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Organisé par le Conseil de développement de la recherche sur la famille au Québec, le symposium dont sont issus ces Actes s’est tenu en 2001 à Trois-Rivières. Structuré en cinq parties, d’inégales importances, ce livre balaie un éventail assez large de la recherche sur la famille, au Québec bien sûr, mais aussi en France. Les vingt-deux contributions présentées ici s’articulent autour de l’enfance et de la paternité, de la santé et du bien-être à partir de l’enquête sociale et de santé menée auprès d’enfants et d’adolescents de 9, 13 et 16 ans, les interactions entre les milieux scolaire et familial, le suicide et les expériences de solidarité et d’entraide.

Difficile donc de trouver dans cet ouvrage un réel fil conducteur ; la progression heuristique agit plutôt par touches successives autour de recherches en cours sur la famille dont nous ne saurions donner ici une lecture exhaustive. On s’attachera principalement aux deux conférences qui encadrent l’ensemble des textes, en ce qu’elles proposent finalement un regard plus anthropologique sur la famille.

En explorant le thème de l’enfance, Gérard Neyrand insiste sur l’apparition d’un nouveau modèle de parentalité dans les sociétés occidentales où se note un équilibrage des positions – ou revendications – du père et de la mère et l’avènement de l’enfant sujet. Ainsi, la « désignation d’aptitudes parentales différenciées pour chaque sexe […] s’estompe progressivement » au profit d’une reconnaissance des fonctions paternelle et maternelle concourant à la définition de l’identité. Les manifestations de couvade, qu’elles soient ritualisées dans plusieurs sociétés ou simplement présentes chez certains hommes, montrent l’implication fantasmatique de l’homme par rapport à la grossesse et à l’enfantement. Comme quoi, les positions parentales ne sont par nécessairement opposées. Ces propos sont prolongés par Anne Quéniart qui, interrogeant de jeunes pères (âge moyen 21 ans à la survenue du premier enfant), conclut que, loin d’être un frein, la paternité, ici plutôt précoce, est vécue comme un moteur pour l’accomplissement de projets professionnels ou pour améliorer ses conditions de vie.

L’article de Danielle Julien et al. sur les structures familiales homoparentales féminimes analyse toute l’ambiguïté de l’adéquation entre lien biologique et parentalité. Si les deux femmes du couple se considèrent comme co-mères à part entière, le rapport à l’enfant et à la parentalité n’est pas tout à fait le même pour leur famille respective selon que le lien biologique avec l’enfant existe ou non. Mais il existe aussi dans les familles recomposées.

De son côté, Jacques T. Godbout, en conclusion de l’ouvrage, revisite la notion de don quant au sens qu’il prend au sein de la parenté, et en opposition à l’économie libérale. Pris entre la notion du don chrétien philanthropique et du « don des anthropologues », lequel s’équilibrerait par le « contre don », Godbout se rallie à la définition de Boudon : « Donner, c’est donc se priver de réclamer quelque chose en retour » (Boudon 1999) et développe ainsi l’idée que ce qui importe n’est pas tant ce qui circule par le don dans une direction ou l’autre, mais le sens qui est donné à ce qui circule.

Fort de sa recherche sur les réseaux de parenté, Godbout développe l’idée que le don est omniprésent dans les réseaux de parenté et les relations amicales, qu’il est même le mode dominant et courant de circulation des choses et des services. Or, si ce mode de circulation ne prend pas racine dans le modèle normatif marchand, c’est qu’il est un langage et qu’il communique sur ce que sont le donneur et le receveur. Résultat, inattendu peut-être de la recherche, c’est que le système de don dans les réseaux de parentalité est déséquilibré avec une dette permanente des uns par rapports aux autres, situation considérée comme normale et même positive, au contraire de la dette économique qui, elle, est vécue plutôt sur un mode négatif.