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Devenu anthropologue après un parcours en physique et en biologie, Olivier d’Hont mène une carrière atypique : coopérant en Mauritanie (1983–1986), pensionnaire scientifique à l’Institut français de Damas (1987–1990), attaché culturel au Soudan (1991–1995), responsable du département Afrique du Nord–Proche-Orient au Musée de l’Homme (1999–2000). Ses expériences professionnelles reflètent son penchant pour l’anthropologie appliquée, justifiant ce précis d’ethnographique formelle. Cet ouvrage témoigne de son grand intérêt pour l’anthropologie du développement et l’ethnographie en contexte rural dans les pays du Sud par son souci d’enrichir la réflexion autour de la pratique anthropologique.

Après un premier ouvrage intitulé Techniques et savoirs des communautés rurales. Approche ethnographique du développement (2005), où il s’essaye à la transmission d’une méthode ethnographique en milieu rural, Olivier d’Hont fournit désormais une méthodologie détaillée et un plan de travail pour effectuer une ethnographie comparée des communautés rurales dans les pays du Sud. Le livre s’adresse donc principalement à un public pluridisciplinaire s’intéressant aux communautés rurales du Sud.

Précis d’ethnographie formelle est divisé en neuf chapitres et conçu comme une « bible » pour les (apprentis) chercheurs. Destiné à la fois à un public novice et à un public connaisseur, l’ouvrage est une véritable initiation à la démarche anthropologique qui saura guider le lecteur dès le deuxième chapitre et ainsi l’introduire à l’anthropologie, à son épistémologie et à l’importance de l’ethnographie.

Le livre témoigne d’un pragmatisme par son organisation et sa construction, mais ne semble pas révolutionner la pratique anthropologique par sa contribution (comme pourrait le laisser supposer le titre). Il appelle ainsi quelques critiques. Agréable à lire dès les premières lignes, s’il vise un lectorat varié, il n’en reste pas moins particulièrement axé sur l’ethnographie et les théories classiques en anthropologie. L’intérêt de l’auteur pour ce contexte géographique particulier participe à l’intérêt de l’ouvrage, car d’Hont montre un attachement particulier pour les communautés rurales du Sud et maîtrise son sujet, ce qui rend agréable la lecture d’un précis qui rappelle les fondements historiques de l’anthropologie et se veut méthodologique.

Cependant, un paradoxe doit être souligné. Au vu de son sommaire, l’ouvrage nous renvoie l’image d’un guide méthodologique accessible à tous. À sa lecture, cependant, le lecteur s’aperçoit qu'il s’agit plutôt d’un essai qui retrace l’histoire d’une discipline, de ses concepts, et qui se veut très théorique malgré tout. Même si l’auteur s’adresse à un public pluridisciplinaire, ce sont la méthode ethnographique et les théories anthropologiques classiques de tradition française qui dominent, occultant le côté grand public.

Le premier chapitre définit les ruralités contemporaines, c’est-à-dire les ruralités dans les pays développés, les pays émergents et les pays à sous-développement consolidés qui sont distingués par l’auteur afin d’examiner le développement rural comme objet d’analyse auquel l’ethnographie apporte un cadre interrogatif pertinent pour recueillir des données et étudier un contexte local particulier.

Les chapitres deux, trois et quatre du précis énoncent et retracent les « objets de savoir » et les concepts propres à l’anthropologie classique française tels que la « communauté », le « territoire », les stratifications sociales ou encore l’étude de la parenté dans l’étude comparative des communautés rurales des pays du Sud. Le quatrième chapitre est d’autant plus intéressant qu’il sensibilise le lecteur à une ethnographie au service du développement rural en appliquant un modèle d’analyse opératoire à son approche matiériste (d’Hont préfère ce terme à celui de matérialisme, car celui-ci réfère à un courant précis, le marxisme ; voir p. 73). Il s’agit ainsi d’adopter une méthode qui s’insère dans un

cadre global de production de la connaissance ethnographique portant sur trois grandes interrogations croisées [ : sur] l’interface entre une population et son milieu, sur l’interface entre cette même population et son contexte englobant et sur l’organisation sociale de ce même groupe.

p. 73–74

Le chapitre cinq introduit le sixième, le septième et le huitième, qui exposent précisément les systèmes matériels, idéels et sociaux. En effet, d’Hont explique dans ce chapitre introductif la dimension sociale de l’homme et les principes d’être (intégrité, identité collective et pouvoir) et d’action (homogénéisation culturelle, efficacité technique, efficacité sociale, mise en ordre) pour mieux saisir l’ordre social des peuples. L’auteur souligne l’importance de décrire les différents systèmes afin de rendre compte des communautés rurales en présence. Son découpage des différents systèmes classe strictement les communautés étudiées en fonction de catégories (objet, représentation, rôle) que l’on juge « classiques » lors d’une ethnographie. Ces trois chapitres sont à la fois descriptifs et techniques quant au rôle de l’anthropologue sur le terrain. Toutefois, la conclusion reste sommaire en ce qui concerne la restitution écrite et scientifique des données collectées.

Précis d’ethnographie formelle est sans aucun doute un plaidoyer pour une anthropologie appliquée, de terrain et d’action par la pratique d’une ethnographie comparée. Son titre attire justement notre attention sur un potentiel précis qui se veut méthodologique au sens attractif et pédagogique du terme. Malheureusement, sa lecture nous laisse sur notre faim. Les réflexions théoriques mériteraient d’être illustrées par des exemples empiriques, voire ludiques, qui renforceraient la pertinence et la nécessité d’une ethnographie comparée dans les communautés rurales du Sud.