Introduction : les multiples voies de la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE)[Record]

  • François Guillemette and
  • Jason Luckerhoff

…more information

  • François Guillemette
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • Jason Luckerhoff
    Université du Québec à Trois-Rivières

Ce numéro de la revue Approches inductives illustre quelques-unes des multiples voies qu’ont empruntées les chercheurs qui identifient leurs démarches méthodologiques à la Grounded Theory. Nous nous sommes expliqués sur les raisons qui nous ont amenés à traduire Grounded Theory par « méthodologie de la théorisation enracinée » : On sait que la MTE est la méthodologie la plus utilisée en recherche qualitative dans les publications anglophones (Birks & Mills, 2011). Mais de quelle MTE s’agit-il? Il y a de nombreuses réponses à cette question. Nous ne contestons évidemment pas la diversité qui est riche et légitime. Mais il nous semble que cette diversité devrait être avouée, c’est-à-dire que les chercheurs qui s’identifient à la MTE devraient être transparents à propos de ce qu’ils font. Il n’est plus possible de simplement dire que l’on fait de la MTE, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, pour attester la rigueur avec laquelle un chercheur a travaillé, il faut connaître les types de méthodes auxquels il se réfère. Aussi, trop de chercheurs citent des auteurs de la MTE sans respecter les principes et critères propres à cette approche qui est une approche générale et non uniquement une méthode d’analyse. Nous pouvons faire la comparaison avec un chercheur qui dirait qu’il fait de la recherche qualitative. Ce chercheur doit préciser les procédures qu’il utilise et les méthodes auxquelles il se réfère. Un des critères de scientificité de la recherche qualitative est la traçabilité, c’est-à-dire l’exigence de préciser avec transparence les démarches et les méthodes qu’il a utilisées et les adaptations qu’il a faites de ces démarches et ces méthodes. Pour le dire plus simplement, on peut affirmer que depuis la Grounded Theory proposée par Glaser et Strauss dans les années 60, et plus particulièrement dans leur livre fondateur de 1967, de nombreux chercheurs ont développé plusieurs voies spécifiques de la MTE. Glaser et Strauss eux-mêmes ont formulé des propositions chacun de leur côté. Glaser a critiqué les approches qui se distinguaient des siennes, mais Strauss a reconnu la légitimité des différentes voies développées et des différentes adaptations. Strauss et Corbin rappellent toutefois que la légitimité de la diversité s’amenuise lorsque les différences sont tellement importantes qu’on ne peut plus reconnaître la Grounded Theory dans ses principes essentiels, tels que définis par les fondateurs. Des écoles de pensée se sont formées entre « glaseriens » et « straussiens ». Dans la dernière décennie du XXe siècle, des voies encore plus spécifiques ont été développées jusqu’à ce qu’on soit en présence de propositions qui ne sont plus cohérentes avec certains principes fondateurs, mais qui continuent à être présentées comme de la MTE. Évidemment, chacun a le droit d’appeler son approche avec le nom qu’il veut, mais chacun n’est pas légitimé de créer de la confusion en n’explicitant pas avec transparence ses choix méthodologiques. On peut avoir l’impression, dans certains cas, que les chercheurs veulent profiter de la popularité de la MTE, mais qu’ils n’ont pas pris le temps de bien comprendre ce qu’implique le choix d’identifier sa démarche à la MTE. Ici comme ailleurs, il n’est pas suffisant de dire qu’on fait de la MTE et de donner une référence ou deux. Les chercheurs qui ont écrit les articles dans ce numéro ont fourni les précisions méthodologiques avec transparence et avec respect de la diversité des approches que l’on trouve aujourd’hui chez les chercheurs qui se réclament de la MTE. Par ailleurs, on pourra constater dans la diversité des articles une cohérence certaine avec les principes épistémologiques et méthodologiques qui se trouvaient aux origines de la MTE. Rappelons ici que la Grounded Theory est une …

Appendices