Recherche-création

L’espace en premier lieu…[Record]

  • Éric Soyer and
  • Véronique Lemaire

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  • Éric Soyer
    Scénographe et créateur lumière

  • Véronique Lemaire
    Université catholique de Louvain

Puis, ce savoir se structure, le jeu s’agrandit ainsi que l’échelle, les enjeux, le territoire. Les partenaires de jeu se précisent, s’organisent en familles de sensibilité et, là, le public fait caisse de résonance, les moyens doucement augmentent et la recherche permet de développer ce que l’on appelle un langage qui se déploie au fil des ans, des tournées, des expériences, des pays. Une grammaire prend forme, devient identifiable. Un voyage sur place qui utilise la mémoire vive du spectateur comme terreau d’une image en construction. C’est une tentative désespérée d’assembler les fragments pour obtenir une image complète, de trouver l’équilibre et de le rompre... de sauter sur un château de cartes. D’inventer un monde, de le tordre, le vriller jusqu’à se soustraire à la pesanteur du corps. De susciter l’émerveillement du rêve éveillé suspendu comme un long courrier, de croire à la fiction, la fiction de l’espace et du jeu, la rendre tangible. Le point de départ est une première séance de travail au cours de laquelle Joël Pommerat, l’auteur et metteur en scène, expose à Éric Soyer, le scénographe, les lieux dans lesquels il pressent que la fiction se déroulera. Cela suppose qu’il ait à l’esprit un thème qu’il souhaite aborder. Mais le principe premier est la définition des lieux de l’action. Par exemple, pour le spectacle Les marchands, les lieux préalablement définis étaient relatifs au monde du travail : une usine dans laquelle on pouvait distinguer une chaîne de montage et des bureaux, des appartements tels qu’on les rencontre dans les grandes cités de HLM, et un bar, situé au pied d’une tour de HLM. En ce qui concerne Je tremble (1 et 2), le lieu de départ était celui du cabaret, de la scène donc, sur laquelle divers personnages viendraient faire état de leur vie et du monde. L’élément scénique qui allait identifier ce lieu de façon métonymique serait un rideau de scène noir à paillettes argentées. La détermination de ces lieux déclenche ensuite la réflexion du scénographe sur une matière ou une sensation : celle du béton, de la froideur, de la rigidité pour Les marchands; celle du révélateur émotif, une peau qui rougirait par exemple, pour le rideau de Je tremble. Créer des espaces sensibles. À partir de ces variations spatiosensorielles, Éric Soyer conçoit un dispositif scénique, un espace en devenir, ouvert à l’inscription des lieux de la fiction; c’est un espace encore neutre : un instrument de travail. Il le fait construire et monter sur scène. Joël Pommerat et les comédiens investissent ensuite cet espace et l’explorent dans une démarche d’écriture et de jeu qui se développe simultanément, à travers un aller-retour et un enrichissement mutuel. L’écriture de la pièce vient donc du plateau; c’est une élaboration collective en ce sens qu’elle se construit au départ des thèmes proposés par Joël Pommerat, sur lesquels les acteurs improvisent en costume et développent des situations de vie et de jeu, dont Soyer explore à son tour les potentialités spatiales et scéniques avec l’appui des propositions sonores et que l’auteur retravaille ensuite par l’écriture. Pour Les marchands, l’ensemble de la compagnie, auteur-metteur en scène, scénographe, acteurs, créateur son, costumière, mais aussi techniciens, visionne par ailleurs des documents tels que des reportages, des films, des documentaires ce qui vise à déclencher les débats, à approfondir et à nourrir le travail de création sur le plateau, qui, à nouveau, renvoie l’auteur à son travail d’écriture textuelle. Les matériaux de base sont les éléments construits, que l’on peut toucher, qui fabriquent un espace, qui organisent les circulations, les entrées et sorties, les hauteurs physiques …

Appendices