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Je suis finissant de l’une des premières cohortes du programme de maîtrise en bibliothéconomie et sciences de l’information avec concentration en archivistique de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal, qui préconisait une approche visionnaire relativement nouvelle pour l’époque consistant à associer étroitement la bibliothéconomie, l’archivistique et les sciences de l’information. Fervent instigateur de cette approche, le professeur Carol Couture soutenait qu’ « il apparaît avantageux de développer une certaine perméabilité de façon à ce que les principes et les méthodes propres à chacune d’elles puissent être appliqués après avoir été adaptés » (Couture, 1989, p. 7). À son tour, la professeure Louise Gagnon-Arguin rappelait le caractère novateur du programme d’études de l’EBSI :

L’originalité de cette formation vient du fait qu’elle harmonise l’archivistique et les sciences de l’information et qu’elle reconnaît l’apport de celles-ci sur certains aspects de l’archivistique telles l’informatique, l’administration, l’analyse de l’information et la référence.

Gagnon-Arguin, 1992, p. 183

Avant de m’inscrire au programme de deuxième cycle de l’EBSI, je savais déjà que j’allais me diriger vers l’archivistique. Et dès les premiers cours, j’ai pu mettre à profit cette complémentarité des principes et des méthodes de la bibliothéconomie, de l’archivistique, des sciences de l’information et d’autres disciplines connexes. Ainsi, dans le cadre d’une étude de cas dans un cours de marketing des services documentaires, j’ai participé à l’élaboration d’un plan d’action simulé pour un grand service d’archives québécois. Dans le cadre d’un premier stage, j’ai proposé et effectué la mise à jour d’un répertoire de ressources documentaires publié par une association en documentation. Dans le cadre d’un deuxième stage, j’ai pu proposer à un organisme municipal de la Ville de Montréal une analyse de besoins devant favoriser l’élaboration de son calendrier de conservation des documents. Dans le cadre d’un cours de fin de programme, j’ai eu l’occasion de proposer, rédiger et publier un article appliquant une approche très pointue du marketing à la diffusion des archives.

Issu du baccalauréat en philosophie, familier avec la définition des concepts et l’organisation des idées, un troisième stage, au Service des archives de l’Université de Montréal (SAUM), m’a permis d’éprouver mes connaissances fraichement acquises de la bibliothéconomie et de l’archivistique en appliquant et en adaptant aux documents d’archives les principes et les méthodes d’analyse documentaire et d’indexation reconnus en bibliothéconomie. Ainsi, j’ai pu proposer une méthode pour élaborer les index des instruments de recherche du Service qui, par la suite, sont fusionnés afin de constituer l’index général des fonds. À cette époque de l’intégration naissante de l’informatique dans les milieux documentaires, le SAUM souhaitait mieux servir ses chercheuses et chercheurs en leur fournissant des index d’instruments de recherche et un index général des fonds d’une plus grande profondeur, avec des termes normalisés d’indexation, non seulement onomastique, mais aussi par sujets.

J’ai eu l’occasion de témoigner de mon expérience de stage aux archives de l’Université de Montréal lors d’une communication dans le cadre du congrès de l’Association des archivistes du Québec de 1988. J’affirmais alors :

En plus d’avoir favorisé mon intégration progressive et harmonieuse au marché du travail, le stage m’a permis d’exercer mes « réflexes archivistiques » en réconciliant la pratique à la théorie longuement mûrie. Il m’a permis plus spécialement de mettre à profit mes compétences professionnelles en empruntant les méthodes et les techniques d’indexation reconnues en bibliothéconomie pour les adapter au contexte particulier des documents d’archives. De plus, une de mes préoccupations a consisté à créer un manuel capable de répondre à la fois aux besoins des archivistes et à ceux des chercheurs, trop souvent oubliés lors de la planification et de l’organisation de nos interventions.

Brochu, 1988a, p. 3

J’ai ainsi eu le privilège d’effectuer un stage dans un service d’archives à la fine pointe du développement de la discipline archivistique, notamment parce que mon superviseur de stage et le directeur du service, respectivement M. Denys Chouinard et Pr Carol Couture, avaient été mes professeurs à l’EBSI. Je profitais d’un milieu dynamique, réputé pour l’accueil des stagiaires et du personnel contractuel, où la pratique s’harmonisait avec la théorie acquise dans les programmes d’études, où je pouvais bénéficier du meilleur encadrement possible, où il était possible de « brasser » des idées, de faire des suggestions, bref, d’innover. Un milieu où mon superviseur me faisait généreusement profiter de son expérience et de ses conseils qui, d’ailleurs, m’ont été fort utiles durant toute ma carrière. Je ne pouvais trouver de meilleures conditions pour effectuer un tel stage et amorcer une intégration au marché du travail.

Avec énormément de recul, je peux affirmer que, lors de mon passage à l’Université de Montréal, j’ai été témoin d’un volet significatif du développement intellectuel et pratique de la discipline archivistique particulièrement effervescent pour le Québec, préliminaire à un véritable essor anticipé pour le futur :

Les archivistes auront, au cours des prochaines décennies, à se pencher sur les normes de description, sur la classification et sur l’analyse documentaire qui seront nécessaires pour décrire plus adéquatement l’information contenue dans les archives, pour permettre la mise en place de réseau (normalisés) de services d’archives, de mieux servir les utilisateurs de ces services. Les bibliothécaires ont développé, au plan national et international, des outils fiables en ces domaines, et les archivistes devront aborder ces outils et ces méthodes avec esprit critique pour les évaluer à l’aune de leurs besoins propres.

Lajeunesse, 1990, p. 255-256

Et ce véritable essor s’inscrira dans une perspective multidisciplinaire :

L’archivistique se situe à la croisée de nouveaux contextes culturels, des nouveaux modes de gestion en même temps que des nouvelles technologies. Elle est au carrefour de plusieurs disciplines : informatique, sciences de l’information, histoire, linguistique, archéologie, ethnologie, etc. Au service des unes, elle se doit d’utiliser les autres pour assurer son évolution et son développement.

Rousseau et Couture, 1994, p. 35

En définitive, l’harmonisation du développement de l’archivistique, de la bibliothéconomie et des sciences de l’information, s’articulant sur la base de la perméabilité des principes et des méthodes appliqués après avoir été adaptés, une approche innovante dans les années 1980, a caractérisé ma formation de deuxième cycle suivie à l’EBSI, a constitué le pivot central de mon stage au Service des archives de l’Université de Montréal, et m’a constamment servi par la suite dans l’exercice de mes fonctions d’archiviste professionnel puis de gestionnaire de service d’archives. J’ai vraiment bénéficié de l’approche gagnante d’une pratique professionnelle de l’archivistique, soutenue au moment de ma formation par une étroite collaboration, connue et reconnue, entre l’EBSI et le Service des archives. Je garde le meilleur souvenir des personnes qui ont contribué à ma formation, pour ce que vous êtes et ce que vous m’avez apporté, et vous avez toute ma gratitude.