Revue des revues de langue anglaise

The Drama Review (TDR), vol. 55, nos 1, 2, 3 et 4, 2011Canadian Theatre Review (CTR), nos 145, 146, 147 et 148, 2011 et no 149, 2012Theatre Journal (TJ), vol. 63, nos 1, 2, 3 et 4, 2011New Theatre Quarterly (NTQ) vol. 27, nos 1, 2, 3 et 4, 2001 et vol. 28, no 1, 2012[Record]

  • Tanya Déry-Obin

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  • Tanya Déry-Obin
    University of Virginia

Les articles des revues en langue anglaise publiés en 2011 et 2012 témoignent d’un intérêt manifeste à l’égard de pratiques théâtrales prenant place dans un monde globalisé. Cette préoccupation se traduit par des approches multidisciplinaires qui confirment l’influence des théories de la performance, mais aussi d’un désir accru de replacer ces pratiques dans la complexité du monde contemporain. Certains thèmes ou objets communs émergent de ces études, notamment les corpus asiatiques et les questions de genre et de transsexualité. Plusieurs travaux s’inscrivent par ailleurs sous le signe du théâtre interculturel. La notion d’un théâtre qui puise son inspiration à plusieurs traditions et influences géographiques et culturelles n’est pas nouvelle. Des praticiens de plusieurs époques et appartenances nationales ont été associés à cette tendance, notamment W. B. Yeats, Peter Brook, Ariane Mnouchkine, Robert Lepage. Plutôt que de s’intéresser aux pionniers du théâtre interculturel depuis son émergence dans les années 1980, les auteurs du dossier « Rethinking Intercultural Performance », publié dans Theatre Journal (TJ, vol. 63, no 4), tentent de renouveler la réflexion liée à ce phénomène pour répondre principalement aux critiques formulées par les chercheurs postcoloniaux, accusant certains créateurs de s’approprier des traditions et des formes esthétiques issues de pays d’Europe de l’Est et de l’Orient au seul profit des spectateurs de l’Occident. Ce dossier se place ainsi sous l’enseigne de la proposition de Daphne P. Lei qui, dans son article « Interruption, Intervention, Interculturalism : Robert Wilson’s HIT Productions in Taiwan » (TJ, vol. 63, no 4), épingle la notion de « HIT », c’est-à-dire de « théâtre hégémonique interculturel ». Cette appellation désigne les pratiques communément admises comme étant du théâtre interculturel et provenant le plus souvent de créateurs occidentaux qui travaillent sur des formes empruntées à d’autres cultures théâtrales. Lei rappelle que le théâtre interculturel est un ensemble difficile à cerner, et que certains chercheurs assument cette tâche impossible tout en admettant que les frontières nationales sont de plus en plus poreuses, comme les échanges culturels, en raison de l’omniprésence de la technologie. Ce contexte amène à penser que les frontières culturelles et artistiques sont peut-être elles-mêmes susceptibles de disparaître. Lei se demande alors comment il est possible de réfléchir au théâtre interculturel alors que les différences culturelles ont tendance à se brouiller. Pour l’auteure, une telle mixité culturelle et artistique provoque un effacement des identités qui peut, par la même occasion, provoquer un sentiment de malaise. L’analyse du HIT permet ainsi d’identifier et de reconnaître les structures de pouvoir dans les relations théâtrales mondiales afin de reconnaître l’hégémonie de certaines pratiques. Lei explique : « La véritable hégémonie, ou la réalité la plus cruelle, est le fait qu’après plusieurs décennies de développement le théâtre interculturel s’est taillé une position très stable au milieu des pratiques et des formes interculturelles et multiculturelles » (TJ, vol. 63, no 4, p. 572). L’auteure déplore le fait que bien que plusieurs pratiques authentiques de théâtre interculturel existent, elles sont le plus souvent éclipsées par le théâtre interculturel hégémonique. D’autre part, elle mentionne que le tokénisme (tokenism), la mauvaise communication, la mauvaise interprétation et même l’appropriation frauduleuse sont souvent associées au théâtre culturel hégémonique actuel, comme en témoignent deux productions de Robert Wilson présentées à Taiwan, Orlando (2009) et 1433 : The Grand Voyage (2010). En dépit de ces critiques, Lei ne perçoit pas le théâtre interculturel hégémonique comme seulement négatif et reconnaît son pouvoir de mise en contact. Son étude vise plutôt à relever et à mettre en lumière les flux nationaux et culturels du « théâtre interculturel …