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Lorsque j’étais étudiant en sociologie à l’Université Laval, beaucoup de mes confrères et moi-même ne jurions que par Fernand Dumont. Je m’étais promis d’écrire un livre sur lui puisqu’il n’existait alors qu’une monographie, en anglais de surcroît, dont la qualité, me disaient certains adeptes de la pensée de Dumont, laissait à désirer (Weinstein 1985) La majorité des monographies sur l’oeuvre et la vie de Dumont sont malheureusement posthumes. L’idée a fait son chemin si bien qu’au moment de mes études de maîtrise je commence à lire l’oeuvre entière de Dumont, allant le rencontrer dans son bureau, curieusement au même endroit où m’avait donné rendez-vous son fils quelques années plus tôt. François Dumont, en théoricien de la littérature et philosophie qu’il est, a d’ailleurs dirigé l’édition des oeuvres poétiques complètes de Dumont (tome V Poèmes et mémoires, présentation de Fernand Dumont). Finalement je propose l’article pour l’ouvrage collectif de Simon Langlois, article qui sera plutôt soumis à la revue Nuit Blanche et qui paraîtra en 1995. J’avais alors assisté au dernier séminaire de Dumont et m’étais dit que tout au moins je devais publier une contribution sur ce grand intellectuel que j’ai si souvent croisé à Sillery.

La bibliographie générale de Fernand Dumont publiée par les Éditions de l’IQRC et éditée sur Internet également comprend l’ensemble des références bibliographiques consacrées aux articles et numéros de revues sur Dumont, aux ouvrages qu’il a écrits, bref à la réception critique de son oeuvre depuis son premier recueil de poésie en 1952 jusqu’aux travaux récents posthumes. Puis elle comprend également l’ensemble des articles, comptes-rendus et ouvrages de Dumont.

Au-delà du sociologue que fut Fernand Dumont, nous devons admettre qu’il n’était pas seulement un sociologue sinon un professeur de sociologie et un essayiste ayant consacré une partie importante de son oeuvre à la sociologie. Les écrits de Dumont ont été lus par des critiques littéraires, des philosophes, des pédagogues, des criminologues, des sociologues évidemment, des théologiens, des politicologues, etc. Retrancher Dumont dans la sociologie serait ne pas reconnaître la qualité d’un esprit ouvert et curieux. Vouloir l’éjecter des autres disciplines qu’il a fréquentées en esprit curieux serait le jalouser. Dumont, né à Montmorency en 1927, n’était pas un intellectuel commun.

Il grandit à Montmorency non loin de Québec et fréquente le Séminaire de Québec. Dans son Récit d’une immigration (parution posthume en 1997), il raconte son travail d’ouvrier à la Dominion textile où son père travaillait lui-même. Il me semble ici partager l’opinion de plusieurs que cette immigration n’en fut pas vraiment une puisque Dumont n’y a travaillé que durant l’été comme il est très fréquent aujourd’hui pour bien des étudiants de travailler l’été.

Dumont, développe assez tôt une activité intellectuelle intense. Il collabore et dirige la Nouvelle Abeille, le journal du Petit Séminaire de Québec, un journal étudiant fort connu déjà des historiens pour avoir notamment fait paraître des chansons d’étudiants de l’historien Charles Honoré Laverdière quelques décennies plus tôt. C’est au Petit Séminaire qu’il rencontre l’un des auteurs avec lesquels il collabore le plus, Yves Martin, et l’un des ses amis et fidèles collaborateurs et collègue dominicain Jean-Paul Montminy. En 1949 il s’inscrit à la Facultés des sciences sociales, fondée par un autre dominicain Georges-Henri Lévesque, à une époque où, on le sait, des idées novatrices annonçant la Révolution tranquille circulent. Il publie dans les journaux étudiants Carabin et Vie étudiante des articles consacrés à la théologie, à l’éducation, des critiques de spectacle et dans les revues universitaires Hermès et Pédagogie et orientation. La bibliographie de l’ouvrage montre de manière explicite que les intérêts futurs de Dumont apparaissent déjà vers le début de la vingtaine : théologie, littérature ; on s’étonne en revanche de le voir comme critique musical en plus du fait que sa pensée sociologique relève plutôt d’un étudiant sensible à la cause de ses pairs que d’un commentateur des sociologues de son temps. La partie 1.1.2 fait état des mémoires et thèses de Dumont. On remarquera que sa thèse soutenue en Sorbonne 1967 et publiée en 1970 sous le titre de Dialectique de l’objet économique aux Éditions Anthropos est postérieure à son embauche comme professeur à l’Université Laval. C’était une époque où l’on embauchait les professeurs plus souvent sur la base de leurs travaux, ce fut le cas également de Claude Javeau, Raymond Boudon et Pierre Bourdieu.

La section 1.2 fait la liste des ouvrages de Dumont, 1 dans les années 1950, 3 dans les années 1960, dont leLieu de l’homme, et qui ont fait l’objet de rééditions y compris ses oeuvres poétiques.

La section 1.3 fait état des directions et codirections d’ouvrages scientifiques régulièrement entre 1962 et 1994 notamment avec Yves Martin, Jean Hamelin et Jean-Paul Montminy. À moins de 40 ans, Dumont avait déjà dirigé trois ouvrages collectifs, ce qui contredit l’affirmation selon laquelle on ne peut faire quelque chose de valable que lorsque l’on est vieux. La liste des articles de revues scientifiques, culturelles et générales comprend 158 articles de 1951 à 1997. Les domaines sont variés et impliquent l’économie, la théologie, la sociologie et l’histoire. Dumont publie beaucoup dans les revues Maintenant et Recherches sociographiques (qu’il co-fonde d’ailleurs). On ne note en revanche que des revues françaises et québécoises ce qui laissent à penser que Dumont s’est surtout fait connaître au Québec ou sinon tout au moins depuis le Québec, n’étant connu en France que par ses collègues et quelques spécialistes mais très peu d’étudiants, trop sollicités, on peut l’imaginer, par la prolifique tradition française.

La section 1.5 dresse la nomenclature des contributions à des ouvrages collectifs et à des actes de colloques. Les contributions de Dumont à des hommages sont particulièrement nombreux : Marcel Rioux, Maurice Lemire, Léon Dion, Louis-Albert Vachon et Lionel Groulx. La section 1.6 fait état des avant-propos, préfaces et comptes-rendus d’ouvrages de 1960 à 1994. De nombreux articles de journaux et de magazines sont répertoriés à la section 1.7 faisant état des textes parus dans Le Devoir, le Soleil et la Presse. Les publications plus nombreuses dans Le Devoir (41) montre l’engagement de Dumont vu la réputation de ce journal comme celle d’une tribune d’expression pour les intellectuels. La section 1.8 recense les rapports, tapuscrits et communications. La partie 2 est consacrée aux études sur l’oeuvre de Dumont que ce soit dans les dictionnaires et encyclopédies ou dans les ouvrages et numéros spéciaux de revues, lesquels se sont multipliés à partir de 1995. On fera remarquer le paradoxe qui fait que le premier ouvrage sur Dumont ait été publié par un anglophone, Michael Weinstein. En outre, les numéros spéciaux de revues sur Dumont ne sont que posthumes. En revanche de nombreux articles et textes scientifiques sont publiés à partir de 1972, bien que ce soit surtout avec l’hommage dirigé par Yves Martin et Simon Langlois (L’Horizon de la culture. Hommage à Fernand Dumont, 1995) que les articles sur Dumont se multiplient autant en sociologie générale, qu’en histoire, en théologie et sur l’engagement intellectuel de Dumont. On notera aussi des comptes-rendus nombreux du recueil de poésie de Dumont paru en 1952, l’Ange du matin. C’est son ouvrage posthume Récit d’une immigration qui fut le plus recensé avec 14 comptes-rendus. De nombreux mémoires de maîtrise et thèse sont aussi consacrés à son oeuvre à partir de 1988 tous au Québec sauf la thèse de Maxime Blanchard, André Malraux et Fernand Dumont, modèles de l’intellectuel engagé soutenue à Harvard en langue et littératures romanes en 2002. De nombreux comptes-rendus et hommages au sociologue sont listés. Suivent les documents audio-visuels dont La télévision est là (1967) réalisé avec Marshall McLuhan, Abraham Moles et André Sainte-Marie qui classe Dumont parmi les intellectuels importants de son temps. Le documentaire de « Fernand Dumont 1 » est sûrement l’une des traces autobiographiques les plus intéressantes produites du vivant de Dumont (1981). La partie 3 de l’ouvrage reprend par classement thématique les oeuvres de Dumont déjà répertoriées. Cela permet de constater que les écrits de Dumont ont porté sur la théorie de la culture, l’épistémologie des sciences humaines, la sociologie de l’économie, l’idéologie et la mémoire sociale (en 1963, il subit de Maurice Halbwachs, trop longtemps omise par les Québécois commentateurs des théories de Dumont sur la mémoire collective), l’histoire, la politique et la société québécoise, la question de l’éducation, la question linguistique, la politique québécoise et la question nationale, la théologie, la religion et l’Église du Québec, l’engagement intellectuel et son itinéraire intellectuel de 1969. L’ouvrage se poursuit avec le dossier de presse de Fernand Dumont, c’est-à-dire le rayonnement institutionnel et intellectuel par l’étude de la réception de son oeuvre. Cette partie inclut aussi les mémoires et thèses qu’il a dirigés. L’ouvrage se termine par les repères biographiques depuis sa naissance le jour de la fête nationale (24 juin) en 1927 jusqu’à son décès le 1er mai 1997.

Cet ouvrage qui précède de peu la publication des oeuvres complètes de Fernand Dumont aux Presses de l’Université Laval en cinq tomes contribuera nous l’espérons à mieux faire connaître la pensée de Dumont en donnant un outil bibliographique exhaustif et bien construit.