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Tim Ingold, The Perception of the Environment. Essays in Livelihood, Dwelling and Skill. Londres et New York, Routledge, 2000, 465 p., illustrations, bibliogr., index.[Record]

  • Paul Charest

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  • Paul Charest
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Sainte-Foy (Québec) G1K 7P4
    Canada

Tim Ingold est un auteur prolifique qui a fait sa marque non seulement dans l’anthropologie britannique, mais aussi au niveau international, principalement par la publication d’ouvrages collectifs sur les chasseurs-cueilleurs et sur les débats actuels en anthropologie. Dans ce nouvel ouvrage sur la perception de l’environnement, il rassemble 23 de ses textes présentés lors de conférences entre 1989 et 2000 et pour la plupart déjà publiés. Débordant nettement le sous-champ de l’anthropologie écologique, il y élabore une théorie générale transdisciplinaire des rapports entre l’homme et son milieu ambiant, naturel, social et culturel. Selon sa propre explication, cette vision globale lui est venue tout d’un coup un jour pluvieux d’avril 1988 : « it suddenly dawned on me that the organism and the person could be one and the same » (p. 3). C’est pourquoi l’analyse de la vie humaine ne devrait pas se faire selon un découpage disciplinaire, mais plutôt de façon intégrée : « Crucially, such a synthesis would start from a conception of the human being not as a composite entity made up of separable but complementary parts, such as body, mind and culture, but rather as a singular locus of creative growth within a continually unfolding field of relationships » (p. 4). Depuis cette révélation, Ingold n’a eu de cesse d’explorer différentes dimensions de cette nouvelle approche analytique. Les résultats de sa démarche sont regroupés ici sous trois termes ou thèmes : « livelihood », « dwelling », « skill ». La partie sur les moyens de subsistance aborde sous différents angles la façon dont les êtres humains se relient aux autres composantes de leur environnement à travers leurs activités d’acquisition. L’auteur y aborde plusieurs thèmes courants des études sur les chasseurs-cueilleurs : la naturalisation de leur économie sous la rubrique « fourageurs » par le courant de l’écologie évolutionnaire ; l’historique des relations homme-animal et la transformation de ces relations avec l’avènement du pastoralisme ; la notion de domestication et la dichotomie entre collecte et production ; la notion d’engagement et les différentes approches de la compréhension de l’environnement par les chasseurs-cueilleurs et la science moderne ; la complémentarité entre art et science ; les concepts d’ancestralité, de génération, de substance, de mémoire et de terre ; l’idée de la nature non transformée par les chasseurs-cueilleurs. La notion d’« engagement » m’apparaît centrale chez Ingold et il la définit par la façon dont les chasseurs-cueilleurs perçoivent leur environnement à travers leurs pratiques par opposition à une vision plus classique voulant que leur perception découle de la reconstruction de la réalité exprimée en termes métaphoriques. Dans la deuxième partie de son livre, Ingold oppose la perspective « résidentielle » (« dwelling perspective ») à la perspective « constructiviste » (« building perspective »). La première aborde l’immersion de l’organisme-personne dans l’environnement du milieu de vie comme une condition sine qua non de l’existence alors que, selon la seconde, les gens construisent leur monde, en toute conscience, avant de pouvoir agir en lui. Dans le chapitre 9 qui sert d’introduction à cette partie, l’auteur expose et critique différentes théories de la perception et de la cognition en partant de la question suivante : « pourquoi les gens de différents contextes culturels perçoivent-ils le monde de différentes façons? » (p. 153). Les cinq autres chapitres de cette partie abordent des thèmes comme la temporalité des paysages, la topologie de l’environnement, l’utilisation des cartes et la façon de retrouver son chemin, la vision, l’ouïe et le mouvement humain, la manière dont les animaux et les personnes se façonnent une niche dans le monde. En tant qu’anthropologue écologiste je me sens …