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Depuis 23 ans, bon an mal an, Les conflits dans le monde synthétise les événements qui ont marqué l’actualité internationale, au moyen d’une revue annuelle qui couvre les grands espaces géopolitiques. Alors que son pendant français L’état du monde, plus exhaustif mais plus aride, présente une recension pour chaque pays, à la fois culturelle, politique, sociale et économique, Les Conflits se concentre sur les différends intra- et interétatiques et privilégie une approche plus holistique, abordant chacun des espaces régionaux dans une perspective de relations internationales. Même s’il est accessible aux publics moins avertis, l’ouvrage plaira surtout aux lecteurs qui ont suivi l’actualité internationale durant l’année courante ou qui, par souci de continuité, ont pris connaissance des éditions passées.

D’entrée de jeu, Michel Fortmann et ses collaborateurs politologues détruisent quelques idées reçues, à commencer par ce pessimisme ambiant post-11 septembre 2001 : le « chapelet de catastrophes, réelles ou potentielles, révèle-t-il ou masque-t-il la réalité de la situation internationale? », se demandent les auteurs, dans une introduction visant à tempérer les médias alarmistes. Données empiriques à l’appui, ils constatent que la planète devient de plus en plus paisible, après une montée de belligérance à la fin des années 1990. Si nombre de conflits perdurent au-delà de leur règlement, en contrepartie, le terrorisme international ne serait pas en lui-même une menace stratégique d’envergure, le nombre d’actes terroristes diminuant depuis 2001. L’on pourrait par contre opposer ici que le terrorisme puise sa force non pas dans l’acte meurtrier mais bien dans le climat de terreur et la culture de l’anticipation qui en découlent. En ce sens, les données statistiques ne donnent pas l’entière mesure de l’impact d’Al Qaïda dans les imaginaires occidentaux.

Alors que l’Irak continue de défrayer les manchettes en 2006, menacée par l’imminence d’une guerre civile, le chapitre qui lui est consacré permet une bonne mise en contexte des acteurs en cause, depuis l’élection d’un nouveau gouvernement en janvier 2005 jusqu’au dépôt d’un projet constitutionnel, en passant par l’évolution des relations avec des États riverains tels que l’Iran, la Turquie et la Syrie. S’agissant du conflit israélo-palestinien, tant la lutte interne au sein de l’autorité palestinienne que les tensions au sein de la société israélienne sont des signes inquiétants, souligne la politologue Marie-Joelle Zahar, les politiques de gestion de crise risquant de déboucher sur de sérieuses crises de gestion. L’ouvrage insiste sur l’ébranlement du régime de non-prolifération des armes, soulignant à grands traits les humeurs inquiétantes de la Corée du nord et de l’Iran et le jeu des États-Unis, davantage partisans d’un interdit formel visant certains pays jugés belliqueux que d’un interdit généralisé non disriminatoire. Les insurrections dans l’ancien espace soviétique, la difficile recherche de la paix en Afrique subsaharienne, la montée fulgurante d’une Chine déterminée à prendre sa place, un conflit colombien qui continue d’embraser l’Amérique latine, sont là quelques-uns des thèmes abordés.

La force de l’ouvrage tient dans sa mise en contexte politique des conflits, lesquels impliquent non seulement des acteurs régionaux, mais bien des grandes puissances. Basé sur une approche réaliste, il privilégie les jeux de pouvoirs des États, les normes développées au sein des grandes organisations internationales occupant plutôt l’arrière-scène. Cela dit, le parti étant assumé, le lecteur davantage préoccupé par les aspects juridiques, sociaux et économiques des conflits ira puiser à d’autres sources de manière à compléter ce toujours pertinent ouvrage de science politique.