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Michel F. Côté : trois temps sur l’interdisciplinarité[Record]

  • Morena Prats,
  • Michel F. Côté and
  • Fabienne Cabado

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  • Morena Prats
    Université du Québec à Montréal

  • Avec la collaboration de
    Michel F. Côté
    Fabienne Cabado

Ce récit de pratique en trois volets est issu d’un entretien entre Michel F. Côté et Fabienne Cabado, qui a eu lieu dans le cadre du colloque Alternatives interdisciplinaires : de l’identité des arts vivants, organisé par le GRIAV (Groupe de recherche interdisciplinaire en arts vivants), les 12 et 13 mai 2016 à l’Université du Québec à Montréal. Lors de ce colloque, Michel F. Côté a ouvert la discussion en lisant un texte écrit pour l’occasion intitulé « Inversion sportifère ». Ce texte ainsi que l’échange avec Fabienne Cabado sont publiés ici et sont suivis d’un court essai dans lequel j’esquisse une cartographie de l’interdisciplinarité, telle qu’elle émerge des réflexions de Michel F. Côté. L’interdisciplinarité n’est ni récente ni singulière : elle fut la norme d’usage pendant des milliers d’années. Nous imaginons mal les hommes qui ont peint la Grotte Chauvet il y a trente-cinq mille ans n’être que peintres, ils étaient chasseurs-cueilleurs, individus habiles à tout faire. Danse, fumigation, peinture, chant, sculpture, incantation poétique et musique, toutes ces formes d’expressions identitaires – salutaires – prenaient leur source aux mêmes nécessités : procurer à l’autre comme à soi un réconfort momentané, prodiguer au groupe un contexte symbolique unitaire et esthétique, développer une perception salvatrice des actes collectifs empreints de spiritualité et s’offrir une main tendue vers l’immortalité. Cette première et remarquable interdisciplinarité fut celle de l’artiste total, un état d’être devenu rarissime de nos jours. Activité fondatrice et spécifique à l’homo sapiens, l’art a pris naissance aux sources d’un animisme ardent, il a cristallisé cette volonté de se soustraire au morbide et d’imaginer ce qui n’est pas. Pendant des siècles, peut-être plus de cent mille ans, l’humain fut un homo artis pluridisciplinus étonnant de savoir-faire. Retournez voir l’incroyable splendeur de l’art rupestre, imaginez tout ce que nous ne verrons jamais, emporté par le temps. Imaginez la musique de ces ancêtres habiles, regardez à nouveau les quelques fragments d’art statuaire parvenus jusqu’à nous, observez la rondeur et les angles magnifiques de ces formes. Tâtez de cet imaginaire qui vaut bien le nôtre : nous avons là les oeuvres d’ancêtres pionniers, véritables artistes expérimentaux d’avant l’histoire, d’avant la parcellarisation. Il y a donc eu une époque où le spécialiste unidimensionnel ne sévissait pas encore, au grand bonheur de ces chasseurs-cueilleurs qui auraient été découragés de voir la plupart des musiciens d’aujourd’hui incapables de se tailler un bâton de marche sans mettre en péril tout organisme vivant dans un proche périmètre. Insistons : le spécialiste est un être trop convergent, une erreur historique, un handicap collectif. Comment ne pas être nostalgique puisque la polyvalence initiale s’est atrophiée? Ce sont les artistes unidisciplinaires, phénomène récent, qu’il faut d’urgence interroger à propos de cet appauvrissement monomaniaque. Un siècle plus tard, en cette année anniversaire (1916-2016), il serait juste de rappeler dada à l’usage des vivants afin de faire un peu d’ombre à cette logique de virtuosité sportive qui s’empare parfois des artistes à sens unique. En réponse à cette dérive de champions, Élisabeth Wetterwald observe ceci : Comme aimait le dire Satie : « Vive les amateurs! » À la lumière des réflexions qui précèdent, je dresserai à présent le portrait de l’interdisciplinarité selon Michel F. Côté, à travers le prisme successif de trois principes qui, selon moi, sont fondateurs dans sa pratique artistique : la curiosité, l’errance et l’amateurisme. Bien que ces principes soient emmêlés et probablement constitués du même élan (tout comme la musique et le corps dansant), je tenterai ici d’envisager séparément ces fondements pour mieux comprendre comment s’articule cette dynamique de l’inter chez cet artiste. L’inter est un …

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