Comptes rendus

Yvan Lamonde, Allégeances et dépendances. L’histoire d’une ambivalence identitaire. Québec, Nota Bene, 2001, 266 p., bibliogr., index.[Record]

  • Jocelyn Létourneau

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  • Jocelyn Létourneau
    Titulaire, Chaire de recherche du Canada en histoireet économie politique du Québec contemporain
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Yvan Lamonde compte à l’heure actuelle parmi les principaux penseurs de la condition identitaire des Québécois dans le temps. Dans cet ouvrage agréablement écrit, il explicite en long et en large cette formule — Q = (F)+(GB)+(USA)2-R — qui, exprimant apparemment les composantes historiques de l’identité québécoise, a rendu ses travaux attrayants auprès des chasseurs d’idées et du public en général. Selon Lamonde, il faudrait, pour saisir et comprendre la spécificité de l’identité québécoise, dont l’une des expressions cardinales est l’ambivalence politique et culturelle, revenir sur les influences et les héritages relatifs qui ont modelé la condition historique des Québécois. Ainsi, la marque de la France (F) devrait être ramenée à de plus justes proportions tout en demeurant la principale. Pour sa part, la Grande-Bretagne (+GB) devrait obtenir plus d’égards de la part des « conquis » compte tenu de l’influence générale qu’ont exercée les Britanniques sur la société, la culture et la mentalité politique des Québécois. Il en va de même pour les États-Unis, et doublement (USA)2, car pour Lamonde la québécité se veut au fond une forme d’américanité. A contrario, il faudrait diminuer la part romaine (-R) de l’identité québécoise. Pour l’auteur, les positions de Rome et du Vatican à l’égard du Canada français et du Québec se révèlent en effet contraires aux attentes et idées reçues. Fait à noter, Lamonde ajoute à son équation une nouvelle variable — un © — pour, dit-il, « tenir compte de la composante canadienne de l’identité et de l’ambivalence québécoise ». (Et l’amérindianité, où l’auteur la situe-t-elle?) En réalité, Lamonde n’approfondit pas beaucoup l’idée de canadianité dans son ouvrage. Le chapitre dans lequel il en traite n’a d’ailleurs pas la qualité des autres. Pour Lamonde comme pour la très grande majorité des analystes, la dimension canadienne de l’identité québécoise reste le talon d’Achille de leur travail de conceptualisation de la condition identitaire québécoise. L’un des éléments les plus intéressants de l’exercice interprétatif auquel se livre l’auteur est cette idée voulant qu’il soit préférable, pour penser l’identité québécoise, d’adopter un point de vue postcolonial. Il est dommage que Lamonde n’ait pas été au bout des possibilités épistémiques ouvertes par cette intuition. Pour lui, l’attitude postcoloniale renvoie à la nécessité, pour l’interprétant, de se dégager de tout impératif métropolitain, c’est-à-dire, si je comprends bien le sens de son argumentation, de ne pas embrasser la condition québécoise à partir de la simple perspective d’une seule métropole, par exemple la France, mais de la saisir à partir des héritages de plusieurs cultures, projets et répertoires de références, ceux de la France et de la francité bien sûr, mais ceux de la Grande-Bretagne et de la britannité, des États-Unis et de l’américanité, et du catholicisme et de la romanité aussi. Suivant cette perspective, l’identité québécoise ne se serait pas constituée historiquement comme l’extension blême, dans le nord de l’Amérique du Nord, d’une francité, d’une britannité, d’une romanité ou d’une américanité étatsunienne. Elle se serait plutôt élevée, à partir de ce quadruple héritage notamment, comme une construction singulière et originale, construction possédant sa propre focale et cherchant sa propre voie dans l’étendue indéfinie des devenirs possibles. Quelle est cette focale et quelle est cette voie? Lamonde, par honnêteté intellectuelle et par humilité sans doute, ne va pas jusqu’à les nommer ou les identifier, ce qui serait dicter un sens global à l’aventure québécoise et ce qui serait aussi lui prescrire une trajectoire d’avenir. En fait, Lamonde garde ouverte — à regret parfois, on le sent — la question de l’identité québécoise. Il se contente, ce qui est déjà beaucoup, de mentionner et de …