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Cet ouvrage collectif fait suite au Forum international sur les villes interculturelles, qui s’est tenu à Montréal du 20 au 23 mai 2014. Ce dernier étant organisé par le Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI) de l’Université de Montréal en collaboration avec le Conseil de l’Europe et la Ville de Montréal. Réunissant des praticiens et des théoriciens de plusieurs milieux professionnels (organismes communautaires, municipalités, universités), il traite de la mobilisation du savoir lors de la création et de l’implémentation des politiques interculturelles par les villes.

L’ensemble de l’ouvrage, sous la direction de Bob W. White (professeur à l’Université de Montréal et directeur du LABRRI), reflète assurément la préoccupation principale des participants au forum. C’est en facilitant un échange entre les chercheurs et les praticiens – ces derniers ayant régulièrement des contacts avec les diverses populations et communautés – qu’il devient possible de réduire l’écart entre les politiques publiques et les pratiques du terrain.

Le collectif, qui se compose de quinze textes regroupés en trois sections, présente des pistes de réflexion intéressantes entre la compréhension des pratiques interculturelles et l’application des politiques dans une approche interculturelle. En ce sens, le choix de Montréal pour accueillir le forum est un exemple significatif d’une cité interculturelle dotée d’une longue histoire d’immigration et d’un environnement qui doit s’ajuster rapidement aux changements sociaux.

La première partie aborde l’aspect plus théorique de l’élaboration et de la mise en place des politiques interculturelles dans la cité. Les trois chapitres de cette section offrent une réflexion fine, voire un essai de définitions, des différentes pratiques nécessaires dans l’implémentation des politiques interculturelles dans les villes. La partie écrite par Bob W. White, celle questionnant la construction et les différentes implications d’une politique interculturelle, intègre parfaitement la problématique tout en invitant le lecteur à la réflexion.

La deuxième partie examine plus particulièrement sept exemples de politiques de villes qui ont adopté une approche misant sur l’ouverture aux différentes cultures dans la cité : Olso, Barcelone, Botkyrka, Reggio Emilia, arrondissement de Lewisham (district du nord de Londres), Canton de Neuchâtel et Montréal. Dans le cas de Montréal, Marta Massana et Gilles Rioux dressent un portrait plutôt contemporain de la pratique de l’approche interculturelle à l’intérieur des politiques municipales. Selon les auteurs, la métropole québécoise constitue historiquement un pôle du bilinguisme et une ville interculturelle « avant la lettre » (en français dans le titre). Si la piste est intéressante, les auteurs abordent très rapidement les années précédant l’administration Doré, laissant dans l’ombre plus d’un siècle d’immigration à Montréal. Or, c’est justement cette particularité qui fait de la métropole québécoise une des premières villes interculturelles du Canada.

La troisième partie jette un regard sur les conclusions à tirer du forum de Montréal, ainsi que sur les futures pistes de recherche qui émergent à la suite des données recueillies lors des plénières. Composée de quatre textes, elle conduit le lecteur hors des sentiers battus, lui donnant ainsi la possibilité de compléter une réflexion ouverte sur la question des villes interculturelles. En ce sens, les chapitres sur la problématique de la contextualisation des concepts (Jorge Frozzini) et sur la comparaison analytique du modèle de villes interculturelles (Marta Massana) exposent une avenue riche et intéressante en sciences sociales en se penchant sur les enjeux relatifs à la diversité ethnoculturelle de la cité.

Le dernier texte du livre (Bob W. White) suggère de poursuivre la réflexion avec cinq mots clés : transversalité, mobilisation, évaluation, interactions et appartenance. Fort justement, cette proposition de pistes de recherche, qui s’adresse autant aux citadins qu’aux élus, s’inscrit dans une démarche citoyenne plus large, étendant ainsi l’horizon réflectif du lecteur.

En somme, ce livre s’adresse à un large public, et plus particulièrement à l’universitaire et aux décideurs politiques, qui pourront y puiser de quoi enrichir leurs réflexions sur la problématique de la ville interculturelle. La diversité et le mélange des approches scientifiques et professionnelles sont enrichissants et pertinents, et ce, d’autant plus qu’une grande partie de la démarche demeure fondée sur l’analyse et les expériences des acteurs. Ce livre s’inscrit dans un besoin de documenter l’approche interculturelle dans la ville. En ouvrant le débat, le collectif fait oeuvre de pionnier tout en permettant aux chercheurs et aux décideurs d’entrevoir de nouveaux regards. À la fine pointe des recherches actuelles, on ne peut que souhaiter que cette enrichissante publication se prolonge avec une traduction française. L’ouvrage, de facture sobre, n’est malheureusement pas accessible à toutes les bourses, ce qui limitera probablement sa diffusion dans sa version originale.