Notes de lecture

GILBERT DAVID (dir.), Carole Fréchette, dramaturge : un théâtre sur le qui-vive, Nota bene, « Études culturelles », 2017, 414 p.[Record]

  • Elizabeth Bourget

…more information

  • Elizabeth Bourget
    Université du Québec à Montréal

Il faut se réjouir de la parution de ce volume et la souligner, car les études consacrées aux oeuvres des auteurs et autrices d’ici sont aujourd’hui rarissimes. Et il le faut d’autant plus que ce livre est consacré à Carole Fréchette qui, au fil de près de trente années d’écriture, s’est imposée comme une des figures majeures de la dramaturgie québécoise. Son oeuvre, maintes fois primée, a été traduite en dix-sept langues et jouée dans autant de pays. L’écriture de Fréchette, contemporaine, complexe, tout en étant très accessible, méritait qu’une équipe de chercheurs et chercheuses s’y arrête. Le projet de ce livre est né suite à un atelier tenu à Montréal en 2006 intitulé « L’écriture de Carole Fréchette. Entre le monde et le moi : lectures d’une dramaturgie de l’entre-deux » et organisé par le CRILCQ de l’Université de Montréal, sous la responsabilité de Gilbert David. Le livre conserve des traces de cet atelier, mais prend en compte toutes les oeuvres, y compris celles publiées depuis. Chacune des pièces de Fréchette a droit à une étude séparée et l’ensemble est complété par quelques analyses transversales. David, dans sa présentation, indique qu’il a donné carte blanche aux chercheurs et chercheuses quant à leurs hypothèses et outils de recherche, la seule consigne étant « de travailler au corps » (20) le texte, ce qu’ils et elles ont fait rigoureusement et, pour rester dans la métaphore, vigoureusement. David a, par ailleurs, veillé à ce que les collaborateurs et collaboratrices appartiennent à des générations différentes, provenant des deux côtés de l’Atlantique. Il en résulte parfois un contraste un peu marqué entre les différents chapitres. En revanche, l’ensemble fait surgir des récurrences fort intéressantes, des liens surprenants, donnant au lecteur et à la lectrice la possibilité de faire sa propre analyse transversale. Les lignes de force de l’oeuvre de Fréchette n’en ressortent que plus clairement. Divisé en quatre parties et une coda, le livre reprend en ouverture la présentation de Carole Fréchette faite par Madeleine Monette lors de sa réception à l’Académie des lettres du Québec, texte concis qui résume bien le parcours de la dramaturge. Gilbert David, dans la présentation qui suit, fait état d’une méconnaissance de l’oeuvre de Fréchette au Québec qui pourrait justifier, si besoin était, l’entreprise de ce livre. En effet, si le rayonnement de son oeuvre à l’étranger est indéniable, on peut trouver curieux que certaines de ses pièces aient été créées d’abord en France ou au Canada anglais avant de se retrouver sur une scène montréalaise. David propose trois pistes d’explication : celle, trop bien connue, des inégalités hommes-femmes, celle de la langue fréchettienne, qui s’éloigne du joual, et une troisième qui résiderait dans les défis posés par cette écriture. David retient cette dernière piste, suggérant que la question « comment ça se joue? » (17) serait un frein. Comme lui, on peut espérer que ce livre si riche où toutes et tous se sont penchés sur « comment c’est fait » suscitera de nouvelles lectures... et des productions. La première partie, intitulée « Naissances », comporte une très intéressante étude du Théâtre des cuisines, collectif féministe d’agit-prop dans lequel Fréchette s’implique de 1973 à 1981, au sortir de sa formation de comédienne. C’est là, comme elle le dit elle-même, qu’elle commence à écrire pour le théâtre. Ce chapitre présente fort bien les enjeux de l’époque, les tensions entre luttes féministes et anticapitalistes. Sylvain Lavoie remarque que la tension « entre le monde et le moi » (22) est déjà bien présente dans le parcours du Théâtre des cuisines. Plusieurs années plus tard, Fréchette commencera à écrire seule, …

Appendices