasté, à Saint-Étienne, à André Clavé, à Colmar ou à Hubert Gignoux, à Rennes, qui sillonnent leur territoire d’implantation, Roger Planchon, lui, souhaite un lieu fixe de travail, d’expérimentation et de diffusion. L’enjeu pour Planchon est de « faire vivre » un « théâtre d’essai », comme la troupe l’annonce dans le programme de son spectacle fondateur Bottines, collets montés qui reste au répertoire de la compagnie pendant les saisons 1951-1952 et 1952-1953 (Bataillon, 2001a : 52). À cette époque, les modèles de Roger Planchon sont des entreprises artistiques autonomes, indépendantes de la puissance publique : d’une part, le Théâtre du Vieux-Colombier de Jacques Copeau et, d’autre part, plus proches de lui, les salles qui émergent à Paris sur la Rive Gauche de la Seine (Théâtre de Poche, Gaieté Montparnasse, Théâtre des Noctambules, Théâtre de la Huchette, Théâtre de Babylone…) et donnent bientôt naissance au Nouveau Théâtre[5].

Le questionnement de Roger Planchon ne part donc pas de l’enjeu de la diffusion des oeuvres et de l’élargissement du public, mais de la nécessité de disposer d’un outil adéquat pour créer. Certes, il lutte aux côtés d’Hubert Gignoux, de Jean Dasté et d’André Clavé contre les positions centralisatrices de Jacques Hébertot – directeur du célèbre théâtre parisien d’avant-garde qui attaque frontalement l’action menée par Jeanne Laurent –, mais ses arguments positionnent clairement la question théâtrale du côté de l’acte artistique :

Disons que le Théâtre est une affaire d’hommes. Et si ces hommes se trouvent ailleurs qu’à Paris, eh bien il est important que le Théâtre soit ailleurs qu’à Paris. Soit, le Théâtre est mort en province comme peut-être il sera ou est déjà dangereusement mort à Paris… Mais si un théâtre doit renaître, il ne peut renaître qu’en se dressant contre ce qu’il a été, et la Décentralisation en est le moyen…

Planchon, 1951 : 123

Même si l’inscription du projet dans le réseau naissant de la décentralisation ne répond pas complètement aux principes fondateurs de l’immédiat après-guerre, la reconnaissance de la compagnie comme « troupe permanente » par André Malraux signe, en 1963, l’aboutissement de cette revendication.

Ne disposant pas des moyens des centres dramatiques nationaux ou des maisons de la culture, Roger Planchon bénéficie, a contrario, d’une indépendance artistique réelle : nul cahier des charges, nulle obligation concernant le répertoire (notamment celle de présenter des pièces classiques en tournée). Cette liberté lui permet de mêler des pièces contemporaines, des créations collectives, des pièces élisabéthaines, en alternant pièces à succès et pièces plus difficiles, afin d’équilibrer les recettes. L’ambition de créateur de Planchon s’exerce alors sans réelle contrainte, en dehors de la nécessité de faire vivre la troupe et le théâtre.

Si, dans les années 1950 et 1960, la politique théâtrale de l’État institutionnalise la décentralisation dramatique, l’action et la figure de Jean Vilar sont également des références peu contestées du théâtre public ; Roger Planchon en revendique également la filiation.

Roger Planchon et Jean Vilar : un héritage infondé ?

En 1957, alors que la municipalité de Lyon s’interroge sur l’avenir de la salle de spectacle de la Maison du Peuple, jusqu’à présent dédiée à l’opérette, Roger Planchon et son équipe rédigent un projet visant à « redonner vie à une maison qui se meurt et à intégrer dans la cité un grand théâtre populaire et ouvrier » (Bataillon, 2001b : 14). Le projet s’inspire explicitement du TNP et se revendique du service public, tel que Jean Vilar le défend depuis sa nomination par Jeanne Laurent à la direction de la salle du Trocadéro, qu’il a rebaptisée du nom donné initialement par Firmin Gémier en 1920 (Fleury, 2006). Le Théâtre de la Cité, nouvelle appellation de la compagnie de Roger Planchon, se réclame dès lors de la démarche vilarienne. Pour nombre de commentateurs, cet héritage semblera institutionnalisé lors du transfert en 1972 du label « TNP », de Chaillot à Villeurbanne.

Plusieurs éléments accréditent la thèse de la filiation. Citons-en quelques uns, sans exclusive. Le premier tient dans la même admiration artistique des membres du Cartel. On connaît le rôle de Charles Dullin dans la formation d’acteur de Jean Vilar ; en mars 1951, Roger Planchon consacre un hommage, sous forme d’exposition, au comédien mort en décembre 1949, qui l’avait marqué dans le rôle de L’Avare, en octobre 1949 au Théâtre des Célestins de Lyon. Il associe à cette commémoration le souvenir de Jacques Copeau, disparu, lui aussi, en 1949. Cet héritage du théâtre d’art se lit également dans le choix des premières pièces que monte Roger Planchon. On y trouve, notamment, une pièce de René Char, Claire, en 1952 : on se souvient que c’est par l’intermédiaire de René Char que Jean Vilar rencontre Christian Zervos qui lui propose de jouer Meurtre dans la cathédrale dans le Palais des Papes d’Avignon, durant l’été 1947[6].

La démarche pour conquérir et fidéliser le public forme également un point de rapprochement. En effet, l’aventure de Jean Vilar et celle de Roger Planchon s’appuient, l’une comme l’autre, sur le mouvement de l’éducation populaire qui se développe après la Seconde Guerre mondiale. Les projets artistiques trouvent un soutien auprès du réseau des associations d’éducation populaire qui organisent, notamment, des stages de formation théâtrale auxquels Roger Planchon et ses comédiens participent. Ces associations jouent également un rôle crucial dans la constitution du public des centres dramatiques. Ainsi, en 1952, Travail et Culture[7] commande au Théâtre de la Comédie la reprise de La Nuit des rois de Shakespeare créée l’année précédente. Roger Planchon impulse également la création d’une Association des Amis du Théâtre de la Comédie, reprenant le même modèle que celui qui avait conduit à la création de l’Association des Amis du Théâtre du Vieux-Colombier en 1913 ou à celle de l’Association des Amis du TNP en 1952.

Pourtant, cette dimension ne peut cacher que l’adhésion à un projet de théâtre populaire ne repose pas sur les mêmes ressorts. En effet, le rapport au public s’inscrit différemment dans le projet de Jean Vilar et dans celui de Roger Planchon. J’en donnerai un témoignage à partir de l’analyse d’un discours de Planchon, prononcé lors d’un colloque en mars 1968.

Roger Planchon revendique la filiation avec Jean Vilar par la dimension de « recherche d’un nouveau public[8] » (Planchon, 1968a :16). Pourtant la suite de l’entretien met au jour les contradictions de cette comparaison. En effet, le metteur en scène explique que la recherche d’un nouveau public résulte de la difficulté à faire adhérer le public habituel du Théâtre de la Comédie à la pièce Grand’Peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht, montée en 1956 : la compagnie s’adresse alors aux comités d’entreprise et aux syndicats. Elle espère ainsi toucher un public populaire, censé être davantage sensible aux propos de la pièce de Bertolt Brecht.

La question du public chez Roger Planchon naît donc d’un problème conjoncturel d’adéquation entre une oeuvre d’art et des spectateurs. La pensée du public chez Jean Vilar repose sur une autre dimension : elle est intimement liée à son activité de metteur en scène et préexiste à la reconnaissance que lui donnent ses premières mises en scène après la Seconde Guerre mondiale[9]. En effet, en 1941, Jean Vilar rejoint la troupe d’André Clavé, la Roulotte, qui parcourt le Grand Ouest. Il rencontre à cette occasion, et pour la première fois, un public populaire qui découvre avec émerveillement le théâtre. Cette expérience fondatrice explique largement le rapport au public que Jean Vilar élabore ultérieurement (Fleury, 2002). Ainsi, en 1946, dans un texte intitulé « Définition du public », Jean Vilar articule sa conception du public populaire autour de la critique d’un théâtre bourgeois qui oppose et divise. En définissant le public de l’époque comme « une personne collective qui paye sa place » (Vilar, 1986 : 338), Jean Vilar met en cause le statut de consommateur auquel est trop souvent réduit le spectateur. Toute forme excessive de commercialisation lui répugne dans la mesure même où elle dénature l’essence de l’acte théâtral en séparant le public de l’oeuvre. Cette conception de l’acte théâtral comme communion et cette volonté d’en faire une « cérémonie » théâtrale – que Jean Vilar estime n’avoir pas réussi à créer dans les premières années du festival d’Avignon (Vilar, 1950)[10] – explique et fonde sa conception spécifique du public, et, par conséquent, permet de comprendre les dispositifs de relation avec le public mis en place au TNP.

En 1968, Roger Planchon déclare que « ce n’est qu’au bout de plusieurs années qu’[il est] venu à l’idée qu’il fallait faire un théâtre populaire. D’ailleurs, [il] n’[a] jamais personnellement prononcé le nom de “ théâtre populaire ”. [Il] le prononce ici par hasard, mais [il] ne croi[t] pas au mot “ théâtre populaire ”» (Planchon, 1968a :18). Ce discours est alors tout à fait compréhensible lorsque l’on saisit que la revendication de filiation avec Jean Vilar ne repose pas sur le coeur même du projet artistique de celui-ci (établir un acte de communion entre l’oeuvre et le public), mais semble résulter d’une prise de conscience d’un kaïros, c’est-à-dire d’un temps de l’occasion opportune qui pourra permettre à Roger Planchon d’obtenir un outil de travail à la mesure de ses ambitions artistiques.

En effet, en se référant à un modèle qui rencontre, depuis 1951, les suffrages de la puissance publique et du public lui-même, Roger Planchon peut espérer obtenir la reconnaissance et les financements associés. En cela, on pourrait alors émettre l’hypothèse que la revendication de filiation avec Jean Vilar, est, pour partie, infondée, car elle repose davantage sur un contexte historique favorable au théâtre populaire. En revanche, cette revendication manifeste la quête du créateur Roger Planchon de disposer d’un outil de création adéquat.

Le lien entre Roger Planchon et Jean Vilar prend alors davantage de sens par l’intermédiaire du Festival d’Avignon que par celui du TNP. En effet, en 1966, pour les vingt ans du festival, Jean Vilar décide de casser le monopole de diffusion du TNP et d’inviter des compagnies extérieures, le Ballet du XXe siècle de Maurice Béjart et le Théâtre de la Cité de Villeurbanne dirigé par Roger Planchon. Celui-ci présente Richard III de Shakespeare et George Dandin de Molière. Le Festival d’Avignon renoue, grâce à cette invitation, avec ce qui constituait son fondement même : être un lieu de l’expérimentation théâtrale. Cette dimension nourrit l’ambition de Roger Planchon et justifie l’attirance qu’il exprime pour Bertolt Brecht.

Roger Planchon et Bertolt Brecht : un héritage assigné ?

Si Roger Planchon reconnaît que « Vilar, à l’époque, était un phare », car « il représentait l’héritage du Cartel », il affirme que « sur le plan esthétique, Brecht avait vingt ans d’avance. Ce goût du réalisme, quand on est près du corps, et qui va vers l’abstraction, féconde encore le théâtre mondial » (Planchon, 1996 : 6). Roger Planchon revendique être nourri de la pensée de Bertolt Brecht et conclut que pour lui, « Brecht, c’est Papa » (Planchon, 1996 : 5)[11]. Est-ce à dire que cette filiation, explicite dans la bouche du metteur en scène, y compris alors que Bertolt Brecht est passé de mode, serait la moins discutable ?

Notons tout d’abord que cette filiation peut être saisie à partir du plateau : les mises en scène de Roger Planchon sont aisément reconnaissables par cette recherche de « matérialité », par le souci du réalisme, par les détails des éléments de décors et des accessoires. Formellement, Roger Planchon emprunte à Bertolt Brecht : il a même longtemps souhaité « copier » les mises en scène de celui-ci, tel un exercice de formation plastique. Si le travail scénique de Roger Planchon justifie la filiation du metteur en scène allemand, l’orientation « marxiste » du dramaturge, ainsi que ses écrits théoriques, suscitent sa critique ; ce n’est pas tant le théoricien que le praticien de plateau qu’apprécie Roger Planchon. Celui-ci pense avoir trouvé dans les spectacles de Bertolt Brecht le « théâtre total » qu’il s’emploie à chercher dans son propre travail. Avec l’écriture de La Remise en 1962, Roger Planchon fait figure d’homme de théâtre complet, metteur en scène de ses propres textes, contrôlant l’ensemble du processus de production et de création d’une oeuvre. Roger Planchon se rapproche de Bertolt Brecht par cette dimension, et moins par une influence théorique. C’est sans doute dans cette distinction que se joue le malentendu avec la revue Théâtre Populaire qui fait de Roger Planchon le premier représentant des brechtiens français, assignant à celui-ci un rôle d’héritier, dont il ne pourra, ni ne souhaitera, revêtir l’ensemble du costume.

La lecture de la réception des spectacles de Roger Planchon par Théâtre populaire est, à cet égard, éclairante, pour une double raison : d’une part, parce qu’elle offre l’exemple d’un processus d’assignation d’héritage et, d’autre part, parce qu’elle révèle en creux l’obsession de Roger Planchon : le travail de plateau.

Avec Paolo Paoli d’Arthur Adamov, en 1957, Roger Planchon se fait véritablement « adoubé » par Théâtre Populaire : nous sommes trois ans après ce 29 juin 1954, date à laquelle Roland Barthes, Bernard Dort et Arthur Adamov, lui-même, assistent à la présentation de Mère Courage par le Berliner Ensemble. Si pour Roland Barthes et Bernard Dort, cette date marque le début d’une « révision totale de la critique » (Paris, 1954 : 97), pour Arthur Adamov, la venue du Berliner Ensemble a provoqué une « conversion fracassante » et il reconnaît que sa pièce Paolo Paoli aborde un « théâtre politique dont Bertolt Brecht lui avait montré le chemin » (Mortier, 1986 : 122). La mise en scène de Paolo Paoli par Roger Planchon remporte tous les suffrages : André Gisselbrecht souligne la force du détour par l’histoire pour « commenter le monde » (en lieu et place du détour par la parabole chez Bertolt Brecht) et note l’apport du metteur en scène dans la lecture et l’explicitation du texte : « La mise en scène de Roger Planchon est un admirable travail : un exemple probant de ce que peut apporter le metteur en scène à une oeuvre écrite » (Gisselbrecht, 1957 : 36). En creux, on retrouve dans cette critique ce qui avait suscité l’« éblouissement » devant Mère Courage : la dimension « totalitaire » du spectacle « que fonde[nt], à part égale, le texte et la représentation, la musique, les matériaux scéniques et le jeu des acteurs » (Dort, 1954 : 100).

Dès lors, les critiques de Théâtre Populaire couvrent d’éloges le Théâtre de la Cité, reconnu « théâtre de service public » (Gisselbrecht, 1958 : 44), assumant la « volonté brechtienne de totalité » et les mêmes missions que le Berliner Ensemble, grâce à une « totale autonomie interne » (Gisselbrecht, 1958 : 45-46).

En 1958, Bernard Dort compare George Dandin, que Roger Planchon vient tout juste de mettre en scène, à l’âge de 27 ans, à un Lehrstück. Il se réjouit que « la voie soit ouverte à un “ nouvel usage ” de nos classiques » (Dort, 1958 : 63). Un an après, Michel Vinaver, à propos de La Seconde surprise de l’amour de Marivaux, inclut Roger Planchon dans « les trois metteurs en scènes les plus marquants », avec Jean-Louis Barrault et Jean Vilar. Il note avec délectation le « réalisme de sa mise en scène » (Vinaver, 1959 : 66).

Pourtant, dès Les Âmes mortes de Nicolas Gogol, dans une adaptation d’Arthur Adamov, en 1960, la revue pointe une tendance qui semble alors aller grandissante dans les mises en scène ultérieures de Roger Planchon : l’intervention jugée abusive du metteur en scène. « Pour quelqu’un comme Planchon qui a tant travaillé, le plus dur reste à faire : savoir s’effacer » (Dumur, 1960 : 76), juge Guy Dumur. La critique devient explicite pour Schweyk dans la deuxième guerre mondiale de Bertolt Brecht : Bernard Dort reproche à Roger Planchon la substitution d’une écriture scénique à une écriture dramatique qui rompt le propre du modèle brechtien de « spectacle total » (Dort, 1961 : 83). En 1961, Pierre Seller note la dimension « mégalomaniaque » du projet d’Édouard II d’après Marlowe (Seller, 1961 : 85).

Enfin, en 1964, éclate un conflit au sein même de la revue Théâtre Populaire au sujet de Troïlus et Cressida. Michel Vinaver, après avoir dénoncé le manque de lisibilité de la mise en scène et le caractère obscur du spectacle, accuse Roger Planchon de ne pas choisir entre un « théâtre expérimental » qui sollicite un spectateur éclairé, avide de participer à la découverte d’un monde inexploré, et un « théâtre populaire », adressé à un public d’associations populaires et de syndicats, qui n’apprécie, comme au temps de l’âge d’or du théâtre (la Grèce antique), que les effets de « répétition » et de « variation ». Michel Vinaver reproche alors à Roger Planchon de ne pas s’occuper de la réception du spectacle et de faire « abstraction des exigences de son public » (Vinaver, 1964 : 121), en se rangeant davantage du côté d’un théâtre « maudit » que d’un théâtre populaire – on peut ici rappeler que Planchon, dans sa jeunesse, lisait avec passion Antonin Artaud qui le mena vers la découverte des auteurs élisabéthains. Planchon est accusé de s’éloigner du projet brechtien, de constituer entre le public et la scène un « rapport fondé sur l’exercice par le spectateur de ses facultés rationnelles » (Vinaver, 1964 : 124).

L’article de Michel Vinaver divise l’équipe de la revue et témoigne des ambiguïtés que le terme de « théâtre populaire » génère au sein d’une société que la guerre froide tend à politiser. Quatre ans avant mai 1968, les éléments de débats et de cristallisation sont déjà présents. En effet, cette querelle autour de Roger Planchon annonce ce qui apparaîtra comme une rupture au sein du théâtre public : la revendication du pouvoir au créateur.

1968 : le pouvoir au créateur

Lors des Rencontres d’Avignon en 1967, organisées par Jean Vilar chaque année depuis 1964, à l’occasion du festival, Roger Planchon alerte les élus et l’État sur les risques d’atteinte à la liberté du créateur via les conseils d’administration des maisons de la culture[12]. À la fin de sept jours de débats, alors que s’énoncent des remarques finales, Roger Planchon, qui n’était pas intervenu jusqu’ici, s’exprime après Francis Raison, directeur du Théâtre et des Maisons de la Culture au ministère des Affaires culturelles (1966-1969) :

Il est heureux que l’État reconnaisse la liberté des créateurs. Mais cela exige que soient éliminés la loi de 1901, les conseils de notables dirigeant les maisons de la culture… Les créateurs ne veulent plus la liberté, ils veulent le pouvoir. Ils veulent un affrontement direct avec l’État et avec le public. […] L’action culturelle doit s’organiser autour de deux axes stratégiques. Dans les vingt années à venir, va se former un prolétariat coupé de toute culture. C’est ce qu’il faudrait regarder, les sous-hommes que cette société est en train de former. D’autre part, la plupart des grands créateurs crachent sur cette société, ils la vomissent. Il faut réintégrer le créateur, le poète, dans la société

Planchon, 1967 : 296

Cette prise de parole comporte deux axes. Le premier reflète la politisation grandissante des artistes au cours des années 1960. Le second revendique le pouvoir aux créateurs et annonce un des points discutés lors de la réunion impulsée par Roger Planchon lui-même à Villeurbanne en mai-juin 1968. Il faut, en effet, se souvenir que « l’événement de 1968 » s’inscrit dans un contexte de contestation politique, dont le théâtre se fait à l’occasion l’écho. On peut citer, bien sûr, les prises de position du Bread and Puppet Theatre contre l’intervention américaine au Vietnam, relayées, en France, en 1967, par V comme Vietnam d’Armand Gatti ou par Les Guerres picrocholines, d’après Rabelais, montée par le Théâtre de l’Aquarium et mise en scène par Jacques Nichet. On peut également mentionner Les Treize soleils de la rue Saint-Blaise d’Armand Gatti qui naît à partir de l’imaginaire des spectateurs du quartier populaire de l’Est de Paris[13] ou L’Héritier, pièce proposée par le Théâtre de l’Aquarium à partir du livre de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron, Les Héritiers (1964). Ces deux pièces, créées quelques jours seulement avant mai 1968, concentrent une critique contre la « culture bourgeoise », les « inégalités de classes de la France gaulliste » (Neveux, 2007 : 62, 66) ou le rôle discriminant de l’école dans l’accès aux biens culturels. Directement ou par ricochet, la politique culturelle d’André Malraux, qui prône une culture humaniste et prend le pari du « choc esthétique » pour rassembler autour de l’oeuvre d’art une vaste communauté sensible, semble remise en cause, avant même la crise sociale, politique et culturelle de 1968.

Le second point – la revendication du pouvoir au créateur – renvoie plus spécifiquement à la réunion qui se tient à Villeurbanne, près de Lyon, du 21 mai au 11 juin 1968[14].

Invités par Roger Planchon à réfléchir à la situation du théâtre public, quarante-deux directeurs d’institutions théâtrales signent, à l’issue de vifs débats, une forme de manifeste, aujourd’hui connue sous l’intitulé de « déclaration de Villeurbanne ». Leur objectif est de donner un nouveau cadre à l’action culturelle. Ce texte commun peine cependant à être rédigé, en raison des nombreuses divergences qui émergent au sein du collectif d’artistes-directeurs. Francis Jeanson[15] est alors désigné pour tenir la plume et faire la synthèse des débats. Pour lui, il s’agit moins de remettre en cause les idéaux de la décentralisation dramatique, que d’approfondir la notion de service public, en examinant le rapport des maisons de la culture à la population. La notion de « non-public » permet de dénoncer le « déficit démocratique de l’action culturelle » (Rauch, 2008 : 302) et doit donc être entendue comme une volonté de restaurer le rôle du citoyen dans la vie artistique afin de créer du lien social par la culture.

Contre la vision malrucienne de partage de l’accès à la culture au sein de la nation, Francis Jeanson introduit l’idée de partage de la création au sein de la République : il s’agit de permettre aux citoyens de contribuer activement à la production artistique et culturelle. Est notamment affirmée « la nécessité d’une étroite corrélation entre la création théâtrale et l’action culturelle » (« Déclaration de Villeurbanne », 1968 : 198). Si la préoccupation première de Francis Jeanson est bien la question démocratique, son texte reflète le positionnement des artistes pour lesquels, intrinsèquement, la création est l’objectif premier. C’est pourquoi la plateforme de revendications concrètes, qui clôt la déclaration, demande l’augmentation des moyens alloués à la création.

Notons que Roger Planchon se distingue, pour partie, des positions de Francis Jeanson. Lors des débats au sein du comité permanent (en font partie, en dehors de Roger Planchon, Hubert Gignoux, Pierre Debauche, Philippe Tiry et Georges Goubert), Roger Planchon fait une proposition qui insiste sur l’exigence artistique. Il dénonce, notamment, l’action culturelle menée en dehors du travail artistique et les « acteurs s’occupant des problèmes du non-public au détriment de leur travail artistique » (Planchon, 1968b : 311). Roger Planchon exprime ici un point de vue que partagent d’autres metteurs en scène, dont, par exemple, José Valverde, directeur du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, qui refuse de ratifier la proposition de Francis Jeanson.

Au cours de cette réunion à Villeurbanne, la place de la création au sein du fonctionnement des institutions théâtrales est abordée d’un autre point de vue, moins politique qu’organisationnel. Celui-ci renvoie à la professionnalisation du théâtre public. En effet, les centres dramatiques nationaux et les maisons de la culture n’échappent pas à la revendication salariale : des comités de grève se constituent et critiquent le fonctionnement jugé archaïque des organisations. Les personnels administratif et technique, réunis à Strasbourg les 8, 9 et 10 juin, demandent la revalorisation des conditions de travail et la redistribution du pouvoir au sein de l’institution. Alors que les directeurs, au début de la rencontre à Villeurbanne, englobent dans leurs réflexions l’ensemble des personnels concourant à l’action culturelle, ils révisent leur position première et excluent les personnels administratif et technique des processus décisionnels. Ils assument alors pleinement leur rôle de chef d’entreprise. La commission paritaire directeurs-personnels qui se réunit fin juin et début juillet 1968 se contente de négocier des revendications salariales (augmentation de salaire, attribution de libertés syndicales) et d’ouvrir la voie à l’élaboration d’une convention collective nationale qui sera signée suite à la création du Syndicat Des Entreprises d’Action Culturelle (SYNDEAC), créé en 1971. À l’issue de cette période de négociation, le mode d’organisation des institutions du réseau de la décentralisation est profondément modifié. Alors que les premiers centres dramatiques sont organisés sur le mode de la polyvalence – le comédien se fait machiniste ou décorateur, enfilant son bleu de travail avant de revêtir le costume de L’Avare ou celui de George Dandin –, 1968 officialise un processus de rationalisation : de chef de troupe charismatique, le metteur en scène endosse la fonction de directeur d’institution. Peu à peu, les fonctions administratives et techniques se démarquent des fonctions artistiques, accusant des liens parfois distendus avec le plateau.

Par la revendication du pouvoir au créateur, Roger Planchon apparaît comme l’un des artisans de la mutation du secteur du théâtre public. En invitant Patrice Chéreau, jeune metteur en scène prometteur (Denizot, 2012), auteur d’une déclaration fracassante sur la « mort » du théâtre populaire (Chéreau, 1969), à prendre la co-direction du Théâtre National Populaire, transféré à Villeurbanne en 1972, Roger Planchon s’inscrit dans la continuité de la « déclaration de Villeurbanne[16] ».

Conclusion : Roger Planchon et le théâtre d’art

Si j’ai pu montrer que les revendications de filiation de Roger Planchon, envers la décentralisation, d’une part, Jean Vilar, d’autre part, et Bertolt Brecht, enfin, sont à considérer avec recul et distance, il serait trop facile de voir, derrière ces appels successifs, le simple résultat d’un calcul stratégique pour gagner une légitimité au sein du théâtre public. En effet, j’ai souligné que ces références cachaient une constante : l’obsession de Roger Planchon de forger une « écriture scénique » personnelle et autonome. Planchon développe, voire radicalise, le principe de l’historicisation introduit par la perspective brechtienne, en l’appliquant à des textes classiques. La suite de l’aventure, qui mène l’artiste à prendre la direction du Théâtre National Populaire de Villeurbanne, en 1972, semble conforter cette analyse.

Roger Planchon (1931-2009), directeur du TNP Villeurbanne, auteur, metteur en scène au théâtre et au cinéma

Roger Planchon (1931-2009), directeur du TNP Villeurbanne, auteur, metteur en scène au théâtre et au cinéma
© Christian Ganet

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Loin de « l’assassinat du metteur en scène » exprimé par Jean Vilar, Roger Planchon annonce et incarne, tout à la fois, une double tendance du paysage théâtral des années 1970 et 1980. D’un point de vue esthétique, on assiste à l’affirmation grandissante de la place du metteur en scène sur le plateau. D’un point de vue institutionnel, les postes de direction, assumés par les seuls metteurs en scène, deviennent des fonctions recherchées et enviées, en raison des moyens budgétaires mis au service de la création du metteur en scène-directeur.

Le positionnement de Roger Planchon en mai 1968 s’explique alors par un vif attachement à la liberté du créateur ; elle se traduit par le fait de privilégier la dimension de metteur en scène du directeur d’institution, alors que Jean Vilar affirmait, au sein du TNP, un ethos du service public qui mettait l’institution qu’il dirigeait, non au seul service de sa création, mais d’abord au service du public à laquelle elle était destinée. En ce sens, Roger Planchon pourrait apparaître fondateur d’une nouvelle dimension du théâtre public, centrée autour de la figure du metteur en scène-créateur. Ce serait pourtant omettre que l’histoire du théâtre public repose sur un double socle : le mouvement du théâtre populaire, dont on a pu voir les multiples dimensions, et le développement du théâtre d’art, fondé sur l’exigence artistique et l’autonomie du créateur. L’action de Roger Planchon permet, en effet, de rappeler que l’idée de service public intègre la défense des principes mêmes du théâtre d’art (Dusigne, 1997), ce qu’il exprime lui-même dans ses mémoires : « Le théâtre public permet aussi de donner vie et espace à ce que les hommes de théâtre, les plus aigus du début du siècle, appelaient un peu pompeusement le théâtre d’art » (Planchon, 2004 : 507).

Le parcours de Roger Planchon reflète alors la double origine du théâtre public. Son étude témoigne également de l’intérêt des recherches de nature biographique qui, tournant le dos à toute volonté d’héroïsation, interrogent, d’un point de vue herméneutique, le lien entre le singulier et le collectif (Dosse, 2005). Ainsi, alors que l’on pense l’histoire collective du théâtre public essentiellement en termes de ruptures, le changement d’échelle qu’implique le regard porté sur un artiste, permet de mettre en avant ses points de continuité.