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Ce 11e ouvrage de la série rassemble huit contributions sur le problème de l’(in)égalité devant la santé ou la maladie selon le sexe (concept biologique) et le genre (concept social). L’originalité de cette publication provient de la confrontation des points de vue de chercheurs issus de disciplines complémentaires (anthropo-biologistes et socio-anthropologues), l’enjeu étant de décloisonner les disciplines en les faisant communiquer.

L’ouvrage rassemble quelques exemples pris dans les domaines de la santé et de la biodémographie, souvent bien connus des biologistes ou des socio-anthropologues, pour présenter des différences entre les sexes. Ces exemples concernent à la fois les enfants (différences de morbidité, de mortalité, d’état nutritionnel, entre garçons et filles) et les adultes (différence de prévalence des maladies cardiovasculaires, maladies sexuellement transmissibles, maladies mentales), ainsi que certains aspects de politique de santé (dirigés préférentiellement en faveur de l’un ou de l’autre sexe). Ils sont présentés et analysés au sein d’une culture particulière (la culture occidentale ou l’Asie du Sud) ou plus rarement par comparaison entre cultures.

Il ressort de ces exemples qu’en dehors des facteurs de risque liés au sexe biologique, le contexte social et culturel peut apporter un nouvel éclairage permettant de mieux expliquer les différences entre sexes en matière de santé et de maladie. Les rôles que joue au sein d’une culture chacun des deux sexes génèrent des différences de comportements qui se répercutent sur l’état de santé.

Ainsi, chez les enfants de l’Asie du Sud, le statut social et la charge économique futures que l’on attribue au garçon sont vraisemblablement à l’origine des comportements d’infanticide touchant les filles, du choix d’un régime alimentaire ou de pratiques de sevrage privilégiant les garçons.

Chez les adultes, pour des raisons biologiques (différences dans les sécrétions hormonales), les hommes sont davantage exposés au risque de maladies cardiovasculaires et de certains cancers, et les femmes plus exposées aux maladies auto-immunes surtout avant la ménopause. Le genre joue aussi un rôle important dans la susceptibilité différentielle à certaines maladies. Ainsi, le statut social de la femme, plus ou moins dévalorisé selon les cultures, est la conséquence d’une dépréciation plus ou moins consciente de ses activités domestiques et de ses devoirs d’épouse et de mère. Il s’ensuit que certaines manifestations cliniques de la pauvreté sont plus facilement considérées comme des maladies mentales chez la femme, la rejetant dans la spirale de la marginalité et de la déviance. En la rendant personnellement responsable de son état, de l’éducation de son enfant, sans tenir compte du contexte économique et social qui s’exerce sur elle, la société la rend plus vulnérable aux désordres psychiques. Confrontées à des désordres affectant la sphère génitale, les représentations culturelles qui touchent la reproduction et la sexualité empêchent les femmes d’accéder aux soutiens psychologiques, économiques et sociaux : on les accuse de violer les règles de chasteté, et l’état de culpabilisation permanente les rend plus susceptibles de recourir à la drogue. De façon analogue, certaines formes de possession observées dans les sociétés non industrialisées et qui touchent particulièrement les femmes ont été comparées à l’usage de drogues ou de somnifères dans les pays occidentaux. Dans ces pays, les femmes se retrouvent, comme d’autres groupes minoritaires considérés comme déviants, la cible de certaines politiques de santé élaborées par les hommes, qui cherchent à les guérir de leur soi-disant déviance et non à supprimer ce qui la cause.

La portée de cet ouvrage, fort pertinent quant au choix des exemples traités (bien que très classiques), se trouve limitée par les difficultés inhérentes à la réalisation d’une véritable interdisciplinarité. Il aurait gagné en crédibilité dans ce domaine par le développement d’exemples pris dans des cultures plus diversifiées et par l’insertion de références croisées entre les différents chapitres qui parfois se répètent. Néanmoins il faut saluer cet ouvrage de réflexion, bien documenté, dont l’approche bipolarisée saura intéresser les tenants de l’une ou de l’autre discipline.