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Au printemps 1999, plus de 850 000 personnes fuyaient la guerre au Kosovo[2] pour se réfugier principalement en Macédoine et en Albanie alors que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) bombardait la Yougoslavie. Réfugiés en grande partie dans des camps où plusieurs organisations internationales et organisations non gouvernementales (ONG) s’activaient à fournir une aide humanitaire dite d’« urgence », plusieurs Albanais du Kosovo commencèrent à travailler pour ces organisations, bénévolement ou non, en tant que « local staff [3] ».

Ces organisations suivirent le retour massif et rapide des réfugiés au Kosovo et s’y installèrent, engageant du coup un nombre important de Kosovars pour mettre à exécution les divers projets d’assistance et de développement à l’intention de la population et en particulier des réfugiés. Plusieurs personnes transitèrent de cette façon du statut de réfugié à celui de local staff. Ces deux statuts relativement nouveaux au Kosovo sont le produit de deux événements liés : la guerre, précédée de près de deux décennies de radicalisation des nationalismes en Yougoslavie, ayant généré des exils massifs sur plus de dix ans, et l’arrivée de très nombreuses organisations internationales et ONG au Kosovo pendant et après la guerre, qui généralisa un type d’emploi enviable et plutôt inédit au Kosovo.

Cet article se penchera sur les implications individuelles et collectives de ce changement de statut. Il analysera la relation entre les dimensions normative et subjective de ces statuts qui, d’une part, sont le produit de catégorisations effectuées par des institutions internationales et qui s’inscrivent dans des discours particuliers et, d’autre part, constituent des expériences de vie qui se conforment à ce que les anthropologues ont appelé la « tradition », s’y confrontent ou la réinventent.

L’article sera divisé en trois parties. La première portera sur la définition normative du statut de local staff en précisant qui, combien et où ils sont. La deuxième établira le lien avec la définition normative du statut de réfugié, pour glisser progressivement dans la dimension subjective de ces deux statuts. La dernière partie analysera l’expérience du transfert de statut de réfugié à celui de local staff en montrant comment cela constitue l’acquisition d’un pouvoir nouveau qui s’inscrit en continuité avec des expériences collectives passées et engendre une rupture avec la « tradition ».

Parce que « réfugié » et « local staff » sont des catégories qui englobent un nombre important de personnes, cet article concentrera l’analyse sur l’expérience d’Albanaises du Kosovo âgées de 18 à 30 ans, résidant et travaillant à Pristina dans des organisations internationales[4], en prenant l’exemple d’une jeune femme que j’ai plus particulièrement connue étant donné qu’elle fut mon informatrice et devint une amie.

Le statut de local staff

Depuis la fin des bombardements de l’OTAN, le Kosovo n’est ni un État indépendant ni une province de Serbie tel qu’il le fut jusqu’à la guerre. Il est un protectorat international géré par la Mission Intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) qui joue le rôle du gouvernement dans une structure dédoublée où chaque département est co-géré par un expatrié et un Kosovar (IICK 2000).

À côté de cette structure gouvernementale existent des dizaines d’organismes humanitaires, d’ONG et d’agences des Nations Unies qui sont entrés au Kosovo durant la période dite « d’urgence humanitaire » qui se termina à la fin du mois de juin 2000[5], et qui ont tous engagé des local staffs.

Pandolfi (1999, 2000a, 2000b, 2002) a qualifié cette présence massive de « supracolonialisme ». L’analyse très critique qu’elle fait de l’impact radical des institutions internationales sur les sociétés dites « en transition », et particulièrement en Albanie et au Kosovo, est des plus éclairantes. Ses travaux sont, à ma connaissance, les seuls qui montrent comment l’appareillage humanitaire constitue une nouvelle forme de gouvernementalité qui, opérant sur un principe de souveraineté « mouvante » et déterritorialisée, tend à briser plusieurs liens politiques et sociaux, notamment entre l’élite, les institutions nationales et la population. Cet article est largement inspiré de cette thèse. Il tente de montrer comment ce nouveau colonialisme pénètre d’autres couches de la société kosovare, mais sans toutefois déconstruire toutes les formations sociales dites « traditionnelles », notamment celle de la famille.

Le nombre exact de local staffs au Kosovo n’est pas rendu public. Au printemps 2001, on dénombrait environ 319 organismes étrangers. Parmi les plus importants, soulignons par exemple l’Agence Européenne de Reconstruction avec 116 local staffs travaillant aux côtés de 86 employés étrangers ; la MINUK, avec près de 150 local staffs et environ 410 expatriés, mais plus de 30 000 personnes employées dans les institutions publiques qu’elle gère ; et enfin, 497 local staffs travaillant pour l’Organisation Internationale pour les Migrations.

Les local staffs sont généralement des personnes originaires du Kosovo, mais parfois aussi des Albanais d’Albanie ou de Macédoine. Certains avaient commencé à travailler, quelquefois bénévolement, pendant la période où les Kosovars étaient réfugiés en Macédoine ou en Albanie, d’autres furent engagés après le retour des réfugiés au Kosovo.

Des hommes et des femmes de tous les âges travaillent comme local staff. Par contre, et bien qu’en l’absence de chiffres officiels, il est frappant de constater qu’une majorité d’entre eux ont entre 18 et 30 ans, « génération[6] » qui était étudiante à l’université et à l’école secondaire[7] durant la décennie 1990.

Pour trouver un tel emploi, il faut connaître les bases de la langue parlée par les employés étrangers (en général l’anglais, l’allemand, l’italien ou le français). Il faut aussi apprendre assez rapidement les rudiments des technologies informatiques ainsi que les modes de gestion qui caractérisent ces organisations : contrats temporaires (généralement de 3 à 12 mois), heures souvent très flexibles, considération des appartenances ethniques dans la répartition des emplois et forme de travail sur le mode du projet. Compte tenu de ces critères, les personnes plus jeunes et ayant étudié au secondaire ou à l’université, ou travaillé un peu à l’étranger, ont plus de chances d’obtenir ce type d’emploi. De plus, les femmes dans la vingtaine ou au début de la trentaine gardent souvent leur emploi même si elles se marient ou ont des enfants, ce qui n’est pas un phénomène tellement répandu au Kosovo.

Les personnes plus âgées, qui ont souvent acquis une expérience de travail après plusieurs années mais qui s’adaptent moins aisément aux exigences de ces nouveaux employeurs, auront soit des emplois similaires à leurs cadets beaucoup moins expérimentés, soit des postes moins bien payés, soit enfin aucune chance de dénicher un emploi.

Vu que la plupart des organisations se sont installées à Pristina, la majorité des localstaffs résident dans la capitale ou dans les régions avoisinantes. Par contre, plusieurs d’entre eux habitaient dans les villages ou les villes régionales avant la guerre, alors que d’autres, originaires des régions rurales, avaient déjà déménagé à Pristina pour leurs études secondaires ou universitaires avant la guerre.

La présence des étrangers, plus grande à Pristina que dans d’autres villes régionales, est un facteur qui paraît favoriser la migration des campagnes vers la ville. Les emplois dans les organisations attirent les gens vers la capitale même si par comparaison avec les salaires gagnés par les expatriés, ceux des local staffs paraissent très bas. Selon la grille salariale utilisée par plusieurs organismes internationaux et ONG, laquelle est basée sur celle des Nations Unies, un expatrié au Kosovo peut gagner entre 30 000 et 95 000 dollars américains (USD) par année alors qu’un local staff peut gagner entre environ 3 000 et 15 000 USD (donc entre 575 et 2 750 Deutsch Mark (DM) par mois[8] ; cependant, très peu de personnes atteignent les 15 000 USD). Ce système salarial échelonne les local staffs en neuf catégories qu’ils franchissent au rythme des renouvellements de contrats.

Mais si on compare avec le salaire moyen au Kosovo (2 374 DM par année[9]), les localstaffs ont un revenu enviable. Alors qu’un professeur de l’université de Pristina, payé à partir des fonds du Budget Consolidé du Kosovo[10], gagnait 500 DM par mois en mars 2001[11], une femme de ménage ou un chauffeur payés par les fonds de fonctionnement d’une organisation internationale pouvaient gagner près de 900 DM par mois et un traducteur non diplômé de 20 ans, environ 1 200 DM. À cet écart doit être ajouté celui, plus grand, avec le nombre élevé de personnes, surtout des régions rurales, ne travaillant tout simplement pas[12].

An additional problem is the distortion of the labour market created by the presence of the international administration. Quite large numbers of young, urban Kosovars are in temporary employment with the international organisations and NGOs, which pay exaggerated salaries for those with relatively scarce skills. This creates upward pressure on the permanent civil service wage bill in a number of ways. It should be recognized, however, that wage levels for permanent civil servants, although perceived as being low, are, in fact, comparatively high by regional standards. This phenomenon is not unique to Kosovo: but it is a further factor contributing to an unequal spread of the benefits of growth that risks leaving the rural poor increasingly marginalised.

CFA et al. 2000 : 3

L’écart économique entre la ville et la campagne semble ainsi s’agrandir après la guerre à cause de la présence importante des organisations à Pristina. Selon Dérens (2000), cette opposition est longtemps restée relativement faible au Kosovo, même si elle a toujours été assez significative dans la revendication d’un statut social (les gens de la ville seraient plus nantis et mieux éduqués, mais moins patriotes que les villageois) et dans la division ethnique du territoire (jusqu’à la guerre, les campagnes étaient habitées en majorité par des Albanais paysans ou ouvriers alors que les villes comprenaient une plus grande proportion de Serbes qui travaillaient surtout dans l’administration). La plupart des citadins ont entretenu un lien très étroit avec un village familial. L’expression de ce lien reste très marquée dans le discours des local staffs, mais plusieurs disent ne plus avoir le temps de retourner au village familial à cause d’une surcharge de travail.

Par ailleurs, la présence des organisations a tendance à vider plusieurs institutions locales de leurs employés les plus qualifiés. Par exemple, les étudiants de quatrième année de l’une des deux écoles secondaires de Pristina n’ont pas eu de cours d’anglais pendant l’année 2001 étant donné que tous les professeurs de langue travaillaient pour des organisations. Il n’y avait pas non plus de psychologues disponibles aux Centres des services sociaux pour la même raison. Et la moyenne d’âge dans les institutions locales tend à rester assez élevée puisque les plus jeunes travaillent en grand nombre pour les organisations.

On remarque ainsi l’effet contradictoire de cette présence sur la diminution des capacités des institutions locales à devenir « efficaces » dans ce contexte de « transition » vers la démocratie et l’économie de marché imposée par les organisations internationales elles-mêmes. Le renouvellement des façons de faire, promu par ces organisations, tend donc à être lent ou nul.

Ainsi, il se forme dans ce Kosovo peuplé d’organismes humanitaires, un écart entre ceux qui bénéficient de cette présence et ceux qui soit la rejettent, soit n’y ont pas accès. De plus, y travaillent des personnes qui, avant la guerre, n’auraient pu occuper ces positions : les jeunes femmes de 18 à 30 ans, par exemple. Les salaires obtenus dans les organisations permettent à plusieurs de ces femmes de subvenir aux besoins économiques de leur famille. Les local staffs gagnent souvent plus que leurs parents qui ne travaillent pas ou ont des postes dans les institutions locales dont les salaires varient entre 150 et 500 DM par mois environ[13]. Plusieurs local staffs sont ainsi devenus les pourvoyeurs de leur famille tout en ayant l’occasion de détenir pour la première fois un argent « personnel » qu’ils dépenseront dans les cafés, restaurants et bars proliférant à Pristina (beaucoup moins dans les villes régionales), depuis la fin de la guerre et l’arrivée de centaines d’expatriés bien nantis. Ainsi, l’écart socio-économique entre ceux qui travaillent pour une organisation internationale et ceux qui ne le font pas semble aussi creuser un écart des mentalités et des valeurs entre les gens de la capitale et ceux, plus conservateurs, des villages et même des villes régionales.

Le statut de réfugié et l’expérience de l’exil

Ces local staffs ont pour la plupart expérimenté la guerre, l’exil et le refuge, mais tous les réfugiés ne sont pas devenus local staffs et tous les local staffs n’ont pas été réfugiés. Par contre, ces deux statuts et expériences sont liés.

Au niveau normatif, « réfugié » et « local staff » sont deux catégories de population créées dans un contexte où des organisations internationales sont en jeu. Au niveau subjectif, il s’agit des deux pôles d’une expérience vécue à travers laquelle des individus disent récupérer un pouvoir sur leur vie personnelle tout en acquérant un statut social et familial enviable qui leur fournit aussi un certain pouvoir sur l’orientation des choix collectifs.

Dans sa définition officielle, mais restreinte, que les Nations Unies ont créée en 1951, le statut de réfugié est accordé à une personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » (HCR 1999 : 1). Tel que nous invite à le voir Malkki (1995), le terme de « réfugié » ne renvoie pas à un groupe particulier de personnes que l’anthropologie pourrait prendre comme objet d’étude. Il s’agit plutôt d’une large étiquette légale englobant une grande variété de statuts socio-économiques, d’histoires personnelles et de situations psychologiques. Les personnes ayant vécu l’exode du Kosovo ne correspondaient ainsi que pour une très mince partie à la définition du HCR citée plus haut.

Durant la décennie 1990, malgré les débats sur ce sujet, le statut de réfugié ne fut pas élargi pour englober d’autres expériences d’exil (notamment les populations déplacées par la guerre et celles déplacées à l’intérieur d’un même pays — les PDI), mais le HCR développa l’idée de protection temporaire accordée par des États à des groupes de personnes menacées (Roberts 1998). C’est pourquoi les Kosovars qui fuirent la province en 1999 obtinrent cette forme de protection collective accordée à une population déplacée par la guerre.

Depuis le début du conflit entre l’Armée de Libération du Kosovo (ALK)[14] et l’armée yougoslave en février et mars 1998 jusqu’à la fin des bombardements de l’OTAN en juin 1999, près de la moitié des Albanais du Kosovo fut déplacée à l’intérieur de la province (environ 600 000 PDI), vers la République du Monténégro (68 000), dans les pays voisins (443 000 en Albanie, 249 000 en Macédoine et 22 000 en Bosnie-Herzégovine) et dans d’autres pays d’Europe, d’Amérique ou d’Océanie (198 000)[15]. L’étiquette de « réfugié » fut alors apposée par des organismes internationaux et des États sur presque toutes les personnes qui sont sorties du Kosovo à ce moment-là. L’étiquette fut aussi élargie à toutes les personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo pendant la guerre. En fin de compte, étant donné l’ampleur de l’événement et aussi sa large médiatisation, presque chaque habitant du Kosovo s’est reconnu sous l’étiquette de « réfugié ».

Toujours selon la critique de Malkki (1992, 1995), à cette étiquette légale de réfugié — dans la mesure où elle inclut toutes les formes de déplacements involontaires des personnes — est attachée l’idée que hors des frontières territoriales de son pays d’origine, l’individu perd son identité, ses traditions et sa culture ; que le déplacement est une pathologie parce que les gens sont attachés presque biologiquement au sol sur lequel ils sont nés. Selon Malkki, cette tendance fonctionnaliste et essentialiste orienterait les interventions humanitaires qui, en attribuant l’étiquette de réfugié aux personnes déplacées (notamment par la guerre) et en les prenant complètement en charge (spécialement dans des camps), réduiraient leur identité à celle de victime. « People who are refugees can also find themselves quite quickly rising to a floating world either beyond or above politics, and beyond or above history - a world in which they are simply “victims” » (Malkki 1995 : 518).

Donc, au plan subjectif, le processus d’auto-attribution de ce statut de réfugié inventé par des institutions, combiné à l’expérience vécue d’être chassé de chez soi par la violence, permettrait à l’image de la victime (victime d’avoir perdu sa maison, ses proches, son pays et de se sentir occupé par un « autre ») d’investir complètement le discours sur soi de personne déplacée.

Au printemps 1999, Suzana, une Albanaise du Kosovo de 29 ans qui commença à travailler alors qu’elle était réfugiée en Albanie, fut chassée de sa maison par des hommes masqués et partit avec ses parents en voiture vers l’Albanie, laissant derrière elle sa soeur et les cinq enfants de celle-ci qui cherchaient leur père disparu. Les deux frères de Suzana avaient déjà quitté le Kosovo comme demandeurs d’asile au début de la décennie 1990 et elle restait seule avec ses parents retraités. Voici dans ses mots ce qu’a signifié pour elle l’expérience de « devenir » réfugiée.

Well[16], the same word [refugee] is a bad word. Just thinking of that word is like… I didn’t believe that before… I didn’t believe to my brothers who are living in England and Sweden… I didn’t believe that. It is very hard to describe it… being like occupied but not… The only thing that is good on this is that you are not afraid, you don’t hear helicopters, you don’t hear bombardments. But everything is still there. Because you could have been a refugee also inside Kosova… As soon as you leave your home you are a refugee. You were not able to go in town, but it is not good when you feel that you are out of your country. And if you have fun it’s not like fun, when you buy something it’s not like you are happy when you buy something, even the coffee is not the same... But you had to live, you had to live that period. I didn’t know but… thanks to God that it was very short time. It was very disturbing and frightening for me seeing how they were building bathrooms, how they were building classrooms… Everybody thought that we were temporary there. Why should we build a mosque for example? We could build rooms; even they started to separate some rooms because we were all like… like animals: in that side mattresses, in this side mattresses, and when you wake up in the morning you say to people that you never saw before “good morning”[…] [17].

C’est dans les moindres détails de la vie quotidienne que s’inscrit cette perte généralisée. Devenir réfugié est beaucoup plus qu’un statut qui fournit une protection temporaire, c’est un statut qui confirme la perte de tout.

C’est donc le pouvoir qui semble constituer l’élément central de cette perte liée à l’expérience du refuge. Devenir local staff fut un chemin que plusieurs eurent la possibilité de suivre et qui leur permit d’acquérir un nouveau pouvoir sur eux-mêmes tout en étant utiles à « leurs » réfugiés, et en obtenant un revenu intéressant rehaussant leur statut social et familial.

Rappel du passé et rupture de la tradition

La perte de pouvoir associée au statut de réfugié et la récupération de celui-ci à travers le statut de local staff prend, dans la narration de l’expérience individuelle des personnes qui ont vécu ce changement de statut, une dimension historique et collective. Suzana décrit ainsi comment elle percevait son travail lorsqu’elle devint interprète pour un organisme humanitaire américain dans un camp en Albanie :

[…] that was good for me… Maybe I wanted to do something… But I didn’t expect so quick to be that… to get so quick in that kind of living… I had a chance and I wanted to use it… I was considering myself as a refugee first who helps other refuges, just a kind of connection, a kind of helper. I hope they [the organizations] understood well that I was not working for money till one period that I’ll tell you later… But I know that I was working for good of my people, so I wanted to do the best. I just wanted to be correct, to be concrete and to translate what they were saying. Sometimes there were Albanians interpreters from Albania and they will be very short when foreigners would say something or offer something. They would be shorter than they were speaking, hiding words. I didn’t like that, so I tried to be very correct and very sure what I’m translating. Otherwise it would be very bad for my people… and it will be a misunderstanding or loosing the help that others were offering us [...]. I didn’t know that I could speak; I could do the conversation in English for example. I didn’t know that even I was very young in primary school and secondary school I had a good teacher, a good professor, and they taught me the English language. So I had the opportunity to work on this after, because I didn’t go in any kind of course of English language. I just… this was new for me… I didn’t expected that one day I’ll be surrounded with internationals… [rires].

En plus d’avoir une activité qui lui faisait oublier temporairement les souffrances du refuge et de lui donner une expérience nouvelle (elle n’avait jamais occupé un emploi rémunéré auparavant), Suzana pouvait aussi « faire quelque chose » pour son peuple. Cette idée ne renvoie pas seulement à la période de l’exode de 1999. Elle rappelle une série d’événements qui se sont produits au Kosovo dans les années 1980 et 1990 et qui ont marqué la vie de Suzana et orienté ses choix de vie ainsi que ceux de plusieurs autres personnes de sa génération.

Originaire d’un village de la région rurale de la Drenica, reconnue comme l’un des bastions du patriotisme albanais au Kosovo, d’où ses parents déménagèrent pour s’installer dans une ville régionale en 1977, Suzana avait commencé des études de droit à l’université parallèle albanaise de Pristina au début des années 1990, ce qui l’avait obligée à s’éloigner progressivement de sa famille. Suzana étudiait dans les maisons privées et non pas dans les locaux de l’université d’où avaient été chassés les étudiants albanais en 1991, période durant laquelle deux mondes parallèles devinrent étanches l’un à l’autre — celui des Serbes et celui des Albanais — pour en arriver, à la veille de la guerre en 1998, à la polarisation ethnique complète, les Serbes fuyant les régions contrôlées par l’Armée de Libération du Kosovo (des Albanais) et les Albanais s’échappant des villages investis par l’armée yougoslave et les paramilitaires serbes.

La décennie qui suivit la mort de Tito en 1980 fut marquée par une crise économique majeure[18] (entraînant notamment l’exode de milliers de Serbes du Kosovo vers des régions plus riches de Yougoslavie) et la radicalisation des nationalismes albanais et serbes dans la province. Elle culmina en 1989 lorsque Milosevic, devenu le président nationaliste serbe de la Yougoslavie post-Tito, changea la constitution au nom de l’intégrité territoriale de la République de Serbie pour soutirer au Kosovo l’autonomie provinciale que les Albanais avaient obtenue en 1974.

À partir de ce moment-là, un régime d’« apartheid » s’installa dans la province où la population albanaise était déjà la plus pauvre de Yougoslavie (Clark 2000). Les Albanais furent massivement congédiés des institutions publiques[19] et perdirent plusieurs droits fonciers acquis dans le système titiste d’autogestion locale. Pendant la décennie 1990, se renforça le régime policier qui s’était installé déjà en 1981 à la suite de la manifestation violemment réprimée par la police (des Albanais l’avaient organisée pour exiger la constitution d’une république du Kosovo dans la fédération yougoslave [Maliqi 1998 ; Mertus 1999]).

Des leaders albanais développèrent l’idée d’une résistance pacifiste et créèrent un système parallèle reposant surtout sur le volontariat des Albanais au Kosovo et une taxe de 3 % payée par la diaspora qui ne cessait de grandir. La République du Kosovo fut auto-proclamée en 1991. L’université de Pristina fut fermée aux étudiants albanais, on retira les enfants des écoles publiques dans lesquelles ils ne pouvaient plus étudier en albanais et on réorganisa le système d’éducation dans les maisons privées. On inaugura des services médicaux parallèles (surtout grâce à la Société Mère Teresa, organisation humanitaire kosovare) et des journaux indépendants (notamment Koha Ditore). On créa tout un réseau de taxis et de transports en commun, des agences touristiques, des cafés, des restaurants et des bars fréquentés par les Albanais. Les petits commerces familiaux proliférèrent, tout comme les satellites privés à travers lesquels on pouvait écouter la télévision en albanais de Zagreb ou de Tirana (Clark 2000 ; Maliqi 1998). Mise au ban de l’État yougoslave, la population albanaise se repliait sur elle-même tout en s’organisant politiquement et économiquement à travers sa nouvelle diaspora.

Durant la décennie 1990, environ 400 000 Albanais quittèrent le Kosovo pour fuir les répressions policières, éviter le service militaire obligatoire de cette Yougoslavie en guerre (en Croatie, puis en Bosnie) et trouver du travail surtout en Suisse, en Allemagne et aux États-Unis pour subvenir aux besoins de la famille restée au Kosovo avec laquelle ils ne pouvaient entretenir que des contacts restreints. Ils rejoignaient cette diaspora qui s’était créée de l’émigration des travailleurs saisonniers pendant les années 1960 et 1970. Mais depuis 1992, les visas de séjour n’étant plus offerts aux Yougoslaves dans les pays d’Europe, ils devenaient demandeurs d’asile politique. Ce processus d’émigration avait favorisé le développement d’un « conservatisme moral » et d’un repli sur soi, surtout dans les régions rurales, et le statut d’exilé devenait petit à petit une position reconnue au sein des familles albanaises ; les mariages organisés avec des hommes ayant des « visas A » ou des « visas B » étaient de plus en plus prisés[20]. Cette diaspora s’était aussi construite à partir de l’exil de toute une élite urbaine qui militait pour le rétablissement des droits humains, entretenait les organisations humanitaires au Kosovo et organisait le financement de sa République (Reineck 1991).

Alors qu’aujourd’hui plusieurs des exilés des années 1990 sont rapatriés volontairement ou non au Kosovo désormais libéré du régime d’apartheid, les local staffs, « déplacés » si l’on peut dire vers la sphère des organisations internationales, acquièrent un rôle familial qui fut longtemps joué par les exilés : celui de pourvoyeur. Avec l’arrivée des organisations internationales au Kosovo et le retour massif des exilés de la dernière décennie, la diaspora n’est plus l’ultime ressource. Alors que pendant des années les familles s’étaient organisées autour de l’absence de certains de leurs membres, leur retour et la présence massive des organisations changent les positions familiales : si la stratégie qui consistait à pousser les plus jeunes à partir à l’étranger pour étudier ou trouver du travail se poursuit dans plusieurs familles au Kosovo, celle qui vise à trouver d’abord un travail dans une organisation prévaut. Elle devient même parfois un poids assez lourd à porter pour la génération de ceux et celles qui se doivent non seulement de subvenir aux besoins économiques de la famille, mais aussi souvent de jouer le rôle d’intermédiaire entre elle et ces potentielles ressources économiques que sont les organismes étrangers. Suzana par exemple, cessa tout simplement de rendre visite à ses oncles et cousins vivant près de chez son père, à cause de leurs demandes incessantes de leur trouver du travail.

D’un côté, plusieurs familles cherchent à avoir accès aux organisations pour perpétuer des pratiques qui consistent à chercher des ressources économiques « à l’étranger » à travers le réseau familial. De l’autre, la présence des organisations sur le territoire du Kosovo tend à modifier l’organisation familiale et à délégitimer certaines pratiques.

Si les personnes qui s’exilaient pour devenir pourvoyeur familial à l’étranger étaient surtout des hommes, l’apparition du statut de local staff au Kosovo a fourni à plusieurs femmes l’occasion de jouer ce rôle qu’elles avaient rarement occupé. Le mouvement de résistance pacifique des années 1990 avait vu la naissance de groupes de femmes, surtout dans les villes, où d’ailleurs le gouvernement de Tito leur avait déjà largement donné une place dans l’espace public auparavant. Mais un double mouvement était apparu pendant les années 1980 et 1990 : d’une part l’essor de la présence publique des femmes dans les villes ainsi que leur obligation à remplir des rôles non traditionnels, vu l’absence croissante des hommes de la famille partis travailler à l’étranger ; d’autre part, une certaine radicalisation des traditions patriarcales surtout dans les campagnes où les maisonnées étaient formées autour de plusieurs frères ou cousins (Reineck 1991). Si dans les régions rurales ont tendait à confiner les jeunes femmes à la maison pour leur sécurité, ne leur permettant souvent ni d’étudier ni de travailler, dans les régions plus urbaines, on les envoyait à l’école dans les maisons privées, mais les perspectives d’emploi restaient presque nulles.

Comme plusieurs autres local staffs, Suzana appartient donc à cette génération des 18-30 ans qui atteint l’âge adulte dans cette période de radicalisation des oppositions, d’exil et de réclusion collective qui mena à la guerre de 1998-1999. Pour Suzana et ses collègues, l’élément déclencheur de cette guerre fut la manifestation des étudiants universitaires albanais en automne 1997 qui revendiquaient le droit à l’éducation en albanais.

Suzana, qui n’avait jamais mis les pieds à l’université de Pristina avant d’obtenir un emploi dans une organisation internationale (dont les bureaux se trouvaient à l’université) et de reprendre ses études à la faculté de droit, les avait d’ailleurs interrompues en été 1997 pour s’engager dans l’organisation des manifestations étudiantes de l’automne. Elle ne voyait pas le sens de poursuivre des études universitaires tant qu’elle ne pourrait les faire dans les locaux de l’université.

I was sad because of my brothers… They were away… and sometimes I felt that “why should I study”? Because… here is a saying that “if my brothers are not studying why should I, as a girl, study?”… You know… I was asking that because one day I would end up married; I would end up cleaning the house; I would end up… I wanted them here… I never dreamed to go abroad even [if] I had [the] chance to go… But I didn’t want. I wanted to be here and see what’s going on. Then, in November 1996, I passed one exam. So it was only one left. I started to study in that exam for about six months and I went on February and April, but I didn’t pass it. Then it was the holiday time June and July. Then in September I came in Prishtina to continue studying, but meeting other friends students I heard… and also in news, that there is going to be big demonstration of students for releasing our objects, for releasing the students center, because the students center was occupied… I’m not saying occupied from Serb students but from Serb refugees. All the dormitories have been full with… Serb refugees from Croatia, Bosnia. Once I thought that there is no need, no reason to study if we don’t finish this because it was coming till here [to the nose], it was everything boring… I mean all the people, with president Rugova, we agreed like he said that we should fight in peace. So we should suffer, and suffer till once that the cup was full like people say. And the end came in 1998… People have enough suffered; they wanted something… I know that everybody wants a normal life, even it happens that the police come in your house and do controlling and everything that [they] have done to most of the families in Kosova… But you have that fear inside from them, but you have also the strength that Albanians have inside… that one day it will come to the end all that torturing. It’s not a torturing physically but also mentally… I knew that and I wanted to be like that… sometimes I am a radical… really… but I’m not an extremist, sometimes radical but not extremist.

L’issue de la guerre, le protectorat des Nations Unies, le départ de l’administration serbe et de son appareil policier répressif, la reprise des institutions publiques par les Albanais et surtout l’exode de dizaines de milliers de Serbes, créant un Kosovo quasi uniquement Albanais (Dérens 2000), tout cela reconfigura considérablement la société kosovare. Suzana pouvait mettre fin à cette lutte quotidienne qui l’avait amenée à se distancer de ses parents (parce qu’elle passait le plus clair de son temps dans la capitale avec ses collègues et amis) et convaincue que les « traditions » albanaises devaient être conservées et revendiquées.

Les local staffs des organismes internationaux sont confrontés à des discours nouveaux qui accompagnent ce projet de créer une société « multiethnique » (et surtout qui accepte le retour des Serbes), « démocratique » et « libérale ». Lorsqu’elle est au travail, Suzana acquiesce à cet impératif et contribue à un tel projet de société à travers son emploi. Pourtant, à la maison et avec ses amis, Suzana ne tient pas du tout ce genre de discours et maintient, comme plusieurs, qu’il n’est plus possible, après toutes ces années d’apartheid, de vivre avec les Serbes.

Son nouveau statut de local staff lui a donné la possibilité d’aider sa famille à reconstruire la maison brûlée pendant la guerre, d’acheter tout ce dont elle aura besoin pour le jour de son mariage et de justifier aux yeux de ses parents le fait qu’elle ne reviendrait plus définitivement au foyer familial. Mais cela la bouscule dans certaines des convictions qu’elle a entretenues tout au long de sa maturation et qui ont inscrit ses pratiques quotidiennes dans une destinée collective. L’image de la victime, qui avait investi son discours identitaire, particulièrement dans le paroxysme de son expérience d’exil, peut désormais difficilement rendre compte de sa condition nouvelle.

Le statut est une position sociale qui n’est pas produite dans le vase clos que serait la tradition d’une société enfermée dans des frontières étanches. Tel que l’a avancé Appadurai (1996), toutes les sociétés contemporaines sont traversées par des flux mondiaux de personnes, de biens, d’idéologies, de capitaux et d’images qui circulent à travers les frontières géopolitiques des États-nations et qui contribuent à modifier leurs structures, à y faire naître de nouveaux modes d’identification et à générer aussi des conflits politiques, des inégalités économiques et des changements sociaux, des conflits de valeurs et de mentalités.

Suzana, qui a participé aux revendications culturelles et politiques des Albanais du Kosovo, doit, depuis qu’elle est local staff, affronter cette « tradition » albanaise qu’elle a tant promu.

Well… I know that they [the foreigners] came here to help us first of all. That keeps me and reminds me to respect them. Whenever they are, whatever they do, they are doing it for my good, for good of my people. That is more important than anything and I know that they are working. Because if you see that they are treating you like something… they are giving you a hard time, and they are not working, I would say that I’m not happy with them. But watching them working hard and trying as much as they can, and me now thinking “they are foreigners, one day they will go, they are not like us, we have our tradition, we are enough educated, we don’t want them to teach us”… that is bad… Because internationals are here to change experiences. Even maybe we are not so educated but in a kind everybody has each part of life, the way of living, taking the education to a level that we can call intellectual somebody… So I think we have enough people and I hope [we] will have more educated people in the future… Because before we didn’t have such a connection. We had only Albanian refugees, poor people who had to leave their country by force… But if he goes abroad and comes here and say “well, Germany is like this, England is like that”, the majority of the people will never understand what kind of life is that… Now that there are coming the internationals here, you can see with your eyes how do we change from them or what we have in common, or if we want to change, or what’s bad on them… because they are not so… ideal, you know … we have our tradition, but… we don’t have to be like nationalists, to go by our own and nothing else. So we accepted internationals. They are helping us. We should use their knowledge, we should participate in everything… see how do they work, how do they use computers, the library, the documents… So we know that they have families and one day they will return in their countries… We know that… but when they will get there, we want to continue their work… So that is what we should catch from internationals. Maybe it’s a secret [rires] or something that… it is like when you work like shegert [apprentice]… Well you know that Western life is doing what you want, getting separated from your parents, living on your own. But here in Kosova it was difficult. You had to live together with your family and you were close to your relatives. You were more… It fits to us to get together… That’s why I’m telling that tradition is to be more in our own, not asking or looking for another life… I’m not against new life, but still keeping what is more important for one Albanian: family and to go on with tradition… The role of the family will be still the same like it was before, but it will be more… I don’t know, more modern… But in my own I don’t want to be exactly like Westerners are.

Une ambivalence entre le changement et le maintien des traditions albanaises marque le discours de Suzana et contraste aussi avec ses comportements. Suzana vit à Pristina avec son fiancé et sa famille sans être mariée. Elle a sa voiture et son propre salaire. Ses parents acceptent son mode de vie dans la mesure où elle se mariera bientôt et parce qu’elle continue à leur rendre visite, surtout pour aider sa mère aux tâches ménagères que cette dernière ne peut accomplir seule.

Vivant en concubinage, acquérant une autonomie financière, pourvoyant aux besoins de sa famille et étant en contact régulier avec des modèles féminins différents, « occidentaux », Suzana se détache progressivement de la position sociale que la « tradition albanaise » lui assignerait : mère de famille et femme au foyer. Pourtant, elle se mariera bientôt et elle met toutes ses ressources (des milliers de DM et des heures de préparation de sa dot) à assurer un mariage qui respectera à la lettre la tradition albanaise et du coup l’espoir de ses parents. Ce double discours lui assure aussi un avenir professionnel. Elle termine ses études en droit et ne compte pas rester longtemps dans le réseau des organisations. D’un côté, elle acquiesce aux exigences de l’organisation pour laquelle elle travaille et son salaire lui permettra de remplir l’obligation du mariage. D’un autre côté, Suzana occupe un poste central dans un projet d’une organisation internationale importante. Elle fréquente l’élite universitaire de Pristina et elle entretient ces contacts parallèlement à son travail pour assurer son avenir professionnel à plus long terme. Elle vise une carrière à l’université dont l’objectif est, me dit-elle, de changer les mentalités des personnes plus âgées qui font partie de cette institution.

Conclusion

Local staff est ainsi un statut socio-économique privilégié par rapport aux positions disponibles au Kosovo d’après-guerre marqué par un chômage considérable. Ce statut creuse un écart entre la ville et la campagne tout en contribuant à la migration vers les régions urbaines. Il permet aussi à des femmes qui n’ont jamais travaillé auparavant d’acquérir une autonomie financière et de devenir pourvoyeuses de la famille, ce qui influence un changement de mentalités assez rapide dans la province où des centaines d’organismes étrangers sont arrivés plus ou moins en même temps au cours de l’été 1999.

Le statut de local staff, acquis souvent par des personnes qui furent réfugiées durant la guerre du Kosovo et qui passèrent par une expérience de perte généralisée, offre la possibilité de récupérer certains pouvoirs qu’elles avaient cru perdre durant leur période d’exil : économique, grâce au salaire, politique, en devenant une personne « utile » aux siens, et familial, en devenant pourvoyeur.

Les local staffs acquièrent un statut qui fut occupé auparavant par les membres de la famille exilés à l’étranger, et les organisations deviennent dans ce contexte une « ressource » étrangère sur le territoire kosovar. Par contre, cette présence provoque des changements de mentalité et surtout permet à des comportements, auparavant marginaux, de se diffuser. Le statut de local staff, tout en donnant la possibilité nouvelle à des jeunes gens de s’élever sur l’échelle socio-économique, les oblige aussi à repenser l’ensemble des valeurs et des règles familiales qui ont, par le passé, marqué leur éducation, mais aussi contribué au mouvement de résistance des Albanais du Kosovo qui, depuis la paix de 1999, a perdu sa place.