Comptes rendus

Bernard Arcand et Serge Bouchard, Cow-boy dans l’âme. Sur la piste du western et du country. Montréal, Éditions de l’Homme, 2002, 235 p., illustr., photogr., bibliogr., index.[Record]

  • Éric Gagnon

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  • Éric Gagnon
    CLSC-CHSLD Haute-Ville-des-Rivières
    Direction de l’enseignement et de la recherche
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    Canada

Catalogue d’une exposition tenue au Musée de la civilisation de Québec en 2002, ce livre est beaucoup plus qu’un guide d’exposition. C’est une fort belle et fort bonne étude ethnographique du country et du western, de leur place dans la culture américaine et de leur diffusion universelle. Mieux qu’une simple monographie, c’est l’étude d’un mythe et de son immense succès planétaire que nous proposent les auteurs, tous deux anthropologues. Ils posent en effet une question toute simple, mais de celles que se posent souvent les ethnologues à propos des phénomènes qu’ils observent, particulièrement les croyances religieuses ou les idéologies : comment a-t-on pu, et peut-on encore croire, à un mythe aussi faux? Ou comment une histoire faite surtout de misères, devient un mythe héroïque, puis une marchandise? Du chapeau Stetson aux scènes épiques du cinéma western en passant par le rodéo, très peu d’éléments de l’imaginaire Cow-boy trouvent leur origine dans la conquête de l’Ouest ; la plupart des éléments sont d’invention tardive, parfois récente, et de provenance fort éloignée parfois des plaines du Kansas et du Wyoming. De l’« Indien », invention d’une altérité à partir de divers éléments et surtout de beaucoup d’imagination, au récit des exploits de Jesse James, brute transformée en une sorte de Robin des Bois, tout semble faux en effet. L’écart entre le mythe et le réel est très grand. Pour comprendre comment « un bon mythe peut être totalement inventé » et « demeurer en même temps parfaitement authentique » (p. 33), nos deux ethnologues ne vont pas tant explorer sa genèse que relever et analyser ses thèmes : les décors (la Frontière, Little House on the Prairie, la ville western), les personnages (le shérif, le bandit, le colon, les Indiens), les emblèmes (pistolet, cheval, chapeau, bottes) et les légendes (le Wild West Show de Buffalo Bill, les films de John Wayne). Le parcours est très intéressant, le texte est plein d’observations intelligentes, et non dépourvu d’humour. Le livre est également plaisant à feuilleter, il est important de le dire, en raison de l’abondante iconographie intelligemment choisie et reproduite avec soin ; les vignettes qui accompagnent les images, et dont on doit la rédaction à Anouk Gingras et Marie-Charlotte De Koninck, sont toujours intéressantes et instructives. Le risque d’une telle démarche est de faire de l’objet une caricature, et malgré leur efforts pour éviter une telle simplification et un certain snobisme, nos auteurs finissent peut-être par donner de nombreux arguments à ceux qui identifient le country au kitsch absolu. Dans le chapitre consacré à la chanson, par exemple, l’on insiste de manière un peu trop appuyée sur la simplicité de la musique et des paroles : « Nous sommes loin de Lamartine lorsque l’on écoute Johnny Cash » (p. 187). C’est la quasi-totalité des accords et des refrains de toutes les musiques populaires, qu’il faudrait alors qualifier de simplistes. Mais loin de s’en tenir à un jugement sur la fausseté du mythe, Arcand et Bouchard vont chercher à le comprendre, c’est-à-dire à y reconnaître une part d’eux-mêmes, un rêve que nous partageons tous un peu, de Paris à Tokyo. Le mythe, remarquent-ils, comporte deux versants, deux morales. La première est bien représentée par le cinéma western, c’est celle de l’homme solitaire et sans attache, endurant et courageux, silencieux et triste, l’incarnation de la liberté, qui entretient chez nous tous le désir de sortir de l’ordinaire et du quotidien, et l’espérance que le Bien peut réussir à vaincre le Mal. Le cow-boy solitaire est « promesse de libération » (p. 218). La seconde morale, dont la chanson country fournit la plus belle expression, est …

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