Introduction : approches inductives en communication sociale[Record]

  • Jason Luckerhoff and
  • François Guillemette

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  • Jason Luckerhoff
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • François Guillemette
    Université du Québec à Trois-Rivières

La communication sociale a en commun avec la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE), et d’autres approches inductives, une influence de l’interactionnisme symbolique qui a d’abord été théorisé par les sociologues de l’École de Chicago, notamment par Herbert Blumer qui en a proposé le nom dès les années 30. Puisque l’interactionnisme est né d’échanges interdisciplinaires entre la psychologie, l’anthropologie, la sociologie et les sciences de l’information et de la communication, l’interdisciplinarité peut être considérée comme constitutive de la communication sociale autant que de la MTE. En diffusant un appel à textes sur les approches inductives en communication sociale, notre intention n’était pas seulement de regrouper des textes de chercheurs en communication qui procèdent de manière inductive dans leurs recherches, mais aussi de porter un regard sur les liens qui unissent la communication plus spécifiquement sociale et les approches inductives. L’histoire du développement de la communication, et en particulier de la communication sociale, est liée à certaines « Querelles autour des méthodes » (Groulx, 1997, p. 1). Le radicalisme de certains paradigmes (Kuhn, 1970) mène à des oppositions sur les plans ontologique, épistémologique et méthodologique, et provoque un développement morcelé de la communication comme champ scientifique. Alors que les chercheurs en communication de la première génération en France proviennent surtout de la sémiologie et des lettres, « au Québec, la sociologie est la discipline d’origine qui prédomine » (Breton & Proulx, 2002, p. 337). C’est à Chicago, où la ville devient un véritable laboratoire social, que des sociologues développent un intérêt pour la marginalité, l’acculturation et les phénomènes sociaux émergents, en procédant surtout par observation directe. Caractérisée par une ouverture inconnue auparavant, l’École de Chicago va proposer une autre façon de faire de la recherche à une époque où les chercheurs mènent des enquêtes par questionnaire et procèdent quasi uniquement par traitement statistique. La perspective ethnographique sera ainsi valorisée pour étudier les interactions sociales et les processus symboliques. L’accent mis sur la recherche « sur le terrain » et sur l’analyse des processus (plutôt que des structures) permet à ces sociologues de comprendre la construction de sens que réalisent des participants au travers de leurs interactions. Selon Cabin (2000), Cabin continue : On voit clairement ici le lien essentiel entre l’interactionnisme symbolique et la communication sociale. Nous pouvons considérer que l’interactionnisme symbolique, et plus largement l’École de Chicago, ont grandement influencé les deux fondateurs de la Grounded Theory, Barney Glaser et Anselm Strauss. Ce dernier est considéré comme un des sociologues de l’École de Chicago. Selon Glaser (1998), Erving Goffman, qui a aussi fait partie de l’École de Chicago, a grandement contribué au développement de l’approche communicationnelle et de la communication sociale. Il existe donc une parenté épistémologique entre la communication sociale et la Grounded Theory. Les interactionnistes ont dû, plus tard, défendre leur conception de la recherche. Dans les années 40, la grande influence de l’École de Chicago décline alors qu’on reproche à ces chercheurs un manque de rigueur. À cette démarche qui visait à construire des catégories d’analyse et des théories compréhensives, s’oppose la démarche déductive sous prétexte qu’elle seule permet la généralisation et la réplicabilité, deux critères considérés par le courant hypothético-déductif comme essentiels à toute démarche scientifique. Pourtant, la visée d’exploration ouverte (sans préconception), suivie d’une inspection méthodique et rigoureuse (Blumer, 1969), constitue une fidélité à une manière millénaire d’appréhender les phénomènes humains et les phénomènes naturels. Les liens de filiation entre les chercheurs en communication sociale et les interactionnistes dans les autres disciplines, d’une part, et les chercheurs en Grounded Theory, d’autre part, sont nombreux. Les reproches qui leur seront adressés se ressemblent …

Appendices